Financing Health in Africa - Le blog
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Financement de la santé dans la région africaine: une analyse de 10 années de comptes nationaux de la santé

6/3/2013

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Emmanuel Ngabire (École de Santé Publique, Kigali et co-animateur de la CoP FBP) interviewe Juliette Nabyonga Orem (OMS bureau-pays Ouganda  et chargée de cours à l'Ecole de Santé Publique de l'Université de Makerere) sur un article récent cosigné avec Joses Kirigia (Coordinateur à l'OMS AFRO) et Luis Sambo (Directeur de l'OMS AFRO). Le document évalue 10 ans de financement des soins de santé dans les pays africains par le biais des comptes nationaux de la santé. 

Juliette, quels étaient les objectifs de cette recherche?

La façon dont le système de santé est financé a une incidence sur l'accès aux services de santé de qualité et sur la protection des ménages contre les difficultés financières. Le financement de la santé joue un rôle central dans la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et de la couverture maladie universelle (CMU). Nous notons que plusieurs pays de la Région africaine de l'OMS sont en retard dans la réalisation des OMD; nous avons entrepris cette recherche pour comprendre les changements dans le financement de la santé qui se sont produits dans les pays, en tenant compte des principales sources de financement sur une période de 10 ans (2000 à 2009). Plusieurs pays de la région sont concernés par le faible niveau de financement et le niveau élevé des paiements directs par les usagers, plusieurs sont en cours d’élaboration des stratégies de financement de la santé tandis que d'autres sont en discussion / conception / mise en œuvre des réformes du financement de la santé. Cette analyse des tendances peut orienter le débat sur des stratégies appropriées de financement de la santé, mais aussi peut guider la conception des réformes du financement de la santé.

Quelles sont vos principales conclusions?

Nous avons noté divers niveaux de dépenses de santé, avec certains pays ayant augmenté les investissements tandis que d'autres les réduisaient au cours de la période de 10 ans. Le nombre de pays ayant atteint les recommandations de la Commission Macroéconomie et Santé de dépenser au moins 34 $ américains par personne et par an a augmenté de 11 à 29 tandis que le nombre de pays qui ont atteint les  recommandations du Groupe de travail international sur financements innovants de dépenser au moins  44$ américains par personne par an a augmenté de 11 à 24.

Les investissements des gouvernements en matière de santé ont augmenté dans la majorité des pays au cours de la période de 10 ans comme en témoignent les dépenses publiques de santé en pourcentage des dépenses totales de santé qui ont augmenté dans 31 pays (sur 45 pays). Nous avons cependant noté une diminution de ces investissements dans 13 pays. Le poids des sources privées en pourcentage des dépenses totales de santé a baissé, comme le confirme la réduction du nombre de pays où les dépenses privées représentent 50% ou plus  des dépenses totales de santé  : on est passé de 29 (soit 64% des pays) à 23 (51%). Mais les frais à la charge des patients restent élevés et la majorité des pays sont loin d'assurer la protection contre le risque financier. L’augmentation du prépaiement par l'assurance a été maigre. Les pays finançant partiellement  la santé à travers la sécurité sociale ont augmenté de 19 à 21 et le nombre de pays ayant des régimes privés de prépaiement est  passé de 29 à 31.

Les résultats de votre recherche ont révélé des différences significatives entre les pays en termes de dépenses publiques de santé en pourcentage des dépenses totales de l'État, et en termes de changements au cours des 10 ans. Selon vous, quels sont les principaux facteurs qui ont poussé certains gouvernements à accroître leur financement et d'autres à le diminuer?

Le financement du gouvernement joue un rôle clé dans le financement des services de santé étant donné qu'il est souple et plus prévisible que, par exemple, le financement des bailleurs de fonds. C’est une preuve de l'engagement du gouvernement d’investir dans le développement de la santé de ses citoyens. Dans cette recherche, nous avons en effet constaté des variations importantes avec certains pays augmentant leur contribution à la santé en pourcentage du total des dépenses publiques tandis que d'autres la réduisaient au cours de la période de 10 ans.

Plusieurs facteurs ont fait que certains gouvernements accroissent leur financement, mais dans l’article, nous en avons exploré quelques uns.

L'engagement pris par les chefs d'Etat à Abuja en 2001 pourrait expliquer en partie l'augmentation de l’effort public dans certains pays. Cet engagement a été réitéré à plusieurs réunions de l'Union Africaine, lors de conférences des ministres de la Santé et des ministres des finances, des séances du comité régional pour l'Afrique de l'OMS, et plusieurs panels de haut niveau de financement de la santé (Kampala, Juillet 2010, l'Ethiopie, Mars 2011, Yamoussoukro, Septembre 2012). Ceux-ci auraient pu servir de rappels constants aux gouvernements d'accroître les investissements dans la santé. Nous avons cependant besoin de prêter attention aux critiques sur l’engagement d'Abuja qui ont été soulevées à plusieurs reprises en ce qui concerne la pertinence du pourcentage fixé. Certains ont soulevé le fait que même si cela est respecté, l'investissement par habitant dans la santé sera toujours faible, tandis que d'autres ont déclaré que ces engagements ne sont pas réalisables dans le cadre du budget global d'un pays. Le ministre des finances de la Sierra Leone, dans l'une des tables rondes, a présenté un scénario où les engagements du gouvernement en termes de pourcentage d'attribution aux différents secteurs dépassaient 100%. Cela pourrait expliquer la stagnation, voire la diminution de certains pays.

Pour certains pays qui ont enregistré une augmentation significative de la dépense publique dans leurs «dépenses totales de santé», l’explication pourrait résider dans une vision renouvelée sur la santé, et ce de plusieurs façons. Ici, nous notons par exemple le Ghana, l'Éthiopie, l'Ouganda et le Rwanda. Ce sont des pays qui ont adopté des approches sectorielles (SWAp), dans le cadre desquelles une vision claire a pu être articulée, le soutien des bailleurs de fonds harmonisé et aligné sur les plans sectoriels, les mécanismes de mise en oeuvre simplifiés et acceptés par les gouvernements et les partenaires, et le suivi de la  performance du secteur renforcé et rendu plus inclusif. Des instruments pour guider la mise en œuvre des programmes de santé dans les approches sectorielles ont été élaborés (protocole d’entente par exemple) avec engagements de tous les partenaires. Les succès de cette approche ont été documentés par exemple en Ouganda par Ortendahl. Cela aurait aidé à améliorer l’image du secteur (comme mieux organisé avec une stratégie claire) et augmenter l'investissement du gouvernement, mais aussi adopté comme une fin en soi, dans le but de respecter les engagements respectifs repris dans les documents directeurs.

