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Couverture Universelle en Afrique Francophone – Vers le système  apprenant : le cas du Bénin

3/27/2017

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Par Charles Patrick MAKOUTODE, Edgard-Marius D. OUENDO, Justin Adanmavokin SOSSOU, Evelyne AKINOCHO, Prince ADJOVI et Rodrigue HOUNTY
Un précédent blog post vous a présenté les objectifs de l’étude multi-pays sur les capacités d’apprentissage des systèmes CSU. Dans ce billet de blog, nous vous présentons les résultats de l’étude dans notre pays, le Bénin. Nous identifions aussi des pistes d’action. Le rapport complet de notre recherche est accessible ici.

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Le Bénin, comme de nombreux pays, est aujourd’hui engagés sur la voie de la Couverture Sanitaire Universelle (CSU). Il semble désormais acquis qu’il n’existe pas « un » mais « des » chemins pour parvenir à la CSU. Ce chemin propre n’est pas facile à trouver. Comme tout autre pays, le Bénin va devoir développer une forte capacité à rassembler l’information pertinente, à l’interpréter et à prendre des décisions en concordance. Soit les trois grandes caractéristiques d’une démarche apprenante.

Engagé dans la mise en place d’un  ambitieux plan RAMU, le Bénin était donc heureux de participer à l’étude multi-pays CUAF. Cette participation a été rendue possible grâce au soutien de la GIZ, dans le cadre de l’initiative P4H.

 Pour rappel, le principal objectif assigné à cette recherche multi-centrique était de documenter dans quelle mesure les systèmes ‘CSU’ des pays participants à l’étude répondaient aux critères du modèle d’un Système Apprenant (pour une présentation plus développée de la démarche, voir ce blog précédent).

Collecte et analyse des données au Bénin

La conduite de l’étude au Bénin s’est déroulée en six phases: (1) l’appropriation et contextualisation de l’outil par tous les membres de l’équipe; (2) l’identification de l’échantillon des informateurs-clés actifs au cœur du système CSU;  (3) la sensibilisation des acteurs (l’équipe a profité au tant que faire se peut, de l’opportunité des réunions statuaires sectorielles telles que le Comité de Direction, des ateliers, les réunions des partenaires); (4) l’administration des questionnaires aux personnes ressources identifiées; (5) l’analyse des données et rédaction du rapport provisoire; et (6) l’atelier de validation des résultats par des acteurs ayant participé ou non à l’enquête.

Au total, 31 personnes sur des 48 personnes initialement identifiées ont été interviewées, soit  64,5%. Les personnes non atteintes étaient : les membres du Conseil d’Administration de l’ANAM (non fonctionnel), les députés membres de la commission des affaires sociales et des lois ainsi que le représentant des syndicats. Le contexte politique tendu de pré-campagne des élections présidentielles de février 2016 a été pour beaucoup dans cette participation un peu plus faible qu’espérée.

Résultats principaux

Nous vous invitons bien sûr à lire notre rapport. Dans ce billet de blog, nous allons juste revenir sur les résultats qui nous semblent les plus importants. Sachez que le score maximal que notre « système CSU » pouvait avoir était de 7, à chaque fois. A notre avis, un score en-dessous de 5 témoigne d’une situation problématique.

B1 : Leadership en faveur de l’apprentissage
Vingt questions du questionnaire portaient sur le leadership. Vous reconnaîtrez que demander à des acteurs de rendre un avis sur le leadership pour la CSU n’est pas chose courante ! 
À la lumière des résultats obtenus, le leadership en faveur de l’apprentissage pour la CSU a eu un score de 4,93. Selon nous, c’est un score insatisfaisant. Quand on regarde les questions en détail, on constate que nos répondants identifient des points forts (par exemple, au niveau de la volonté politique en faveur de la CSU), mais aussi des points faibles.. On notera en particulier l’insuffisante coordination entre les acteurs censés conduire l’agenda national (notamment sur la signification même de la CSU et sur les messages à délivrer aux média). La longue et infructueuse saga du RAMU a probablement contribué à cette évaluation négative.

B2 : Environnement et culture organisationnels supportifs
La moyenne globale au niveau de ce bloc de 31 questions est  de 5,06. Ainsi, nous avons au total 14 réponses en-dessous du seuil de 5 contre 17 au-dessus. Parmi les points de satisfaction, on notera par exemple le fait qu’il est aisé de solliciter de l’expertise de pointe, notamment grâce aux partenaires. Par contre, on peut noter  plusieurs  scores trop bas. Il s’agit notamment de la culture technique en faveur de la CSU. Des renforcements de capacité systémiques sont nécessaires à ce niveau : selon nos répondants, nous devons progresser dans notre usage des données quantitatives, apprendre à développer des scenarios et faire des simulations chiffrées, mieux saisir les gains liés aux technologies de l’information et de la communication. Cette plus grande maîtrise technique aidera les conducteurs nationaux à avoir une relation plus équilibrée avec leurs partenaires techniques et financiers (notre étude montre que les contributions de ces derniers sont appréciées).

B3 : Processus et pratiques d’apprentissage
Le score (4,9) au niveau du bloc « processus et pratique d’apprentissage » est en dessous du score de 5 retenu comme seuil. Notre étude suggère plusieurs pistes d’amélioration. Il s’agirait notamment de mettre en place un agenda d’apprentissage propre à la CSU, d’assurer un meilleur usage de certaines méthodes (ex. résolution de problèmes), favoriser l’expérimentation et s’assurer que les experts seniors ne partent pas à la retraite sans avoir transmis leurs savoirs.

Observations faites durant l’atelier de validation

Cette étude était le premier travail d’évaluation des capacités apprenantes du système CSU du Bénin. Les scores obtenus ont été partagés avec des experts CSU nationaux lors d’un atelier de validation à Cotonou les 13 et 14 juin 2016 (1). Les participants ont été répartis en trois groupes (un par ‘bloc’ de notre cadre d’analyse). Ensemble, ils ont passé en revue les scores de leur bloc, ont pu les commenter, mais aussi les interpréter ou parfois les contester sur base de leur propre expérience. Les connaissances et commentaires qui ont  émergé de ces travaux de groupe  ont inspiré les points ci-dessous.

Du leadership en faveur de l’apprentissage: Les participants ont en fait trouvé le score de 4,93 pour le leadership flatteur. Selon eux la situation est plus problématique. Les participant ont confirmé que les différents acteurs de la CSU au Bénin n’ont pas le même niveau de compréhension, ni une compréhension commune, du concept de la CSU et de ses objectifs. En conséquence l’absence d’un pôle unique de validation des messages à transmettre aux médias sur la CSU explique les contradictions dans le contenu des messages portés au grand public sur l’agenda de la CSU. Ils ont noté une prise de conscience  au niveau de l’Etat et des leaders politiques par rapport à la nécessité de la CSU, mais ces derniers font preuve de peu de réalisme et de patience dans la conduite de l’agenda CSU en ne cherchant pas de réponses rigoureuses aux questions stratégiques. Les participants se sont aussi plaint de la gestion autocratique sur la CSU et de la trop faible mobilisation des techniciens et experts nationaux. Ils ont attribué cela au profil trop souvent techniquement faible des personnes aux postes de décision. En effet, les  nominations  sont politisées et faites sans attention aux procédures classiques de recrutement en fonction du profil du poste. En conséquence, en lieu et place de techniciens pointus capables de constituer une locomotive pour tirer le wagon de la CSU il y a plutôt à la tête des organisations des politiciens peu au fait des enjeux techniques de la CSU.

De l’environnement et de la culture organisationnels supportifs à l’apprentissage pour la CSU: Nous avons vu plus haut que l’environnement et la culture organisationnels supportifs au Bénin a eu un score de 5,06. Mais à nouveau, les participants  ont trouvé ce score flatteur. Plusieurs points à améliorer ont été discutés par les participants. Aujourd’hui, dans l’administration publique, le développement du personnel n’est pas un centre d’intérêt stratégique ; la capitalisation des acquis n’est pas une réalité. Les compétences nationales sont peu valorisées. Ils ont souligné la très faible implication des institutions de recherche et de formation dans la mise en route de la CSU. Par ailleurs, l’information qui devrait être perçu comme un facteur de cohésion et de renforcement des acteurs de la CSU est vue comme un facteur de pouvoir, une arme contre les collaborateurs. En conséquence les différents acteurs de la CSU travaillent  en silos. Enfin, les participants à l’atelier ont évoqué une absence d’outil de recherche et d’évaluation performant favorisant la capitalisation et l’innovation dans les organisations en charge du CSU. 

Du processus et de la pratique de l’apprentissage: Le processus et pratiques d’apprentissage au Bénin a eu un score de 4,95, donc insatisfaisant, que les participants à l’atelier trouvent dans l’ensemble proches de la réalité. Les participants ont confirmé que le partage d’expérience entre pairs et le transfert de connaissance entre générations n’est pas une réalité au Bénin. Trop de personnes préfèrent garder la connaissance et le savoir pour eux ; même à l’approche de la retraite, il n y a aucune pression sur nos ‘seniors’: ils partent à la retraite avec leurs connaissances ‘sous le bras’. Une autre raison évoquée est que très peu de données quantitatives et qualitatives sont disponibles à tous les niveaux de la pyramide sanitaire sur la mise en œuvre du processus CSU au Bénin. Ce manque d’information de qualité sur le processus CSU à tous les niveaux a été aggravé par le flou orchestré autour des multiples lancements du RAMU au Bénin pour rien. Enfin, dans les structures publiques et spécifiquement au niveau central et intermédiaire, très peu de mécanismes existent pour identifier et promouvoir les bonnes pratiques. Pourtant une culture de transparence, de la disponibilité et du partage d’information quantitative et qualitative basée sur les données probantes est le seul gage d’un processus apprenant et d’une mise en œuvre efficace et efficiente de la CSU.

Conclusion et recommandations

Cette étude a permis  d’évaluer le processus de mise en route de la CSU dans notre pays. Dans l’ensemble, notre système CSU dispose des éléments requis pour être un système apprenant, mais il est loin d’être un modèle de «système apprenant complet». Cela nous laisse une grande marge d’amélioration. Surtout que la mise en place du dispositif de la CSU est un long chemin à parcourir et requiert un modèle propre au pays et construit sur l’existant.

Sur base des scores produits par cette étude et leurs propres observations, les participants à l’atelier de validation ont émis les recommandations suivantes à destination des acteurs de la CSU. Ces derniers doivent s’engager dans :

• la formation des acteurs (à tous les niveaux de la pyramide sanitaire) sur les enjeux de leadership, du management des ressources humaines, du fonctionnement en équipe de travail et de la recherche-action;
• un plaidoyer à l’endroit du gouvernement en vue de la dépolitisation de l’administration et pour la mise en concurrence lors du recrutement aux postes techniques. Ce plaidoyer peut être conduit avec l’appui de la société civile;
• le coaching et la supervision à travers une équipe restreinte (avec un cahier de charge) pour assurer la veille stratégique sur la capacité d’apprentissage systémique en vue d’optimiser le processus de mise en place de la CSU;
• la mise en place, en collaboration avec le Hub CoP Bénin, d’une plate-forme interactive de formation, de coaching et de diffusion des résultats et progrès réalisés dans l’apprentissage;
• la collaboration avec l’équipe de coordination internationale des CoPs en vue de la mise en place d’un groupe de travail d’experts africains sur l’organisation apprenante en matière de CSU;
• l’audit de toutes les stratégies existantes en vue de ressortir les goulots d’étranglement et y apporter des corrections.

(1) Note: notre étude a été conduite en période de campagne électorale. L’atelier, lui, s’est tenu après la défaite du président aux élections présidentielles et la mise en place donc d’un nouveau gouvernement.


Le rapport de l’étude « Bénin » est accessible ici.


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Financement de la santé en Afrique Francophone : l’écheveau de des régimes comme point de départ pour la couverture sanitaire universelle

9/17/2014

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Allison Kelley

Pendant un an, des experts issus de 12 pays d’Afrique Francophone (1), ont collaboré sur un projet relatif à la fragmentation dans le financement de la santé dans leurs pays. Dans ce billet de blog, le premier d’une série, Allison Kelley présente les principaux résultats de la première phase du projet et plus particulièrement l’analyse transversale des études-pays. 


