Financing Health in Africa - Le blog
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Le financement basé sur la performance et la mise en œuvre des stratégies nationales de santé : un débat à poursuivre

4/28/2014

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Mathieu Noirhomme

Les approches de financement basé sur la performance (FBP) étaient encore considérées il y a peu comme des approches pilotes spécifiques. Elles deviennent aujourd’hui un instrument central de mise en œuvre des politiques et stratégies nationales de santé pour un nombre croissant de gouvernements et d’agences de coopération. Ceci pose de manière accrue la question de l’intégration et de l’alignement des stratégies FBP. Cela aura été le sujet d’un débat en ligne de trois jours, dont les éléments clés sont résumés ci-dessous. Un débat d’actualité, et qui demanderait d’être poussé plus avant, notamment dans le cadre des recherches qui seront conduites dans le cadre du récent appel à projet de l’Alliance pour la Recherche sur les Politiques et Systèmes de Santé.


Le débat a été soulevé en janvier par Mathieu Noirhomme, consultant indépendant sur des questions de dialogue politique et de renforcement du système de santé. Mathieu a pris comme point de départ le cas du Burundi, où il contribuait alors à une revue à mi-parcours du plan national de développement sanitaire (PNDS). Son questionnement s’articulait en deux points : (1) le processus d’intégration du FBP dans le cycle national de planification politique et stratégique ; (2) les risques liés à l’utilisation du FBP pour véhiculer d’autres mécanismes de financement.

Ceci aura donné lieu à un débat court et dense de trois jours. Il a principalement tourné autour du cas burundais, mais les réflexions peuvent aisément s’étendre à d’autres pays.

Le FBP comme outil dans le cycle de planification politique et stratégique

Le FBP peut être un outil puissant de planification stratégique, car il permet de refocaliser les interventions en fonction des évolutions des priorités stratégiques nationales et locales. Cela demande une cohérence réciproque entre les documents politiques principaux (notamment le PNDS) et les approches de FBP sur les orientations centrales et les organes et cycles de planification : d’un côté le FBP doit refléter les priorités nationales, de l’autre, les politiques nationales doivent offrir un rôle concret aux stratégies de FBP. En pratique, au Burundi, Mathieu constate que (1) le FBP est présent mais peu développé au sein du PNDS et que (2) plusieurs acteurs du niveau central disent encore à ce jour voir la Cellule Technique Nationale FBP comme un système de planification parallèle au niveau du ministère, insuffisamment connecté avec les principales directions systémiques (direction de la planification, direction de la santé). Cela induit un risque de voir émerger des orientations différentes entre les exercices de planification opérationnelle et les orientation supportées par le FBP.

Bruno Meessen (facilitateur de la CoP PBF) réagit à ce sujet, en établissant un lien avec d’autres pays où le FBP prend une place centrale dans les politiques nationales mais n’est que peu ou pas reflété dans le plan national de développement sanitaire (PNDS), et questionnant les participants de Communauté de Pratique (CdP) sur la situation dans leur pays.

Concernant le Burundi, Olivier Basenya (expert FBP, ministère de la Santé, Burundi) rappelle que le FBP constitue l’un des axes stratégiques du PNDS et un axe prioritaire du cadre stratégique de relance économique et de lutte contre la pauvreté. Il souligne, comme Bruno le faisait, l’importance d’un alignement entre stratégies nationales et mécanismes de financement. Mathieu approuve en ramenant le propos sur leur traduction opérationnelle. Il précise notamment que le FBP, bien qu’effectivement représenté dans le PNDS, est sous-développé dans le texte par rapport à l’importance stratégique qu’il revêt dans les opérations. Il rappelle également les difficultés pratiques récurrentes d’harmonisation entre PNDS, comité technique FBP, programmes verticaux et programmes des partenaires.

Rigobert Mpendwanzi (consultant Banque Mondiale) souligne les avancées importantes effectuées à ce sujet au Burundi ces dernières années. La planification opérationnelle est depuis 2012 placée sous l’autorité de la direction générale de la planification et conforme aux méthodes que celle-ci a fixées. Selon lui, s’il y a encore des difficultés d’alignement, cela serait lié à des problèmes de compréhension au niveau central sur ce qu’est le FBP. Ces problèmes seraient dépassés depuis longtemps pour les acteurs de terrain.

Delmond Kyanza (conseiller en financement de la santé, Management Science for Health, République Démocratique du Congo) nous offre une illustration du même type avec la situation en République Démocratique du Congo (RDC). Le FBP n’est pas représenté dans le PNDS alors que son importance stratégique est aujourd’hui reconnue. Il déplore également une même opportunité manquée au niveau du document de politique et stratégies de financement du secteur de la santé. Ceci tiendrait à une évolution de l’adhésion à l’approche, qui était encore insuffisante à l’époque de l’élaboration du PNDS. Il plaide pour une meilleure prise en compte du FBP à l’avenir en le présentant comme un vecteur de synergie entre mécanismes de financement. Michel Muvudi (gestionnaire, Arcadie consulting, RDC) complète l’analyse en mettant en garde contre le risque de fragmentation dans les zones où les cadres de concertations sont faibles / absents et où le FBP est mis en place dans une approche projet.

La dernière intervention à ce sujet d’Eric Bigirimana (Directeur, Bregmans Consulting & Research, Burundi) offre une synthèse critique et un message à l’ensemble des pays intéressés. Eric y insiste sur l’importance d’avoir des approches de FBP solides avant de les inscrire dans le PNDS, et ce en vue d’éviter de déforcer la stratégie via des approches bâclées. Il voit dans « l’impréparation et la précipitation issues de l’autorité politique » la cause centrale des problèmes de mise en œuvre. Selon lui, le Burundi a tiré les leçons du passé en prenant le temps aujourd’hui d’un travail technique préparatoire à l’introduction de la Carte d’Assistance Médicale (CAM) au sein du FBP. De manière plus large, il confirme le point de vue général du besoin d’une conjonction de différents mécanismes de financement pour répondre aux défis de santé et d’accès aux soins.

Le FBP comme véhicule pour d’autres moyens de financement

Si l’on dispose d’un canal efficient, il est cohérent de vouloir y greffer d’autres mécanismes de financement. Le principe n’est pas en doute. Par contre, Mathieu pose la question de la mise en œuvre, et particulièrement du travail préparatoire relatif aux autres mécanismes.

Au Burundi, le paiement de l’exemption des soins (pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans) transite depuis 2010 via le même canal que le FBP. Dans plusieurs structures sanitaires, les prestataires affirment que ces paiements absorbent l’intégralité des montants perçus, et ne permettent plus de dégager les ressources additionnelles propres au FBP. D’autres ne formulent pas de plainte à ce sujet. Les causes sont multiples (design, hypothèses à l’origine des forfaits, performance effective de la structure) et méritent discussion. Mais quelles que soient les causes, un constat transparaît : la fusion de deux mécanismes peut mener à une baisse d’adhésion de certains prestataires au système de FBP, qui à elle seule est préoccupante.

Olivier Basenya réagit directement, en reposant à juste titre les arguments en faveur d’une synergie de mécanismes de financement. Il reconnaît que certaines stratégies connexes, si sous-financées, présentent le risque de fragiliser l’ensemble du montage financier. Il préconise de conditionner la fusion d’un nouveau mécanisme à une préparation technique rigoureuse, comme cela se fait actuellement pour la Carte Assistance Médicale (CAM) au Burundi. Il rappelle également que l’ensemble des mécanismes seront cadrés dans la future stratégie nationale de financement de la santé.

Mathieu marque son accord sur ces points, mais met en avant les réalités opérationnelles observées, principalement une priorité aux remboursements des prestations offertes gratuitement, et dans certains cas une réduction des dotations effectivement perçues. Il pose deux questions à ce sujet (1) ne faudrait-il pas impliquer plus intimement les prestataires de soins dans la détermination de ce qu’est une prescription rationnelle et le forfait relatif ; (2) n’y aurait-il pas un intérêt à « earmarker » une partie des financements pour éviter une dilution de l’effet FBP.

Olivier recentre le débat sur la deuxième question. Le problème selon lui n’est pas tant sur l’earmarking que de « savoir si les ressources financières reçues mensuellement par la formation sanitaire quelle que soit la source lui permette de fonctionner (…) ». Rigobert Mpendwanzi insiste à ce sujet : le problème tient à un sous-financement des stratégies adoptées au niveau national. « La CAM et la gratuité doivent être judicieusement conçues et adéquatement financées pour que le FBP ne soit pas réduit à la lutte pour combler le gap. »

Dans les faits, cela ne contredit pas, mais au contraire illustre à nouveau les fragilités croisées : si le montant ou le mécanisme de calcul d’une stratégie de financement est insuffisant, c’est l’ensemble des mécanismes fusionnés (dont le FBP) qui peut en pâtir.

Sur la première question, Olivier et Rigobert défendent tous deux la méthodologie d’élaboration des forfaits qui aurait selon eux impliqué de manière adéquate les acteurs du niveau opérationnel. Olivier précise également que les montants reçus par les centres de santé sont appropriés selon les données collectées par le comité technique FBP. Le principal problème résiduel résiderait au niveau des hôpitaux pour lesquels les forfaits sont considérés par les prestataires comme insuffisants.

Mathieu nuance le propos sur ces deux points en rappelant les observations de terrain contradictoires et appelle à ouvrir le débat en dehors du cas burundais. Longin Gashubije (Ministère de la Santé, Burundi) abonde dans ce sens et apporte un nouvel élément en pointant l’irrégularité des paiements effectués par le Gouvernement. Selon lui, cela induirait le risque de réduire l’intérêt des prestataires pour le FBP et de les détourner des bonnes pratiques en la matière. En ce sens, il repose sur la table la possibilité d’assurer qu’une partie de financement soit garantie pour le FBP, sans formuler de piste technique.

Synthèse du débat

Dans un message qui s’avérera être le dernier de ce débat, Mathieu synthétise et rappelle les fondamentaux de la question de la fusion de différents mécanismes. (1) Oui, il y a de sérieux arguments en faveur de synergies opérationnelles que personne dans ce débat n’a contestées. (2) En pratique, certaines structures voient les ressources du FBP servir pour le remboursement de prestations exemptées. Pour celles-ci, on n’est plus face à une rémunération à la performance mais à un paiement de la gratuité. Quelles que soient les causes, l’effet FBP s’est sans doute délité. (3) Cela lance un appel à la prudence lors du design et du suivi de fusions de mécanismes de financement. Olivier et Rigobert l’ont beaucoup abordé sur la question des budgets disponibles. D’autres considérations peuvent être prises en compte. Cela a d’autant plus d’importance dans des pays où le FBP devient l’un des principaux vecteurs de financement.

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Financement Basé sur la Performance et autonomie des formations sanitaires : synthèse d’un débat en ligne

2/20/2014

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Léonard Ntakarutimana

Quelles sont les responsabilités des équipes-cadres de district dans un district sanitaire dans lequel un système de financement basé sur la performance (FBP) a été introduit ? C’est à cette question que Léonard Ntakarutimana (Institut National de Santé Publique, Bujumbura) tente de répondre en prenant appui sur une discussion qui s’est tenue fin août et début septembre 2013 sur le groupe de discussion en ligne de la communauté des pratiques FBP. Une discussion qui a soulevé une certaine passion : au total 19 intervenants et 32 messages (vous pouvez retrouver la discussion dans son intégralité ici). 


Introduction

Le 28 août 2013, j’ai partagé avec les membres de la Communauté des Pratiques FBP un petit texte au travers duquel je m’interrogeais sur les limites du rôle de régulation des équipes cadres de district (ECD) à l’égard des formations sanitaires (FoSa) évoluant dans le cadre d’un système FBP. Mon interrogation partait du constat d’un désaccord entre, d’une part les prestataires d’un centre de santé du Burundi qui estimaient qu’ils avaient le droit d’obtenir la prime à la performance conformément au prescrit du manuel des Procédures de FBP applicables au niveau national, et d’autre part le Médecin Chef de District qui avait imposé une règle « locale » d’octroi de la prime qui était contraire à la directive contenue dans le manuel des procédures FBP.(1)

Abus de pouvoir de l’ECD ? Bonne intention ? Dans mon message à la communauté des experts, je posais la question : « L’excès de régulation exercé sur le fonctionnement des formations sanitaires  pourrait-il constituer un facteur limitant la performance et le développement des formations sanitaires utilisant l’approche FBP »? Je faisais également appel à un partage d’expérience : ce que j’avais observé était-il exceptionnel ou était-ce observé ailleurs en Afrique ? Cette question a suscité un vif débat au sein de la CoP FBP ;  les différents points de vue seront passés en revue dans les lignes qui suivent.(2) Mais d’abord, commençons par situer le débat dans son contexte.


La problématique de l’autonomie de gestion des formations sanitaires

Au sein de la communauté des experts FBP, il existe un large consensus que l’autonomie de gestion des FoSa est un élément clé de la stratégie : elle permet aux gestionnaires des FoSa de prendre des mesures visant à augmenter la production de services de qualité. Mais que devons-nous exactement entendre par cette notion d’autonomie ?