Certains pays qui ont enregistré une baisse des dépenses de santé en pourcentage des dépenses publiques totales ont enregistré une hausse de la contribution des sources externes. En guise d’exemple, la Sierra Leone, l’Érythrée, le Kenya, la Namibie et le Swaziland sont des pays de cette catégorie. Qu’il y ait eu un phénomène de remplacement (‘crowding-out’), où l'augmentation des sources externes suscite la réduction des investissements de ressources de l'État, ne peut pas être confirmé avec les éléments de preuve disponibles, mais c’est un facteur explicatif possible.

L'avenir des ressources domestiques comme une source importante de financement dépendra de : 1) la capacité des pays à produire des recettes locales 2) renforcement des systèmes administratifs de recouvrement de l'impôt et 3) la volonté politique d'investir dans la santé.

Lagarde et Palmer que vous avez citées dans votre article mentionnent qu’une augmentation de l’utilisation services de santé est possible lorsque les paiements directs augmentent si il y a une amélioration simultanée de la qualité. Cet argument reste-il valide pour maintenir les paiements direct par les usagers, avec comme objectif d'éviter le manque de ressources dans la prestation des services de santé?

Les paiements directs des usagers élevés pour la santé restent un sujet de préoccupation étant donné les conséquences négatives, qui ont été depuis longtemps un sujet de débat. Certaines personnes ont fait valoir que si la qualité des soins va être améliorée alors peut-être les paiements directs d'utilisation ne sont pas aussi mauvais qu’on ne l’a dit.

À notre avis, le maintien des paiements directs en raison de possibles améliorations de la qualité peut ne pas être une bonne option pour plusieurs raisons. Lorsqu’on regarde les données disponibles sur les situations, où la qualité a été améliorée aux côtés des paiements directs, on note que celles-ci relevaient d’environnement pilote ou de recherche-action. Ces expérimentations sont caractérisées par une surveillance et un suivi rigoureux qui pourraient être coûteux à mettre en œuvre au niveau national. En ce qui concerne le comblement de l'écart en matière de ressources, il a été démontré que dans la majorité des situations, la contribution des paiements directs était limitée. Compte tenu des paiements directs élevés pour la santé dans la majorité des pays de la région africaine, explorer comment ces paiements directs pourraient passer par des mécanismes de prépaiement est l'une des options. Une autre question qui n'a pas reçu une attention suffisante dans le débat sur la réduction des frais à la charge des patients est le rôle du secteur privé. Un pourcentage important de la population, les pauvres inclus, se fait soigner dans le secteur privé où les coûts sont élevés et la qualité des soins n'est pas garantie. Résoudre la question des frais à la charge des patients dans le secteur public seul ne suffit pas pour réduire les frais à la charge des patients. Il y a nécessité de mécanismes de régulation du secteur privé, de contrôler la hausse des coûts et d'assurer la qualité des soins, et d'octroyer des subventions au secteur privé pour lui permettre de réduire ses coûts.

En 2006, la cinquante-sixième session du Comité régional de l'OMS pour l'Afrique a adopté une résolution sur le financement de la santé qui invite les Etats membres à renforcer rapidement les systèmes nationaux prépaiement de financement de la santé. Comment ces systèmes avec prépaiement ont-ils évolué depuis la résolution?

Depuis la résolution, mais même avant cela, plusieurs pays se sont impliqués dans la discussion et la conception de systèmes d'assurance-maladie. Depuis 2000, l'Ouganda a discuté la faisabilité de l'introduction de l'assurance-maladie, ce qui a abouti à une étude de faisabilité de l’assurance maladie sociale en 2008. Le Kenya a exploré l'expansion de la caisse de l'assurance-hospitalisation nationale afin de couvrir non seulement l'employé du secteur formel, mais aussi ceux qui travaillent dans le secteur informel. Le Burkina Faso, le Lesotho, le Swaziland et Zanzibar (Tanzanie) ont entrepris des études de faisabilité. Le Rwanda a entrepris une  révision détaillée de son financement de la santé pour guider une nouvelle expansion de son assurance maladie à base communautaire. La Sierra Leone est au stade de la conception de l’assurance sociale santé. Mettre en place des mécanismes de prépaiement est l'un des plus grands défis auxquels sont confrontés les pays dans les régions AFRO. Un grand nombre de discussions et d'études sont en cours, mais les progrès réels sont encore à réaliser.

Le retard dans la phase de conception, d'une part est compréhensible compte tenu du fait que plusieurs des conditions favorables à la mise en place des régimes d'assurance-maladie ne sont pas en place. Par exemple, le secteur formel constitue seulement un petit pourcentage de la population, la population est essentiellement rurale ce qui pose des problèmes administratifs, les revenus sont faibles et le secteur informel n'est pas très organisé dans plusieurs pays. En outre, le fait que près de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté international dans la Région africaine pose un défi de la capacité de payer des primes d’une assurance sociale santé.  

Les défis à surmonter pour commencer l'assurance maladie sont multiples, parmi lesquels on peut certainement citer la faiblessse des systèmes de santé qui sont censés offrir les soins couverts par l’assurance. Il faudra pour cela des subventions spécifiques pour améliorer et accroître la capacité du système à fournir les services couverts. La capacité administrative pour concevoir et gérer les régimes d'assurance fait aussi défaut dans plusieurs pays. Le dialogue dans les pays pour parvenir à un consensus n'a pas été facile et le processus a été un long débat de va-et-vient. A titre d’exemple, des discussions sont en cours en Ouganda depuis 2000, mais ce n’est qu’en 2010 qu’un accord sur le design a été trouvé ! Au Kenya, le processus a aussi pris du temps, a finalement progressé, mais pour être bloqué, au stade de la signature du décret de l’assurance-maladie, par les syndicats, des assurances-maladie privées, des hôpitaux privés et d'autres teneurs d’enjeux ayant des intérêts contraires. La compréhension du concept d'assurance-maladie et l’appréciation de l’importance de la solidarité sont encore très faibles dans nos sociétés ; cela appelle à la sensibilisation, même auprès des élites.

Nous avons cependant des récits de réussites d'assurance maladie, par exemple, le Ghana et le Rwanda. La décision de commencer ou ne pas commencer un régime d'assurance-maladie est une décision du pays, mais une attention particulière doit être portée aux détails dans les phases de conception, de développement et de mise en œuvre. Il est extrêmement important de développer des mécanismes permettant de diagnostiquer les goulots d'étranglement et d’avoir un plan de mise en œuvre pour les résoudre en temps utile pour construire/maintenir la confiance de tous. 

