Financing Health in Africa - Le blog
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La Chaire REALISME: une expérience de valorisation de la recherche interventionnelle

4/3/2017

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Fadima Bocoum

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Chaire REALISME


Depuis 2014, la Chaire REALISME (Recherche Appliquées Interventionnelles en Santé Mondiale et Equité) a été mise en place à l’Université de Montréal. Le professeur Valéry Ridde, détenteur de cette chaire, nous présente ses activités, défis et perspectives. Un interview réalisé par Fadima Bocoum.

Qu’est-ce qu’une chaire ?
Professeur Valéry RIDDE: Il y a eu un appel des Instituts de Recherche en Santé du Canada (IRSC) pour financer des chaires de recherches en santé publique appliquée. J’ai participé et obtenu un financement de 5 ans non renouvelable.  L’idée du financement de la chaire part du fait que les professeurs à l’université ont plusieurs charges de travail dont la charge la plus importante est évidement l’enseignement et la supervision des étudiants. Ils font de la recherche mais pas autant que certains le souhaiteraient. Ainsi, le financement obtenu permet de subventionner une partie du salaire du professeur mais en échange l’université doit lui laisser 80% de son temps pour faire de la recherche.
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Valéry Ridde
Qu’est-ce que la Chaire REALISME ?
La Chaire REALISME a débuté en 2014 et prendra fin en 2019. Elle vise à développer des connaissances sur la question de la science de la mise en œuvre des interventions en santé publique notamment en santé mondiale puisque je travaille essentiellement au Sud. Il y a donc des activités qui se font autour de la chaire. Les fonds permettent de disposer d’une coordinatrice (Linda François) qui est basée à Montréal, et qui coordonne toutes les activités de la chaire. Ils permettent également de recruter des jeunes chercheurs, ou de préparer des demandes de subventions ou encore de répondre à des appels d’offres.  Ils servent également à financer des bourses à des étudiants, qui font leur thèse ou mémoire, puisqu’une partie de la chaire vise à développer aussi la relève scientifique. Un autre volet est de développer une expertise dans le domaine des transferts de connaissances de manière dynamique et innovante. Par exemple, on fait des films sur des transferts de connaissances et on présente nos résultats de recherche d’une manière innovante avec des infographies. Nous organisons aussi des formations sur le sujet. Enfin la chaire veut aussi développer une réflexion sur les méthodes mixtes et surtout renforcer la réflexion au sein de la Francophonie. Nous avons ainsi participé à plusieurs colloques et à la création d’un Wiki francophone sur l’utilisation des méthodes mixtes.

Quel est le champ concerné par la Chaire REALISME ?
L’idée est que dans le domaine de la santé publique, notamment ici en Afrique de l’Ouest, il y a beaucoup d’études qui visent à comprendre l’efficacité des interventions. Mais ça ne nous dit pas pourquoi elles sont efficaces ou pas, ou pourquoi c’est efficace et dans quel contexte c’est efficace et dans quel autre contexte ce ne l’est pas.  Peut être qu’on va trouver que ça marche bien dans une région mais ça ne marche pas bien dans une autre etc.  C’est ce qu’on appelle la science de la mise en œuvre. En anglais ils appellent ça « implementation sciences » mais il y a plusieurs manières de comprendre. Il y a une manière classique qui vise plutôt à développer des connaissances sur la manière dont on utilise des données probantes pour utiliser des interventions, comment on renforce les pratiques de santé publique fondées sur des données probantes. Mais ce n’est pas ça qui m’intéresse mais plutôt comment les interventions de santé publique sont mise en œuvre. Comprendre qu’est ce qui fonctionne, dans quel contexte, avec qui, dans quelle configuration pour que ça puisse être efficace. Finalement  c’est de rentrer dans ce qu’on appelle la « boîte noire » de l’intervention et comprendre qu’est ce qui se passe pour essayer de voir ce qu’on peut faire. La chaire vise à développer des connaissances autour de ces enjeux. En ce moment à Ouagadougou par exemple, nous avons mis en place une intervention communautaire de lutte contre la dengue qui a mobilisé les communautés dans un quartier et nous essayons de comprendre qu’est ce qui fait que ça marche, qu’est ce qui fait que ça ne marche pas. C’est ça qu’on appelle la science de la mise en œuvre.