L’encyclopédie Wikipedia nous rappelle qu’étymologiquement, autonomie vient du grec « autos » : soi-même et « nomos » : loi, règle. C’était le droit que les Romains avaient laissé à certaines villes grecques de se gouverner par leurs propres lois. Le dictionnaire Larousse, quant à lui, définit l’autonomie comme étant « une situation d’une collectivité, d’un organisme public dotés de pouvoirs et d’institutions leur permettant de gérer les affaires qui leur sont propres sans interférence du pouvoir central ».

Ça, c’est pour la définition maximaliste. Dans les faits, nos sociétés sont bien régies par tout un écheveau de règles, de lois, en bref, d’institutions. Aucun élément de la société n’est donc totalement autonome. Un hôpital qui s’est vu accordé un statut autonome de gestion devra par exemple respecter le droit du travail, des règles de sécurité, etc. Il va de soi que le Ministère de la Santé va garder des zones d’autorité. De même, la cité grecque qui abusait de son autonomie et trahissait la loyauté attendue par Rome, était rapidement confrontée au courroux des légions romaines. 

Notre première observation est donc bien que l’autonomie est une question de degré. La bonne question est plutôt celle de son contenu exact.

Il est ainsi reconnu par tous les experts FBP que cette autonomie de gestion n’efface pas le rôle régalien de l’Etat qui, à travers le Ministère de la Santé et ses structures déconcentrées et décentralisées (comme les bureaux de district), veille au respect de la politique sectorielle de santé et des normes en matière de prestation de soins.

Le diable est dans les détails : en pratique, la limite entre l’autonomie des FoSa et le contrôle exercé par le MSP n’est pas nette ; et ceci est à l’origine de conflits entre les FoSa et les ECD, tels que celui que j’ai évoqué en début de blog. Ces conflits, s’ils ne sont pas résolus,  peuvent entraîner une démotivation des personnels de santé et mettre en péril la mise en œuvre du FBP. Nous sommes donc face à une ‘zone’ que nous avons laissée jusqu’à présent relativement indéterminée ou que nous avons peu négociée avec les parties concernées: le rôle exact des ECD quand le district accueille un système FBP.


Les points de vue et propositions des membres de la CoP FBP

 Le message original a suscité de nombreuses réactions. Voici un résumé de ces dernières.

Bruno Meessen (Professeur à l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers, Belgique et Facilitateur de la CoP FBP), qui par le passé avait aussi observé un excès de contrôle par une ECD au Burundi, y voit l’indication d’un manque de conscience au niveau des ECD que le FBP marque un changement de paradigme.  Ceci dit, il pense aussi que les experts FBP se trompent quand ils cantonnent les ECD au statut d’un organe de régulation. En plus de la fonction de régulation, il rappelle que les ECD sont censées jouer un rôle-clé dans la coordination du système local de santé, un rôle de leadership dans la réponse aux défis sanitaires émergents ou non prévus par le FBP (ex : une épidémie) et le rôle de renforcement des capacités des personnels des FoSa situées dans leur zone de responsabilité. On notera que la récente conférence organisée par la CoP Prestation des Services de Santé (Dakar 21-23 octobre 2013) a été riche en recommandations à ce niveau (rapport accessible en cliquant ici)

Tout en étant d’accord avec le besoin de davantage d’autonomie des FoSa, Bruno souligne cependant un défi qui reste à relever : celui de faire comprendre à la hiérarchie sanitaire que le système sanitaire sera  plus fort comme un tout lorsque la mission de chaque élément sera mieux définie et que les interférences cesseront. Il prévient qu’il faudra s’armer de patience car un tel changement de paradigme ne se fait pas d’un coup, mais bien progressivement.

Comme solutions, Bruno préconise : poursuivre de la communication sur le changement de paradigme, éviter les conflits d’idéologie, inter-projets ou interpersonnels et montrer qu’il y a de la place pour des ECD fortes.  Pour Bruno, la communauté des experts FBP doit être consciente que l’avancée vers une plus grande autonomie des formations sanitaires publiques en Afrique repose sur ses épaules.


Le point de vue des « modérés »

Joël Arthur Kiendrébéogo (AEDES-Tchad, Médecin et Economiste de la santé) relève que la notion-même de régulation n’est pas forcément comprise par tous de la même façon ; et qu’une certaine confusion persiste au sujet des  termes « autonomie », « contrôle » et « indépendance ». Il pose en outre la question de savoir si tout le monde s’accorde sur l’objet de ce qui doit être régulé. Tout comme Bruno, il pense qu’il est de la responsabilité des experts du FBP de lever toutes ces ambiguïtés.

S’agissant de la notion d’autonomie des FoSa, Joël Arthur en citant Jean Perrot et al. (in « L’incitation à la performance des prestataires de services de soins » ; OMS, 2010), distingue deux courants de pensées : (i) les partisans du néo-libéralisme pur et dur pour lesquels il faut laisser le prestataire de services de santé utiliser les fonds qu’il a reçus comme il l’entend, avec l’hypothèse que c'est lui qui connaît le mieux ses besoins et qu'il saura prendre la meilleure décision quant à l'utilisation des fonds pour améliorer la production de résultats et (ii) les « modérés » qui pensent qu’on ne peut pas se désintéresser de l'utilisation des fonds par les prestataires pour des raisons de redevabilité (car il s'agit généralement d'argent public) ou simplement du fait que cette utilisation est elle-même stratégique pour améliorer la production de résultats ultérieurs. Ils pensent donc qu’il faut s'assurer que les prestataires utiliseront au mieux ces fonds, étant supposé que les FOSA n’ont pas toujours les bonnes stratégies pour améliorer leur performance ou qu'ils ne font pas toujours les meilleures choses.

Joël Arthur compte parmi ces partisans d’un certain interventionnisme de l’Etat. Il justifie sa position pour deux raisons essentielles : (i)  dans beaucoup de situations (pays), les distorsions du marché (situations de monopoles, asymétrie d’information entre différents acteurs du système de santé, capacités très inégales entre les FoSa) sont si importantes que les mécanismes de lois du marché ne peuvent pas fonctionner correctement ; (ii) la bonne gouvernance reste à construire dans de nombreux pays ; et les bonnes pratiques de gestion financière et comptable ne sont pas encore en place.

Joël Arthur conclut en optant pour une autonomie des FOSA dans la définition de leur plan d’action ; la régulation ne devant intervenir que pour s’assurer que les activités définies dans les plans d’action sont conformes à la politique sanitaire nationale et qu’elles sont bien exécutées. Cependant, il relève que le manque criant de personnels compétents dans la plupart de situations constitue une entrave majeure ; et que dans ces conditions, un accompagnement minimum  des FoSa s’impose.

Matar Camara (Spécialiste en Renforcement des Systèmes de Santé, USAID-Sénégal), distingue deux  situations de FoSa.  Dans la première catégorie, les responsables de FoSa prennent des initiatives pour améliorer le cadre de travail ou la couverture ; ils utilisent correctement les ressources du FBP. Ceux-ci n’ont pas besoin d’accompagnement.

Dans la deuxième catégorie de FoSa,  les responsables sont incapables de prendre des initiatives et attendent plutôt qu’on leur donne des directives à exécuter. Dans cette deuxième catégorie,  les FoSa ont besoin d’un accompagnement, d’un éclairage (renforcement des capacités) leur permettant d’élaborer et d’évaluer périodiquement des plans d’actions budgétisés, un préalable à l’atteinte des objectifs.

Cette distinction entre les «  bons » et de « mauvais » élèves parmi les FoSa est soutenue par Michel Muvudi (Spécialiste de Santé Publique, Projet d’appui au PNDS/10ème FED-Union Européenne, RD Congo), qui,  comme Matar, propose une attitude différente à adopter par les ECD selon le cas. Michel rappelle que le district est un ensemble hétérogène qui a besoin de coordination – la mission-même des ECD est de trouver cette harmonie fonctionnelle. A l’endroit des «  mauvais élèves » qui utilisent mal leurs ressources (non-respect des lignes de dépense, malversation, insuffisance en gestion etc.), les ECD qui, selon lui, ont aussi la fonction de contrôle administratif, devront recadrer et corriger les distorsions. En revanche, ce contrôle administratif ne serait pas indiqué à l’endroit des « bons élèves ». Bref, Michel  trouve que quatre éléments essentiels doivent être pris en compte pour mieux aborder la question des limites qui devraient exister entre l’autonomie des FoSa et le contrôle par les ECD : (i) la façon démontrée (positive ou négative) dont les FoSa utilisent leur autonomie, (ii) la redevabilité des FoSa,  (iii) la façon dont les ECD assurent leur rôle de régulation vis-à-vis des FoSa et (iv) la manière dont l’autorité de tutelle fixe et contrôle la ligne séparant l’autonomie des Fosa et la régulation de celles-ci par l’ECD.

Pour que le FBP soit couronné de succès, Michel suggère de former tous  les acteurs  et d’introduire l’approche à tous les niveaux de la pyramide sanitaire, étant donné que la production des services de qualité dans les FoSa dépend aussi de la manière dont celles-ci  sont encadrées  et  de la qualité de relation qu'elles entretiennent avec la hiérarchie en rapport avec le respect des normes et directives.

Eric Bigirimana (Médecin, Ms Sciences, BREGMANS Consulting & Research, Burundi ; Manager de l'AAP Sud-Ouest Cameroun) revient sur l’idée exprimée par Bruno selon laquelle les différents acteurs du système de santé interprètent différemment les principes véhiculés par le FBP. Par conséquent, il propose de revoir ces principes pour pouvoir dégager  une meilleure orientation. Tout comme Bruno, Eric pense que, si dans le cas du CDS du Burundi rapporté par Léonard,  les ECD agissent de manière directive en mettant en place des règles nouvelles, cela suggère que leurs attributions, leurs rôles et leurs responsabilités dans le montage du FBP ne sont pas clairs. Cela indique peut-être la nécessité d’être plus précis dans le manuel de procédure FBP. Mais cela suggère aussi de vérifier que ce que leur demande le FBP est bien compatible avec les prérogatives déléguées par le MSP aux ECD.  Cette confusion serait le plus souvent constatée dans les pays ayant mis en place le FBP en le focalisant sur les formations sanitaires de première et de deuxième ligne tout en donnant un rôle dérisoire aux ‘régulateurs’aux différents niveaux.

Dans certains pays, nous aurions donc négligé d’accorder aux niveaux intermédiaires leur juste place dans le FBP. Eric n’est pas sûr que détacher ainsi les FoSa de leur relation privilégiée avec les ECD est la bonne stratégie. Cela priverait notamment les FoSa de l’appui et de l’encadrement technique indispensables à l’atteinte d’une performance optimale, surtout lorsque les personnels  des FoSa ont un faible niveau de compétence.  Pour éviter cette situation, Eric soutient l’application du FBP comme un outil qui renforce tout le système sanitaire. Dans cette logique, les principes et les bonnes pratiques de l’approche s’appliqueraient à tous les acteurs du système de santé, les régulateurs y compris.

Enfin, Eric soutient que les ECD doivent veiller au respect des normes sanitaires. Les ECD doivent plus particulièrement s’assurer que les FoSa font des choix de stratégies qui cadrent avec ces normes sans pour autant chercher à se substituer à elles dans leur prise de décision.

Pour ce qui est de la liberté des FoSa à utiliser leurs fonds, Eric pense que les régulateurs doivent agir par un coaching persuasif et donner un appui aux Fosa pour opérer des choix techniquement efficients. Ainsi par exemple, dans tous les investissements réalisés par les FoSa, le régulateur se doit de vérifier si les choix collent avec les normes établies par le Ministère de la Santé en vue de prévenir   des investissements non prioritaires ou qui ne respectent pas les normes sanitaires.

De l’avis d’Eric, « le régulateur doit garder un œil sur les activités des FoSa ainsi que sur les choix qu’elles font dans le but de faire respecter les normes sanitaires et pour apporter un appui technique sur l’élaboration du Business Plan ainsi que sur sa mise en œuvre. Cependant, il ne doit pas chercher à se substituer au personnel de la FoSa lors de la prise de décision ». Cette ligne de pensée rejoint celle des « Modérés » qui avait été exposée par Joël Arthur Kiendrébéogo.
L’idée de redéfinition (clarification) des concepts (fonctions) déjà exprimée par Joël Arthur Kiendrébéogo et Eric Bigirimana est également soutenue par Bemadjingar Pascal (Médecin, Responsable FBR, Tchad). Pour ce dernier les concepts à redéfinir sont entre autres, la régulation, la supervision et l’encadrement. Sans cette clarification, le travail des ECD risquerait de nuire à l’autonomie de gestion des FoSa.


Un point de vue plus néolibéral

Comme vous l’avez sans doute observé par le passé, notre CoP accueille une diversité d’opinions. C’est Jean ClaudeTaptue Fotso (Manager, Agence d’Achat des performances, Littoral - Cameroun) qui s’est lancé pour défendre une ligne plus ‘néo-libérale’.

