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Contribution sur la réforme du secteur de la santé au Mali

3/17/2019

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Dr. Oumar Ouattara, Consultant Système et financement de la santé

Du 25 au 28 févier s’est tenu à Bamako un atelier national de haut niveau sur la réforme du système de santé du Mali. Cette réforme va porter sur le système de santé, le système de soins ainsi que celui du financement. L’annonce majeure fut sans nul doute le discours du Chef de l’Etat sur la gratuité en faveur de certains groupes de populations / pathologies dont les enfants de moins de 5 ans et la grossesse et l’accouchement. Je partage ici quelques réflexions susceptibles de renforcer cet ambitieux programme.
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De 1991 à 2006, ma vie professionnelle a été intimement liée au développement, non seulement de la santé communautaire au Mali, mais aussi à la mise en place de mécanisme de couverture du risque ‘maladie’. Durant cette période, de par ma position, j’ai appuyé plusieurs pays africains dans ces domaines. Finalement, à partir de 2007, j’ai décidé de m’expatrier afin d’avoir l’opportunité de gérer des projets dans d’autres contextes et sur du long terme. Cette expérience m’a conduit dans la région des Grands Lacs, puis depuis de 2017, au Burkina Faso et au Niger. Malgré ces longues périodes d’absence, je suis resté un observateur attentif et parfois un acteur de la santé au Mali. C’est pourquoi j’ai décidé de contribuer au débat actuel sur la réforme du secteur de la santé au Mali.

Du 25 au 28 févier, s’est tenu à Bamako l’Atelier National de Haut Niveau sur la Réforme du Système de Santé du Mali. La réforme à venir portera sur le système de santé, le système de soins ainsi que celui du financement. L’évènement a été marqué par un discours du Chef de l’Etat sur la gratuité des soins en faveur de groupes de population particulier, dont les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes.

La nécessité de réformes

Depuis la déclaration de politique sectorielle de santé et de population en décembre 1990, il n’y a pas eu une réforme d’envergure du système de santé au Mali. C’est pourquoi engagée une réforme aujourd’hui est non seulement opportun mais urgent. Les principaux chantiers (dont certains connaissent un début de mise en œuvre) sont dans la très grande majorité des cas, justifiés, qu’il s’agisse de la réforme de la Direction Nationale de la Santé en Direction Générale, de la conversion des Centres de Santé de Référence en Hôpitaux de District ou de la réflexion sur le couple formé par les Associations de Santé Communautaire (ASACO) et les Centres de Santé Communautaires (CSCom).

Le couple ASACO/CSCom est la base du système de santé au Mali. En 2016 – 2017 à la demande de la Ministre de la Santé, nous (Mamadou Namory Traoré, Abdoulaye Boré et Oumar Ouattara) avons réalisés une évaluation de la santé communautaire. Les conclusions majeures sorties de cette évaluation sont :
  • La mauvaise gouvernance quasi généralisée ;
  • La multiplicité des statuts du personnel qui rend difficile la gestion des ressources humaines (dans un CSCom, il y a parfois 7 statuts différents) ;
  • Les conflits entre ASACOs et personnels techniques, les derniers se sentant floués par les premiers ;
  • La déperdition des fonds transférés aux collectivités : depuis le transfert des ressources aux collectivités, dans un tiers des cas, ni les communes ni les ASACOs n’ont l’information de la disponibilité de ces fonds, donc ces fonds n’ont jamais été mobilisés, dans le deuxième tiers, les ressources sont mobilisées et utilisées à d’autres fins, c’est seulement dans le dernier tiers que les ressources sont utilisés pour leurs objets.
 
Il urge donc d’attaquer la question du couple CSCom/ASACOs de front si on veut que la réforme réussisse, car c’est près de 90% des patients qui sont pris en charge à ce niveau. Nous le savons tous, il sera bien sûr crucial de bien impliquer, dans les mois qui viennent, les parties concernées dans les changements à apporter. Une des forces de notre système de santé est en effet l’autonomie qu’il a conférée aux acteurs communautaires.

Le défi des politiques de gratuité

L’atelier national de février a été marqué par le discours du Chef de l’Etat qui a annoncé la gratuité des soins de santé primaires curatifs et préventifs pour les enfants de moins de cinq ans, les femmes enceintes y compris les accouchements, et les personnes de plus de 70 ans, de la planification familiale, des dialyses, des premiers soins en cas d’urgence dans toutes les structures sanitaires (accidents et catastrophes). On peut peut-être discuter du paquet couvert, mais personne ne contestera, je pense, que la gratuité des soins de santé serait la bienvenue par de larges pans de la société malienne. Un grand nombre de nos concitoyens sont pauvres et ont de vraies difficultés à accéder aux soins aujourd’hui. L’ambition est juste, le défi va être de réussir cette gratuité.