En novembre dernier sur ce blog, nous vous avions présenté un projet collaboratif que deux CoP (financement basé sur la performance et accès financier aux services de santé) lançaient sur la problématique de la Couverture Sanitaire Universelle.

Ce projet, financé par le Fond Français Muskoka et l’ONG Cordaid, était pour les CoPs une première : il s’agissait de tester notre capacité à mener à bien un travail de documentation d’une situation particulière (la fragmentation du financement de la santé) dans un grand nombre de pays. Notre hypothèse est que par leur nature et le réseau qu’elle constitue (la CoP FBP compte désormais 1.500 experts, la CoP AFSS 800), les CoPs peuvent compléter les travaux de recherche et de documentation mené par les autres acteurs (centres de recherche, agence de l’aide…).  Dans ce premier blog, nous partageons avec vous les résultats de l’analyse transversale des études-pays.

La Couverture Sanitaire Universelle : un gros malentendu

Par définition, progresser vers la couverture sanitaire universelle (CSU) revient à progresser sur au moins trois grandes dimensions : (1) le nombre de personnes couvertes (2) la composition et la qualité du panier de services de santé auxquelles elles ont droit, et (3) la réduction de la contribution financière directe engendrée par le recours aux soins. Cette progression est souvent mal comprise, certains pensent par exemple que progresser vers la CSU consiste à introduire un système d’assurance obligatoire universelle unique. La vérité est que dans chaque pays, grâce aux régimes de financement de la santé (RFS) existants, la population bénéficie déjà, dans une certaine mesure, d’une couverture. Progresser vers la CSU consiste donc bien plus à apporter cohérence et efficience dans la combinaison de ces RFS déjà en place que lancer un RFS de plus.

La situation dans 12 pays d’Afrique Francophone

A titre de rappel, l’objectif de cette première phase de notre projet « Muskoka » était d’établir la cartographie des régimes de financement de la santé présents dans 12 pays africains francophones, soit presqu’un quart du continent. Pour atteindre une destination comme la CSU, il faut d’abord connaître avec précision son point de départ !

Le rapport des résultats de la première étape est désormais disponible (voir la rubrique "Resources" de ce site). L’analyse transversale capitalise sur la documentation individuelle de chaque pays par des experts nationaux des CdP. (3) Cette phase a été riche de leçons. Elle confirme que nous sommes bien face à des écheveaux de RFS.

* Notre étude a confirmé la grande fragmentation des RFS aujourd’hui dans les pays africains. Selon notre méthode de comptage, nous avons en moyenne 23 RFS par pays.

* Au-delà du simple comptage (qui nous a déjà bien occupé), dresser cette cartographie a été plus difficile que prévu : dans plusieurs pays, nous avons buté contre le problème de la disponibilité des informations sur les mécanismes de financement de la santé. L’information financière est souvent lacunaire. Cela freine le leadership de l’Etat dans le pilotage de la CSU et entrave une bonne compréhension à tous les niveaux de cette situation complexe, et donc aussi une meilleure articulation des mécanismes de financement.

* De fait, nos cartographies montrent que dans beaucoup de pays, coexistent simultanément des « trous »  dans la couverture de la population (personnes non couvertes ou très peu couvertes) et des redondances (certains groupes bénéficiant d’une possible prise en charge par plusieurs RFS). On peut citer l'exemple d'une fonctionnaire qui dispose d'une assurance-santé et accouche dans un hospital où l'accouchement est gratuit. La verticalité au niveau des prestations prise en charge et la sélectivité des populations ciblées se traduisent en couverture très partielle, qui ne garantissent pas une continuité dans la prise en charge thérapeutique.

* Nous avons également constaté un manque de cohérence en termes de prévisibilité et régularité des modalités de financement des structures de soins; cela constitue un obstacle important à l’extension effective de la CSU.

* La majorité de ces RFS ont un financement dépendant de l’extérieur. Cela a une influence considérable sur la structure du financement de la santé et aggrave non seulement le problème de fragmentation, mais aussi celui de gouvernance du financement de la santé. Le rôle dominant des programmes spécialisés entraine la verticalisation de la prise en charge et le manque de centralisation au niveau du Ministère de la Santé des informations, notamment financières, gérées par les bailleurs extérieurs.

Défi commun, mais chemin individuel vers la CSU…

Le résultat général de cette phase est de faire ressortir un défi commun aux 12 pays de l’étude.  Cette profusion de RFS, mais aussi les insuffisances actuelles au niveau de leur coordination (comme le prouve l’absence de données centralisées et ouvertes à tous), nous laissent penser que dans de nombreux pays, progresser vers la CSU va être complexe : il va falloir remettre de l’ordre dans tous ces RFS : en fusionner certains, en arrêter d’autres…

Pour faire cela, il va falloir mettre de nombreux acteurs, autour de la table, plusieurs ministères et agences publiques, mais aussi des programmes multiples et leurs partenaires techniques et financiers, des organes privés (comme les mutuelles), des représentants des associations professionnelles...

Le défi est qu’il n’existe pas de solution unique en guise de chemin vers la CSU. Chaque cas sera particulier.

Nous avons une certitude, et elle est valable pour tous les pays: la progression vers la CSU va nécessiter les gouvernements, et les Ministres de la Santé en particulier, à développer une grande capacité à collecter de l’information, à l’interpréter et à prendre des décisions en concordance. La gestion des connaissances et l’aptitude à analyser sa situation, les forces, contraintes, opportunités et menaces seront des conditions nécessaires pour progresser vers la CUS.

Comme vous le lirez dans un prochain blog, cette analyse a grandement déterminé notre réflexion pour ce qui devra la seconde phase de ce projet mené par les CoPs. 



Pour accéder au rapport: cliquer ici.

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Un Fonds mondial pour la santé: vers une responsabilité véritablement partagée

3/13/2014

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Isidore Sieleunou

Dans un document de travail récent du Chatham House, Gorik Ooms (IMT) et Rachel Hammonds (IMT) ont exploré si un Fonds mondial pour la santé était une option réaliste à moyen / long terme, à la fois du point de vue des pays «donateurs» et «partenaires ». Isidore Sieleunou a eu un entretien avec le premier auteur. Gorik zoome sur certains des messages clés, les compromis politiques inhérents et les conséquences.

Votre papier est opportun, en ce moment où le débat sur le financement durable de la santé (post-2015) prend de l'ampleur (voir par exemple le thème de la prochaine conférence du PMAC: "Santé Mondiale après 2015: accélérer l’équité"). Pouvez-vous résumer les messages clés du papier?

Un Fonds mondial pour la santé améliorerait considérablement l'efficacité de l'aide internationale pour la santé, en particulier parce que cela accroîtrait la prévisibilité de l'aide sur le long terme, ce qui est essentiel pour l'aide internationale, y compris la planification à long terme.

Il y a des inconvénients pour les pays récipiendaires de l'aide: par son ‘pouvoir de marché’, un Fonds mondial pour la santé serait en mesure d'imposer des conditions que ne peuvent pas imposer une multitude de «donateurs». Mais les avantages l'emportent sur les inconvénients. Comparez-le avec la différence entre la charité et la protection sociale: vous n'avez pas besoin d'être membre de quoi que ce soit pour recevoir la charité, mais vous ne pouvez pas compter sur la charité; pour être inclus dans un régime de protection sociale, vous devez remplir certaines conditions, ce qui peut être gênant.      

Vous soulignez que l'intérêt politique d'un Fonds mondial pour la santé peut provenir d'un coin inattendu - plus particulièrement, vous voyez le problème du réchauffement climatique comme une bonne occasion. Pourriez-vous nous dire pourquoi le changement climatique pourrait aider les pays à se rallier derrière un Fonds mondial pour la santé?

Le changement climatique modifie la nature de la relation entre les pays. Les OMD portent sur la réduction de la pauvreté – ce qui divise le monde en donneurs et receveurs. Les ODD (objectifs du développement durable) sont en lien avec ​​le changement climatique, qui affecte tous les pays et exige des efforts de tous les pays.

En dépit de l'urgence du défi climatique, la priorité pour les pays en développement reste le développement et la réduction de la pauvreté. L’atténuation du changement climatique semble être une idée farfelue pour la plupart des dirigeants africains. Gardant à l'esprit la priorité relativement faible du changement climatique pour les dirigeants africains, qu’est-ce qui vous fait penser que relier un Fond Mondial pour la santé au changement climatique pourrait changer le jeu dans les négociations politiques pour la période post-2015?

Précisément parce que le défi climatique est une priorité plus élevée pour les pays les plus riches, il met les pays pauvres dans une position de négociation plus forte. Ils peuvent dire: "Si vous voulez une responsabilité partagée pour la durabilité de l'environnement, vous devrez accepter la responsabilité partagée de la durabilité sociale. Nos électeurs n’accepteront aucun accord mondial sur le changement climatique pouvant avoir un impact négatif sur notre croissance économique s'il n'y a pas de compensation ".

Pensez-vous qu’il y ait beaucoup de ‘preneurs’ dans les pays du Sud pour un tel mécanisme de solidarité sociale dans le monde, avec les pays qui auront besoin d'argent sur ​​une base permanente, au moins pour quelques décennies? Autrement dit, même si vous estimez que les pays passent de statut de bénéficiaire à celui de donateur (ou même pour les bénéficiaires qui deviennent des «bailleurs de fonds» parce que mettant un petit montant dans le Fond), on aura toujours des pays qui resteront principalement des bailleurs de fonds tandis que d'autres seront essentiellement bénéficiaires. Comment voyez-vous cette idée de l'ajustement de l'aide permanente avec l’idée que maintenant que de plus en plus de pays africains disent qu'ils veulent, à moyen terme, se débarrasser de l'aide au développement, car ils estiment qu'elle est condescendante et les maintient dans une relation de dépendance?

Je peux facilement comprendre la réticence des pays du Sud. Jusqu'à présent, l'aide internationale a été comme un organisme de bienfaisance. Si j’étais en position d'être dépendant de la charité, ma première ambition serait d'être dans une position où je n'aurais plus besoin de la charité.

Mais ma question aux dirigeants des pays du Sud serait: «Comment voulez-vous vous comporter lorsque vous aurez terminé votre dépendance à l'aide? Voulez-vous vous comporter comme les pays les plus riches le font aujourd'hui, et distribuer la charité, ou allez-vous viser quelque chose de mieux, comme la protection sociale mondiale? "Je pense que l'idée de la protection sociale dans le monde s'intègre très bien avec le concept africain de Ubuntu.

Jusqu’ici les chiffres et les estimations ne reflètent que la première étape de la transformation de la charité globale vers la protection sociale au niveau mondial. Je pense que nous devrions passer très rapidement à un régime sous lequel tous les pays contribuent progressivement - la différence entre les deux est illustrée par l'annexe 1 et l'annexe 2.

Dans le contexte géopolitique actuel, comment jugez-vous l'attractivité d’un «Fond mondial pour la santé» pour les pays ‘BRICS’ (Brésil, Russie Inde, Chine et Afrique du Sud)?

Il existe une pression croissante dans les pays ‘BRICS’ pour l’accroissement de la protection sociale - et donc d'augmenter la fiscalité nécessaire pour financer la protection sociale. Ce n'est pas facile, en raison de la concurrence fiscale entre les pays: les pays veulent garder une assez faible imposition pour attirer les investissements. Un fond mondial pour la santé n’organiserait pas seulement des transferts, il fixerait des objectifs pour les niveaux de protection sociale nationaux, et cela permettrait d'atténuer la concurrence fiscale, ce qui est attrayant pour les pays qui souhaitent augmenter le niveau de protection sociale, mais seulement si leurs 'rivaux' économiques en font de même.