Il n’est pas d’accord avec l’idée exprimée par Eric selon laquelle les ECD disposeraient de compétences suffisantes pour encadrer les FoSa et les amener à observer les meilleures pratiques du FBP (élaboration des plans d’action, choix des stratégies à utiliser pour produire les résultats, etc.).

 Pour lui, si certaines ECD ne jouent pas suffisamment leur rôle, c’est simplement parce qu’elles ne sont pas bien formées sur le FBP. C’est lors des formations sur le FBP qu’ils prennent connaissance et maîtrisent les principes, les meilleures pratiques et les rôles des différents acteurs du FBP. Pour Jean Claude, les idées des ‘régulateurs’ sont suffisamment prises en compte lorsqu’ils décident des indicateurs à acheter et fixent leurs prix ; pour la mise en œuvre, il pense que c’est aux FoSa de décider.

 Il va plus loin en affirmant que l’ingérence des ECD pourrait même étouffer l’émergence des ‘génies’ parmi les prestataires des CDS, qui sont capables d’offrir des services appréciables pourvu qu’ils soient suffisamment motivés. Il fustige le cas de certains superviseurs du niveau central, moins formés sur le FBP que les acteurs du niveau opérationnel, et dont l’action sur le terrain peut parfois nuire au FBP.  Il souligne également la vision réductionniste de certains acteurs, qui résument le FBP à un simple mécanisme d’allocation des fonds, avant de préciser que le FBP va bien au-delà pour être une véritable réforme. Il soutient la séparation des fonctions et des rôles comme condition au développement harmonieux du FBP et du système de santé. Plus loin, Jean Claude soutient que le rôle des ECD doit également être de veiller au respect des normes de qualité, de gestion administrative et financière par les FoSa, idéalement par une activité de‘coaching’. 

Sa solution: tous les acteurs du FBP (les prestataires, les régulateurs, les financeurs, les décideurs impliqués de près ou de loin) devraient être bien formés sur le FBP (il fait allusion au type de formation de 14 jours souvent organisée ici et là sur le FBP) pour jouer pleinement leur rôle, que ce soit au niveau politique, stratégique ou opérationnel.  Sur ce dernier point, Jean Claude est donc plus consensuel.

S’agissant des manuels de procédures, Jean Claude rejoint l’idée exprimée par Eric pour reconnaitre que ce type de document devrait être bien rédigé de façon à garantir la séparation des fonctions et l’autonomie de gestion des FoSa.

L’idée de former tous les acteurs du FBP est soutenue par Joël Arthur, qui toutefois estime que ce serait simplifier les choses que de penser qu’une bonne formation signifierait «avoir suivi le type de formation de 14 jours sur le FBP » auquel fait allusion Jean Claude.  En outre, il revient sur l’idée d’ajouter l’élément « contexte » (nature et importance des inputs mis en place par chaque pays, processus de production), étant donné que des acteurs même très bien formés sur le FBP pourraient aboutir à de mauvais résultats simplement parce que le contexte dans lequel ils évoluent n’est pas favorable. Dans cette même logique, Joël Arthur ajoute que certaines dispositions des manuels de procédures FBP pourraient justement avoir été mises exprès dans ces  documents pour mieux prendre en compte du contexte dans lequel le FBP est mis en œuvre. 

Joël  Arthur rappelle l’idée souvent émise par différents experts, que le FBP n’est qu’un catalyseur pour le renforcement du système de santé ; mais qu’il ne doit pas être considéré comme une solution miracle à tous les problèmes. En outre, il pense que la mise en œuvre de cette approche devrait être un processus dynamique qui n’obéit pas  à « la loi de tout ou rien » souvent avancée par certains praticiens du FBP selon lesquels « soit on fait du FBP soit on n’en fait pas »

Cette loi du tout ou rien semble cependant soutenue par Jean PierreTsafack (Médecin, Manager AAP Bertoua-Cameroun), qui affirme que « mettre le PBF en œuvre sans maîtriser ses meilleures pratiques c'est faire autre chose et non le PBF ».

Patrice Ngouadjio Kougoum (Médecin, Manager Adjoint AAP Sud-Ouest, Cameroun) soutient la vue que le rôle des ECD ne doit pas rester dérisoire. Il pose la question de savoir comment l’ECD doit jouer pleinement son rôle d’amener les FoSa à être plus performantes. La question se pose plus particulièrement lorsque le ‘génie’ du Chef de la FoSa ne se développe pas ou que la performance (quantitative) des FoSa se développe très rapidement au détriment de la qualité. En outre, Patrice se demande comment l’on pourrait lier la performance des ECD (qui avec certaines grilles, atteint facilement 100%) à celle des FoSa de leurs districts sanitaires. Rena Eichler (Broad Branch, USA) répondra à cette question quelques jours plus tard en donnant un exemple de la Tanzanie (où les primes des ECD sont notamment dépendantes de la performance agrégée des FoSa, mécanisme qui par contre les exclut de la fonction de vérification). Joseph Shu donnera, pour sa part, un exemple de checklist utilisé au Cameroun.

Pour Jean Claude Taptue, l’autonomie des FoSa offre l’occasion à celles-ci de se désigner de bons responsables capables de diriger et de remplacer ceux qui en sont incapables. Face à certaines FoSa dont la performance est mauvaise pour des raisons évoquées par Jean Pierre, Jean Claude estime que ces FoSa peuvent être sanctionnées ; et les sanctions peuvent aller jusqu’à la suspension de leur contrat de performance, et ce jusqu’à ce qu’ils changent de chefs. C’est ce qu’il appelle « associer le bâton et la carotte ». S’agissant de l’évaluation des ECD, il propose d’abandonner les indicateurs de processus des DS pour se focaliser sur les indicateurs de qualité des FoSa de leur zone d’intervention.


Quatre fausses prémisses ?

Eric, revenant sur la position de Jean Claude et d’autres experts du FBP qui, selon lui, défendent l’autonomie « totale » des FoSa pense que leur position part de prémisses qui sont basées sur certaines fausses perceptions.

Première fausse prémisse : Ingérence des ECD dans le travail des Fosa 

Pour Eric, cette vision de ce qu’il appelle « les Puristes » du FBP part d’une fausse perception du rôle que doivent jouer les ECD. Tout partirait de leur vision négative quant au travail des ECD, qualifié d’ « ingérence », pour signifier une entrave ou une perturbation ou même une nuisance au développement des FoSa. C’est cette vision qui conduit à  assimiler la séparation des fonctions ou l’autonomie de gestion à la rupture des liens fonctionnels entre les FoSa et les ECD.

Eric propose à la place une vision selon laquelle les ECD sont là pour faire un travail d’encadrement et de coaching auprès des FoSa en vue de les aider à améliorer leurs prestations. Pour lui, il ne faudrait pas partir du fait que certaines ECD ne s’acquittent pas correctement de leurs tâches pour ignorer le rôle positif des ECD qui jouent correctement le rôle qui est le leur : le coaching persuasif. Eric pense que ce coaching persuasif n’entrave en rien l’inventivité des Fosa. Au contraire, il alimenterait la réflexion au niveau des FoSa en apportant un éclairage sur les dimensions mal maîtrisées par le personnel des FoSa.

Pour Eric, le rôle de coaching des FoSa par les ECD doit être maintenu étant donné que,  lorsque les résultats s’améliorent dans une FoSa, on salue son‘génie’ alors que lorsqu’ils sont mauvais, le réflexe sera de blâmer les équipes des FoSa parce qu’on ne comprend pas les processus sous-jacents aux résultats produits (positifs ou négatifs) au niveau opérationnel, alors que cette faible performance serait probablement la résultante d’un faible niveau de coaching par les ECD.

Répondant à la question posée par Patrice, Eric pense que l’autonomie de gestion prônée par le FBP ne devrait pas rimer avec une totale indépendance des Fosa vis-à-vis des ECD notamment sur les liens fonctionnels. Au contraire, il pense que la rupture fait courir le risque de démembrement, qui entraîne à son tour une fragmentation et une fragilisation du district de santé et de surcroît, la fragilisation du système de santé. Toutefois, ces liens fonctionnels ne signifient pas que l’ECD décide à la place des FoSa ou qu’elle dicte ce que ces dernières doivent faire, d’où Eric revient sur le besoin de définir clairement les attributions des rôles et des responsabilités des uns et des autres dans le cadre du FBP via le manuel des procédures.

Deuxième fausse prémisse : Les prestataires au niveau des Fosa sont les mieux placés pour connaître les besoins des populations et pour trouver des solutions à leurs problèmes

Avec cette prémisse, Eric pense qu’il y a quelque part une exagération, étant donné que les professionnels de santé  évoluant dans la plupart des centres de santé et des hôpitaux de district en Afrique seraient formés sur la prestation des soins cliniques (à quelques différences près entre pays). Leur cursus a en fait promus une « vision biomédicale de la santé » directement liée aux activités qu’ils feront dans les FoSa. Eric estime que dans ce type de formation, des aspects  importants de santé publique ne sont pas ou sont très peu développés. Il pense notamment aux aspects psycho-sociaux de la santé qui permettent de bien comprendre les enjeux de santé au niveau communautaire. Ceci suggère que les ECD (les seules supposées avoir des compétences techniques suffisantes en la matière) doivent encadrer les FoSa.

Troisième fausse prémisse : lorsque les indicateurs ne s’améliorent pas, il faut augmenter leurs coûts unitaires pour qu’ils décollent 

Pour Eric, cette prémisse est fondée sur la croyance que l’argent est le seul facteur motivant, ce qui n’est pas vrai. Si l’incitatif financier est l’un parmi les plus importants notamment dans les pays à faibles revenus, il serait loin d’être le seul dans les secteurs sociaux comme la santé où certaines valeurs sociales sont très fortes. Et il ajoute : « Penser qu’agir uniquement sur le levier des incitatifs financiers suffira c’est méconnaître les déterminants socio-comportementaux des professionnels de la santé quelque soit le pays où vous appliquez le FBP ». Basile Keugoung (éditeur de la lettre Politiques Internationales de Santé, Cameroun) soutient un argument analogue.

Quatrième fausse prémisse :   L’autonomie de gestion signifierait pour « les puristes »,   une totale indépendance entre différents acteurs

Ici également Eric pense que c’est une mauvaise interprétation  porteuse de risques pour le système de santé. Cette mauvaise interprétation aurait également un impact sur l’interprétation de la séparation des fonctions. Il rappelle que le rôle des ECD auprès des FoSa est indispensable, notamment pour s’assurer de l’élaboration des plans d’action de qualité et de leur mise en œuvre, la bonne utilisation de l’outil d’indice, la supervision, la gestion et l’analyse des données des FoSa de son aire de responsabilité.


La discussion s’est clôturée, avec des contributions de Christine Ename, Bruno Meessen, Michel Muvudi et Jean Claude Taptue sur la fonction du coaching, une fonction-clé oubliée dans la conceptualisation du FBP. Dans son partage d’expérience, Michel détaille avec clarté les trois grands enjeux d’un bon coaching : les aptitudes du coach, la méthodologie du coaching et une bonne compréhension des caractéristiques du groupe-cible du coaching.    

Le mot de la fin reviendra à Joël Arthur qui recommande que le FBP soit intégré dans le curriculum de formations initiales des personnels de santé en Afrique. Ce serait certainement la meilleure façon d’assurer la transition entre paradigmes !



Synthèse de la discussion

Notre sujet a suscité un large intérêt auprès des experts et praticiens, cela indique que la problématique est perçue comme importante. Les différentes contributions permettent de dégager les principales leçons suivantes :

1.    Le FBP est une approche reconnue comme innovante dans le financement de la santé. Loin d’être une simple allocation des fonds, il est une véritable réforme du secteur de la santé. A ce titre, il redessine la carte des responsabilités dans le système de santé, y compris au niveau décentralisé.

La communauté FBP a identifié un corpus de principes. Certains ont été rapidement énoncés et leur contenu exact est resté en partie indéterminé ou insuffisamment négocié avec les parties concernées. C’est le cas de l’autonomie des FoSa, en particulier dans leur relation aux ECD. Celles-ci étant parfois bien installées dans leurs rôles et prérogatives, peuvent entraver le développement du FBP, à tort ou à raison.

2.     Il ressort de notre discussion qu’il y a débat sur le degré d’autonomie à conférer aux FoSa vis-à-vis de leur ECD.

Certains experts tiennent à la responsabilisation des ECD, notamment dans l’accompagnement des FoSa. Leurs principaux arguments sont : (i) les districts sont des ensembles hétérogènes ; la responsabilité des ECD est d’organiser le système local de santé ; en découle une coresponsabilité dans la performance relative des FOSA de leur zone d’intervention que ce soit sur le plan qualitatif que quantitatif ;  (ii) les FoSa n’ont pas des capacités de production, de gestion ou d’innovation identiques; les moins performantes ont besoin d’un renforcement des capacités et d’un coaching ; (iii) les FoSa utilisent les fonds publics qui doivent être bien gérés en tenant compte de la politique sectorielle du Ministère de la santé et de leur plan d’action ; (iv) les prestataires des FoSa du niveau opérationnel en Afrique ont généralement un faible niveau de connaissance sur différents aspects de la santé publique ; ils ont besoin d’une guidance de proximité à cet égard. Les experts de ce courant sont aussi soucieux de développer des solutions en phase avec le contexte et se méfient d’une pensée FBP standard qui deviendrait trop idéologique. Ils prônent ainsi une implication des ECD ‘sur mesure’ : minimale si la FoSa est performante, proactive si la FoSa est défaillante. Ils rappellent que l’incitant financier, quoique très important, n’est pas le seul déterminant de la performance des prestataires; il est donc important d’utiliser les mécanismes dont disposent les ECD. La séniorité et l’expérience de ses membres (dans la mesure où il en est bien ainsi) sont un vrai atout à exploiter.