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Politiques d’exemption en santé maternelle en Afrique : partageons nos expériences et résultats de recherches

5/22/2013

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Yamba Kafando

Du 25 au 28 novembre 2013, se tiendra à Ouagadougou (Burkina Faso) un atelier sur les politiques d’exemption pour les services de santé maternelle. Son objectif principal est de faire le bilan de ces politiques à partir des résultats de différentes recherches et des expériences des acteurs-clés.


Depuis plus d’une décennie, de nombreux pays africains mettent en œuvre des politiques nationales d’exemption visant certains services (VIH, paludisme, accouchements, césarienne, etc…) ou certaines catégories spécifiques de la population (enfants de moins de cinq ans, femmes enceintes, personnes âgées, etc…). L’atteinte des OMD mais aussi le souci de réduire les barrières financières à l’accès aux soins des populations sont les objectifs poursuivis par la mise en place de ces politiques nationales.

On peut toutefois avoir un regret : la plupart de ces politiques d’exemption ont été trop rapidement mises en œuvre, directement à l’échelle nationale, sans phase pilote et surtout sans planification d’un volet d’évaluation qui puisse permettre de mesurer leurs effets.



Des connaissances produites, mais trop peu partagées et utilisées 

De tels processus politiques hâtifs et généralisés d’emblée posent des défis méthodologiques à ceux qui veulent les évaluer. Malgré cela, divers programmes de recherche ont été entrepris ; leurs résultats commencent à être disponibles. Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont par ailleurs documenté leurs interventions. Enfin, les gestionnaires de ces politiques ainsi que les acteurs opérationnels détiennent aussi des savoirs tacites qu’il convient de mobiliser.

Un fait caractérisant la période pendant laquelle ces politiques de subvention ont été lancées (2000-2010), est qu’aucun mécanisme de partage des connaissances entre pays n’était en place. Cela a plus que probablement contribué au fait que les connaissances scientifiques et opérationnelles déjà disponibles à l’époque aient été peu utilisées pour l’amélioration de ces politiques, conduisant à la reproduction d’erreurs évitables.

Cela a suscité une prise de conscience qu’il fallait créer une plateforme de partage et a, de fil en aiguille, conduit à la mise en place de la Communauté de Pratique Accès Financier aux Services de Santé.

Un atelier avec une orientation plus scientifique 

C’est avec fierté que la Communauté de Pratique AFSS vous annonce la tenue prochaine d’un atelier à Ouagadougou consacré à l’évaluation des politiques de gratuité en santé maternelle. Certains d’entre vous se souviendront certainement de celui qui avait été organisé à Bamako en Novembre 2011. Avec ce second et probablement dernier atelier sur cette thématique, nous pensons pouvoir boucler cet important programme de connaissances. En effet, l’atelier de Ouagadougou aura une nature plus scientifique : il nous permettra de prendre connaissances de différentes études menées sur ces politiques ces trois dernières années, notamment celles qui ont été conduites par différents consortia scientifiques gravitant autour du projet FEMHealth, de l’Université de Montréal et de l’Université de Heidelberg.

Concrètement, l'événement ambitionne de regrouper les experts mettant en œuvre des politiques d'exemption pour les services de santé maternelle ainsi que les équipes scientifiques qui se sont penchées sur ces expériences en Afrique. Le but de la conférence ne sera pas de juger les choix faits par les pays en matière de politiques d’exemption en santé maternelle, mais plutôt d'aider à les rendre plus efficaces et efficientes afin d'améliorer la santé des populations. 
En vue de favoriser le partage d’un plus grand nombre d’expériences sur ces questions, un appel à communications couvrant 10 thématiques a été lancé à l’endroit des chercheurs, des intervenants mais aussi des gestionnaires et des acteurs opérationnels.

Nous vous invitons donc à partager votre expérience en la matière sur ce blog mais aussi à proposer une communication pour la conférence de Ouagadougou. Au nom de l’Institut de Recherches en Sciences de la Santé, nous nous réjouissons déjà de vous accueillir au Burkina Faso.

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Participation communautaire en Afrique: "ma connaissance de ma propre société était en contradiction avec la théorie" - Entretien avec Fred Golooba-Mutebi.

5/17/2013

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25 ans après l'Initiative de Bamako, nous continuons notre exploration de la participation communautaire en Afrique. Le Dr. Frederick Golooba-Mutebi est politologue, il est Senior Research Fellow à l'École de l'Environnement et du Développement de l'Université de Manchester et chercheur associé au Programme sur la Politique Energétique de l'Afrique à l'Overseas Development Institute de Londres. Il a publié de nombreux articles sur le système de santé et la gouvernance locale, avec une concentration particulière sur l'Ouganda, le Rwanda, le Sud Soudan et l’Afrique du Sud.

Jean-Benoît Falisse: Vous avez travaillé sur les questions de participation communautaire depuis quelques années maintenant. Qu’est ce qui a déclenché votre intérêt pour ce sujet?

Fred Golooba-Mutebi:
Mon intérêt découle de la connaissance que j'avais de la façon dont la société dans laquelle je suis né fonctionne. En ayant grandi dans cette société, je savais à peu près comment les gens ressentaient et pensaient différentes choses. Un aspect clé de la participation est qu'elle suppose que les communautés, où qu'elles se trouvent, on toujours envie de s'affirmer vis-à-vis de leur dirigeants ou de personnes en position de pouvoir et d'autorité. Ma propre société est très hiérarchisée. Les gens traitent généralement leurs leaders avec déférence. Même lorsque l'on ne respecte pas un leader ou que l’on a un problème avec lui, on est plus susceptible d'éviter ce leader que de l’affronter. L'idée de la participation, avec des gens qui demandent des comptes à leurs dirigeants, est donc une proposition difficile. Traditionnellement, les dirigeants locaux ne rendaient pas directement compte à la communauté. Ils rendaient compte à leurs chefs, aux supérieurs de ceux-ci, et finalement au roi. En des temps éloignés (durant la période précoloniale), avant que la région où je suis né ne devienne plus peuplée, les gens pouvaient facilement déménager d'une région à l'autre. Cette possibilité leur permettait de quitter les zones présidées par des dirigeants qu'ils n'aimaient pour aller dans des zones avec des dirigeants qui avaient la réputation d'être bon. Pour un dirigeant, la conséquence d’être rejeté par la population qui avait « voté avec ses pieds » était souvent d’être finalement destitué par le roi. En bref, ma connaissance de ma propre société était en contradiction avec la théorie de la participation populaire. Cela a déclenché chez moi un intérêt pour moi pour étudier dans quelle mesure cette participation restait possible. J'ai trouvé que cela ne l’était pas vraiment. Qu'on le veuille ou non, les traditions et les manières de voir et de faire les choses vivent très longtemps.