En outre, il y a différentes idées pour financer un Fond Mondial pour la santé. Simon Caney - professeur de théorie politique et justice sociale mondiale à Oxford - propose de distribuer les droits mondiaux d'émission par un mécanisme d'enchères. Les pays ou les entreprises qui sont les plus en mesure de «transformer» les émissions de gaz à effet de serre en avantages économiques seraient prêts à payer le prix fort. Le procédé pourrait financer un fond « environnement vert et social », y compris un fonds mondial pour la santé. Ce pourrait être beaucoup plus attrayant pour les pays BRICS que les plafonds d'émission par pays qui sont actuellement sur ​​la table de négociation.

Un certain nombre de bailleurs de fonds et acteurs internationaux soutiennent que l'idée d'un Fond mondial pour la santé reste une approche plutôt monopolistique. La compétition des idées, des mécanismes de financement et des produits, conduisent souvent à de meilleurs résultats, disent-ils. Que répondriez-vous à eux? Pensez-vous qu’un Fond Mondial pour la santé pourrait affecter la qualité de l’aide au développement en santé dans un sens négatif en raison du manque de concurrence? Ou est-ce l'inverse?

Encore une fois, comparons la avec la différence entre la charité et la protection sociale. Sous la charité, tous les gens riches donnent autant qu'ils veulent, quand ils veulent, à qui ils veulent. Certaines personnes riches peuvent être généreux, et peuvent devenir moins généreux si on leur demandait ou contraignait de payer plus d'impôts pour financer la protection sociale. La «concurrence» entre Bill Gates, Warren Buffett et d'autres personnes riches peut avoir certains avantages qui risquent de disparaître. La protection sociale nécessite une coordination: une entité centrale qui perçoit les cotisations et décide comment redistribuer. Il semble probable que certains pays ou certains problèmes de santé particuliers subiraient des conséquences négatives, mais dans l'ensemble, je préférerais toujours être un membre d'un régime de protection sociale, que d'être le bénéficiaire de la charité.

Vous avez travaillé sur la responsabilité sociale collective, y compris cette idée d'un Fond Mondial pour la santé, pour une partie importante de votre carrière. Etes-vous optimiste quant aux perspectives de la solidarité dans le monde entier, ou la pérennité sociale comme vous l'appelez?

Oui, cela se produira. Mais je ne sais pas quand. Je suis devenu assez pessimiste sur le calendrier, mais je reste confiant que cela se produira. L'alternative d'un régime mondial de protection sociale augmente l'isolationnisme - chaque pays tentant de faire face à ses propres problèmes à sa façon. Il n'ya pas d'avenir pour l'isolationnisme. Ulrich Beck peut paraître naïf quand il soutient que le changement climatique pourrait sauver le monde, mais il marque un point. Les changements climatiques nous obligent à penser au-delà de l'Etat-nation.

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Couverture Médicale Universelle au Sénégal : « Les conditions de succès passent par  l’adhésion obligatoire à un régime d’assurance maladie et le ciblage des bénéficiaires des politiques de gratuité »

1/21/2014

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Maymouna Ba, chercheuse au CREPOS Dakar, interviewe le Dr Farba Lamine Sall, Conseiller en Economie de la Santé au Bureau OMS du Sénégal. Ensemble, ils discutent, en toute franchise, des options adoptées par le Sénégal pour la couverture maladie universelle (CMU) (interview conduit le 2 décembre 2013). 

Nous avons assisté au lancement de la CMU au Sénégal en octobre dernier, où on a d’abord mis le focus sur la gratuité des enfants de moins de 5 ans. Selon vous, cette stratégie s’inscrit-elle dans l'objectif global de la couverture universelle ?

Si la CMU, c’est favoriser l’accès aux soins, dire que tous les enfants de moins de cinq ans sont soignés gratuitement y contribue. Maintenant la question est de savoir comment tout ceci se met en œuvre de façon à ne pas compromettre l’équilibre global du système. Le système est un tout et pour que des mesures comme celles là soient vraiment effectives, il faut que le dispositif de prise en charge soit à niveau. Je ne dis pas qu’il faut s’arrêter et attendre que toutes les conditions soient réunies pour bouger. Je crois qu’il faut construire tout en même temps. Mais, il faut d’ores et déjà se dire qu’il y a des obligations à satisfaire pour que cette mesure ne soit pas vaine. En réalité, on se rend compte que la gratuité des moins de cinq ans ne concerne, dans un premier temps, que la gratuité de la consultation au niveau des postes et centres de santé et la gratuité des urgences au niveau hospitalier. Maintenant, même seulement cela, c’est assez lourd ; il faut des ressources.

Vous venez de dire qu’il faut construire tout en même temps, mais êtes-vous d’accord sur le fait qu’il y a quand même des préalables nécessaires à la mise en place d’une CMU, en termes de financement par exemple ?

J’imagine que ces préalables ont été assurés par le Ministère de la Santé, en se mettant au moins d’accord sur ce qui était possible, en calculant le coût de l’opération. Ce n’est pas pour rien que le Ministère limite dans un premier temps la gratuité à la consultation. Donc, on peut penser qu’on y va à petites doses. La consultation, c’est ce qui coûte le moins de toute façon. Ce n’est pas là où se trouve réellement l’enjeu. En dehors des consultations, vous avez des analyses, des examens à faire ; le gros se situe à ce niveau là. Maintenant, avec le ‘rush’ qu’il y a à partir du moment où on dit que la consultation est gratuite, c’est d’autres éléments de discrimination qui vont entrer en jeu s’il n’y a pas une offre conséquente en face. C’est comme si vous disiez que la dialyse est gratuite alors que vous n’avez pas suffisamment de postes où la dialyse se fait. Qu’est ce que vous allez créer ? Des files d’attentes importantes! Conséquences de files d’attentes importantes : des dessous-de-table, donc des difficultés, alors qu’on cherchait à alléger le circuit du patient. Tout ceci veut dire que si on identifie un obstacle à la consommation, il faut s’assurer qu’en levant l’obstacle, d’autres obstacles ne se créent pas.

Il est dit qu’au Sénégal, la CMU s’appuiera principalement sur le développement des mutuelles de santé. On parle en même temps du maintien des politiques de gratuités existantes. Est-ce que cela est bien cohérent?

Selon moi, le grand problème au Sénégal, c’est qu’on veut concilier des choses difficilement conciliables. Vous ne pouvez pas dire que « ma priorité c’est l’assurance-maladie » et lever l’autre main pour dire : « Priorité au renforcement des gratuités ». Vous êtes en train de faire ce qu’on appelle des incitations négatives. Si vous rendez gratuits tous les motifs de paiement, et donc tous les motifs d’adhésion à une mutuelle, les gens ne vont pas aller dans une mutuelle.

Les principaux motifs de recours aux soins au Sénégal concernent le paludisme, la santé de l’enfant, la santé de la femme, surtout celle en état de grossesse et qui va accoucher, la santé des personnes du 3ème âge. Je dis donc que si vous rendez gratuit ces principaux motifs de recours aux soins, vous êtes en train d’enlever le motif d’adhésion aux mutuelles. Et cela est contradictoire dans un contexte de pauvreté où les ressources sont totalement happées par les dépenses obligatoires. L’idéal aurait été d’inclure les mutuelles de santé dans ces dépenses obligatoires, de deux façons. La première est de rendre l’adhésion obligatoire, la deuxième est d’amener les gens à avoir des raisons d’adhérer à une mutuelle, des raisons de mettre de l’argent de côté pour faire face à une dépense imprévue qui peut être non supportable par eux. Et ces deux façons sont quasiment absentes ici. Ceci est un véritable problème si on veut ‘booster’ la mutualité.

Est-ce à dire que le fait de passer par les mutuelles de santé, lesquelles fonctionnent principalement sur l’adhésion volontaire, n’est pas la meilleure option ?

Cela fait maintenant 24 ans que je suis dans le monde de la mutualité. Ma 1ère expérience a été d’encadrer un de mes étudiants qui travaillait sur la mutuelle de Fandène mise en place en 1989. Mais, depuis 1989, on a l’impression que c’est une histoire qui est encore en phase expérimentale. C’est vrai qu’aujourd’hui, il y a un dispositif nouveau : des incitations financières ont été mises en place pour subventionner les cotisations à 50%. Mais, les 50% qu’il faut mettre pour avoir la subvention représentent quelque chose pour quelqu’un qui a d’autres dépenses obligatoires. Pour moi, l’option est difficilement lisible. Je crois que les conditions de succès tournent autour d’une obligation d’adhésion à un régime d’assurance maladie quel que soit l’appellation. Il faut aussi oublier le terme gratuité. Selon moi, la meilleure façon de faire de la gratuité c’est de la refuser. A mon avis, pour faire une bonne gratuité, il faut que tout le monde paye. Si tout le monde paye, les travailleurs sociaux, pour qui c’est la spécialité, identifieront ceux qui ne peuvent pas payer…

Et on retombe sur la question du ciblage qui, dans beaucoup de contextes, n’a pas été toujours efficace…

Le problème du ciblage va nécessairement se poser. Si le ciblage fait bénéficier des services de gratuité à des gens qui n’en ont pas besoin, c’est parce qu’il n’a pas été bien fait. Le ciblage ne peut pas être fait à partir du Ministère de la Santé. C’est la collectivité locale qui a plus d’aptitude à déceler le vrai indigent. Ce n’est pas parce qu’on a mal ciblé qu’il ne faut pas cibler. On a l’obligation de cibler parce qu’on ne peut pas tout faire pour tout le monde. Donc, il faut faire ce qu’il faut pour ceux qui doivent en bénéficier. Prenons la gratuité des soins des enfants de moins de 5 ans. Si on avait appliqué le principe du « tout le monde paie », en disant simplement à ceux qui ont une assurance de la présenter, ça aurait été déjà pas mal. Parce que les assurés, ils ont déjà payé leur prime d’assurance. Ils ne demandent qu’une chose, que la structure sanitaire réclame l’argent à l’assureur. Si vous dites que c’est gratuit pour tout le monde, les gens n’envoient pas la facture à l’assurance. En procédant ainsi, ils sont en train de compromettre la capacité de financement de la structure de santé et donc sa capacité à garantir une qualité des prestations sur une longue durée. Si on ne fait pas l’effort de cibler, on est en train d’affaiblir notre système de santé et, sous prétexte de protéger des vulnérables, on est en train d’enrichir des assureurs.

C’est clair qu’il faut protéger les vulnérables. Mais tous les vulnérables ne sont pas indigents. Oui, il faut lever les entraves à l’utilisation. Oui, il faut éviter que le paiement ne soit un obstacle. Mais, il faut deux choses en même temps. Il faut garantir une contrepartie financière à toute prestation produite si on veut assurer la pérennité de la qualité des services. Et pour que ceci soit possible, il faut que le nombre de personnes ne supportant pas le coût de traitement de façon directe soit réduit aux seuls ayants droit. Selon moi, il y a iniquité à chaque fois qu’on aura fait bénéficier à quelqu’un qui n’en a pas droit d’un service, alors que c’est au nom de l’équité qu’on avait pris la mesure. On ne peut pas vouloir bien faire marcher les choses, engager des fonds dans le secteur de la santé et faire l’économie d’efforts à fournir.

On a vu un engagement politique à un plus haut niveau avec cette CMU. C’est le Président de la République lui-même qui porte cette affaire sur le devant de la scène et d’aucuns disent que c’est une garantie de réussite. Partagez vous cet avis ?

Je n’ai pas la même lecture. La solution de facilité c’est de dire «  l’engagement politique n’a jamais été aussi fort ». Mais, est-ce que le non développement des mutuelles depuis l’expérience de Fandène ne s’explique que par la faiblesse de l’engagement politique ? Tant que les gens n’aborderont pas la question de façon frontale, en se disant « ça fait 20 ans, 30 ans qu’on fait et que la mayonnaise ne prend pas. Pourquoi ? ». L’engagement politique sera peut-être une des explications ; la faible attractivité des prestations, une autre explication ; la discontinuité des soins, une autre ; le manque de contrôle du système de tarification et de facturation, une autre. On peut faire une liste. Maintenant, par rapport à chaque explication, quelles sont les stratégies à mettre en œuvre pour renverser la tendance ? Personnellement, parmi tout cela, je mets un grand facteur explicatif qui est l’adhésion volontaire. De mon point de vue, l’adhésion volontaire dans le cadre de la mutualité ne peut se concevoir que dans une approche d'assurance-complémentaire. Il faut donc aller jusqu’au bout de l’analyse et prendre des mesures très fortes comme l'adhésion obligatoire. 