Un autre courant veut jouer de façon plus radicale la carte de l’autonomie des FoSa. Les experts de ce courant ont foi dans les lois du marché. Ils expriment un certain doute sur les capacités des ECD elles-mêmes. Ils pensent aussi qu’il ne faut pas essayer de remédier à tout de façon paternaliste; il faut ainsi accepter que le destin d’un manager incapable d’améliorer la performance de sa FoSa est peut-être de se faire remplacer.

                                                                                                                   
Notre proposition

Notre responsabilité n’est pas de départager ces deux courants. Notre avis est que c’est à chaque expert, face à une situation donnée, à déterminer la voie pertinente. Voici des points d’action qui nous semblent toutefois pouvoir rassembler un large soutien au sein de la CoP :                                                   

Le FBP marque un changement de paradigme : il prône une redéfinition et un recadrage des rôles et responsabilités des différents acteurs et à tous les niveaux, y compris au niveau du district de santé. Le niveau central du Ministère de la Santé doit être conscient de cette évolution et l’accompagner, notamment en donnant des directives pour prévenir les interférences intempestives par les ECD.

Du côté des acteurs mettant en œuvre le FBP, on peut sans doute prévenir un ‘rejet de la greffe’ en ayant une démarche proactive à destination des ECD.

Celle-ci peut consister en :

1.    Assurer que la formation d’initiation au FBP se fasse bien à destination de tous les acteurs de mise en œuvre, à tous les niveaux de la pyramide sanitaire, y compris les ECD. A terme, elle devrait être intégrée dans le curriculum de formation initiale du personnel de santé.  

2.    Discuter avec les ECD de leur rôle dans un système FBP, en particulier les fonctions dont ils sont premiers responsables. Il est important en effet de noter que le FBP a des attentes positives vis-à-vis des ECD : c’est à elles par exemple de veiller à ce que les FoSa prennent en compte les politiques et directives du Ministère de la Santé dans l’élaboration de leurs plans d’action. Les ECD peuvent aussi être sollicitées pour la vérification, etc.

3.    Il faut aussi avoir un dialogue sur les fonctions qu’ils assumaient précédemment (en distinguant peut-être celles qui étaient plus théoriques que réelles) et identifier les implications possibles de certaines recommandations du FBP (comme l’autonomie des FoSa) sur leurs prérogatives.

4.    Il faut aussi essayer d’intégrer les ECD dans les mécanismes d’incitation à la performance, en développant des batteries d’indicateurs capturant leurs fonctions principales.

5.    En général, il faut promouvoir une collaboration constructive entre les prestataires (FoSa), les ECD et l’agence d’achat; celle-ci passe par un dialogue inclusif dès la conception. Le principal objectif de ce dialogue doit être de clarifier d’une part le contenu exact de notions comme l’autonomie, la supervision ou la régulation et d’autre part, de préciser qui assumera certaines fonctions importantes du système local de santé : la formation continue, le coaching, etc. Cette clarification doit être intégrée dans le manuel de procédures.  Mais au préalable, il est important de bien comprendre les mécanismes garantissant une pleine efficacité de ces fonctions (cf. les contributions relatives au coaching). 

6.    Comme débattu et décidé à Dakar, il est temps de renouveler la vision du district de santé. Les ECD doivent réinventer leur rôle en établissant leur influence sur leur capacité à guider et conseiller, bien plus que sur leur autorité. 



Notes :

(1)    La règle locale était qu’un CDS ne pouvait accéder à la prime FBP que s’il avait une réserve en banque d’au moins trente millions de francs burundais, soit environ vingt mille dollars américains ; tandis que le manuel des procédures FBP conditionnait l’octroi de cette prime à l’existence d’un bénéfice, c’est-à-dire  des recettes du mois supérieures aux prévisions de dépenses du mois suivant ; et à l’existence des fonds permettant de couvrir au moins 60 jours de fonctionnement, stock de médicaments exclu.

(2)    Par obligation de synthèse, nous avons sélectionné certaines des interventions plus emblématiques. Nous vous renvoyons à la transcription intégrale de la discussion pour l’ensemble des contributions.


 


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Scaling up Results-Based Financing for faster progress towards the Health MDGs: reflections on a recent donor meeting in Oslo

1/6/2014

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Bruno Meessen (ITM, Antwerp) and Olivier Basenya (MoH, Burundi) report on a donor meeting hosted by the Ministry of Foreign Affairs of Norway dedicated to developing a road map for results-based financing (Oslo 11-12 December).

The countdown has begun: there are only 750 days left till the MDG deadline. On the side of donors and agencies, the ticking clock is only increasing the eagerness to accelerate progress. Politically speaking, this timeframe is indeed important in the North, especially in countries like Norway or the UK, where several political leaders have used much of their political capital to lobby for global health at national and international level. Against this backdrop, the PBF CoP facilitation team is fully aware that it also needs to attend donor meetings to explain, bring evidence and share experiences about Performance Based Financing. We were therefore happy to make the trip to Oslo to discuss with donors and aid agencies a road map for the scaling up of RBF(1).

The meeting was opened by Anthony Lake, the executive director of UNICEF, a strong indication that UNICEF is joining the club of agencies committed to integrating RBF in their policy toolbox. The first half-day of the meeting was dedicated to reporting on Results-Based Financing (RBF) progress. We heard about experiences in Tanzania, Zambia and Argentina – all of them belonging to the category of PBF schemes, which focus on barriers on the supply side (2). Olivier Basenya also presented the experience of Burundi. If you are involved in PBF projects, you probably won’t be surprised to learn that PBF is boosting indicators of key health services, especially those aligned with the MDGs, while also leveraging the whole system (in terms of work culture, accountability…).

On the second half-day, we first listened to aid agencies dwelling on recent developments on their part; some of these developments seem very favorable to RBF. For instance, we learned that the Global Fund has realized that their system of granting funding through ‘rounds’ created incentives for countries to avoid risks and in many cases led to proposals with very vertical approaches. The Global Fund will now adopt a more ‘health systems’-style approach, or at least to a greater extent than before. In the future, countries will be expected to organize a country dialogue going beyond the CCM (Country Coordination Mechanism). The new grant system of the Global Fund will also be much more supportive to strategies like PBF, which is seen as a great platform for integrating health service delivery at country level. Prospects seem also good on the side of the GAVI initiative. During the discussion about collaboration between agencies, the case of Benin was of course mentioned, as it is a country where PBF is being co-developed by the World Bank, GAVI and the Global Fund.

We then listened to donors’ (USA, Germany, Sweden, Japan, the UK and the Bill & Melinda Gates Foundation) own stance on RBF. All of them are positive about RBF, even if their involvement and financial commitment vary. Most obviously want to move at their own speed, for a number of reasons, including in line with the concern  not to outpace the progressive building of the evidence base. We realized that donor support to countries is still highly determined and shaped by their existing aid instruments (and national aid operators). So changes will perhaps come more slowly than we would like, in this respect, but we should already appreciate that Germany, the US,  the UK and the Bill & Melinda Gates Foundation are already funding pilot RBF schemes in different countries.

What are the key messages for countries?

In Oslo, we discussed of course many things. Here are some interesting messages for the ones among you who are involved in formulating and implementing RBF at country level.

  • RBF is recognized by the international community of aid actors as a key mechanism to accelerate progress towards the MDGs by focusing on frontline services. At country level, your own responsibility may be to use the MDG deadline to put pressure on donors and your government to commit to an agenda focusing on results. 
  • Having said that, it is also crucial to keep in mind that RBF must be anchored in broader and longer term agendas such as health systems strengthening and universal health coverage. This has important consequences: for instance, there was a consensus in Oslo that aid agencies adopting the RBF approach should support a single national RBF strategy (and not develop their own schemes). Hence, at country level, keep on working on the integration of your RBF strategy in the national health care financing strategy. Among other advantages, PBF is a great entry point for your Ministry of Health to learn to purchase health services in a strategic manner. 
  • Donors and agencies are willing to explore the many possible ways that exist for collaborating around RBF. For instance, it is of course possible to fund a RBF scheme without going through the Trust Fund managed by the World Bank. We felt a lot of commitment at this level, but some questions remain. We offered the service of the CoP to document and share some successful experiences (cf. Rwanda, Burundi, Benin…). 
  • Senior conference participants highlighted one of the greatest assets of RBF: the emphasis the strategy puts on learning and the opportunity it offers to improving one’s action. As illustrated by the experiences from different countries presented at the meeting, and aptly summarized by Tore Godal, the convenor of the meeting, RBF is a problem-solving strategy. Having said this, we believe that even more efforts could be taken to improve PBF, among other things, by better taking into account evidence generated outside the RBF community. For instance, to our knowledge, very few RBF schemes have already responded to the large body of evidence showing that neonatal mortality is one of the new priorities in sub-Saharan Africa. By the way, this is one of the many areas where UNICEF could contribute. 
  • Several experts shared their concern that at country level, RBF could suffer from system bottlenecks, such as poor availability of drugs and medical commodities. We agreed to coordinate our efforts to try to overcome this problem. On the side of the PBF CoP, our wish is to organize an event in 2014 whereby central medical stores would be able to meet their clients (health facilities). We believe that PBF has created a new ecosystem in which health facilities are much more demanding in terms of ancillary services. More about this soon.
  • One of the objectives of the meeting was to discuss the next stage (what needs to happen after the pilot stage). While it is hoped that donors will maintain and expand their support, the consensus is increasingly that domestic financing – or at the very least co-financing - will be the main solution in the future, especially in non-fragile countries. Our own assessment is that there still remains much to do at this level in many countries; in terms of advocacy and engagement (especially towards the Ministries of Finance), but also in terms of support (e.g. on how to adapt public finance mechanisms). 
 
A global learning agenda

As observed by the participants affiliated to the World Bank, the Global Fund and GAVI, a key asset of the RBF approach could be that it will lead to more cooperation between these three agencies, something which failed to happen so far, by and large. The first signs are encouraging. This needs to be confirmed at country level, of course, but we are optimistic.

In Oslo, we all agreed that RBF is a global learning agenda and that learning should not be limited to the demonstration of the impact (or not) of a strategy. In many settings, adjustment of policies will need to take place, in an iterative process, which confirms that the knowledge agenda will have to be connected with implementation. The community of practice has its work cut out, in other words.

Notes:
(1) We also had the opportunity to attend the gala concert in honor of this year’s Nobel Peace Prize winner, the Organisation for the Prohibition of Chemical Weapons, a great experience which  compensated for the fact that this time of the year is not exactly the ideal period for visiting Norway.
(2) More about PBF in Argentina (and global football icon Lionel Messi!) in a forthcoming blog post. 

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Le Financement Basé sur les Résultats : un nouvel instrument politique pour les gouvernements africains

11/14/2013

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Bruno Meessen

Dans ce billet de blog, Bruno Meessen (IMT, Anvers et CoP FBP) montre comment le financement basé sur les résultats peut être un nouveau levier pour les gouvernements africains engagés dans le combat en faveur du planning familial… notamment quand d’autres acteurs sociétaux y sont hostiles.  

Le bâton, la carotte et le sermon

Que vous soyez chef d’un gang, patron d’une compagnie, général d’armée, ou parent, vous avez trois grands instruments pour orienter les comportements de vos semblables : le bâton, la carotte et le sermon.

Sous la métaphore du bâton, on rangera les différents dispositifs dont vous disposez pour décourager et si nécessaire, sanctionner, les comportements non alignés sur vos objectifs. C’est l’amende que vous inflige le policier vous conduisez sans ceinture, c’est la balle dans le genou (au mieux) pour le bandit qui a trahit son boss, le non-renouvellement de contrat pour votre fournisseur à cause d’un service de piètre qualité. La carotte, c’est bien sûr la métaphore pour la récompense. C’est la médaille pour le soldat valeureux, le diplôme pour l’étudiant studieux, le prix payé au boulanger pour son pain et bien sûr le paiement à la performance, que je ne dois pas expliquer sur ce blog.

Sous le titre du sermon, on réunira toutes les stratégies d’éducation et de persuasion. Les économistes vous diront qu’il s’agit de modifier les préférences des agents économiques. Plus prosaïquement, il s’agit d’atteindre la situation où vos semblables, convaincus, adoptent par eux-mêmes les comportements qui sont alignés sur vos objectifs. Ça passe essentiellement par de bonnes explications, avec un avantage si vous disposez d’une certaine autorité morale (comme la maman auprès de son enfant, l’enseignant auprès de ses élèves ou le prêtre auprès de ses paroissiens).