Quel intérêt aurait un décideur de visiter le site de la chaire ?
La plupart de nos travaux sont orientés vers la prise de décision. Aussi, nous faisons surtout de la recherche appliquée dans laquelle nous impliquons des décideurs dans les différents pays où nous travaillons. Un décideur ou un intervenant serait intéressé d’aller sur le site internet de la chaire parce que le site regroupe plus de 200 publications scientifiques sur les thématiques de la recherche interventionnelle ou d’analyse de mis en œuvre qui sont mises en ligne gratuitement. Pour nous, la question de l’accès libre aux connaissances est essentiel. Ensuite, il y a une série d’outils, avec des exemples, qui servent à l’évaluation des interventions. Par exemple, un outil pour analyser la manière dont on tient compte des inégalités de santé dans les interventions ou pour évaluer la pérennité et la transférabilité des interventions en santé, etc … Nous avons plusieurs outils qui peuvent être téléchargés sur ce site.  Depuis plus d’une année, nous avons créé une collection de documents de travaux scientifiques dans laquelle il est possible de publier sur des sujets liés aux interventions de santé mondiale. Cette collection s’appelle des cahiers Réalismes. Le dernier numéro vient de sortir et concerne l’approche qualitative pour l’évaluation des interventions.

Quels liens existent-ils entre la chaire et les CoPs ?
Nous travaillons sur des sujets qui sont proches des CoPs et nous sommes aussi membre des CoPs et avons participé à l’organisation de plusieurs évènements avec des CoPs. De plus, nous avons créé avec Miseli et AGIR un espace de mini CoP informelle, comme par exemple pour notre programme de recherche entre le Mali et le Burkina de sorte que les responsables sur la question du Financement Basé sur les Résultats et de la prise en charge des indigents puissent se rencontrer dans des ateliers de thématiques. Ils ont aussi été formés au transfert des connaissances avec l’équipe Renard dirigée par Christian Dagenais. C’est dire combien nous sommes préoccupés par la recherche sur le transfert de connaissance à travers, par exemple, l’usage des CoPs. Mais le problème des CoPs est que le débat critique est souvent difficile et on se retrouve parfois dans des consensus qui ne font pas forcément avancer les réflexions.

Quels sont les défis auxquels la chaire doit faire face ?
Le premier défi c’est sa pérennité car c’est un financement non renouvelable. Le 2ème défi est de trouver des financements pour faire la recherche. Nous sommes dans un contexte où il y a peu de ressources, que ce soit au Canada ou en Europe pour faire de la recherche en général et de la recherche sur la mise en œuvre en particulier. Beaucoup d’argent est donné pour la recherche pour l’évaluation d’impact et très peu pour l’évaluation de la mise en œuvre. On dit beaucoup de choses avec peu d’argent pour l’évaluation la mise en œuvre alors qu’on dit souvent peu de choses avec beaucoup d’argent pour l’évaluation d’impact et ça c’est un autre défi important.

Quelles sont les perspectives ?
J’aimerais continuer à développer des recherches interventionnelles mais dans une perspective globale où l’on peut étudier les impacts, le processus, l’efficacité dans une perspective interdisciplinaire et avec des méthodes mixtes. En même temps, je voudrais continuer la recherche sur les systèmes de santé et politiques de santé parce qu’il y a encore un manque de connaissances important dans le monde francophone.  Il y a de très bons anthropologues qui regardent les choses à un niveau très micro, de très bon politologues et sociologues qui regardent les choses à un niveau très macro mais entre les deux, au niveau méso sur l’analyse des politiques et des systèmes en Afrique de l’Ouest et francophone en particulier, rares sont les travaux. Il y a encore peu de chercheurs qui regardent ces enjeux dans des perspectives systémiques de complexité de processus et je crois que c’est quelque chose qu’il faudra développer.