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Les politiques d’exemptions et subventions pour les services de santé maternelle en Afrique : des résultats concluants

12/9/2013

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Dans ce billet de blog, Isidore Sieleunou, co-facilitateur de la Communauté de Pratique Accès Financier aux Services de Santé (CdP AFSS), revient sur la conférence qui s'est tenue la semaine dernière à Ouagadougou (25-28/11/2013). La conférence était organisée conjointement avec le consortium FEMHealth et les universités de Heidelberg et Montréal. 

En 2011, la Communauté de Pratique Accès Financier aux Services de Santé (CdP AFSS) s’était réunie à Bamako pour faire le point sur la formulation et la mise en œuvre des politiques de gratuité en santé maternelle. En conclusion de l’atelier, un programme de recherche avait été formulé. Deux ans plus tard, la CdP AFSS, conjointement avec différents partenaires académiques, a remis les couverts. Cette fois, il s’agissait surtout d’évaluer l’efficacité de ces politiques. Ont-elles contribué positivement à une meilleure santé maternelle ? Ont-elles protégé les ménages contre les dépenses catastrophiques ? Comment s’est faite leur intégration dans les systèmes de santé ?

L’intérêt était grand : la conférence a réuni plus de 120 experts, des décideurs politiques de haut niveau, des acteurs de la mise en œuvre, des chercheurs et des agents des institutions multilatérale et bilatérale, gouvernementale et non gouvernementale.

La semaine d’activités a été riche en événements, selon un format innovateur 1+3+1 (visite de terrain le premier jour, 3 jours de présentation et débats, formation le dernier jour ; chacun étant libre de confectionner son propre programme). Le point culminant a certainement été la clôture de la conférence par le Ministre-Délégué au Développement de la France Monsieur Pascal Canfin et le Ministre de la Santé du Burkina Faso Monsieur Léné Sebgo. Voilà, une reconnaissance politique majeure pour notre CdP ! 

  
Des politiques qui marchent

Rappelons que depuis plus d’une décennie, de nombreux pays africains ont lancé des politiques nationales d’exemption dans le but de favoriser l’atteinte des OMD, mais aussi dans le souci de réduire les dépenses de santé à charge des populations.

Ces politiques, dans leur contenu, sont variables d’un pays à un autre. Le Bénin par exemple couvre uniquement les soins pour les césariennes alors que le Burkina Faso étend cette prise en charge pendant toute la grossesse et au nouveau-né même si dans ce dernier pays, un co-paiement équivalent à 20% des coûts directs reste à payer par les ménages. Entre les deux situations, on retrouve une multitude de combinaisons intermédiaires.

On en avait beaucoup parlé à Bamako : la plupart de ces politiques d’exemption ont été trop rapidement mises en œuvre, directement à l’échelle nationale, sans phase pilote, sans des mesures d’accompagnement adéquats, et surtout sans planification d’un volet d’évaluation qui puisse permettre de mesurer leurs effets.

Ces caractéristiques ont posé d’emblée des défis méthodologiques pour les chercheurs, mais divers programmes de recherches ont été entrepris et plusieurs équipes de recherches sont arrivées, malgré tout, à documenter ces politiques. Du reste, les gestionnaires de ces politiques ainsi que les acteurs opérationnels ont aussi accumulé des savoirs tacites tout au long de ces dernières années.

Les résultats des études présentées à Ougadougou sont remarquables et montrent que les politiques d’exemptions/subventions pour les services de santé maternelle ont :
  • favorisé une plus grande utilisation des services de santé maternelles tels que les consultations prénatales ou plus fondamentalement les accouchements assistés; 
  • dans la mesure où beaucoup de femmes des classes aisées recouraient déjà aux formations sanitaires pour de tels services, l’augmentation provient bien des classes les plus pauvres. Ce phénomène de rattrapage par les plus pauvres est particulièrement manifeste au Burkina Faso et au Maroc ; 
  • entraîné un accès important à la césarienne avec diminution parfois de la létalité post césarienne et une réduction considérable des besoins obstétricaux non couverts au Bénin, au Burkina Faso, en Guinée et au Maroc (même si la situation, en termes de qualité de la prise en charge, peut varier, comme l’a montré une étude du projet FEMHealth au Bénin) ;
  • contribué à réduire les montants supportés par les ménages au Burkina Faso et au Maroc.

Une étude dans un district au Burkina Faso a par ailleurs montré que ces politiques de subventions des services de santé maternelle pouvaient renforcer le pouvoir d’agir  des femmes par le truchement d’un pouvoir de décision accru à l’intérieur du ménage (élimination de l’inquiétude sur la mobilisation des ressources et maîtrise de l’itinéraire thérapeutique par les femmes). Elles ont par le même temps entraîné un recours plus rapide aux services de santé pour les femmes et leurs enfants.

Mais ne nous leurrons pas: des difficultés existent et certains résultats restent mitigés. Une étude a relevé par exemple des problèmes du surplus de travail pour les soignants au Niger. Il semble également qu’au Bénin, ce sont surtout les femmes riches qui ont profité de la gratuité des césariennes.

Force est de reconnaitre que ces défis ne sont pas liés à l’abolition du paiement en tant que telle, mais sont plutôt dus à des insuffisances dans sa conception, son application ou au niveau du système de santé. Mais les défis de la mise en œuvre de ces politiques ne signifient pas pour autant que ces politiques ne connaissent pas de succès : les pays apprennent de leur expérience. Le succès observé avec un pays comme le Burkina Faso réside aussi dans la capacité du pays à générer des données probantes et à les utiliser ensuite pour ajuster la mise en œuvre.

Le futur : une nouvelle génération de politiques plus ciblées?

Selon moi, le débat ne devrait plus se cristalliser autour de la question « pour ou contre » les politiques d’exemption/subvention. Il faut désormais regarder pays par pays.

Dans les pays où ces gratuités ou ces subventions ont « marché » au point que désormais les taux de couverture des accouchements assistés sont élevés (Burkina Faso et Maroc) ou dans les pays où ces taux étaient déjà élevés (Bénin), il est probablement temps de réfléchir à l’étape suivante, des modèles de seconde génération, où par exemple on couplerait différents régimes de financement pour juguler un défi bien précis.

Un exemple est l’imparfaite atteinte par les politiques de subvention/exemption de certains groupes de population vulnérable du fait que les obstacles à l'accès restent tout simplement énormes à surmonter pour ceux-ci, qui par conséquent, n’arrivent souvent pas jusqu'aux formations sanitaires. Je me souviens encore de ce médecin de l’Hôpital Régional de Kaya qui, durant la visite de terrain, nous disait : « je ne comprends pas : les soins sont gratuits, mais les femmes ne viennent pas ».

Au regard du succès et de l’efficacité de nombreux programmes de chèque santé sur l'utilisation, la qualité et l'équité (un exemple du Kenya a été présenté durant la conférence), il serait par exemple intéressant de coupler exemption/subvention et chèque santé pour les plus pauvres. Cela rendrait les programmes d’exemption/subvention plus solides et plus efficaces pour améliorer la santé des groupes les plus pauvres et les plus défavorisés.

Cette conférence a par ailleurs sonné comme une réplique au récent forum de Bonn sur la couverture sanitaire universelle (CSU). Durant ce forum de trois jours, un éventail de stratégies incluant toutes les dimensions de la CSU avait été discuté, allant de l’achat stratégique des services aux systèmes assurantiels, des transferts aux chèques …. mais aucune mention sur l’abolition des paiements directs. Les options pour l’évolution vers la CSU ne sont rien d’autres qu’un agencement cohérent des régimes de financement visant à répondre à la demande croissante pour de meilleurs services de santé, en maintenant ouvertes toutes les options politiques et en adaptant celles-ci aux circonstances spécifiques de chaque pays. Les politiques d’exemption/subvention font leurs preuves et ne peuvent pas rester en dehors des instruments pour une CSU en Afrique.

Dans leur ultime propos de clôture de la conférence, les Ministres Français Délégué au Développement et Burkinabé de la Santé ont chacun tenu à féliciter le succès de l’approche CoP en soulignant le caractère incontournable d’un échange approfondi entre les différents détenteurs du savoir dans le but de faire avancer l’agenda des défis du système de santé.

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Le Financement Basé sur les Résultats : un nouvel instrument politique pour les gouvernements africains

11/14/2013

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Bruno Meessen

Dans ce billet de blog, Bruno Meessen (IMT, Anvers et CoP FBP) montre comment le financement basé sur les résultats peut être un nouveau levier pour les gouvernements africains engagés dans le combat en faveur du planning familial… notamment quand d’autres acteurs sociétaux y sont hostiles.  

Le bâton, la carotte et le sermon

Que vous soyez chef d’un gang, patron d’une compagnie, général d’armée, ou parent, vous avez trois grands instruments pour orienter les comportements de vos semblables : le bâton, la carotte et le sermon.

Sous la métaphore du bâton, on rangera les différents dispositifs dont vous disposez pour décourager et si nécessaire, sanctionner, les comportements non alignés sur vos objectifs. C’est l’amende que vous inflige le policier vous conduisez sans ceinture, c’est la balle dans le genou (au mieux) pour le bandit qui a trahit son boss, le non-renouvellement de contrat pour votre fournisseur à cause d’un service de piètre qualité. La carotte, c’est bien sûr la métaphore pour la récompense. C’est la médaille pour le soldat valeureux, le diplôme pour l’étudiant studieux, le prix payé au boulanger pour son pain et bien sûr le paiement à la performance, que je ne dois pas expliquer sur ce blog.

Sous le titre du sermon, on réunira toutes les stratégies d’éducation et de persuasion. Les économistes vous diront qu’il s’agit de modifier les préférences des agents économiques. Plus prosaïquement, il s’agit d’atteindre la situation où vos semblables, convaincus, adoptent par eux-mêmes les comportements qui sont alignés sur vos objectifs. Ça passe essentiellement par de bonnes explications, avec un avantage si vous disposez d’une certaine autorité morale (comme la maman auprès de son enfant, l’enseignant auprès de ses élèves ou le prêtre auprès de ses paroissiens).

Ces trois outils ont leurs forces et faiblesses, à apprécier dans chaque configuration particulière. Les experts du FBP, s’ils croient au pouvoir de la ‘carotte’, savent aussi qu’elle n’est pas à même de changer tous les comportements. Le ‘sermon’ sera ainsi particulièrement utile quand il est impossible de vérifier le comportement ou quand le comportement à privilégier est aussi bénéfique pour son exécutant (ex : utiliser un condom). On notera aussi que les temps changent : nos sociétés chérissent de plus en plus la liberté et la responsabilité individuelle. Le ‘bâton’ est dès lors de moins en moins toléré et certaines formes utilisées par le passé sont même désormais prohibées par la loi.

Mieux apprécier l’opportunité offerte par le Financement Basé sur les Résultats (FBR)

Ce sont donc ces trois outils dont disposent les gouvernements pour influencer le comportement de leurs citoyens. À cet égard, il est patent que le FBR, par son ingéniosité, a constitué un enrichissement significatif de la boîte à outils des gouvernements africains. Mon souhait serait parfois qu’ils exploitent de façon encore plus stratégique cet instrument, en particulier quand il s’agit de se confronter avec d’autres leaders promouvant des vues contraires à leur propre vision du développement.

Donnons un exemple. Imaginez un pays africain confronté à un sérieux problème démographique à un point tel que la forte natalité exercerait une pression de plus en plus dommageable sur l’économie et plus fondamentalement, compromettraient les opportunités qui seront disponibles aux citoyens dans le futur. Imaginez que le gouvernement ait identifié la planification des naissances par des parents informés comme, d’une part, un droit humain fondamental et d’autre part, une nécessité pour soutenir le développement du pays. Imaginez qu’un leader religieux promeuve une vision contraire… par un sermon bien sûr. 