Ces trois outils ont leurs forces et faiblesses, à apprécier dans chaque configuration particulière. Les experts du FBP, s’ils croient au pouvoir de la ‘carotte’, savent aussi qu’elle n’est pas à même de changer tous les comportements. Le ‘sermon’ sera ainsi particulièrement utile quand il est impossible de vérifier le comportement ou quand le comportement à privilégier est aussi bénéfique pour son exécutant (ex : utiliser un condom). On notera aussi que les temps changent : nos sociétés chérissent de plus en plus la liberté et la responsabilité individuelle. Le ‘bâton’ est dès lors de moins en moins toléré et certaines formes utilisées par le passé sont même désormais prohibées par la loi.

Mieux apprécier l’opportunité offerte par le Financement Basé sur les Résultats (FBR)

Ce sont donc ces trois outils dont disposent les gouvernements pour influencer le comportement de leurs citoyens. À cet égard, il est patent que le FBR, par son ingéniosité, a constitué un enrichissement significatif de la boîte à outils des gouvernements africains. Mon souhait serait parfois qu’ils exploitent de façon encore plus stratégique cet instrument, en particulier quand il s’agit de se confronter avec d’autres leaders promouvant des vues contraires à leur propre vision du développement.

Donnons un exemple. Imaginez un pays africain confronté à un sérieux problème démographique à un point tel que la forte natalité exercerait une pression de plus en plus dommageable sur l’économie et plus fondamentalement, compromettraient les opportunités qui seront disponibles aux citoyens dans le futur. Imaginez que le gouvernement ait identifié la planification des naissances par des parents informés comme, d’une part, un droit humain fondamental et d’autre part, une nécessité pour soutenir le développement du pays. Imaginez qu’un leader religieux promeuve une vision contraire… par un sermon bien sûr. 

Que devrait faire le gouvernement en question ? Doit-il opter pour le bâton (ex : un ferme rappel à l’ordre à la hiérarchie du leader en question, avec menace de sanction), une confrontation ‘sermon’ (du président) contre ‘sermon’ (de l’évêque, par exemple) sur le fond du sujet? Je serai président de ce pays, j’y réfléchirai à deux fois. Si l’évêque (par exemple) a osé contester vos choix, c’est sans doute parce qu’il sait que le rapport de forces ne vous est pas favorable pour le moment. À certains moments de la vie politique, une confrontation publique sur le sujet peut de fait être dommageable à vos objectifs : l’église en question peut être puissante ; du reste, étant donné son engagement dans les secteurs sociaux (écoles, centres de santé…), elle restera un partenaire avec qui il faudra continuer à collaborer.

Le FBR : un levier puissant pour le changement

Etes-vous alors impuissants ? Avant le FBR, c’était peut-être le cas. Mais je pense que le FBR offre désormais de nouvelles opportunités d’action au gouvernement. Une première piste, si ce n’est déjà fait, est d’introduire le planning familial dans la grille du FBP des centres de santé (pour faire simple : le gouvernement verse au centre de santé par exemple 1 dollar pour chaque nouvelle femme s’inscrivant chez ce dernier pour adopter une méthode de contraception moderne). Si les indicateurs de planning familial sont déjà présents dans le FBP des centres de santé, le gouvernement peut augmenter le barème pour leur remboursement (il paie au centre de santé, par exemple, 3 dollars par nouvelle femme inscrite). Le gouvernement peut aussi faire, comme au Burundi, des contrats à la performance avec les associations communautaires : il paie (aussi) l’association qui a convaincu une nouvelle femme à adopter la contraception moderne (par exemple, 1 dollar).

Mais il peut aller encore plus loin : il peut décider par exemple d’introduire un système de coupons (‘vouchers’) qui rétribuerait par exemple, 2 dollars, toute femme qui déciderait d’utiliser pour la première fois une méthode moderne de contraception (bon, quelques-unes mentiraient peut-être, mais est-ce vraiment notre premier problème ?). Et pour distribuer ces coupons dans la communauté, on mobiliserait bien sûr les agents de santé communautaires féminins (avec une petite récompense pour chaque femme référée au centre de santé).

Avec cette dernière stratégie, on utiliserait donc la ‘carotte’ pour amener les agents de santé communautaires à convaincre (par le ‘sermon’) d’autres femmes à changer leurs comportements. Avec leur propre expérience d’épouses, mères, sœurs, copines et voisines, je suis certain qu’elles trouveront les mots justes pour convaincre leurs semblables.  

En mobilisant les femmes actives au niveau communautaire en Afrique, il me semble que le FBR peut mobiliser des centaines de milliers d’agents de persuasion capables de battre bien des prêcheurs !

Partageons ce message avec les décideurs !

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Quand  la participation communautaire rencontre le financement basé sur la performance au Burundi

9/18/2013

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Jean-Benoît Falisse

Dans le cadre de notre série sur les 25 ans de l'Initiative de Bamako, Jean-Benoît Falisse interviewe le Docteur Canut Nkuzimana, membre de la CoP Financement Basé sur la Performance depuis sa création. Canut a travaillé au Ministère de la Santé du Burundi à la fin des années 1990 avant de rejoindre Cordaid. Il a eu l’occasion de participer à la mise en place des premiers comités de santé (COSA) du Burundi, au développement du financement basé sur la performance (FBP) dans le pays et plus récemment à celui du « FBP communautaire ». Il nous parle de ses expériences.

Jean-Benoît Falisse: Vous avez eu l'occasion de mettre en place des comités de santé dans le sud du Burundi pour le compte de Memisa (futur Cordaid). Comment cela s'est-il passé?

Canut Nkuzimana: En février 2002, quand Memisa me recrute pour piloter son projet de soins de santé primaire à Makamba, la région était encore une zone de guerre. Plus de 40% de la population de la province vivait dans des sites de déplacés intérieurs. Ces sites -des lieux de misère, de maladie et d’abus de toutes sortes- étaient situés autour des centres de santé et des écoles. Certaines de ces institutions avaient d’ailleurs cessé de fonctionner pour n’être plus que des abris pour déplacés de guerre. Dans les centres de santé qui fonctionnaient encore, la gestion était calamiteuse; le staff qualifié avait bien souvent déserté et le personnel gérait le centre comme il l’entendait. Il n’y avait aucun suivi. Mon projet cherchait à relancer les activités dans les centres de santé où la situation le permettait et à mettre en place des postes de soins dans certains sites pour permettre à la population d'avoir un paquet réduit de services: vaccination, planification familiale, services curatifs.

A l’époque, l’OMS et le Ministère de la Santé avaient commencé à promouvoir l'idée d'organiser la population pour qu'elle soit co-gestionnaire des services de santé et le contexte de Makamba nous a fait passer à l’action. La population devait co-gérer l’aide qu’elle recevait. Pour y arriver, des activités de sensibilisation ont été réalisées à l’endroit de l'autorité administrative (pertinence de l'action), de la population (importance de la gestion et de la redevabilité) et du personnel des centres de santé (nécessité de collaborer avec la population). Après ces séances, nous avons organisé, avec l'administration communale et le secteur de santé (district sanitaire: encore secteur de santé dans le temps), une assemblée générale par aire de santé. La population y recevait une explication préalable sur la nature, la mission, la composition et les obligations des COSA avant de l’élire.

Le principe était que chaque colline de l'aire de santé élise elle-même deux personnes (un homme et une femme, de deux flancs différents de la colline) dites intègres, dévouées à leur cause, et qui manifestent la volonté d'être élus pour les représenter au sein du COSA. Une fois les membres élus, ceux-ci mettaient en place un bureau exécutif. Les élections étaient suivies de formations et d’un long processus de suivi. La population était fière de participer à la gestion des centres de santé et cela a été un point de départ pour organiser une participation communautaire effective.

Comment cela a-t-il évolué ?

En 2002, la stratégie de comité de santé est devenue plus évidente et plus facile à mettre en place car (1) la population vivait dans les sites de déplacés et était donc plus facile à réunir, (2) la situation de crise rendait la population particulièrement sensible aux questions de santé et (3) en tant que « bailleur » nous étions plus écoutés par les formations sanitaires et la population. La stratégie communautaire nous permettait aussi de rassembler et de travailler sur la polyvalence et l’intégration des différents agents de santé communautaires qui travaillaient jusque-là en solo, sans financement, et qui n'étaient utilisés que ponctuellement en période d'épidémie. Enfin, en tant que structures de dialogue communautaire, les COSA nous aidaient dans l’identification et le suivi de la prise en charge des personnes vulnérables (indigents) par les centres de santé et les hôpitaux de première référence.

Dès 2006, la gratuité des soins de santé pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans a été mise en place au Burundi. Différentes initiatives de financement basé sur la performance ont également été mises en place à ce moment. Quelle a été la place de la participation communautaire là-dedans?

Sur la gratuité d’abord, le rôle du comité de santé est d'éclairer ces aspects de santé maternelle et infantile et d'informer la population des directives du ministère de santé. C'est le comité de santé qui doit expliquer aux ménages qu'il faut enregistrer les naissances et qu'il faut avoir des documents à présenter au niveau de la structure de santé. Le COSA permet un meilleur suivi, de voir si le système est équitable, si tous sont couverts; il défend les droits du bénéficiaire dans l'aire de santé.

Au niveau du FBP, l’interaction communautaire se fait à trois niveaux. D’abord le COSA est co-gestionnaire et participe à l'élaboration du plan d'action du centre de santé, lequel est l'outil de négociation du contrat. Ensuite, il y a la mise en place d’un système de contractualisation des agents de santé communautaire. Enfin, le système FBP va contracter des associations locales pour participer à l’audit des formations sanitaires (évaluation communautaire).

Aujourd'hui, on parle au Burundi de FBP communautaire, est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que c'est?

A l'instar du FBP dit ‘clinique’ qui subventionne les services prestés par les  formations sanitaires, le FBP communautaire subventionne les résultats des agents de santé communautaires organisés. Les activités de ces agents se font sur 3 aspects: la sensibilisation de la population pour l'utilisation des services; la récupération des abandons (vaccination, tuberculose, ARV, etc.) et l'offre de services par les distributions (moustiquaires, méthodes contraceptives, etc.) (voir tableau ci-dessous, taux de change: 1 $ = 1530 FBU).

Paquet Indicateur Tarif (FBU)
Référence communautaire Client Conseil et Dépistage Volontaire (CDV) référé 500
Cas de fièvre référé 100
Cas de malnutrition dépisté et référé 500
Femme enceinte référée pour accouchement 1 500
Client Planification Familiale (PF) référé 700
Femme enceinte référée pour Consultation Prénatale (CPN) 200
Mère référée pour Consultation Postnatale (CPoN) 200
Recherche d’abandons Cas traitement Antirétroviral (ARV) perdu de vu récupéré 13 000
Cas Prévention de la Transmission Mère-Enfant (PTME) perdu de vu récupéré 13 000
Cas d'abandon du Programme Elargi de Vaccination (PEV) récupéré 800
Tuberculose Suspect confirmé par le Centre de Dépistage et de Traitement (CDT) 1 000
Suspect confirmé et positif 3 000
Examen de contrôle (C2, C5, C6, C8) 500
Approvisionnement en médicaments antituberculeux (par mois) 1 000
Tuberculeux déclaré guéri 5 000
Malade accompagné au CDT pour effets secondaires des antituberculeux 2 000
Sensibilisation Visites à domicile (10 par mois max.) 8 000
Séances de sensibilisation (10 par mois max.) 4 000

Tout cela va dans le sens de la politique de santé communautaire nouvellement élaborée par le ministère de la santé. Le centre de santé, en tant que structure de premier contact, n'était pas en mesure de fournir tous les services à la population et il fallait donc déléguer un certain nombre d'activités aux agents de santé communautaires.

Cela ne demande pas tellement de formation et l'agent de santé communautaire peut aussi être mis à contribution pour d’autres choses et décharger ainsi le centre de santé. Il peut par exemple donner l'information sur l'évolution des cas (par exemple dans le suivi du traitement de la tuberculose à la deuxième phase) et, dans certains cas, aussi contribuer à la référence en cas de complications.

Certains voient l'utilisation d'agents communautaires payés (le modèle FBP communautaire en quelques sortes) comme une forme réduite de participation communautaire où les agents sont en quelques sortes "instrumentalisés"? Qu'en pensez-vous?

J'ai un avis contraire. Il faut partir du contexte et de la mission que l'on veut confier aux acteurs communautaires. Dans un contexte de crise identitaire et économique, certaines questions d'éthiques doivent être abordées de façon spécifique. Le bénévolat n'a apporté de solutions nulle part. Si le prestataire de soins est rémunéré, pourquoi son sous-traitant qui est l'association des agents de santé communautaire ne le serait pas également? C'est une question d'équité. Beaucoup de gens travaillaient au niveau communautaire (d’ailleurs souvent avec des cadeaux) et c’était assez cacophonique. On trouvait des agents de santé communautaire formés par les intervenants, des accoucheuses traditionnelles et des pairs éducateurs formés par d’autres projets. Il fallait rationaliser et mettre à profit tout cela. C’est ce que nous avons fait avec le FBP communautaire qui incitait ces acteurs à se rassembler en associations. Ces associations n’ont progressivement gardé que les meilleurs et les plus motivés des agents de santé. Une vraie dynamique s’est installée et ces associations deviennent maintenant des références au niveau de la communauté et sont engagées dans son développement, parfois au-delà de la santé.