La participation communautaire est un principe clé de l'Initiative de Bamako. Aujourd'hui, il semble que l'Initiative de Bamako n'a pas atteint ses objectifs. Quelles en sont les principales raisons d’après vous?

Il y a plusieurs raisons. La première est que la prestation de services en matière de soins de santé échoue en raison de facteurs qui vont bien au-delà de ce à quoi la participation peut répondre ou de ce qu’elle peut rectifier. Je pense par exemple à la disponibilité des médicaments et des ressources humaines dans les zones rurales et à la supervision professionnelle nécessaire à la prestation des soins selon les normes établies. L'idée de vouloir «capturer» pour le secteur public l’argent que les gens dépensaient dans les prestations privées était une bonne chose. Cependant, la faiblesse de l’Initiative de Bamako réside dans l'hypothèse que les gens seraient autant disposés à payer pour des soins dans les établissements publics que dans des établissements privés. L’expérience en Ouganda a montré que ce n'était certainement pas le cas. Pour beaucoup de gens pauvres, payer pour les soins dans les établissements publics en plus de payer des impôts était une contradiction dans les termes. « Pourquoi payer des impôts et ensuite payer pour des services publics? » Les gens savaient que la vocation des propriétaires d'établissements privés était de «faire des affaires» et donc de faire un profit, mais l'idée que les établissements publics fassent de même était en conflit avec la compréhension de beaucoup de gens de ce que les gouvernements sont censés faire, qui est de fournir des services de soins de santé gratuits. Plutôt que de payer pour des services publics de qualité inférieure, les gens préfèrent naturellement une prestation privée de meilleure qualité et plus réactive. La prolifération des établissements privés de toutes sortes rend la possibilité de «sortir» (exit) de l'offre publique assez facile. Sur les marchés de la santé peu réglementés des pays pauvres, les prestataires privés sont plus qu'heureux de fournir à leurs clients les services qu'ils veulent, pas nécessairement ceux dont ils ont besoin. Dans les années 1990, Susan Reynolds Whyte a constaté que, dans les régions rurales en Ouganda, les gens pouvaient se présenter dans les « pharmacies » et demander ce qu'ils voulaient comme médicaments, dans les proportions qu'ils s'étaient fixés, et en cohérence avec le montant d'argent qu'ils avaient. L'Initiative de Bamako est donc en deçà de ses aspirations parce qu'elle était fondée sur des présomptions plausibles mais discutables.

Pourquoi des propositions de participation communautaires telle que l'Initiative de Bamako apparaissent-elles à la fin des années 80 '? Pourraient / devraient elles avoir été conçues différemment?

Ces initiatives sont apparues au moment où il y avait un besoin urgent de changement. L'offre publique de services de santé dans la plupart des pays en développement était catastrophique. Il y avait une nécessité d'une réflexion radicale, de trouver les moyens d'aboutir à une amélioration. Oui, ces stratégies auraient pu être conçues différemment. Le principal problème, pour autant que je le comprenne, était l’approche « one-size-fits-all » (« taille unique »), suivant laquelle des initiatives de développement sont introduites dans tous les pays de la même façon, sans égard à aucune considération contextuelle. Clairement, chaque pays est différent, et tous les pays ne peuvent pas suivre le même chemin, dans les mêmes voies prédéterminées et promues par l'industrie du développement. Chaque pays devrait essayer de faire ce qui convient à son contexte plutôt que de s’aligner sur les soi-disant «bonnes pratiques». Si des pays comme le Rwanda ont eu plus de succès que d'autres dans la réforme de leurs systèmes de santé et de leur économie, c'est parce que, comme la recherche du Programme politique énergétique de l'Afrique à l'Overseas Development Institute l’a découvert, ils ont choisi le « meilleur ajustement » (best fit) plutôt que pour les « meilleures pratiques » (best practices). Ces expériences nous fournissent des arguments pour remettre en cause la tendance au sein de l'industrie du développement à promouvoir des solutions universalistes aux problèmes de développement et de gouvernance.

Vous avez été une voix critique de la participation communautaire et vous venez d'Ouganda - contrairement à un bon nombre d'éminents chercheurs sur la participation de la communauté qui viennent de l'Amérique du Nord / Europe de l'Ouest. Pensez-vous qu'il y a une "doxa" (occidentale) de la participation communautaire? Était-ce surtout une lubie des bailleurs de fonds?

Comme je l'ai dit au début, mon scepticisme quant à la participation découle de ma compréhension de la façon dont la communauté dans laquelle je suis né et ai grandi fonctionne, et comment des choses telles que le leadership y sont comprises. Il n'a jamais été tiré d’une théorisation de ce qui est bon pour les communautés pauvres. Le problème avec l'industrie du développement est qu'elle est dominée par des théoriciens dont la compréhension du monde ou des mondes qu'ils veulent changer ou améliorer est limitée et informée par des visites de courte durée et dans par des interactions superficielles avec les personnes dont ils veulent améliorer l’existence. Il me semble que le problème est vraiment le libéralisme naïf des étrangers bien intentionnés mais mal orientés qui travaillent avec des initiés locaux (des insiders) qui sont trop disposés à jouer le jeu sans se poser de sérieuses questions. À mon avis, les Rwandais sont vraiment dans le bon en refusant d'être traînés/accompagnés de force, en remettant en question et en rejetant ce qu'ils croient ne fonctionnera pas pour eux et en choisissant ce qui fonctionne pour eux.

Pensez-vous qu'il serait judicieux d'envisager d'utiliser des mécanismes de participation communautaire en Amérique du Nord / Europe de l'Ouest?

Je ne le pense pas. Les mécanismes participatifs exigent beaucoup de temps des gens. Vous ne pouvez pas attendre des gens dans une communauté qu’ils organisent toutes ces réunions et prennent toutes les décisions; quel temps leur reste-t-il pour vivre? J'ai vécu en Europe. Je n'ai jamais été assis dans une seule réunion communautaire et si quelqu'un avait exigé moi d'assister à autant de réunions que ce que l’on demande à ma mère dans notre village en Ouganda, je n'aurais jamais eu le temps de le faire. Ma mère assiste à très peu de réunions pour les mêmes raisons.  Dans les quartiers de Londres où j'ai vécu, les services fonctionnaient parce que le Royaume-Uni dispose d'un Etat qui  fonctionne. C'est de cela que l'Afrique et le monde en développement a besoin, et non de la participation communautaire. Cela ne veut pas dire que la participation n'a pas de valeur. Elle peut renforcer un Etat solide dans lequel les gens peuvent se lever et exprimer leur mécontentement quand ils le jugent nécessaire. Cela ne peut marcher que dans un contexte où l'Etat est réactif. Sinon, les gens ne voient pas de raison de s'engager dans une action citoyenne qui ne donne aucun résultat.