Que devrait faire le gouvernement en question ? Doit-il opter pour le bâton (ex : un ferme rappel à l’ordre à la hiérarchie du leader en question, avec menace de sanction), une confrontation ‘sermon’ (du président) contre ‘sermon’ (de l’évêque, par exemple) sur le fond du sujet? Je serai président de ce pays, j’y réfléchirai à deux fois. Si l’évêque (par exemple) a osé contester vos choix, c’est sans doute parce qu’il sait que le rapport de forces ne vous est pas favorable pour le moment. À certains moments de la vie politique, une confrontation publique sur le sujet peut de fait être dommageable à vos objectifs : l’église en question peut être puissante ; du reste, étant donné son engagement dans les secteurs sociaux (écoles, centres de santé…), elle restera un partenaire avec qui il faudra continuer à collaborer.

Le FBR : un levier puissant pour le changement

Etes-vous alors impuissants ? Avant le FBR, c’était peut-être le cas. Mais je pense que le FBR offre désormais de nouvelles opportunités d’action au gouvernement. Une première piste, si ce n’est déjà fait, est d’introduire le planning familial dans la grille du FBP des centres de santé (pour faire simple : le gouvernement verse au centre de santé par exemple 1 dollar pour chaque nouvelle femme s’inscrivant chez ce dernier pour adopter une méthode de contraception moderne). Si les indicateurs de planning familial sont déjà présents dans le FBP des centres de santé, le gouvernement peut augmenter le barème pour leur remboursement (il paie au centre de santé, par exemple, 3 dollars par nouvelle femme inscrite). Le gouvernement peut aussi faire, comme au Burundi, des contrats à la performance avec les associations communautaires : il paie (aussi) l’association qui a convaincu une nouvelle femme à adopter la contraception moderne (par exemple, 1 dollar).

Mais il peut aller encore plus loin : il peut décider par exemple d’introduire un système de coupons (‘vouchers’) qui rétribuerait par exemple, 2 dollars, toute femme qui déciderait d’utiliser pour la première fois une méthode moderne de contraception (bon, quelques-unes mentiraient peut-être, mais est-ce vraiment notre premier problème ?). Et pour distribuer ces coupons dans la communauté, on mobiliserait bien sûr les agents de santé communautaires féminins (avec une petite récompense pour chaque femme référée au centre de santé).

Avec cette dernière stratégie, on utiliserait donc la ‘carotte’ pour amener les agents de santé communautaires à convaincre (par le ‘sermon’) d’autres femmes à changer leurs comportements. Avec leur propre expérience d’épouses, mères, sœurs, copines et voisines, je suis certain qu’elles trouveront les mots justes pour convaincre leurs semblables.  

En mobilisant les femmes actives au niveau communautaire en Afrique, il me semble que le FBR peut mobiliser des centaines de milliers d’agents de persuasion capables de battre bien des prêcheurs !

Partageons ce message avec les décideurs !

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Financement de la santé dans la région africaine: une analyse de 10 années de comptes nationaux de la santé

6/3/2013

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Emmanuel Ngabire (École de Santé Publique, Kigali et co-animateur de la CoP FBP) interviewe Juliette Nabyonga Orem (OMS bureau-pays Ouganda  et chargée de cours à l'Ecole de Santé Publique de l'Université de Makerere) sur un article récent cosigné avec Joses Kirigia (Coordinateur à l'OMS AFRO) et Luis Sambo (Directeur de l'OMS AFRO). Le document évalue 10 ans de financement des soins de santé dans les pays africains par le biais des comptes nationaux de la santé. 

Juliette, quels étaient les objectifs de cette recherche?

La façon dont le système de santé est financé a une incidence sur l'accès aux services de santé de qualité et sur la protection des ménages contre les difficultés financières. Le financement de la santé joue un rôle central dans la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et de la couverture maladie universelle (CMU). Nous notons que plusieurs pays de la Région africaine de l'OMS sont en retard dans la réalisation des OMD; nous avons entrepris cette recherche pour comprendre les changements dans le financement de la santé qui se sont produits dans les pays, en tenant compte des principales sources de financement sur une période de 10 ans (2000 à 2009). Plusieurs pays de la région sont concernés par le faible niveau de financement et le niveau élevé des paiements directs par les usagers, plusieurs sont en cours d’élaboration des stratégies de financement de la santé tandis que d'autres sont en discussion / conception / mise en œuvre des réformes du financement de la santé. Cette analyse des tendances peut orienter le débat sur des stratégies appropriées de financement de la santé, mais aussi peut guider la conception des réformes du financement de la santé.

Quelles sont vos principales conclusions?

Nous avons noté divers niveaux de dépenses de santé, avec certains pays ayant augmenté les investissements tandis que d'autres les réduisaient au cours de la période de 10 ans. Le nombre de pays ayant atteint les recommandations de la Commission Macroéconomie et Santé de dépenser au moins 34 $ américains par personne et par an a augmenté de 11 à 29 tandis que le nombre de pays qui ont atteint les  recommandations du Groupe de travail international sur financements innovants de dépenser au moins  44$ américains par personne par an a augmenté de 11 à 24.

Les investissements des gouvernements en matière de santé ont augmenté dans la majorité des pays au cours de la période de 10 ans comme en témoignent les dépenses publiques de santé en pourcentage des dépenses totales de santé qui ont augmenté dans 31 pays (sur 45 pays). Nous avons cependant noté une diminution de ces investissements dans 13 pays. Le poids des sources privées en pourcentage des dépenses totales de santé a baissé, comme le confirme la réduction du nombre de pays où les dépenses privées représentent 50% ou plus  des dépenses totales de santé  : on est passé de 29 (soit 64% des pays) à 23 (51%). Mais les frais à la charge des patients restent élevés et la majorité des pays sont loin d'assurer la protection contre le risque financier. L’augmentation du prépaiement par l'assurance a été maigre. Les pays finançant partiellement  la santé à travers la sécurité sociale ont augmenté de 19 à 21 et le nombre de pays ayant des régimes privés de prépaiement est  passé de 29 à 31.

Les résultats de votre recherche ont révélé des différences significatives entre les pays en termes de dépenses publiques de santé en pourcentage des dépenses totales de l'État, et en termes de changements au cours des 10 ans. Selon vous, quels sont les principaux facteurs qui ont poussé certains gouvernements à accroître leur financement et d'autres à le diminuer?

Le financement du gouvernement joue un rôle clé dans le financement des services de santé étant donné qu'il est souple et plus prévisible que, par exemple, le financement des bailleurs de fonds. C’est une preuve de l'engagement du gouvernement d’investir dans le développement de la santé de ses citoyens. Dans cette recherche, nous avons en effet constaté des variations importantes avec certains pays augmentant leur contribution à la santé en pourcentage du total des dépenses publiques tandis que d'autres la réduisaient au cours de la période de 10 ans.

Plusieurs facteurs ont fait que certains gouvernements accroissent leur financement, mais dans l’article, nous en avons exploré quelques uns.

L'engagement pris par les chefs d'Etat à Abuja en 2001 pourrait expliquer en partie l'augmentation de l’effort public dans certains pays. Cet engagement a été réitéré à plusieurs réunions de l'Union Africaine, lors de conférences des ministres de la Santé et des ministres des finances, des séances du comité régional pour l'Afrique de l'OMS, et plusieurs panels de haut niveau de financement de la santé (Kampala, Juillet 2010, l'Ethiopie, Mars 2011, Yamoussoukro, Septembre 2012). Ceux-ci auraient pu servir de rappels constants aux gouvernements d'accroître les investissements dans la santé. Nous avons cependant besoin de prêter attention aux critiques sur l’engagement d'Abuja qui ont été soulevées à plusieurs reprises en ce qui concerne la pertinence du pourcentage fixé. Certains ont soulevé le fait que même si cela est respecté, l'investissement par habitant dans la santé sera toujours faible, tandis que d'autres ont déclaré que ces engagements ne sont pas réalisables dans le cadre du budget global d'un pays. Le ministre des finances de la Sierra Leone, dans l'une des tables rondes, a présenté un scénario où les engagements du gouvernement en termes de pourcentage d'attribution aux différents secteurs dépassaient 100%. Cela pourrait expliquer la stagnation, voire la diminution de certains pays.

Pour certains pays qui ont enregistré une augmentation significative de la dépense publique dans leurs «dépenses totales de santé», l’explication pourrait résider dans une vision renouvelée sur la santé, et ce de plusieurs façons. Ici, nous notons par exemple le Ghana, l'Éthiopie, l'Ouganda et le Rwanda. Ce sont des pays qui ont adopté des approches sectorielles (SWAp), dans le cadre desquelles une vision claire a pu être articulée, le soutien des bailleurs de fonds harmonisé et aligné sur les plans sectoriels, les mécanismes de mise en oeuvre simplifiés et acceptés par les gouvernements et les partenaires, et le suivi de la  performance du secteur renforcé et rendu plus inclusif. Des instruments pour guider la mise en œuvre des programmes de santé dans les approches sectorielles ont été élaborés (protocole d’entente par exemple) avec engagements de tous les partenaires. Les succès de cette approche ont été documentés par exemple en Ouganda par Ortendahl. Cela aurait aidé à améliorer l’image du secteur (comme mieux organisé avec une stratégie claire) et augmenter l'investissement du gouvernement, mais aussi adopté comme une fin en soi, dans le but de respecter les engagements respectifs repris dans les documents directeurs.

Certains pays qui ont enregistré une baisse des dépenses de santé en pourcentage des dépenses publiques totales ont enregistré une hausse de la contribution des sources externes. En guise d’exemple, la Sierra Leone, l’Érythrée, le Kenya, la Namibie et le Swaziland sont des pays de cette catégorie. Qu’il y ait eu un phénomène de remplacement (‘crowding-out’), où l'augmentation des sources externes suscite la réduction des investissements de ressources de l'État, ne peut pas être confirmé avec les éléments de preuve disponibles, mais c’est un facteur explicatif possible.

L'avenir des ressources domestiques comme une source importante de financement dépendra de : 1) la capacité des pays à produire des recettes locales 2) renforcement des systèmes administratifs de recouvrement de l'impôt et 3) la volonté politique d'investir dans la santé.

Lagarde et Palmer que vous avez citées dans votre article mentionnent qu’une augmentation de l’utilisation services de santé est possible lorsque les paiements directs augmentent si il y a une amélioration simultanée de la qualité. Cet argument reste-il valide pour maintenir les paiements direct par les usagers, avec comme objectif d'éviter le manque de ressources dans la prestation des services de santé?

Les paiements directs des usagers élevés pour la santé restent un sujet de préoccupation étant donné les conséquences négatives, qui ont été depuis longtemps un sujet de débat. Certaines personnes ont fait valoir que si la qualité des soins va être améliorée alors peut-être les paiements directs d'utilisation ne sont pas aussi mauvais qu’on ne l’a dit.

À notre avis, le maintien des paiements directs en raison de possibles améliorations de la qualité peut ne pas être une bonne option pour plusieurs raisons. Lorsqu’on regarde les données disponibles sur les situations, où la qualité a été améliorée aux côtés des paiements directs, on note que celles-ci relevaient d’environnement pilote ou de recherche-action. Ces expérimentations sont caractérisées par une surveillance et un suivi rigoureux qui pourraient être coûteux à mettre en œuvre au niveau national. En ce qui concerne le comblement de l'écart en matière de ressources, il a été démontré que dans la majorité des situations, la contribution des paiements directs était limitée. Compte tenu des paiements directs élevés pour la santé dans la majorité des pays de la région africaine, explorer comment ces paiements directs pourraient passer par des mécanismes de prépaiement est l'une des options. Une autre question qui n'a pas reçu une attention suffisante dans le débat sur la réduction des frais à la charge des patients est le rôle du secteur privé. Un pourcentage important de la population, les pauvres inclus, se fait soigner dans le secteur privé où les coûts sont élevés et la qualité des soins n'est pas garantie. Résoudre la question des frais à la charge des patients dans le secteur public seul ne suffit pas pour réduire les frais à la charge des patients. Il y a nécessité de mécanismes de régulation du secteur privé, de contrôler la hausse des coûts et d'assurer la qualité des soins, et d'octroyer des subventions au secteur privé pour lui permettre de réduire ses coûts.