Ce système renforce le niveau communautaire du système de santé du Burundi. On a en effet senti les limites du système quand la communauté n'est pas impliquée. Il n'y a pas moyen de développer les activités promotionnelles sans impliquer la communauté. Grâce aux agents de santé communautaire, le centre de santé dispose d'un relais au niveau communautaire. Maintenant, il est certain qu’en finançant l'agent de santé communautaire, on doit prendre aussi des précautions afin qu'il ne se crée pas une confrontation, une jalousie entre le centre de santé et l'agent de santé communautaire. L'agent de santé communautaire ne devient pas pour autant un fonctionnaire. Il faut que les prestations qui sont offertes soient ponctuelles et qu'elles soient aussi rémunérées en fonction de la réalité des conditions de vie du burundais (le salaire d’un burundais qui travaille à la houe est de 2000BIF/jour).

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Est-ce que les limites du bénévolat ne s'appliquent pas aussi pour  les comités de santé ?

Pour les comités de santé aussi, le bénévolat a été en quelque sorte surmonté à travers la mise en œuvre du FBP. Nous avons senti que  si le centre de santé rémunère les prestations des membres du comité de santé, ce comité de santé n'aura plus de valeur représentative pour la population qui l'a élu. Donc, il a été imaginé une formule qui recommande aux structures de santé de contribuer au fonctionnement du comité de santé par un apport de 5% pourcent de ce qu'elles reçoivent en FBP. Le montant qui est donné n’est pas une prime, c’est un apport au fonctionnement. Le COSA peut s’acheter des stylos, du papier, des classeurs pour son fonctionnement. Et s'il faut payer une boisson le jour des réunions, c'est à eux d'apprécier. Les recettes qui sont générées au niveau du centre de santé sont en quelques sortes un apport de la communauté  à son financement et il est donc logique qu’une partie de celles-ci servent au bon fonctionnement de l’appareil de co-gestion communautaire du centre de santé. 

                                                                                                                                                                                                                                                                                    
Est-ce que la participation communautaire dans la santé a un avenir dans la région des Grands Lacs?

Oui, mais ça passe d’abord par la paix. Sans elle, difficile de continuer à travailler avec les communautés dans la durée. Dans le même temps, dans le contexte qui est le nôtre, l’approche communautaire donne une chance de rapprocher les populations, de les unir autour d'une même vision, d'un intérêt commun. A travers le FBP communautaire, il y a même une possibilité d’injecter un peu de fonds et de forme au niveau de la communauté. Une communauté qui est occupée, qui a du travail, qui a un intérêt commun, est beaucoup moins manipulable. La seconde condition est que le système de santé appréhende les besoins et réserve dans sa planification un financement pour ce  niveau. Il faut en effet organiser des formations cadrées pour ces acteurs communautaires.

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When community participation meets performance-based financing in Burundi

9/13/2013

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Jean-Benoît Falisse

We continue our exploration of community participation in Africa, 25 years after the Bamako Initiative. Dr. Canut Nkuzimana is a member the CoP Performance Based Financing since its inception. He worked with the Ministry of Health of Burundi in the late 1990s before joining Cordaid. He had the opportunity to participate in the set-up of the first health committees of Burundi and in the development of performance-based financing (PBF) initiatives in the country. More recently, he has been active in launching a new "community PBF" project. Here I chat with him about his experiences.

You had the opportunity to establish health committees in southern Burundi on behalf of Memisa (future Cordaid). How did that happen?

In February 2002, when Memisa recruited me to pilot its primary care health project in Makamba, the region was still a war zone. More than 40% of the population of the province lived in internally displaced people’s (IDP) sites. These sites where places of poverty, disease and abuse of all kinds; they were located around the health centres and the schools. Some of these facilities had even stopped working in order to shelter those displaced by war. In the health centres that were still functioning, the management was calamitous; qualified staff had often deserted the place and the remaining staff members were running the centre as they liked. There was no follow-up. My project aimed to revive the activities in health centres and to develop nursing stations. The idea was to allow people to have access to a minimal package of services: immunization, family planning, and curative services.

At the time, the WHO and the Ministry of Health had begun to promote the idea of organizing the population to be the co-managers of their health services. The context of Makamba made us act. The population would be the co-manager of the aid it received. To get there, sensitization activities were conducted for the administrative authority (on the relevance of the project), the population (on the importance of management and accountability) and the staff of health centres (on the need to work with the population). After these sessions, we organized a general meeting in each health area, in collaboration with the local and the health sector (soon to renamed health district) authorities. The population received a preliminary explanation about the nature, the mission, the composition and the responsibilities of the health committees before they elected their members.

The idea was that the inhabitants of each “hill” (“colline”: the lowest administrative level in Burundi) of the health area would elect two people (a man and a woman, from two different sides of the hill) on the basis of their integrity, dedication to the cause, and willingness to represent them in the health committee. Once elected, the health committee members would set up an executive office. The elections were followed by training and a long monitoring process. The population was proud to participate in the management of health centres and it was a starting point for organizing effective community participation.

Was it easy to implement? Did it work?


In 2002, the health committee strategy was obvious and easy to implement because: (1) the population was living in IDP sites and was therefore easy to gather, (2) the crisis made the population particularly sensitive to health issues and, (3) as a donor we were influential in the health facilities and population.

The “community strategy” also allowed us to work on the flexibility and integration of various community health workers who had been working in solo and without funding until then and were only used occasionally, during epidemics.

Finally, as structures for community dialogue, the health committees helped us in identifying and monitoring the care of vulnerable people (“indigents”) by health centres and their referral to the hospitals.

In 2006, free health care for pregnant women and children under five was put in place in Burundi. Various funding initiatives based on performance were also introduced at that time. What is the role of community participation in those schemes?


On free health care first; the role of the health committee is to clarify these aspects of maternal and child health and to inform the population of the MoH guidelines. It is the health committee that must explain to the households the need to register births and bring those documents at the health facility. The health committees allow better monitoring to ensure that the system is fair and that everybody is covered. It defends the rights of the beneficiaries in the health area.

Regarding PBF, the interaction with the community is at three levels. First, the health committee is the co-manager of the health facility and participates in its development plan, which is the tool for negotiating the PBF contract. Second, there is the establishment of a system of contracting community health workers. Finally, the PBF system will hire local associations to participate in the audit of the health facilities (community assessment).

There has been a “community PBF” experiment in Burundi; could you tell us what it is?


Like the “clinical” PBF that subsidizes the services provided by health facilities, the community PBF subsidizes the results achieved by community health workers (CHWs). The activities of these agents focus on three dimensions: sensitization for the use of services, the recovery of dropouts (vaccination, tuberculosis, ART, etc.), distributions of nets, contraceptives, etc. (see table below for a list of the subsidised indicators - $1 = BIF1530 ).

Package Indicator Price (BIF)*
Community reference/transfer Voluntary Counseling and Testing (VCT) referred 500
Referred case of fever 100
Malnutrition case detected and referred 500
Pregnant women referred for delivery 1 500
Family Planning (FP) referred 700
Pregnant women referred for prenatal consultation (EIC) 200
Postnatal mother referred for consultation (postnatal consultation) 200
Research of dropouts Dropout (lost sight ) recovered: antiretroviral treatment (ARV) 13 000
Dropout (lost sight) recovered: Prevention of Mother to Child Transmission (PMTCT) 13 000
Dropout recovered: abandonment of the Expanded Program on Immunization (EPI) 800
Tuberculosis Suspect tuberculosis confirmed by the Health Centre for Testing and Treatment (CDT) 1 000
Suspect and confirmed positive 3 000
Review of Control (C2, C5, C6, C8) 500
TB Drug Facility (per month) 1 000
Declared cured TB 5 000
Accompanied the patient for side effects CDT TB 2 000
Sensitization Outreach Home visits (10 per month max.) 8 000
Awareness sessions (10 per month max.) 4 000

All this is in line with the policy for community health recently developed by the Ministry of Health. The health centre, as a structure of first contact, was not able to provide all the services to the population and therefore had to delegate a number of activities to the community health workers.

It does not require much training and community health worker may also be involved in other things and thus relieve the health centre. A community health worker can for example provide information on the progress of certain cases (for example monitoring the treatment of tuberculosis in the second phase) and, in some instances, also contribute to the reference of complicated cases.

Some see the use of paid community workers as a reduced form of community participation where agents are in a sense "instrumentalized" ? What do you think?

I disagree. The context should be better understood, it is linked to the mission of these community actors. In a context of economic and identity crisis, some ethical issues need to be addressed specifically. Volunteering has not provided solutions anywhere. If the provider is paid, why wouldn’t the subcontractor -who is the association of community health workers? It is a question of fairness. Many people were working at the community level (and were also often receiving gifts) and it was pretty cacophonous; some community health workers were trained by different stakeholders and traditional midwives and peer educators were being trained by other projects. It had to be rationalized and organized. This is what we did with the Community PBF, which encouraged the actors to come together in associations. These associations have gradually kept the best and most motivated health workers. These associations have now become references in the community and are involved in its development, sometimes beyond health.

This system strengthens the community level of the health system in Burundi. We felt the limitations of the system when the community is not involved. There is no way to develop promotional activities without involving the community. Thanks to community health workers, the health centre has a relay at the community level. Now it is certain that when funding community health, we must also take precautions in order not to create confrontation/jealousy between the health centre and community health workers. The community health worker does not become an employee (of the MoH). We need the services that are offered to be occasional and paid for according to the actual conditions of living of Burundi (the salary of an agricultural day labourer in Burundian is 2000BIF/day).

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Wouldn’t your reflection on the limits of voluntary work equally apply to the health committees?

For health committees, the issue of volunteering was somehow overcome through the implementation of the PBF. We felt that if the health centre pays benefits to the members of its health committee, the health committee may lost its representative dimension (the motivation to be elected would be biased). Therefore, we designed a formula that recommended to health facilities to assist the functioning of the health committee via a contribution of 5% of what they receive through the PBF. The amount that is given is not a premium; it is a contribution to the operation costs. The COSA can buy pens, paper, binders, etc. And whether it wants to pay its member a drink on meeting day, it is up to it. Revenues that are generated at the health centre are in a sense a community input, so it makes sense that some of that money is used for the proper functioning of the co-managing unit of the community health centre.                                                                                                                                                                                              Group of community health workers (Province Makamba) Photo: Korachais     
Does community participation in health have a future in the Great Lakes region?

Yes, but it starts with peace. Without it, it is difficult to continue to work with communities in the long run. At the same time, in our context, the community approach provides an opportunity to bring people together, to unite them around a common vision/interest. Through “Community PBF”, there is even a possibility to inject some funds and organize the community level. A community that is occupied, works, and has a common interest, is much less likely to be manipulated or to return to violence. The second condition is that the health systems understand the importance of the community and plans some funding of this level. It is indeed necessary to organize training for these community actors.

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La Nouvelle Economie Institutionnelle, une clé pour comprendre le programme du financement basé sur la performance

1/28/2013

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Serge Mayaka


Serge Mayaka (Ecole de Santé Publique Kinshasa, doctorant à l’Université Catholique de Louvain) interviewe Maria Bertone (doctorante à la London School of Hygiene & Tropical Medicine) et Bruno Meessen (IMT, Anvers) sur leur récent article présentant un cadre d'analyse pour étudier les liens entre les arrangements institutionnels et la performance des systèmes de santé, avec une application à deux expériences FBP au Burundi.

 On peut dire que votre article tombe à point nommé pour le débat sur le Financement Basé sur la Performance (FBP). Pourriez-vous nous résumer ses messages principaux?

Maria Bertone: Le papier poursuit deux objectifs. C’est tout d’abord une contribution sur le plan conceptuel. Il s’agit d’articuler différents concepts issus de la Nouvelle Economie Institutionnelle pour faciliter l’étude des systèmes de santé. Concrètement, le papier propose un cadre d’analyse simplifié pour analyser des modifications des arrangements institutionnels structurant un système de santé. L’article comporte, à titre illustratif, une application du cadre d’analyse à deux expériences pilotes de FBP au Burundi. Cette application au FBP permet dès lors l’atteinte d’un 2° résultat : dégager des leçons sur des enjeux de design et de mise en œuvre du FBP. L’atteinte de ce second résultat valide d’une certaine façon notre proposition théorique.

Si l’article n’apportera probablement pas beaucoup au FBP du Burundi (depuis cette étude, un modèle unifié a été mis en place à l’échelle du pays), certaines leçons plus génériques peuvent être intéressantes, par exemple en matière d’évaluation des dispositifs FBP. Si nous ne contestons pas la nécessité d’études d’impact, l’article rappelle que la configuration institutionnelle de chaque FBP est différente et que chaque étude d’impact devra donc être interprétée en tenant compte de la nature particulière de ce dernier.