Enfin, je pense que les bailleurs pourraient s’inspirer de l’expérience de la chaire au Canada et l’adapter à l’Afrique de l’Ouest pour un chercheur Ouest africain. Il y a un véritable besoin de la part des bailleurs internationaux, mais surtout des bailleurs et gouvernements africains, d’orienter les priorités de recherche, en donnant un financement récurrent sur plusieurs années non pas à une institution mais un chercheur qui pourrait développer lui-même un champ de recherche. Ce financement pourrait être renouvelé sur la base de l’efficacité des chercheurs, l’efficacité de la production des connaissances. Qu’on soit africain, canadien, européen, nous sommes tous évalués de la même manière: la qualité scientifique de notre production mais aussi sa pertinence sociale.
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Le financement basé sur la performance et la mise en œuvre des stratégies nationales de santé : un débat à poursuivre

4/28/2014

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Mathieu Noirhomme

Les approches de financement basé sur la performance (FBP) étaient encore considérées il y a peu comme des approches pilotes spécifiques. Elles deviennent aujourd’hui un instrument central de mise en œuvre des politiques et stratégies nationales de santé pour un nombre croissant de gouvernements et d’agences de coopération. Ceci pose de manière accrue la question de l’intégration et de l’alignement des stratégies FBP. Cela aura été le sujet d’un débat en ligne de trois jours, dont les éléments clés sont résumés ci-dessous. Un débat d’actualité, et qui demanderait d’être poussé plus avant, notamment dans le cadre des recherches qui seront conduites dans le cadre du récent appel à projet de l’Alliance pour la Recherche sur les Politiques et Systèmes de Santé.


Le débat a été soulevé en janvier par Mathieu Noirhomme, consultant indépendant sur des questions de dialogue politique et de renforcement du système de santé. Mathieu a pris comme point de départ le cas du Burundi, où il contribuait alors à une revue à mi-parcours du plan national de développement sanitaire (PNDS). Son questionnement s’articulait en deux points : (1) le processus d’intégration du FBP dans le cycle national de planification politique et stratégique ; (2) les risques liés à l’utilisation du FBP pour véhiculer d’autres mécanismes de financement.

Ceci aura donné lieu à un débat court et dense de trois jours. Il a principalement tourné autour du cas burundais, mais les réflexions peuvent aisément s’étendre à d’autres pays.

Le FBP comme outil dans le cycle de planification politique et stratégique

Le FBP peut être un outil puissant de planification stratégique, car il permet de refocaliser les interventions en fonction des évolutions des priorités stratégiques nationales et locales. Cela demande une cohérence réciproque entre les documents politiques principaux (notamment le PNDS) et les approches de FBP sur les orientations centrales et les organes et cycles de planification : d’un côté le FBP doit refléter les priorités nationales, de l’autre, les politiques nationales doivent offrir un rôle concret aux stratégies de FBP. En pratique, au Burundi, Mathieu constate que (1) le FBP est présent mais peu développé au sein du PNDS et que (2) plusieurs acteurs du niveau central disent encore à ce jour voir la Cellule Technique Nationale FBP comme un système de planification parallèle au niveau du ministère, insuffisamment connecté avec les principales directions systémiques (direction de la planification, direction de la santé). Cela induit un risque de voir émerger des orientations différentes entre les exercices de planification opérationnelle et les orientation supportées par le FBP.

Bruno Meessen (facilitateur de la CoP PBF) réagit à ce sujet, en établissant un lien avec d’autres pays où le FBP prend une place centrale dans les politiques nationales mais n’est que peu ou pas reflété dans le plan national de développement sanitaire (PNDS), et questionnant les participants de Communauté de Pratique (CdP) sur la situation dans leur pays.