En 2006, la cinquante-sixième session du Comité régional de l'OMS pour l'Afrique a adopté une résolution sur le financement de la santé qui invite les Etats membres à renforcer rapidement les systèmes nationaux prépaiement de financement de la santé. Comment ces systèmes avec prépaiement ont-ils évolué depuis la résolution?

Depuis la résolution, mais même avant cela, plusieurs pays se sont impliqués dans la discussion et la conception de systèmes d'assurance-maladie. Depuis 2000, l'Ouganda a discuté la faisabilité de l'introduction de l'assurance-maladie, ce qui a abouti à une étude de faisabilité de l’assurance maladie sociale en 2008. Le Kenya a exploré l'expansion de la caisse de l'assurance-hospitalisation nationale afin de couvrir non seulement l'employé du secteur formel, mais aussi ceux qui travaillent dans le secteur informel. Le Burkina Faso, le Lesotho, le Swaziland et Zanzibar (Tanzanie) ont entrepris des études de faisabilité. Le Rwanda a entrepris une  révision détaillée de son financement de la santé pour guider une nouvelle expansion de son assurance maladie à base communautaire. La Sierra Leone est au stade de la conception de l’assurance sociale santé. Mettre en place des mécanismes de prépaiement est l'un des plus grands défis auxquels sont confrontés les pays dans les régions AFRO. Un grand nombre de discussions et d'études sont en cours, mais les progrès réels sont encore à réaliser.

Le retard dans la phase de conception, d'une part est compréhensible compte tenu du fait que plusieurs des conditions favorables à la mise en place des régimes d'assurance-maladie ne sont pas en place. Par exemple, le secteur formel constitue seulement un petit pourcentage de la population, la population est essentiellement rurale ce qui pose des problèmes administratifs, les revenus sont faibles et le secteur informel n'est pas très organisé dans plusieurs pays. En outre, le fait que près de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté international dans la Région africaine pose un défi de la capacité de payer des primes d’une assurance sociale santé.  

Les défis à surmonter pour commencer l'assurance maladie sont multiples, parmi lesquels on peut certainement citer la faiblessse des systèmes de santé qui sont censés offrir les soins couverts par l’assurance. Il faudra pour cela des subventions spécifiques pour améliorer et accroître la capacité du système à fournir les services couverts. La capacité administrative pour concevoir et gérer les régimes d'assurance fait aussi défaut dans plusieurs pays. Le dialogue dans les pays pour parvenir à un consensus n'a pas été facile et le processus a été un long débat de va-et-vient. A titre d’exemple, des discussions sont en cours en Ouganda depuis 2000, mais ce n’est qu’en 2010 qu’un accord sur le design a été trouvé ! Au Kenya, le processus a aussi pris du temps, a finalement progressé, mais pour être bloqué, au stade de la signature du décret de l’assurance-maladie, par les syndicats, des assurances-maladie privées, des hôpitaux privés et d'autres teneurs d’enjeux ayant des intérêts contraires. La compréhension du concept d'assurance-maladie et l’appréciation de l’importance de la solidarité sont encore très faibles dans nos sociétés ; cela appelle à la sensibilisation, même auprès des élites.

Nous avons cependant des récits de réussites d'assurance maladie, par exemple, le Ghana et le Rwanda. La décision de commencer ou ne pas commencer un régime d'assurance-maladie est une décision du pays, mais une attention particulière doit être portée aux détails dans les phases de conception, de développement et de mise en œuvre. Il est extrêmement important de développer des mécanismes permettant de diagnostiquer les goulots d'étranglement et d’avoir un plan de mise en œuvre pour les résoudre en temps utile pour construire/maintenir la confiance de tous. 

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Interview avec Agostino Paganini (2/2): "l'Initiative de Bamako est morte il y a longtemps"

4/26/2013

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La deuxième partie de notre entretien avec le Dr Agostino Paganini nous amène à traiter de l'évolution de l'Initiative de Bamako dans le temps et de sa dimension politique. Après son travail en tant que directeur de l'Initiative de Bamako de l'UNICEF à New-York, le Dr Paganini a continué à travailler avec l'UNICEF en tant que chef d'équipe pour la santé dans les situations d'urgence et en tant que directeur pays en Somalie. Il a également travaillé comme consultant senior pour la Banque Mondiale et conseille le directeur de CUAMM (Médecins avec l'Afrique). (Vous pouvez accéder à la première partie de l'interview ici)

Avec le recul, certaines personnes disent que le programme de l'Initiative de Bamako a rarement été correctement mis en œuvre. Dans un post sur ce blog et dans un article, Valery Ridde dit même que nous devrions peut-être abolir l'Initiative de Bamako. Comment voyez-vous la mise en œuvre des principes de Bamako jusqu'à maintenant?

Je pense que cette initiative est morte il y a longtemps. Je pense que certains de ces principes sont toujours incroyablement valables et que certains des problèmes auxquels elle tentait de répondre existent toujours. Le problème de la responsabilité publique et de la participation des populations dans la gestion de leur système de santé aurait dû être mieux pris en compte avec plus de démocratie, mais il est toujours laissé sans intérêt dans de nombreux pays africains. Le problème des dépenses « out-of-pocket » sans aucune règle est également toujours extrêmement valable. On peut appeler cela l'Initiative de Bamako ou on peut l’appeler comme on veut, cela n'a pas vraiment d'importance: quelques-uns des problèmes auxquels l'Initiative de Bamako tentait de répondre sont toujours là et certaines des expériences et des principes (dont certains ont été appliqués et certains ont été mal appliqués) sont toujours d'actualité. Mais l'initiative, non, je ne pense pas qu'il existe chose comme l’initiative de Bamako en vie pour le moment. Tout du moins, je n'ai rien vu.

Seriez-vous d'accord avec Susan Rifkin, qui déclare que l'Initiative de Bamako a élargi les horizons de la participation de la communauté? Est-ce que l’utilisation du terme redevabilité communautaire au lieu de participation change quelque chose ?

Soyons clairs, la redevabilité communautaire cela veut dire la redevabilité envers la communauté. La différence avec cette notion c’est que les communautés deviennent propriétaires (« shareholders »). Avant ils payaient sous la table, maintenant ils paient et ils peuvent demander "qu'avez-vous fait de l'argent?", "pourquoi n'avez-vous pas fait ceci ou cela?". C'est la différence entre un processus participatif vague et une représentation et une participation dans la gestion de l'unité de santé. Et c'est quelque chose sur lequel nous devons encore travailler. Les gens n'ont pas voix au chapitre (« voice ») et aucune porte de sortie (« exit ») dans les pays à faible revenu, sauf bien sûr d’aller dans le secteur privé, mais ce n'est pas une option pour les pauvres.

Dans sa récente interview sur ce blog, Sassy Molyneux insiste sur le fait qu'il faut « examiner attentivement la rémunération et les autres formes d'incitations pour les représentants de la communauté, les défis de l'asymétrie entre le personnel de santé et les représentants de la communauté en matière de ressources et de pouvoir, et l'importance de bâtir des relations de confiance ». Pour moi, cela ressemble un peu à considérer la « politique locale » de santé. Il m'a toujours semblé que peu d'attention était portée à la dimension politique dans l’Initiative de Bamako. Nous sommes pourtant dans une sorte de processus politique, non?

Oui, c’est politique. Et ne pas comprendre que c'est politique est la plus grosse erreur que vous pourriez faire. Je pense que dans la communauté de la santé publique, nous sommes parfois très naïfs. Nous pensons à la supervision et à la formation comme les clefs de tout, mais la santé c’est politique. C'est pourquoi les États-Unis ont leur système de santé, et c'est pourquoi les Scandinaves ont un système de santé différent. La science est la science, mais la façon dont la science est disponible ainsi que la qualité et l'équité de l'accès aux soins sont des questions politiques. Nous devons accepter que le chemin pour obtenir des soins de santé de haute qualité et équitables est difficile et que nous ne sommes pas encore là. Il y a encore une énorme asymétrie entre le personnel de santé et la population, et c'est un signe que la démocratie n'est pas encore là. Nous devons commencer à partir de ce problème. Ce que j'ai vu avec l'Initiative de Bamako est une question profondément politique, et non strictement technique. Mais bien sûr, les gens utilisent des choses et des déclarations de différentes manières et ils ont utilisé cette initiative en fonction de leurs propres intérêts et points de vue.

Vingt-cinq ans ont passé. Vous avez une grande expérience des soins de santé primaires dans les pays à faible revenu. Quelles seront les clés pour les soins de santé primaires au cours des 25 prochaines années?

Ce que je vois venir est plus de privatisation et plus d'urbanisation. Les gens semblent trouver dans les zones urbaines et même dans les bidonvilles des opportunités qu'ils n'ont pas dans leurs zones rurales. Certains pays sont de plus en plus avancés dans l'établissement de l'assurance-maladie –ce qui est une excellente chose, je pense. A la fin de mon travail sur l'Initiative de Bamako, nous étions focalisés sur deux choses (il y avait deux équipes). L'une était le monitoring communautaire, car l’information c’est le pouvoir. L'autre était l'assurance locale. L'assurance maladie est un enjeu majeur, mais elle est difficile à établir. Dans de nombreux cas les programmes commencent à l'échelon national, et pourtant, en Europe ce sont des mécanismes de solidarité locaux qui ont été les assurances initiales.

Nous devons travailler sur la responsabilité/redevabilité publique et l’équité. Ce sont les deux domaines clés. Allons-nous dans cette direction? Je ne suis pas sûr. Je pense que dans certains pays, nous le sommes, mais dans la majorité des autres pays, le secteur privé est de plus en plus important car les gens ont plus de ressources et le secteur public reste sous-financé. Qui plus est, ce secteur public est très inefficace à moins qu'il y ait une forme de redevabilité envers le public. C'est le bilan mitigé que j'ai. D'un côté, il y a des pays qui progressent bien ; prenez par exemple l'expérience du Rwanda avec les mutuelles de santé et la nouvelle politique de rémunération du personnel. Mais de l'autre côté, il y a beaucoup d'autres pays, qui, je pense, ne vont pas dans le même sens.

Est-ce qu’il y a une question que je ne vous ai pas posée et que vous auriez souhaité que je vous pose ? Ou bien une conclusion que vous souhaiteriez faire?

Pas vraiment, pour moi c'était une expérience fascinante. J'ai réalisé que c'était aussi un débat passionnant. Certaines de ces questions sont, comme je l'ai dit, très politiques et certaines sont extrêmement pertinentes aujourd'hui. Nous devons aborder la relation entre le patient, le client et le fournisseur de services. Le débat actuel sur le financement basé sur la performance, qui lie financement non aux médicaments, mais aux résultats, est également très intéressant. Bien sûr, cela ne résoudra pas tous les problèmes. Je pense que nous devrions être en mesure de voir quelles ont été les bonnes expériences dans le passé et aller de l'avant, en ajoutant de nouvelles expériences. La responsabilité publique de base et le rôle des populations sont extrêmement importants, la bonne gouvernance des centres de santé est très importante, mais le financement basé sur les résultats est également très prometteur si nous le combinons avec d'autres choses que nous avons apprises. Nous ne devons pas passer de mode en la mode, mais de prendre en compte le passé, comprendre ce que nous avons appris et le développer.


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Histoire de l'Initiative de Bamako: sous le leadership de Mr Grant (et du Dr Mahler)

4/17/2013

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Jean-Benoît Falisse

Pour l’interview suivante de notre série sur la participation communautaire et l'Initiative de Bamako, nous avons rencontré le docteur Agostino Paganini. Agostino Paganini a une vaste expérience des soins de santé primaires et d'urgence en Afrique, un domaine dans lequel il a été actif pendant plus de quarante ans. Il était le directeur de l'unité de soutien à l’initiative de Bamako au siège de l'UNICEF. L'unité travaillait en étroite collaboration avec les pays africains qui avaient manifesté leur intérêt pour les principes de l’Initiative de Bamako. Dans la première partie de l'interview que nous publions aujourd'hui, il partage son analyse de la mise en place de l'Initiative de Bamako. La semaine prochaine, nous découvrirons son analyse de l'évolution des principes de l'Initiative de Bamako au fil du temps.