Si je comprends bien, la participation communautaire dans les services sociaux en Ouganda a également été très fortement encouragée par l'Etat. Quelle en était la raison? Est-ce que cela n’a pas un peu plus affaibli l'Etat?


En tant que mode de développement, la participation a coïncidé avec la montée en puissance du Mouvement de résistance nationale (NRM). La direction du NRM avait testé l'intérêt des citoyens à participer à la prise de décision pendant la guerre civile quand ils ont organisé les citoyens en conseils locaux afin de leur permettre de prendre en main des choses telles que la sécurité ou le recrutement de soldats dans les zones qu’ils contrôlaient. Ces arrangements ont assez bien fonctionné et le NRM a cherché à les appliquer à la gouvernance d'après-guerre, une fois qu'il a pris le pouvoir. Le fait que ces arrangements offraient une fenêtre d’opportunité pour pénétrer les campagnes, saper les structures traditionnelles d’autorité, et renforcer leur Etat central n’est pas étranger au choix de cette stratégie. En outre, la prise du pouvoir du NRM coïncide avec la période du début de l'après-guerre froide quand la démocratisation et l'accompagnement des phénomènes tels que la décentralisation étaient à l'ordre du jour des donateurs. En ce sens, il y avait une coïncidence d'intérêts entre la direction du NRM et la communauté des donateurs. Deux décennies plus tard, nous savons qu'il y a eu beaucoup de naïveté en supposant que les gens ordinaires voulaient et étaient capables de surveiller leurs dirigeants et de diriger leurs services de base. Je ne pense pas que la participation affaiblit l'Etat, c’est plutôt qu’elle ne fait rien pour renforcer des Etats déjà faibles. Elle a permis à certains gouvernements de se soustraire à leurs responsabilités de faire fonctionner les choses et à mettre la charge sur ses citoyens qui ne possédaient ni l'envie ni la capacité pour le faire.

Dans un article récent, vous affirmez que «la coordination et la supervision verticale et horizontale et la solidité de la mise en place effective de mécanismes de rendre compte» sont les clés de la prestation efficace des services sociaux. Quel est exactement le rôle des communautés là-bas? Quel est l'avenir de la participation communautaire dans la prestation des services sociaux?

Oui, en effet, ce sont les clefs à mon avis. Les communautés devraient avoir des moyens par lesquels elles peuvent mettre la pression sur leurs dirigeants si elles jugent que c’est la chose à faire ce moment. Cela pourrait se produire si, par exemple, elles trouvent que la qualité de la prestation de service est en dessous de leurs attentes. Pour ce faire, des campagnes de sensibilisation doivent être organisées afin de s'assurer que les gens connaissent leurs droits. C'est plus ou moins la situation dans les démocraties occidentales. Les gens ne sont pas obligés - et je dis bien obligés - de participer à la prise de décision à l'échelle où les gens dans les pays pauvres le sont. Toutefois, lorsque les dirigeants prennent des décisions qu'ils jugent inacceptables, ils ont le droit de manifester ou de s'engager dans des formes d'action citoyenne qui leur permettent de transmettre leur message ou messages à ceux à qui ils sont destinés. Cependant, il ne faut pas s'attendre à ce que le changement survienne du jour au lendemain. Le genre de militantisme que nous voyons dans les démocraties avancées s’est enraciné dans de longues périodes de temps.

Il me semble que la participation populaire est rarement considérée comme un acte politique. De votre recherche et d'expérience, diriez-vous que la participation populaire est un acte politique?

Si nous sommes d'accord que la participation est destinée à influencer la prise de décision et dans un même sens l'allocation des ressources, alors il s'agit de faire un choix entre ou parmi des idées concurrentes. C’est donc un acte politique. C'est dans un sens aussi une des raisons pour lesquelles la participation populaire est une proposition difficile dans des contextes où les relations entre les dirigeants et le peuple qu'ils dirigent sont très hiérarchisée et n'entraînent pas de confrontation directe ou de contestation.


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La prise en charge des indigents : la responsabilité de chacun !

5/6/2013

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Les participants du cours « Politique de Santé »

Le 26 avril 2013, dans le cadre d’un module de cours sur la gestion des connaissances, les participants à la formation courte « politiques de santé » à l’IMT d’Anvers ont organisé un débat autour du film « Ah les indigents ! » (1). Ce film raconte la conduite d’une recherche-action au Burkina Faso. Dans ce blog post, les participants rapportent le contenu des discussions et donnent quelques conseils à tous ceux qui voudraient exploiter ce film (en libre accès sur youtube) dans un cadre didactique ou de plaidoyer.

Depuis l'adoption des politiques de recouvrement des coûts des soins en Afrique subsaharienne dans les années 80, la problématique de l'utilisation des services de santé par  les indigents est devenue un enjeu plus visible. Le débat est entretenu par les résultats controversés des politiques de paiement des soins par les usagers, y compris pour certains groupes vulnérables bien plus larges (enfants, femmes…). Ces dernières années, des expériences de réforme du financement des systèmes de santé ont été initiées en Afrique. Certaines  s’attellent à mieux concilier les objectifs d'efficacité et d'équité, notamment en prenant en compte le problème de l'accès aux soins et de l'utilisation des services de santé par les indigents (nous pensons par exemple aux expériences des fonds d’équité).

Les défis sont connus : Qu’est-ce que l’indigence ? Qui sont les indigents ? Comment les identifier ? Où sont-ils, où vivent-ils ? Qui va payer pour leur prise en charge ?

Une recherche-action… un film… un débat

Ce sont à ces questions qu’une recherche-action mise en œuvre au Burkina Faso dans le district sanitaire de Ouargaye, a tenté de répondre. Un film documentaire intitulé « Ah les indigents ! » a été réalisé sur cette recherche-action par Malam Saguirou, avec le concours financier du CRDI du Canada. La recherche-action, elle-même, était conduite par l’équipe du Professeur Valéry Ridde de l’Université de Montréal.