Plusieurs auteurs ont récemment prôné l’approche des « systèmes adaptatifs complexes » pour étudier les systèmes de santé. Une telle suggestion a été faite pour le FBP, notamment pour dégager les effets inattendus. Avez-vous répondu à leur recommandation?

Bruno Meessen : Je ne suis pas très familier avec cette approche; je serais curieux de voir ce qui pourrait en sortir, après application au FBP. La seule chose que je puisse en dire est que ce serait une erreur de l’adopter  avec le présupposé qu’on serait en manque de clés pour comprendre le FBP, ses intentions et ses effets. Le message sous-jacent de notre article est que la Nouvelle Economie Institutionnelle est un corpus théorique puissant pour mieux comprendre comment réformer les systèmes de santé. A titre personnel, je peux en tout cas dire qu’elle m’a aidé à structurer ma propre réflexion théorique et politique ces dix dernières années.

A cet égard, peut-être l’article va-t-il aussi évacuer un malentendu. Ça va surprendre certains médecins lisant cet interview, mais j’ai déjà entendu la critique que « le problème du FBP est qu’il a été conçu par des médecins, pas par des économistes de la santé: les concepteurs ne connaissent pas la vaste littérature sur les mécanismes de paiement». Avec cet article, nous voulions montrer qu’au contraire, les fondements théoriques du FBP sont substantiels. Ils sont peut-être même plus englobants que la littérature de l’économie de la santé : de fait, pour traiter des questions comme la redistribution des rôles dans un système ou l’introduction de nouvelles règles du jeu, l’économie des organisations (organisation economics) est une boîte à outils bien plus étoffée.

Maria, quelle suggestion ferais-tu à un jeune chercheur qui voudrait appliquer ce cadre d’analyse, par exemple s’il aborde le FBP dans un contexte différent de celui du Burundi ?

Adapter et appliquer le cadre analytique à une situation précise a été un exercice stimulant. Cela m’a forcé à regarder les deux expériences depuis une nouvelle perspective. J’ai été surprise par le fait qu’il m’ait permis de découvrir de nouveaux aspects et de mieux comprendre pourquoi les deux dispositifs fonctionnaient différemment.

Je dirais que l’application du cadre nécessite certaines notions théoriques et une compréhension du programme de la Nouvelle Economie Institutionnelle. Au mieux, nous avons là un « squelette », il reste à chaque chercheur de mettre la « chair » dessus.  Si un bagage en sciences sociales est sans doute souhaitable, nous espérons que le papier va faciliter le dialogue entre économistes et théoriciens des systèmes de santé. Il permet en tout cas d’établir des liens avec des travaux antérieurs (par exemple ceux de Thomas Bossert sur les droits décisionnels) et contemporains (par exemple ceux de Kenneth Leonard sur la motivation).

Les jeunes chercheurs apprécieront sans doute la démonstration que les études de cas sont légitimes en matière de FBP. On pourrait certainement faire plus d’études de cas comparatives.

Bruno, Maria parle de « squelette ». Dans quelle direction, vois-tu les développements scientifiques, en particulier dans le domaine du FBP ?

BM: Les développements possibles sont multiples. Ma recommandation aux chercheurs qui ne veulent ou ne peuvent conduire une étude d’impact est de se concentrer sur ce qui pourrait expliquer que l’on n’obtienne pas ce qu’on l’espérait obtenir avec le FBP (ou que l’on obtienne quelque chose que l’on ne voulait pas obtenir !). Les raisons de « plantage » d’un dispositif FBP sont multiples, mais elles s’inscriraient probablement dans trois grandes catégories (non-exclusives): soit c’est le design qui était mauvais, soit c’est le processus de mise en œuvre qui a été inapproprié, soit c’est la théorie FBP qui est défaillante.

Notre cadre d’analyse vise avant tout à étudier les erreurs du premier type : une inadéquation entre un design et un contexte, qui aboutit au final à un résultat sous-optimal. Autrement dit, le FBP était mal conçu (par exemple, parce qu'on a fait du FBP en couper/coller). A cet égard, les développements du cadre d’analyse pourraient aller vers plus de détails dans la description des arrangements institutionnels, des droits de propriété ou des rapports de force entre acteurs.

Il y a ensuite les erreurs du second type, lors de la mise en oeuvre. Comme la montré la littérature récente sur les gratuités des soins, documenter ces problèmes est relativement trivial et il ne faudra probablement pas s’encombrer d’éléments trop théoriques. Je ne suis pas sûr donc que notre cadre d’analyse sera d’une grande utilité.

Mais il existe un troisième type d’erreurs : celles qui découleraient de faiblesse dans la théorie sous-tendant les propositions FBP. La recherche peut aider à réduire ce risque en consolidant les bases théoriques du FBP. Des chercheurs bien équipés en sciences humaines et méthodes empiriques pourraient creuser les mécanismes d’ordre plus psychologique, notamment les aspects motivationnels et cognitifs. La « théorie FBP » repose en effet sur l’hypothèse de l’homo oeconomicus. La force de cette dernière en termes de modélisation et prédiction n’est plus à démontrer, mais elle reste une simplification de la psychologie humaine). Notre cadre laisse ainsi indéterminée la question de l’interaction entre la motivation extrinsèque et la motivation intrinsèque. Nous ne disons rien non plus sur comment les individus modifient leurs préférences, développent des attentes ou traitent l’information qu’on leur dispense. Ce sont des aspects qui peuvent peser (dans un sens comme dans un autre) dans l’efficacité d’une révision d’arrangements institutionnels. C’est sans doute le programme de recherche le plus ambitieux, qui demande de se défaire de ses propres convictions et de s’appliquer dans ses travaux empiriques. Quelqu’un comme Kenneth Leonard montre la voie.

Revenons maintenant à votre étude au Burundi. Maria, peux-tu nous résumer les principaux résultats de la comparaison des deux expériences Fbp de Ngozi et Bubanza?

MB: Notre analyse explique comment et pourquoi les deux dispositifs ont fonctionné différemment. J’insisterais sur trois résultats.

Le premier porte sur le rôle de l’agence d’achat. Nous montrons que son rôle a été organisé de façon différente dans les deux projets. A Ngozi, la fonction d’achat était tenue par un comité constitué de représentant de l’agence de mise en œuvre (l’Institut Tropical Suisse) et la hiérarchie sanitaire locale, sous la présidence du directeur de la province sanitaire. A Bubanza, la fonction a été assignée à une agence indépendante gérée par l’ONG (Cordaid). Cette seconde approche a permis une définition bien plus claire des responsabilités et limité les conflits d’intérêt ; son inconvénient est qu’elle a abouti à une transfert excessif de « droits décisionnels » (un concept-clé dans la Nouvelle Economie Institutionnelle) à une agence externe à la structure de l’Etat. Pour la petite histoire, la question de l’identité de l’acteur qui doit détenir la fonction d’achat a suscité un débat très vif au Burundi en 2009. Au final, le Ministère de la Santé et ses partenaires ont innové et opté pour un modèle mixte sécurisant tant l’implication de l’Etat que celle d’acteurs externes.

Deuxièmement, notre analyse montre que le support et la guidance fournis aux formations sanitaires lors de l’introduction d’un dispositif FBP – ce qui est souvent référé sous le vocable de coaching par les experts FBP- sont clés pour le succès d’un FBP. En effet, il est crucial d’aider les prestataires de soins à comprendre la teneur des nouvelles institutions, des nouvelles règles du jeux, qui sont mises en place. Dans notre analyse, il apparaît que le coaching est en fait un mécanisme ‘soft’ mais puissant dans l’imposition (enforcement en anglais) et l’adoption des nouvelles règles du jeux. Dans les interventions FBP, il est souvent pensé que la vérification est le principal mécanisme d’imposition des règles – notre analyse montre que les agences d’achat ont en fait une palette d’instruments.

Ceci nous amène à notre troisième leçon. Un de ces instruments est la rhétorique. Nous avons découvert une relative divergence entre cette dernière et les pratiques concrètes des acteurs sur le terrain. Par exemple, à Bubanza, les experts interviewés mais aussi leurs documents de référence mettaient en avant le concept de la ‘boîte noire’, qui réfère à l’autonomie totale des prestataires dans leur utilisation des ressources financières collectées grâce au FBP. En pratique, le coaching que l’agence d’achat ainsi que certains outils de gestion (comme le ‘business plan’, qui dans le « langage FBP » réfère à un plan d’actions) réduisent cette autonomie. Il ne s’agit pas ici de dire que le coaching ou les plans d’action sont inutiles – que du contraire ! – mais de montrer combien ce qui est mis en œuvre peut diverger du plan et de la rhétorique. D’autres chercheurs, comme Freddie Ssengooba dans son analyse de l’expérience pilote en Ouganda (qui pour rappel, n’était pas un FBP comme on l’entend aujourd’hui en Afrique), avaient déjà montré une divergence entre le plan et la mise en œuvre ; il l’expliquait par les difficultés de mise en œuvre.

La situation que nous décrivons est différente. Elle est plutôt analogue à celle identifiée par Jean-Benoît Falisse relativement au mécanisme de ‘voix des usagers’, qui n'est peut-être pas aussi effectif qu'on ne le prétend. Notre analyse institutionnelle suggère que la rhétorique est en fait un mécanisme cognitif clé pour imposer les nouvelles règles du jeu. Au stade initial d’introduction d’un FBP, une rhétorique cohérente, radicale et forte va aider à marquer le changement avec le passé, à clarifier la teneur des nouvelles règles du jeu. Ceci jette une autre lumière sur la rhétorique « FBP », qui nous le savons, irrite certains observateurs : elle a une fonction interne pour faciliter l’adoption des nouvelles institutions. 

Aux lecteurs de juger, mais nous pensons que ces trois exemples montrent qu’une analyse institutionnelle approfondie des expériences FBP peut être riche d’enseignements. Nous sommes certainement curieux de connaître leur avis.

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Quelle place pour le financement basé sur la performance dans la mise en place du régime d’assurance maladie au Bénin?

7/4/2012

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Du 16 au 20 avril 2012, les Communautés de Pratique “Financement basé sur la Performance” et « Accès Financier » se sont retrouvées à Bujumbura autour de la question « Amélioration de l’accès financier aux soins de santé : quels peuvent êtres les apports du financement basé sur la performance ? ». L’objectif principal était d’aider les pays participant à développer une vision holistique du financement de leur système de santé et analyser pour chacun d’eux les défis d’intégration de leur  politique de gratuité ciblée et/ou d’assurance santé avec un financement basé sur la performance. L’atelier étant en grande partie construit autour de l’expérience du Burundi – premier pays à avoir fusionné sa politique de gratuité sélective (enfants de moins de 5 ans et femmes enceintes) et sa politique de financement basé sur la performance (FBP).

Mr Justin Sossou, Secrétaire Général Adjoint du Ministère de la Santé du Benin a répondu aux questions d’Isidore Sieleunou.

IS : Mr Soussou, quels étaient vos attentes en venant à cet atelier?

JS : Vu la multiplicité des mécanismes de financement du système de santé qui existent au Bénin, il était important d’aller à la rencontre d’autres expériences afin de voir les réglages possibles à faire au niveau interne pour optimiser nos résultats. Donc notre première attente était d’en savoir plus de l’expérience des autres pays, aussi bien ceux qui font déjà le financement basé sur la performance (FBP) ou ceux qui ont d’autres formes de gratuité. A travers les présentations, on a pu voir que les pays n’appliquent pas de la même manière le FBP ou la gratuité. Dans cette diversité d’approche, quel dosage  effectuer pour avoir des résultats les plus coût-efficaces? Il était donc important de partager les expériences respectives avec chaque mode de financement pour améliorer la performance de nos systèmes.

Notre seconde attente portait sur le Burundi, qui a su rendre synergétique la gratuité et le PBF. Nous avons pu observer les insuffisances de ce cas concret et en discuter; nos amis burundais se sont montrés très flexibles vis-à-vis des critiques que les visiteurs ont formulées à l’égard de ce système. Bien sûr, les réserves que nous avons portées à l’endroit de ce système doivent être des leçons pour nous améliorer. Je pense que le partage des expériences à partir de ce cas du Burundi méritait vraiment notre passage dans ce pays.

Au 5ème jour de l’atelier, vos attentes ont été comblées?

Entièrement comblées. D’abord, il y a la démarche méthodologique utilisée au cours de l’atelier : elle a permis de tirer un maximum d’enseignements. Les présentations des pays ont permis de mieux nous imprégner des différents modèles et contextes. La visite du terrain nous a aidé à mieux consolider la compréhension du modèle burundais. Nous avons apprécié le fait que les participants aient été répartis en plusieurs petits groupes; nous ne sommes pas allés dans un seul et même endroit. Nous nous sommes retrouvés après pour partager ce que chacun a perçu comme forces et faiblesses. Dans certains ateliers, on vous conduit dans le même centre de santé et à la fin, on ne tire pas grande chose. A l’avenir, il faudrait renouveler l’approche utilisée ici. Enfin, chaque délégation pays à essayé de construire un modèle d’intégration de financement propre à son pays en tenant compte de leur contexte et à partir des leçons tirées des autres pays. Je dois dire que cet exercice a été très stimulant.