Beaucoup de pays africains ont introduit la gratuité ciblée notamment en faveur des enfants de moins de 5 ans ainsi que de la prise en charge de la grossesse et de l’accouchement/césarienne. Il me semble que cela reste aujourd’hui encore des politiques populaires qui ont d’ailleurs donné des effets positifs importants. La littérature scientifique est positive à cet égard.

Quasiment tous ces pays ont toutefois été confrontés à certains problèmes, lors du démarrage, mais parfois également bien des années plus tard :
  • La soutenabilité : les mécanismes de gratuité nécessitent de disposer d’un budget dédié au risque de mettre en péril le système de santé. Sommes-nous certains que les montants annoncés au cour de l’atelier couvriront les besoins réels ? A-t-on pris en compte qu’il ne s’agit pas de remplacer les recettes actuelles, mais d’augmenter considérablement le budget ? En rendant les soins gratuits, on va en effet retirer un obstacle important qui va révéler une demande latente. Celle-ci pourrait s’avérer massive.
  • Il s’agit également de disposer de la trésorerie nécessaire. En effet si les paiements ne sont pas faits en temps et en heure, les CSComs vont manquer de tout, en commençant par les médicaments. Donc la gratuité sera toujours en vigueur mais les familles devront quand même tout acheter soit auprès du personnel de santé qui développera son marché parallèle de médicaments, soit avec le secteur informel (ici on parle de villages où existent les dépôts privés anarchiques ainsi que les marchands ambulants) ;
  • La mise en place d’un mécanisme de contrôle des factures : Les premiers pays qui ont mis les gratuités ciblées en place ont tout de suite été confrontés à une escalade des coûts de la part des formations sanitaires. Un véritablement système de surfacturation s’est mis en place. De mon passage au Burundi ainsi qu’au Burkina Faso, j’ai appris l’importance de la mise en place d’un système de contrôle pour accompagner tout processus de gratuité ciblée. Au Burundi par exemple, entre 2006 et 2010, l’Etat a été incapable de payer les factures de la gratuité à l’absence d’un système de contrôle des factures.  Aujourd’hui encore, certaines factures de cette période restent impayées. Le Burundi a alors introduit une innovation majeure en 2010 « le couplage de la gratuité au Financement Basé sur les Résultats (FBR) » afin que les factures de la gratuité puissent être vérifiées et rester dans des proportions raisonnables. J’invite les personnes intéressées par l’intérêt de ce couplage à consulter ce document. Il y a d’autres options, mais il est important que cet aspect de contrôle soit traité avec soin. Encore aujourd’hui, beaucoup des pays voisins du Mali sont confrontés à des difficultés de paiement des factures de gratuité en l’absence de mécanisme de contrôle. Ne faisons pas la même erreur : mettons ce système en place avant le lancement de la politique.

Eviter la fragmentation du financement


Venons à ce qui me laisse le plus perplexe. Dans le cadre du financement de la santé vers la Couverture Sanitaire Universelle, l’OMS recommande d’éviter la fragmentation, d’aller à une mise en commun des ressources (pooling) pour assurer la solidarité entre les régimes mais aussi éviter les déperditions de ressources, d’énergies et de moyens financiers. Or, le Mali, après un très long processus, a adopté le Régime d’Assurance Maladie Universelle « RAMU », il y a cela tout juste quelques semaines. Le RAMU, à terme, vise à couvrir l’ensemble des résidents au Mali au travers d’un panier de soins bien élaborés. Comment allons-nous faire cohabiter ces RAMU et gratuité à venir ? Sur un plan conceptuel et de mise en œuvre, le défi est de taille. Dans le cadre du RAMU, l’ « Etat employeur » paie des cotisations pour ses fonctionnaires et il est prévu que comme « Etat-Providence », il contribue au paiement des cotisations des mutualistes (secteur informel et rural) ; dans le cadre du RAMED enfin, il contribue à la prise en charges des indigents. Les enfants de moins de 5 ans les femmes enceintes sont déjà des bénéficiaires directs de ces mécanismes. Il faudra bien sûr éviter que dans le régime de gratuité, le même Etat paie encore pour les mêmes cibles. On notera que ce problème ne se pose pas par contre par la mise en place d’un financement pour les soins essentiels par les agents de santé communautaire, aussi prévus dans la nouvelle politique de gratuité.

Il est crucial de bien articuler ces différents dispositifs. Par exemple, dans le cadre du RAMU, on pourrait exempter certaines cibles du paiement de ticket modérateur ce qui reviendra à une prise en charge à 100% comme cela se fait dans les régimes de sécurité sociale de beaucoup de pays européens. Mais il va aussi nous falloir trouvons une façon habile d’être efficient dans la gestion de ce double système de paiement. Cette politique de gratuité nécessitera donc aussi des réformes au niveau des organismes acheteurs de soins. 

En bref, nous voilà face à un grand chantier national. Dans un contexte de ressources rares, aidons l’Etat malien à faire le meilleur usage de ses ressources, pour le plus grand bénéfice de nos populations.

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