Ce court-métrage reprend les étapes de la recherche-action et montre comment les communautés ont été en mesure de se mobiliser pour favoriser l'accès aux soins des indigents. Il démontre que l’identification communautaire est une bonne solution pour identifier les personnes les plus démunies en milieu rural, tout en mettant le doigt sur le dénuement extrême de l’individu et sur le droit à la dignité. Il illustre également comment des communautés peuvent mettre en place des mécanismes de solidarité, sans intervention financière externe.

Ce documentaire de 26 minutes a été présenté aux étudiants et enseignants de l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers le 26 avril 2013. Il a ensuite donné lieu à un débat sur la problématique des indigents dans les pays pauvres notamment africains.

Enseignements du débat

Sans conteste, le film a été apprécié. Il touche à différentes problématiques et nous a amené à discuter de nombreuses questions. Certaines étaient spécifiques au sujet : l’acceptabilité de l’indigent par le personnel de santé, la problématique de la qualité au rabais pour les indigents, la pérennité de la prise en charge des indigents par la communauté, les mécanismes mis en place en cas d’indigence temporaire…

D’autres étaient plus systémiques : la viabilité financière des formations sanitaires, l’efficacité de la participation communautaire et le fonctionnement des COGES, les soins centrés sur le patient, la qualité des soins, la problématique de l’accès aux soins de santé par les populations dans les pays à faible revenu…

Certaines questions, enfin, dépassaient le seul secteur de la santé : l’acceptabilité sociale de l’indigence, la solidarité dans la communauté pour la prise en charge de ses indigents, les enjeux politiques liés au droit à la santé et la lutte contre la pauvreté, la prise en compte des déterminants sociaux de la santé dans les solutions à rechercher pour la prise en charge des indigents, la protection sociale  des indigents au-delà de leurs besoins pour la seule santé…

L’auditoire était international (il rassemblait des participants à différents programmes de cours à l’IMT): les différentes contributions des participants ont souvent été étayées par des références aux expériences dans les pays d’origine (Burundi, Bénin, RDC, Sénégal, Burkina Faso, Maroc, Madagascar, Guinée…). A l’issue de ce débat que nous avons animé, il ressort qu’il est possible au niveau des communautés et partant à plus grande échelle de définir l’indigence, de sélectionner les indigents sur la base de critères consensuels et de les prendre en charge.

Le principal message du film

Selon nous, le principal message du film est toutefois peut-être ailleurs que dans les enjeux techniques: il montre, que même avec peu de moyens, il est possible de mener des actions spécifiques en faveur des plus pauvres, et ce chacun à notre niveau. Il nous rappelle notre dimension humaine, nous fait prendre conscience de la situation que vivent les indigents et nous oblige à nous engager, à mener des actions en faveur des plus pauvres. De fait, l’aide aux indigents ne nécessite pas de grandes révolutions sociales ou politiques, des réformes techniquement complexes. Elle repose sur notre empathie pour les exclus. Si chacun, à son échelle peut faire quelque chose, comme techniciens, nous pouvons aussi lutter pour dépasser l’immobilisme et impulser la dynamique pour asseoir un véritable mécanisme d’assistance sociale pour la prise en charge des indigents. C’est le principal signal lancé par la Déclaration faite à Marrakech en septembre 2012 par les participants de l’atelier sur l’équité dans la couverture sanitaire universelle : comment atteindre les plus pauvres ? 

Par ailleurs, il ne revient pas qu’au secteur de la santé seul de se consacrer à cette question. L’Etat doit se réinvestir dans cette responsabilité qui fait partie de ses prérogatives en impliquant tous les secteurs pour garantir le droit à la santé, le droit à la dignité humaine à tous comme stipulé dans toutes les Constitutions de nos pays.

Nos conseils pour la meilleure exploitation didactique du documentaire

Le film « Ah les indigent ! » est touchant, stimulant et efficace. Le film peut avoir de nombreux usages (y compris comme outil de réflexion plus méthodologique, par exemple sur la recherche-action !) et devrait pouvoir séduire différents types de publics. 

Nos conseils à nos lecteurs qui souhaiteraient exploiter ce film dans le cadre d’un cours, d’un plaidoyer ou d’une réunion de travail autour de l’indigence sont les suivants : (1) après le film, donnez la parole à l’auditoire en leur posant d’abord la question « qu’est-ce qui vous a interpelé, ému ? » - faites jouer l’émotion; (2) ensuite, seulement, abordez les (nombreux) aspects plus techniques ; (3) en général, exploitez l’expérience des gens dans la salle – si vous avez quelqu’un qui a travaillé activement auprès des pauvres (par exemple, un assistant social) veillez à ce qu’il ou elle partage son expérience ; (4) prévoyez une équipe d’au moins 3 personnes pour l’animation : le facilitateur, une personne au tableau pour noter les réflexions et les organiser ; une personne pour faire circuler le micro ; (5) faites une synthèse en dégageant les grands messages à retenir ; (6) invitez chacun à exploiter ce film à son propre niveau.

Nous n’avons pas rencontré de difficultés techniques pour projeter ce film : il vous suffit d’avoir un projecteur, un ordinateur, un système audio et une bonne connexion à internet (vous pouvez aussi télécharger le film, si Media Player est installé sur votre ordinateur). Le film est en partie en langue locale, il existe en version sous-titrée français et anglais.

Voilà, vous êtes fin prêts : qu’allez-vous faire à votre niveau ?

Note:
(1) Le module de cours "gestion des savoirs et décisions politiques" aborde les différentes stratégies pour le meilleur partage des connaissances en santé publique, y compris les média sociaux. Ce cours a été coordonné et développé par les professeurs Bruno Meessen (IMT, Anvers), Valéry Ridde (Université de Montréal) et Christian Daguenais (Université de Montréal). N'hésitez pas à les contacter si le sujet vous interpelle. 



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Interview avec Agostino Paganini (2/2): "l'Initiative de Bamako est morte il y a longtemps"

4/26/2013

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La deuxième partie de notre entretien avec le Dr Agostino Paganini nous amène à traiter de l'évolution de l'Initiative de Bamako dans le temps et de sa dimension politique. Après son travail en tant que directeur de l'Initiative de Bamako de l'UNICEF à New-York, le Dr Paganini a continué à travailler avec l'UNICEF en tant que chef d'équipe pour la santé dans les situations d'urgence et en tant que directeur pays en Somalie. Il a également travaillé comme consultant senior pour la Banque Mondiale et conseille le directeur de CUAMM (Médecins avec l'Afrique). (Vous pouvez accéder à la première partie de l'interview ici)

Avec le recul, certaines personnes disent que le programme de l'Initiative de Bamako a rarement été correctement mis en œuvre. Dans un post sur ce blog et dans un article, Valery Ridde dit même que nous devrions peut-être abolir l'Initiative de Bamako. Comment voyez-vous la mise en œuvre des principes de Bamako jusqu'à maintenant?