Concernant le Burundi, Olivier Basenya (expert FBP, ministère de la Santé, Burundi) rappelle que le FBP constitue l’un des axes stratégiques du PNDS et un axe prioritaire du cadre stratégique de relance économique et de lutte contre la pauvreté. Il souligne, comme Bruno le faisait, l’importance d’un alignement entre stratégies nationales et mécanismes de financement. Mathieu approuve en ramenant le propos sur leur traduction opérationnelle. Il précise notamment que le FBP, bien qu’effectivement représenté dans le PNDS, est sous-développé dans le texte par rapport à l’importance stratégique qu’il revêt dans les opérations. Il rappelle également les difficultés pratiques récurrentes d’harmonisation entre PNDS, comité technique FBP, programmes verticaux et programmes des partenaires.

Rigobert Mpendwanzi (consultant Banque Mondiale) souligne les avancées importantes effectuées à ce sujet au Burundi ces dernières années. La planification opérationnelle est depuis 2012 placée sous l’autorité de la direction générale de la planification et conforme aux méthodes que celle-ci a fixées. Selon lui, s’il y a encore des difficultés d’alignement, cela serait lié à des problèmes de compréhension au niveau central sur ce qu’est le FBP. Ces problèmes seraient dépassés depuis longtemps pour les acteurs de terrain.

Delmond Kyanza (conseiller en financement de la santé, Management Science for Health, République Démocratique du Congo) nous offre une illustration du même type avec la situation en République Démocratique du Congo (RDC). Le FBP n’est pas représenté dans le PNDS alors que son importance stratégique est aujourd’hui reconnue. Il déplore également une même opportunité manquée au niveau du document de politique et stratégies de financement du secteur de la santé. Ceci tiendrait à une évolution de l’adhésion à l’approche, qui était encore insuffisante à l’époque de l’élaboration du PNDS. Il plaide pour une meilleure prise en compte du FBP à l’avenir en le présentant comme un vecteur de synergie entre mécanismes de financement. Michel Muvudi (gestionnaire, Arcadie consulting, RDC) complète l’analyse en mettant en garde contre le risque de fragmentation dans les zones où les cadres de concertations sont faibles / absents et où le FBP est mis en place dans une approche projet.

La dernière intervention à ce sujet d’Eric Bigirimana (Directeur, Bregmans Consulting & Research, Burundi) offre une synthèse critique et un message à l’ensemble des pays intéressés. Eric y insiste sur l’importance d’avoir des approches de FBP solides avant de les inscrire dans le PNDS, et ce en vue d’éviter de déforcer la stratégie via des approches bâclées. Il voit dans « l’impréparation et la précipitation issues de l’autorité politique » la cause centrale des problèmes de mise en œuvre. Selon lui, le Burundi a tiré les leçons du passé en prenant le temps aujourd’hui d’un travail technique préparatoire à l’introduction de la Carte d’Assistance Médicale (CAM) au sein du FBP. De manière plus large, il confirme le point de vue général du besoin d’une conjonction de différents mécanismes de financement pour répondre aux défis de santé et d’accès aux soins.

Le FBP comme véhicule pour d’autres moyens de financement

Si l’on dispose d’un canal efficient, il est cohérent de vouloir y greffer d’autres mécanismes de financement. Le principe n’est pas en doute. Par contre, Mathieu pose la question de la mise en œuvre, et particulièrement du travail préparatoire relatif aux autres mécanismes.

Au Burundi, le paiement de l’exemption des soins (pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans) transite depuis 2010 via le même canal que le FBP. Dans plusieurs structures sanitaires, les prestataires affirment que ces paiements absorbent l’intégralité des montants perçus, et ne permettent plus de dégager les ressources additionnelles propres au FBP. D’autres ne formulent pas de plainte à ce sujet. Les causes sont multiples (design, hypothèses à l’origine des forfaits, performance effective de la structure) et méritent discussion. Mais quelles que soient les causes, un constat transparaît : la fusion de deux mécanismes peut mener à une baisse d’adhésion de certains prestataires au système de FBP, qui à elle seule est préoccupante.