Jean-Benoît Falisse: Si je ne me trompe pas, vous avez participé à la conférence de Bamako. C'était la 38e réunion régionale africaine de l'OMS, mais l'UNICEF y a également pris part. Que faisiez-vous à ce moment? D’où l'Initiative de Bamako venait-elle?

Agostino Paganini: A cette époque, je travaillais sur un programme conjoint UNICEF-OMS de soutien nutritionnel. J'étais basé à New York et techniquement je travaillais pour l'OMS. Je n'étais pas là à Bamako, mais mon expérience de l'événement est encore vivace. Je me souviens très bien des implications organisationnelles et de toutes les retombées et les aboutissants de cette initiative de M. Grant. Bien sûr, tout ce que je vais dire dans cette conversation pourrait être biaisé, c’est ma propre expérience telle que j'ai revue et comprise au fil des années. A cette époque, le Dr Halfdan Mahler était le Directeur général de l'OMS, et M. Jim Grant était le Directeur exécutif de l'UNICEF. Tous deux étaient des dirigeants extrêmement charismatiques et puissants et ils étaient deux figures majeures du débat en santé publique et sur le développement de la santé. Mahler mettait l’accent sur les soins de santé primaires, avec une vision globale et une sensibilité aux implications politiques. Grant était beaucoup plus pragmatique, il croyait en une vision de type « guerre froide », où il y avait peu de chances de progrès importants, et il croyait donc en des étapes successives qui amèneraient l'éducation à la santé dans l'arène politique. Après la déclaration de Harare [sur le renforcement du système de district de santé fondé sur les soins de santé primaires], Grant est venu avec Bamako. Pas nécessairement, contrairement à ce que certains ont cru percevoir, comme une déclaration antagoniste à Harare, mais peut-être plus comme une déclaration plus progressive, moins « visionnaire ». Bien sûr, pour lui, c'était aussi un moyen de faire du plaidoyer pour l'Afrique parce qu'il voulait plus de ressources pour l'organisation de la santé et la survie des enfants en Afrique - et il a vu la déclaration comme un moyen de les avoir. Fondamentalement, la relation entre les déclarations de Bamako et Harare pourrait être considérée dans le contexte d'un débat intellectuel entre ces deux géants des questions de développement.

Dans le contexte de ce débat intellectuel, qui faisait pression pour l'Initiative de Bamako? Quels ont été les principaux points de consensus et de divergence entre les pays et / ou organisations?

Aux côtés des ministres africains, l'UNICEF a encouragé et fait pression pour ce genre de déclaration - pour laquelle l'OMS n'était pas particulièrement enthousiaste. En fait, même certaines parties de l'UNICEF n'étaient pas très heureuse à ce sujet. Au niveau politique, ce qui était évidemment le plus difficile à accepter c'était la question des frais d'utilisation et du partage des coûts. L'UNICEF et M. Grant, sur base de ce qui se passait au Bénin et dans de nombreux pays africains, s'est rendu compte que le payeur réel en matière de santé n'était pas le gouvernement, pas plus que le bailleur, c’était le foyer, le ménage. La majorité des dépenses étaient payées directement de la poche des foyers. Il s'agissait donc de «co-financement». Comme certaines personnes identifiaient cette idée d'avoir les gens co-financer leurs services de santé avec la vision de la Banque Mondiale sur les frais d'utilisation, le débat est devenu très idéologique. Dans la proposition de l'Initiative de Bamako, il était suggéré que les gens paieraient quelque chose de leur poche. Si les bailleurs aidaient à améliorer les services en termes d'infrastructure, de disponibilité des médicaments, de formation et de supervision du personnel et de mécanismes de suivi, on aurait tort de considérer que les gens ne doivent pas contribuer du tout au coût de la prestation de services (même si c’est en payant moins que le coût réel). Cet argent resterait avec les gens qui avaient payé, au niveau du centre de santé, et il serait contrôlé par la communauté. C'était l'hypothèse. La réaction de l'autre côté a été de crier à la privatisation et d’appeler cela un moyen de faire payer les gens pour la santé, alors que la santé est un droit humain fondamental qui ne peut être vendu.

Une partie de l'Initiative de Bamako porte sur  la participation communautaire. Dans l'entrevue avec Susan Rifkin, elle explique que son intérêt pour la participation de la communauté a commencé avec l'expérience des médecins aux pieds nus en Chine. Y a-t-il quelque chose de semblable en Afrique? Quelque chose qui a convaincu les gens à Bamako?

Dans l'unité que je gérais à New York, tout le monde était absolument convaincu que le plus grand changement politique qu’a apporté l’initiative de Bamako n'était pas d’abord lié à l'argent mais à l'effort pour renforcer les communautés dans leur contrôle des centres de santé et de leur personnel. Nous avions l'impression que le personnel de santé avait alors en quelque sorte privatisé le système de santé. Le système de santé ne fonctionnait plus, il s'agissait d'un secteur privé non-réglementé où vous aviez à payer pour tout, sans aucun contrôle sur la qualité ou sur l'utilisation de l'argent. Pour nous, l'Initiative de Bamako était un moyen de renforcer la capacité des gens à faire partie et prendre part à la gestion du centre de santé. Il ne s'agissait pas de la gestion technique du centre de santé, mais bien des aspects de  «gouvernance». Est-ce que cela a été un succès? Dans certains endroits, comme au Mali au début, c'était assez bon. Pourtant, j'ai eu l'impression que, après un certain temps, l'Initiative de Bamako a été interprétée/considérée par certains des ministères de la Santé comme une excuse pour faire payer tout ce qu'ils voulaient sans aucun contrôle par la communauté sur l'argent.

Au niveau communautaire, qu’est ce qui était en place au moment de la déclaration de l'Initiative de Bamako?

Dans certains pays, il y avait des comités de santé, mais ces comités de santé n’avaient jamais de contrôle sur aucune ressource. Dans ces pays, on pourrait partir de ces comités. Cependant, dans d'autres pays comme la Guinée après Sékou Touré, il n'y avait rien. Le système de santé avait été détruit et avec le ministère de la Santé de la Guinée, des comités de gestion ont été mis en place. Ce fut le début d’un mouvement qui allait donner de la substance à la participation communautaire à travers le co-financement et la cogestion des centres de santé. Tel était le langage que nous voulions utiliser, non pas « recouvrement des coûts », mais « cogestion communautaire et co-financement ». Cela a été mis en œuvre dans différents pays et sous des étiquettes différentes. Il s'agit d'un processus fastidieux qui nécessite beaucoup d’appui au niveau communautaire.

L'Initiative de Bamako pourrait être décrite comme ayant trois piliers: (1) participation communautaire, (2) mécanismes d'autofinancement et (3) un approvisionnement régulier en médicaments. Vous avez déjà abordé les deux premières questions, pourriez-vous dire un mot sur l'approvisionnement régulier en médicaments?

L'expérience sur le terrain est que les centres de santé n'étaient pas utilisés et leur utilisation était incroyablement basse pour deux raisons: (1) une était lié à l'infrastructure et au comportement du personnel qui étaient perçus comme 'pourris' et donc les centres de santé déclinaient et l'autre (2), c'est qu'il n'y avait pas de médicaments. Les médicaments sont perçus par les utilisateurs comme un élément clé dans le processus thérapeutique, et c'est fondamentalement vrai où que vous soyez. Les gens dépensaient leur argent sur le marché non réglementé ou n'importe où ailleurs. Il était évident que les médicaments devaient être disponibles dans le centre de santé. Le centre de santé devait devenir le lieu non seulement pour les soins préventifs, mais aussi pour les services curatifs. Il ne faut pas oublier que la principale préoccupation de l'UNICEF à cette époque ce n'était pas des soins curatifs, c'était principalement la vaccination et la survie des enfants (qui sont pour la plupart liés à des soins préventifs). Toutefois, amener les personnes au centre de santé en raison de la disponibilité des médicaments pour leurs besoins curatifs était une façon de travailler sur le côté préventif.

Je prends un exemple: la survie des enfants et le paludisme sont deux problèmes très évidents de l'Afrique qui n'étaient pas très bien pris en charge. Il y avait des programmes verticaux avec des antibiotiques et des médicaments antipaludiques, mais ils n'étaient pas suffisants. Avoir un centre de santé fonctionnel était donc vu par nous comme un moyen de tendre vers une vision beaucoup plus globale des soins de santé primaires. C'était un processus graduel par lequel les staffs de santé étaient formés et les centres de santé améliorés grâce à des investissements des bailleurs de fonds et du gouvernement. Les frais de fonctionnement qui n’étaient pas couverts par le gouvernement étaient cofinancés par la communauté. La clé était d'avoir un comité qui supervise la gestion de l'argent afin qu'il y ait de la redevabilité envers le public. La participation communautaire était considérée comme un moyen de faire en sorte que le personnel médical et administratif rende compte à la population. Ce système de monitoring était fondamental car il permettrait aussi au comité de direction et au personnel d'avoir une vue sur la couverture et la vaccination, le nombre de visites, le nombre de femmes qui ont accouché, etc. De cette façon, ils pouvaient se fixer des objectifs, discuter entre membres du comité et personnel de santé des goulots d'étranglement dans le système et, en fin de compte, améliorer la durabilité, l'accès et l'utilisation correcte des services.

(à suivre)


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La gratuité des soins, une étape vers la couverture universelle en Afrique?  Peut-être, si on tire les leçons du passé récent !

3/12/2013

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Bruno Meessen


Dans ce blog post, Bruno Meessen (IMT, Anvers) revient sur les lacunes observées dans les processus de mise en place des initiatives de gratuité dans de nombreux pays africains. Il distingue des leçons utiles pour l’agenda de la couverture universelle à destination des gouvernements africains, de la communauté internationale et des chercheurs.


 En 2009, à la demande de l’UNICEF, j’ai eu le plaisir de coordonner une étude sur les politiques de gratuité des soins dans 6 pays africains. Les résultats furent publiés dans un supplément de la revue Health Policy & Planning, avec d’autres articles traitant du même sujet. Notre étude multi-pays était relativement modeste dans ses ambitions : il ne s’agissait pas de documenter l’éventuel impact de ces politiques, mais plus commodément, d’apprécier dans quelle mesure la formulation et la mise en œuvre de ces politiques avaient respecté une série de bonnes pratiques de politique publique. Dans l’ensemble, notre évaluation n’était pas très positive. Si l’analyse confirmait la motivation des leaders des pays étudiés à prendre des actions fortes pour réduire les barrières financières, elle mettait en lumière le caractère précipité de leurs mesures et les moyens insuffisants (notamment en termes de temps, financement, mesures d’accompagnement et expertise d’appui) accordés aux techniciens nationaux pour assurer que ces politiques soient bien conçues et bien mises en œuvre. Nous nous inquiétions des possibles conséquences de ces manquements sur l’efficacité et la pérennité de ces mesures politiques.

Cette étude a certainement eu au moins un effet tangible : elle nous a fait prendre conscience du gros travail qu’il restait en termes de partage des savoirs sur les questions de mise en œuvre des politiques de financement. C’est à la réunion de restitution à New-York que fut proposée l’idée de lancer une communauté de pratique consacrée aux politiques de gratuité. De fil en aiguille, la CoP Accès Financier  fut créée. Vous connaissez ses travaux si vous suivez, notamment, ce blog.

Mise en oeuvre des gratuités des soins: état des savoirs en 2013

La problématique de la formulation et de la mise en œuvre des politiques de gratuité est restée un domaine d’investigation relativement intense ces dernières années. Cela est vrai pour la CoP comme un groupe (cf. l’atelier de Bamako en 2011 et une conférence scientifique à Ouagadougou prévue pour novembre 2013), mais aussi pour plusieurs équipes de chercheurs.  A ce niveau, je me permettrais de mettre en exergue les études récentes de Valéry Ridde (Université de Montréal) et de Sophie Witter (Université d’Aberdeen), deux auteurs prolifiques dont les travaux avaient d’ailleurs déjà nourri l'étude multi-pays.