Je pense que cette initiative est morte il y a longtemps. Je pense que certains de ces principes sont toujours incroyablement valables et que certains des problèmes auxquels elle tentait de répondre existent toujours. Le problème de la responsabilité publique et de la participation des populations dans la gestion de leur système de santé aurait dû être mieux pris en compte avec plus de démocratie, mais il est toujours laissé sans intérêt dans de nombreux pays africains. Le problème des dépenses « out-of-pocket » sans aucune règle est également toujours extrêmement valable. On peut appeler cela l'Initiative de Bamako ou on peut l’appeler comme on veut, cela n'a pas vraiment d'importance: quelques-uns des problèmes auxquels l'Initiative de Bamako tentait de répondre sont toujours là et certaines des expériences et des principes (dont certains ont été appliqués et certains ont été mal appliqués) sont toujours d'actualité. Mais l'initiative, non, je ne pense pas qu'il existe chose comme l’initiative de Bamako en vie pour le moment. Tout du moins, je n'ai rien vu.

Seriez-vous d'accord avec Susan Rifkin, qui déclare que l'Initiative de Bamako a élargi les horizons de la participation de la communauté? Est-ce que l’utilisation du terme redevabilité communautaire au lieu de participation change quelque chose ?

Soyons clairs, la redevabilité communautaire cela veut dire la redevabilité envers la communauté. La différence avec cette notion c’est que les communautés deviennent propriétaires (« shareholders »). Avant ils payaient sous la table, maintenant ils paient et ils peuvent demander "qu'avez-vous fait de l'argent?", "pourquoi n'avez-vous pas fait ceci ou cela?". C'est la différence entre un processus participatif vague et une représentation et une participation dans la gestion de l'unité de santé. Et c'est quelque chose sur lequel nous devons encore travailler. Les gens n'ont pas voix au chapitre (« voice ») et aucune porte de sortie (« exit ») dans les pays à faible revenu, sauf bien sûr d’aller dans le secteur privé, mais ce n'est pas une option pour les pauvres.

Dans sa récente interview sur ce blog, Sassy Molyneux insiste sur le fait qu'il faut « examiner attentivement la rémunération et les autres formes d'incitations pour les représentants de la communauté, les défis de l'asymétrie entre le personnel de santé et les représentants de la communauté en matière de ressources et de pouvoir, et l'importance de bâtir des relations de confiance ». Pour moi, cela ressemble un peu à considérer la « politique locale » de santé. Il m'a toujours semblé que peu d'attention était portée à la dimension politique dans l’Initiative de Bamako. Nous sommes pourtant dans une sorte de processus politique, non?

Oui, c’est politique. Et ne pas comprendre que c'est politique est la plus grosse erreur que vous pourriez faire. Je pense que dans la communauté de la santé publique, nous sommes parfois très naïfs. Nous pensons à la supervision et à la formation comme les clefs de tout, mais la santé c’est politique. C'est pourquoi les États-Unis ont leur système de santé, et c'est pourquoi les Scandinaves ont un système de santé différent. La science est la science, mais la façon dont la science est disponible ainsi que la qualité et l'équité de l'accès aux soins sont des questions politiques. Nous devons accepter que le chemin pour obtenir des soins de santé de haute qualité et équitables est difficile et que nous ne sommes pas encore là. Il y a encore une énorme asymétrie entre le personnel de santé et la population, et c'est un signe que la démocratie n'est pas encore là. Nous devons commencer à partir de ce problème. Ce que j'ai vu avec l'Initiative de Bamako est une question profondément politique, et non strictement technique. Mais bien sûr, les gens utilisent des choses et des déclarations de différentes manières et ils ont utilisé cette initiative en fonction de leurs propres intérêts et points de vue.

Vingt-cinq ans ont passé. Vous avez une grande expérience des soins de santé primaires dans les pays à faible revenu. Quelles seront les clés pour les soins de santé primaires au cours des 25 prochaines années?

Ce que je vois venir est plus de privatisation et plus d'urbanisation. Les gens semblent trouver dans les zones urbaines et même dans les bidonvilles des opportunités qu'ils n'ont pas dans leurs zones rurales. Certains pays sont de plus en plus avancés dans l'établissement de l'assurance-maladie –ce qui est une excellente chose, je pense. A la fin de mon travail sur l'Initiative de Bamako, nous étions focalisés sur deux choses (il y avait deux équipes). L'une était le monitoring communautaire, car l’information c’est le pouvoir. L'autre était l'assurance locale. L'assurance maladie est un enjeu majeur, mais elle est difficile à établir. Dans de nombreux cas les programmes commencent à l'échelon national, et pourtant, en Europe ce sont des mécanismes de solidarité locaux qui ont été les assurances initiales.

Nous devons travailler sur la responsabilité/redevabilité publique et l’équité. Ce sont les deux domaines clés. Allons-nous dans cette direction? Je ne suis pas sûr. Je pense que dans certains pays, nous le sommes, mais dans la majorité des autres pays, le secteur privé est de plus en plus important car les gens ont plus de ressources et le secteur public reste sous-financé. Qui plus est, ce secteur public est très inefficace à moins qu'il y ait une forme de redevabilité envers le public. C'est le bilan mitigé que j'ai. D'un côté, il y a des pays qui progressent bien ; prenez par exemple l'expérience du Rwanda avec les mutuelles de santé et la nouvelle politique de rémunération du personnel. Mais de l'autre côté, il y a beaucoup d'autres pays, qui, je pense, ne vont pas dans le même sens.

Est-ce qu’il y a une question que je ne vous ai pas posée et que vous auriez souhaité que je vous pose ? Ou bien une conclusion que vous souhaiteriez faire?

Pas vraiment, pour moi c'était une expérience fascinante. J'ai réalisé que c'était aussi un débat passionnant. Certaines de ces questions sont, comme je l'ai dit, très politiques et certaines sont extrêmement pertinentes aujourd'hui. Nous devons aborder la relation entre le patient, le client et le fournisseur de services. Le débat actuel sur le financement basé sur la performance, qui lie financement non aux médicaments, mais aux résultats, est également très intéressant. Bien sûr, cela ne résoudra pas tous les problèmes. Je pense que nous devrions être en mesure de voir quelles ont été les bonnes expériences dans le passé et aller de l'avant, en ajoutant de nouvelles expériences. La responsabilité publique de base et le rôle des populations sont extrêmement importants, la bonne gouvernance des centres de santé est très importante, mais le financement basé sur les résultats est également très prometteur si nous le combinons avec d'autres choses que nous avons apprises. Nous ne devons pas passer de mode en la mode, mais de prendre en compte le passé, comprendre ce que nous avons appris et le développer.