Nous savons que le Bénin est entrain de lancer sa stratégie de FBP. Avant cette stratégie, d’autres stratégies de gratuité ont déjà été mises en place, telle que la gratuité de la césarienne ou plus récemment la gratuité du traitement pour les enfants de moins de 5 ans. Tous ces mécanismes co-existent, la stratégie du FBP arrive. Quelle est votre avis sur l’intégration de tous ces différents mécanismes?

Tous les mécanismes qui existent au Bénin sont ciblés sur une couche sociale ou sur des affections. Malgré cette multiplicité de gratuité et ces investissements, on a constaté que les résultats sont mitigés. Lors de l’identification des causes de ces mauvaises performances, on s’est dit que ce serait bon de lier la rémunération à la performance. Je dois rappeler que le Bénin n’est pas à sa première expérience de gestion axée sur les résultats. Dans une expérience passée, nous avions par exemple essayé de nous attaquer aux effectifs pléthoriques dans certaines zones urbaines. Une des raisons identifiées était le non alignement de la rémunération au lieu où le personnel était posté. La mesure avait consisté à créer des primes pour les zones déshéritées. Les agents ont pris les primes, ont effectivement rejoint leur lieu de travail… mais trois mois après, ils ont désertés leur poste. Il y a eu des insuffisances dans les mécanismes développés par le passé. Aujourd’hui la valeur ajoutée du FBP, que nous avons intégrée dans notre système, est que le mécanisme de rémunération force l’agent à être au pied du malade. Nous attendons également beaucoup en ce qui concerne la capacité du FBP à induire la qualité des soins. En effet, ce n’est pas seulement la présence au pied du malade qui compte, mais c’est également la façon de prendre en charge le malade. Il est prévu qu’un organe indépendant vienne contrôler la qualité des soins et à terme, nous pensons gagner sur la performance globale du système.

Nous avons aussi pensé qu’avec le Régime d’Assurance Maladie Universel (RAMU) qui arrive, il faudra faire converger toutes les formes de gratuité et éviter les saupoudrages dans le financement du système de santé. Ainsi, tous les outils d’évaluation développés dans le cadre du FBP devront être reversés dans le RAMU et c’est ce dernier qui devra assurer le passage à échelle de la stratégie FBP.

Avant ce passage à échelle, y’a-t-il une forme d’intégration entre les mécanismes existant, ou alors les systèmes restent balkanisés, parallèles?

Le FBP appui le concept du RAMU. Il y’a déjà une passerelle entre FBP et RAMU, car le FBP appuie l’opérationnalisation du RAMU. Des passerelles sont aussi prévues avec les autres mécanismes. Par exemple le fond sanitaire des indigents (FSI) reçoit l’appui du FBP. Ce dernier intègre ainsi un indicateur appelé « la qualité de soins accordée à une personne vulnérable ». Le FSI se veut aussi innovant. Nous avons ainsi décidé d’avoir recours à l’identification biométrique des personnes les plus pauvres pour avoir une base de données fiable. Notre expérience antérieure nous a appris que les plus pauvres ne bénéficiaient pas vraiment de nos politiques publiques.

Au-delà du contexte béninois, quel est à votre avis la meilleure voie pour les pays africains de pouvoir assurer la santé de leur population?

En un premier lieu, la question fondamentale est celle du financement. Lorsque nous regardons le financement du système de santé, il faut regarder pour chaque contexte quelle est la meilleure façon d’utiliser les ressources disponibles. C’est dire que chaque pays doit toujours chercher à comprendre quelles sont les services à cibler pour générer des intérêts pour le plus grand bénéfice. Or dans la majorité de nos pays, les investissements ne ciblent pas en général les services de première ligne. Ayons toujours à l’idée le contexte macro-économique : il y a une rareté des ressources. Même si le secteur de santé n’est pas un secteur de profit, il faut néanmoins un équilibre des comptes. D’où l’importance des études et de la prise en compte des avis des techniciens au moment des choix stratégiques et politiques.

Quelles sont les principales leçons que vous ramenez de l’atelier?

La première leçon est qu’il est possible d’améliorer la qualité des soins dans nos formations sanitaires si on lie le résultat à la performance. Par exemple dans le centre de santé que j’ai visité tout était propre, il y’avait des messages d’hygiène partout, l’incinérateur était bien fonctionnel et propre, rien n’était simulé.

Deuxièmement, l’amélioration de la qualité est un accélérateur de l’utilisation de la structure de santé. Aussi longtemps que les populations ont cette assurance qu’en allant dans la formation sanitaire et être bien reçu par un personnel qualifié, il y aura cette affluence. Or lorsqu’on améliore la fréquentation, on augmente le niveau de recettes. En donnant ainsi l’impulsion aux communautés, il se crée une confiance entre les parties prenantes et même si les partenaires venaient éventuellement à se retirer, le niveau de fréquentation pourra permettre la survie de la formation sanitaire.

Enfin, il y’a une exigence sur la qualité de l’information du système de santé. La nécessité d’une vérification et validation des données telle qu’exigée par le PBF garantit une certaine fiabilité des données et est ainsi une source d’amélioration du système d’information dans sa globalité, pouvant ainsi servir d’élément de base pour identifier les variables de choix sur lesquelles agir pour améliorer le système de santé.

Le mot de la fin est pour vous.

Je dois dire que c’est une belle expérience que celle des communautés de pratiques (CoPs). Maintenant ce serait d’œuvrer pour le succès de notre communauté, car nous formons un parterre d’experts et de cadres en mesure de nourrir la critique sur les choix optionnels des stratégies de financement de nos systèmes de santé. N’attendons pas toujours que les solutions viennent d’ailleurs, nous en tant qu’africains, osons dans notre démarche. Nos échanges et partages contribueront à coup sûr à une réflexion certaine pour la construction de modèles viables pour nos systèmes de santé.

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Quelques leçons de l'expérience du Burundi

5/29/2012

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Dans cet article, Yamba Kafando (IRSS Ouagadougou), co-facilitateur de la Communauté de Pratique « Accès Financier » interviewe le Dr Juma Ndereye, Directeur du Programme National de Santé de la Reproduction du Burundi. Ensemble, ils font le bilan de l’atelier régional « Amélioration de l’accès financier aux soins de santé : quels peuvent êtres les apports du financement basé sur la performance ? » (1). Leur discussion porte surtout sur l’expérience originale du Burundi.

YK: Dr Juma, était-il vraiment utile d’organiser cet atelier conjoint centré sur la gratuité et le Financement Basé sur la Performance (FBP)?

JN : Oui, à au moins deux titres. A ma connaissance, le Burundi a été le premier pays en Afrique subsaharienne à combiner les soins gratuits sélectifs et le FBP. En organisant l’atelier ici, on offrait l’occasion aux collègues des autres pays de voir de leurs propres yeux l'expérience burundaise et d’identifier les écueils à éviter en matière de mise en œuvre. Pour nous, il a été très utile de bénéficier de ces regards extérieurs – les observations des participants étaient pertinentes.

Un des axes de l’atelier était de remettre en perspective les différentes stratégies de financement des soins, notamment avec une meilleure compréhension des enjeux en matière d’équité. Selon vous, quels sont les aspects positifs du couplage « gratuité sélective – FBP » pour votre pays  en matière d’équité?

La stratégie FBP telle qu’elle a été mise en œuvre au Burundi, intègre une composante équité. Dans le modèle burundais, il existe en effet des ‘bonus d’équité’ avec des tarifs plus élevés pour les formations sanitaires se trouvant dans des difficultés particulières (éloignement, insuffisance du personnel et des équipements, nombre d’indigents à prendre en charge etc). L’un des grands problèmes qu’on connaissait dans notre pays c’est que beaucoup de personnel soignant se sont accumulés au niveau des grandes villes, ils ne veulent pas aller en périphérie. Ces ‘bonus d’équité’ ont permis d’apporter plus de ressources aux formations sanitaires éloignées, ce qui leur a permis d’attirer plus de personnel.

Il y a également une règle qui octroie un ‘bonus d’équité’ en fonction du nombre d’indigents pris en charge par les formations sanitaires. De plus, au niveau national, les soins des indigents sont pris en charge à 100% par le Ministère ayant la solidarité dans ses attributions. Mais il est vraiment, comme l’a souligné Alex Ergo durant l’atelier, que ces multiples stratégies en faveur d’une plus grande équité doivent être évaluées. Il est certainement utile de poursuivre la réflexion sur l’équité dans notre pays.

Dans certains pays, l’introduction de la gratuité a entraîné une dégradation de la qualité des soins. Quel a pu être l’apport de la fusion avec le FBP au Burundi à cet égard?

Le FBP  a créé un nouvel environnement où la qualité des soins est une préoccupation pour le personnel. En effet, un des aspects les plus importants de la qualité des soins, c’est  l’accueil des patients. Or le FBP, parce qu’il rémunère les formations sanitaires en fonction du volume d’activités, crée des incitants forts pour que les formations sanitaires soient plus attentifs aux usagers.

Mais aussi il y a une dimension plus en rapport avec la dimension technique des soins. Dans le système FBP du Burundi, la qualité technique des soins est prise en compte par une évaluation qui est faite par l’équipe du district sanitaire et du bureau de la province sanitaire. Le système n’est pas parfait : peut-être y a-t-il certains indicateurs à revoir, mais le système FBP envoie en tout cas un signal fort au personnel de la santé. Un autre aspect de la qualité des soins est en rapport avec la qualité perçue : ce que les gens et les communautés qui utilisent les services pensent des services que nous leur offrons. Il y a des enquêtes qui se font au niveau des communautés ; elles peuvent ainsi rapporter leur ressenti par rapport à notre système, à nos formations sanitaires, sur la manière dont ils sont accueillis et leur satisfaction par rapport aux services qui leur sont offerts. Ceci a permis  à beaucoup de formations sanitaires d’améliorer leur prestation.

Ces aspects positif plaident en effet en faveur d’une fusion. D’autres leçons du Burundi ?

Peut-être en termes de dynamique. Si on part du contexte du Burundi, il faut rappeler que la gratuité a précédé le PBF. Après la mise en œuvre de la gratuité, on a remarqué un certain nombre de défis, dont entre autres, le retard de remboursement des formations sanitaires, le manque d’un système de vérification ayant entraîné des surfacturations, de fréquentes ruptures de stock en médicaments et la démotivation du personnel de santé.

Pour essayer de corriger ces défis, on a saisi l’opportunité du passage à l’échelle du FBP. Oui,  on peut affirmer après coup que le FBP a permis de sauver la gratuité. Je pense qu’un mixte des deux, un mélange des deux stratégies permet de corriger certains dysfonctionnements qui sont liés à chacune prise séparément.

Selon vous, ce couplage serait-il également bénéfique pour les autres pays qui ont des contextes différents des vôtres? Et quels sont les écueils, les pièges que ces pays doivent éviter ?

Après avoir écouté les différentes interventions, je pense que le couplage peut être bénéfique pour ces pays. Ceci dit, une chose avec laquelle je suis tout à fait d’accord, c’est ce que l’un des présentateurs a dit : il ne faut pas faire du FBP une doctrine ; il faut en faire quelque chose de dynamique qui tient compte du contexte dans lequel il est mis en œuvre. L’un des écueils à éviter c’est déjà de penser que le Burundi a un modèle idéal ; non, ce n’est pas vrai. Il faut qu’ils adaptent le modèle à leur propre contexte.

Ensuite, je pense qu’il vaut mieux toujours commencer à petite échelle, tirer des leçons de ce que l’on est en train de faire, faire les ajustements nécessaires, avant de passer à une très large échelle. Parce que si on commence à une très large échelle et qu’on n’a pas très bien étudié les choses dès le départ, on se retrouve avec un système qui entre dans des difficultés énormes.

Une dernière chose, pour conclure : Il y a actuellement beaucoup de mécanismes qui ont été, ou sont en train d’être, mis en œuvre en faveur des populations au Burundi (gratuité, FBP, Carte d’Assistance Maladie). Comme on aime à le dire : « trop de viande ne va-t-il pas gâter la sauce » ?

Les défis posés par la multiplicité des mécanismes de financement a été en effet une des choses que nous avons découvertes avec cet atelier. La métaphore de l’architecte et de l’urbaniste qui a été utilisée durant l’atelier est parlante.  Oui, nous devons nous pencher très rapidement sur ces enjeux en matière d’articulation des différents mécanismes et modes de financement.

(1) Cet atelier, organisé à Bujumbura (Burundi) du 16 au 20 avril 2012, a regroupé près d’une cinquantaine de participants dont 6 délégations pays (Bénin, Burkina, Burundi, Niger, Tchad) et une vingtaine de membres des communautés de pratique « Financement Basé sur la Performance » et « Accès Financier ».




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