Début 2013, a été publié un numéro d’Afrique Contemporaine présentant les résultats d’un projet de recherche à méthodes mixtes mené par Jean-Pierre Olivier de Sardan et Valéry Ridde. Le numéro rapporte différentes observations faites par les équipes de recherche, notamment du LASDEL, sur les politiques d’exemption au Burkina Faso, Mali et Niger. Différents articles sont à signaler dont un sur la perception des acteurs au Mali, une "cartographie" des politiques de gratuité en Afrique de l’Ouest (qui montre que tous les pays en font) et une étude montrant les problèmes de décapitalisation des centres de santé au Niger.

L’article de synthèse s’intitule « L'exemption de paiement des soins au Burkina Faso, Mali et Niger : Les contradictions des politiques publiques ». Le titre reflète assez bien le ton général du numéro. Voici un extrait :

Les exemptions de paiement ont été des décisions nationales, revendiquées comme souveraines, et mises en place par les techniciens nationaux sans aide particulière de l’extérieur, ce qui est plutôt rare dans l’histoire des politiques de santé. Mais ces mesures ont été décidées dans une grande précipitation. La décision a été politique avant d’être technique, annoncée soudainement et de façon publique, prenant de court et par surprise, non seulement les agents sur le terrain, mais aussi les techniciens des ministères.
                                                                                                                                                                  (Olivier de Sardan & Ridde 2012)

Quelques mois plus tôt, Valéry Ridde, Ludovic Queuille et Yamba Kafando avaient par ailleurs bouclé le rapport final du projet collectif intitulé «Capitalisations de politiques publiques d’exemption du paiement des soins en Afrique de l’Ouest». Ce projet est à signaler à au moins deux titres : outre la connaissance qu’il a générée, il a le grand mérite d’avoir reposé sur une démarche impliquant les experts-pays (des cadres des ministères de la santé, des experts d’ONG impliquées dans les expériences de gratuité et des chercheurs). L’étude transversale a porté sur 7 pays (Bénin, Burkina Faso, Ghana, Mali, Niger, Sénégal et Togo). Elle aussi se concentrait sur les enjeux de mise en œuvre.

Le ton général du livre est plus positif que l’ouvrage précédent. Le chapitre de synthèse, également disponible en anglais, identifie, pour six des pays d’étude, les difficultés majeures rencontrées dans les processus de mise en œuvre mais aussi les innovations. Un extrait :

« Si les principes sur lesquels se fondent ces politiques semblent bien appréciés, le personnel de santé ne cache pas son insatisfaction à l’égard de leur mise en oeuvre. Au Burkina Faso, il se plaint du manque de matériel médico-technique tandis qu’au Sénégal et au Niger, les plaintes portent sur les retards importants dans le remboursement des actes effectués gratuitement pour les patients. Ailleurs, les agents se plaignent de la rupture des stocks de certains intrants, comme pour les ACT au Mali. Enfin, dans la majorité des cas, les agents réclament des primes financières pour justifier la hausse de leurs activités cliniques ou administratives à la suite des politiques d’exemption du paiement. Notons que ces aspects financiers des primes pour le personnel de santé n’ont été pris en compte dans aucune politique. »
                                                                                                                                                                       (Ridde et al. 2012)

De son côté, Sophie Witter a, en 2012, publié une étude, portant sur la politique de gratuité des césariennes et des soins pour les enfants de moins de 5 ans au Soudan, un pays relativement peu documenté en santé internationale. Son étude met en exergue, à nouveau, de grosses faiblesses au niveau de la mise en œuvre.

La politique de soins gratuits pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans qui a été lancée en 2008, a clairement souffert d'un certain nombre de contraintes qui ont conduites à une mise en oeuvre inégale et  mal exécutée. Parmi ces contraintes, se distinguent en particulier le financement inadéquat et le manque de spécification claire de comment la politique devait être mise en oeuvre. 
                                                                                                                                                                              (Witter et al 2012, notre traduction)

Quatre remarques, avant d’aller à ma lecture personnelle. Un, on peut noter que le ton général des travaux scientifiques sur les politiques de gratuité reste relativement positif. Ni pour les auteurs eux-mêmes, ni pour ce qui me concerne, il ne s’agit de discréditer ces politiques nationales. Deux, ces études confirment qu’il y a bien sûr une certaine hétérogénéité dans les expériences nationales : certains gouvernements s’y sont pris mieux que d’autres et ils ont pu en récolter les fruits. Trois, quand on identifie les faiblesses dans une formulation ou une mise en œuvre, il faut se garder de tout fatalisme. On sait aujourd’hui que certaines expériences qui avaient assez mal démarré ont, ultérieurement, été revues profondément pour encore mieux consolider l’accès pour les groupes vulnérables. Le cas du Burundi – qui a fusionné sa gratuité sélective et son financement basé sur la performance – est le cas le plus connu. Quatre, il semble que certains pays s’étant lancé plus tard dans la gratuité ont pu bénéficier des diverses recommandations en faveur d’une plus grande préparation des politiques. C’est certainement le cas de la Sierra Leone, même si de nombreux défis demeurent.

Ces quatre remarques faites, nous voici quand même avec un échantillon de 11 expériences-pays documentées qui nous racontent la même histoire : les initiatives de gratuité en Afrique ces 10 dernières années ont été des politiques publiques voulues par les présidents, menées sur ressources nationales, mais conçues dans la hâte et mises en œuvre en tenant trop peu compte des considérations techniques et opérationnelles de rigueur. Certaines de ces politiques sous-financées sont désormais en danger. 

 Ce qui a changé au niveau des pays 

Nous devons apprécier à leur juste valeur le fait que ces politiques nationales aient marqué une reprise de l’initiative par les présidents et les gouvernements africains dans le domaine de la santé. Dans de nombreux pays, hormis le poste des salaires, l’Etat s’était désengagé de son secteur de la santé pendant plus de deux décennies ; le recouvrement des coûts, la privatisation des soins et l’aide internationale avaient laissé l’illusion que le financement de la santé pouvait se passer d’un financement collectif national. Plus prosaïquement, les caisses des Etats étaient vides.

Nous en sommes revenus : la tarification des soins aux usagers – qui va encore jouer un rôle important, malgré les critiques – a montré ses limites ; la privatisation des soins est, en de nombreux pays, non-maîtrisée par l’Etat et la crise des finances publiques dans les pays riches ne laisse guère d’espoirs du côté de l’aide internationale. Plus fondamentalement, la croissance économique créée de nouvelles marges de manœuvre budgétaire sur l’ensemble du continent. 

Nous devons toutefois nous assurer que ce réengagement des autorités nationales se fasse selon les meilleurs termes, avec budgétisation à la hauteur des déclarations, rigueur et vision à long terme. Il est ainsi certainement possible de construire sur les engagements pris, conjointement par les Ministres de la Santé et les Ministres des Finances à Tunis en juillet 2012. On peut également exploiter la dynamique mondiale en faveur de la couverture universelle. Mais pour construire le futur, nous devons aussi tirer les leçons des expériences récentes.

Deux réflexions pour l’agenda politique de la couverture universelle

Une première leçon est destinée aux décideurs politiques (s’ils nous lisent !): sachez que la hâte est une ressource à utiliser avec prudence en matière de financement des soins. Du leadership et des coups d’accélérateur au niveau national sont les bienvenus, mais ils ne doivent pas compromettre l’initiative elle-même ou tout ce qui a été fait précédemment pour renforcer les systèmes de santé. La couverture universelle ne se construira pas à coup d’effets d’annonce – c’est la persévérance qui compte.

Le manque de dialogue qui caractérise l’empressement politique peut du reste créer des antagonismes qui n’ont pas lieu d’être. Il serait regrettable que des acteurs qui se consacrent quotidiennement, de façon créative et pragmatique, à renforcer les systèmes de santé - qu’ils soient en première ligne, dans la mise en œuvre au niveau intermédiaire, national ou en appui – deviennent une force d’opposition à la couverture universelle. Le vif débat qui a animé la communauté de pratique FBP après l’annonce du vote de la récente résolution sur la couverture universelle à l’Assemblée Générale de l’ONU le 12 décembre 2012 a été informatif à cet égard. 

Nous voyons aussi une leçon à destination des acteurs internationaux qui promeuvent la couverture universelle. Vous devez peut-être revoir votre dosage d’efforts en termes de mise à l’agenda et d’accompagnement technique. Nous avons l’impression que le déséquilibre en faveur de la mise à l’agenda persiste : alors que ça 'buzze' sur Twitter, que ça se mobilise à Beijing et qu’on promeut la couverture universelle à l'ONU, la communauté de l’aide offre de facto peu d’appui sur le terrain. Ne soyons alors par surpris que les présidents s’enthousiasment, que la machine politique s’emballe et qu’ils « mettent la charrue avant les bœufs ».

L’option de concentrer vos efforts sur la mise à l’agenda sont peut-être adaptés à la situation des pays à revenu intermédiaire – ces derniers ont sans doute les marges budgétaires et les capacités techniques à la hauteur de leurs ambitions. Mais ce déséquilibre d’effort est problématique dans les pays pauvres. Or il est difficile de compartimenter le monde en matière de mise à l’agenda : les messages forts circulent vite et portent loin.

Vous m’avez compris : nous plaidons pour une bien plus grande prise en compte des défis spécifiques aux pays africains, en particulier ceux dont la gouvernance est encore en construction. Attention, nous ne plaidons pas pour une super-agence ; ce modèle est caduque. Nous sommes convaincus que l’effort doit reposer sur un modèle plus collaboratif exploitant l’expertise présente sur le continent – comme celui promus par HHA et mis en œuvre, notamment, au travers des communautés de pratique. Nous serions heureux de voir un soutien plus franc et plus large à ces efforts, notamment du côté des porte-drapeaux institutionnels de la Couverture Universelle.

Des pistes pour les chercheurs

Notre troisième réflexion est à destination de nos pairs scientifiques. Grâce à vos travaux, nous connaissons beaucoup mieux l’actif et le passif de dix ans de politiques de gratuité en Afrique. Bien sûr,  de nombreuses questions demeurent, mais il est probable qu’en ce qui concerne l’étude rétrospective des processus de la formulation et des mises en oeuvre des expériences nationales nous approchons du 'point de saturation des données'.

Pour certains observateurs, ces politiques de gratuité sont à lire comme une étape vers la couverture universelle. Cela ne nous indique-t-il pas alors un prochain axe de recherche: en quoi ces politiques ont-elle évolué et continuent-elles à évoluer en faveur des objectifs de l'agenda de la couverture universelle; mettent-elles effectivement les pays sur la bonne voie ? 

Je vois au moins deux directions possibles à cet égard.

Il serait intéressant de rassembler de la connaissance en matière de processus, notamment quant au dialogue entre le niveau politique et le niveau technique. Réussissent-ils désormais à transcender leur manque de dialogue initial ? Les présidents ont-ils tiré les leçons ? Ou au contraire, les erreurs se répètent-elles? Si les erreurs se répètent : quels sont les déterminants de ces politiques hâtives? Quelles sont les options pour les acteurs désireux de contribuer à de meilleurs processus ? Quelles leçons pour les prochaines étapes pour la couverture universelle ?

Nous pouvons également identifier des enjeux en matière de design. Les chercheurs doivent notamment nous aider à réfléchir à comment ces initiatives de gratuité – qui sont souvent multiples dans un même pays – s’articulent sur les autres régimes et dispositifs financiers pour former un tout qui est appelé à offrir, comme ensemble, une couverture de soins à tous les citoyens. Dans de nombreux pays, nous avons désormais tout un écheveau de régimes : du financement public (traditionnel ou de type FBP), des assurances pour les fonctionnaires, des mutuelles locales et de multiples gratuités organisées par groupe de population, tranches d’âges, problèmes de santé et même thérapie. Pour des motifs d’efficience, d’équité et par endroit d'enveloppe disponible, il va falloir sans doute remettre de l’ordre dans cela. La situation actuelle doit être documentée dans chaque pays et des pistes de propositions identifiées.  Pouvez-vous aider les pays à ce niveau? Ce sera certainement une priorité pour les CoPs en 2013.

 
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