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Lancement d’un Groupe de Travail « FBP et Equité »

4/20/2012

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Alex Ergo, PhD, Broad Branch Associates / Health Systems 20/20
(
alexergo@broadbranch.org)

Quel effet le financement basé sur la performance (FBP) – ou financement basé sur les résultats (FBR) – a-t-il sur l’équité ? C’est difficile à prédire, surtout si l’équité n’a pas été prise en compte de manière explicite dans la conception du programme. En fait, ça peut aller dans les deux sens. D’une part, on peut s’attendre qu’avec l’introduction d’incitations monétaires visant à ‘booster’ la performance, un prestataire va se concentrer sur les groupes de population les plus accessibles, ce qui risque d’accroitre certaines disparités. En effet, ce n’est d’habitude pas dans ces groupes que l’on trouve les plus démunis. D’autre part, si les agents de santé communautaire bénéficient également de ces incitations, par exemple, il est possible que le FBP contribue à une augmentation de l’utilisation des services de santé dans les régions plus reculées, ce qui pourrait contribuer à une réduction des disparités.

En vérité, le seul moyen de savoir quel est l’effet du FBP sur l’équité, c’est de le mesurer. Pour cela, il faut inclure l’équité dans le monitoring et l’évaluation du programme. Mais au préalable , il faut avoir précisé ce qu’on entendait par ‘équité’ ; il faut, à cette fin, spécifier trois éléments : la dimension de référence, la variable de stratification, et le critère normatif adopté:
- De quelle dimension de l’équité s’agit-il : l’équité dans les résultats de santé (p.ex. espérance de vie, mortalité, morbidité), dans l’utilisation des services de santé, dans les dépenses pour la santé, ou dans la protection contre les dépenses catastrophiques par exemple ?
- Entre quels groupes de population les disparités sont-elles les plus prononcées. En d’autres termes, quelles seront les variables de stratification : est-ce le genre, l’âge, le lieu de résidence, l’ethnicité ou la situation socio-économique, par exemple ?
- Que considère-t-on comme étant une situation ‘équitable’ : l’égalité entre les différents groupes retenus ; une utilisation des services en fonction des besoins,... ?

Ces deux premières étapes – la définition et la mesure de l’équité – sont incontournables si l’on souhaite mieux comprendre les problèmes d’équité et l’effet du FBP sur ces problèmes. Elles sont cependant insuffisantes si l’on veut s’assurer que le FBP ait un effet positif sur l’équité. Pour cela, il faut également incorporer l’équité de manière explicite dans les objectifs du FBP, dans sa conceptualisation et dans sa mise en œuvre. Tout cela idéalement dans une réflexion plus holistique sur le financement du système de santé.

La question revient alors à « comment définir, mesurer et incorporer l’équité dans un programme FBP » ? Nombreux sont les membres de la Communauté de Pratique (CdP) « FBP en Afrique », ainsi que ceux de la CdP « Accès Financier aux Soins de Santé » (AFSS), qui reconnaissent l’importance d’une prise en compte plus explicite de la problématique de l’équité dans leur intervention.  Mais ils ne disposent peut-être pas des connaissances ou des outils pour le faire. Ils sont peut-être également à la recherche de collaboration avec d’autres membres des CdP sur le sujet. Plus fondamentalement, nous devons reconnaître qu’à l’heure actuelle, nous en savons en fait bien peu sur les résultats du FBP en matière d’équité.

C’est en vue de combler ce besoin qu’un groupe de travail « FBP et Equité » vient d’être lancé à l’occasion d’un atelier organisé par les deux CdPs à Bujumbura, au Burundi, du 16 au 20 avril 2012.

Ce groupe de travail s’est donné comme objectif d’aider les membres des deux CdPs :
-  À mieux comprendre les différentes approches pour mesurer et analyser l’équité
-  À mieux comprendre comment celles-ci peuvent être utilisées dans le cadre du FBP
-  À identifier celle(s) à adopter dans un contexte spécifique
-  À développer des stratégies pour mieux intégrer l’équité dans un programme FBP.

De façon plus générale, le groupe de travail a l’ambition de jouer un rôle-clé dans l’animation de la réflexion de nos CdPs sur les questions relatives à l’équité. Ceci se fera au travers de différentes  activités comme:
- La diffusion d’outils et de méthodes pour mesurer et analyser l’équité
- La diffusion d’expériences concrètes, avec leurs forces et leurs faiblesses
    o Que se fait-il déjà dans les programmes FBP ?
    o Que peut-ont apprendre des programmes non-FBP ?
- Des discussions autour de questions sur le FBP et l’équité

Le groupe de travail compte exploiter plusieurs voies de communication pour réaliser ces différentes activités. Ce sont en grande partie celles déjà utilisées par les CdPs : email, groupe de discussion en ligne, newsletter, blogs, readers club…

Le groupe de travail est ouvert à tous les membres des CdPs qui sont particulièrement intéressés dans le sujet et qui sont prêt à contribuer à certaines des activités du groupe, selon leur disponibilité et leur expertise. Au moins 20 membres ont déjà exprimé leur volonté de faire partie du groupe de travail et de contribuer à ses activités. Bien entendu, toutes les activités ne pourront pas être mise en œuvre en même temps. Il faudra mettre des priorités. Celles-ci seront déterminées par les besoins exprimés par des membres des CdPs et par les préférences des membres du groupe de travail. Pour certaines activités, il faudra également s’assurer que les ressources nécessaires sont disponibles, tant humaines que financières.

Dans un premier temps, je m’engage à coordonner les efforts de ce groupe de travail. Cependant, j’espère que cette tâche pourra très vite être partagée ou reprise par un ou plusieurs membres actifs du groupe.

J’espère que ce nouveau groupe de travail, au travers de ses activités, répondra aux besoins des membres des CdPs en termes de compréhension et de compétences, et les encouragera à aller de l’avant en donnant à l’équité l’attention qu’elle mérite au sein du FBP. Pour en savoir plus sur ce groupe de travail et ses activités ou si vous souhaitez vous joindre à cette initiative, n’hésitez pas à me contacter.
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