Olivier Basenya réagit directement, en reposant à juste titre les arguments en faveur d’une synergie de mécanismes de financement. Il reconnaît que certaines stratégies connexes, si sous-financées, présentent le risque de fragiliser l’ensemble du montage financier. Il préconise de conditionner la fusion d’un nouveau mécanisme à une préparation technique rigoureuse, comme cela se fait actuellement pour la Carte Assistance Médicale (CAM) au Burundi. Il rappelle également que l’ensemble des mécanismes seront cadrés dans la future stratégie nationale de financement de la santé.

Mathieu marque son accord sur ces points, mais met en avant les réalités opérationnelles observées, principalement une priorité aux remboursements des prestations offertes gratuitement, et dans certains cas une réduction des dotations effectivement perçues. Il pose deux questions à ce sujet (1) ne faudrait-il pas impliquer plus intimement les prestataires de soins dans la détermination de ce qu’est une prescription rationnelle et le forfait relatif ; (2) n’y aurait-il pas un intérêt à « earmarker » une partie des financements pour éviter une dilution de l’effet FBP.

Olivier recentre le débat sur la deuxième question. Le problème selon lui n’est pas tant sur l’earmarking que de « savoir si les ressources financières reçues mensuellement par la formation sanitaire quelle que soit la source lui permette de fonctionner (…) ». Rigobert Mpendwanzi insiste à ce sujet : le problème tient à un sous-financement des stratégies adoptées au niveau national. « La CAM et la gratuité doivent être judicieusement conçues et adéquatement financées pour que le FBP ne soit pas réduit à la lutte pour combler le gap. »

Dans les faits, cela ne contredit pas, mais au contraire illustre à nouveau les fragilités croisées : si le montant ou le mécanisme de calcul d’une stratégie de financement est insuffisant, c’est l’ensemble des mécanismes fusionnés (dont le FBP) qui peut en pâtir.

Sur la première question, Olivier et Rigobert défendent tous deux la méthodologie d’élaboration des forfaits qui aurait selon eux impliqué de manière adéquate les acteurs du niveau opérationnel. Olivier précise également que les montants reçus par les centres de santé sont appropriés selon les données collectées par le comité technique FBP. Le principal problème résiduel résiderait au niveau des hôpitaux pour lesquels les forfaits sont considérés par les prestataires comme insuffisants.

Mathieu nuance le propos sur ces deux points en rappelant les observations de terrain contradictoires et appelle à ouvrir le débat en dehors du cas burundais. Longin Gashubije (Ministère de la Santé, Burundi) abonde dans ce sens et apporte un nouvel élément en pointant l’irrégularité des paiements effectués par le Gouvernement. Selon lui, cela induirait le risque de réduire l’intérêt des prestataires pour le FBP et de les détourner des bonnes pratiques en la matière. En ce sens, il repose sur la table la possibilité d’assurer qu’une partie de financement soit garantie pour le FBP, sans formuler de piste technique.

Synthèse du débat

Dans un message qui s’avérera être le dernier de ce débat, Mathieu synthétise et rappelle les fondamentaux de la question de la fusion de différents mécanismes. (1) Oui, il y a de sérieux arguments en faveur de synergies opérationnelles que personne dans ce débat n’a contestées. (2) En pratique, certaines structures voient les ressources du FBP servir pour le remboursement de prestations exemptées. Pour celles-ci, on n’est plus face à une rémunération à la performance mais à un paiement de la gratuité. Quelles que soient les causes, l’effet FBP s’est sans doute délité. (3) Cela lance un appel à la prudence lors du design et du suivi de fusions de mécanismes de financement. Olivier et Rigobert l’ont beaucoup abordé sur la question des budgets disponibles. D’autres considérations peuvent être prises en compte. Cela a d’autant plus d’importance dans des pays où le FBP devient l’un des principaux vecteurs de financement.

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L'Initiative de Bamako 25 ans après - une réflection personnelle

7/13/2013

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Notre série sur les 25 ans de l'Initiative de Bamako touche progressivement à sa fin. Nous avons invité Sophie Witter (Université d'Aberdeen) à partager quelques réflexions sur l'Initiative de Bamako. Dans les semaines à venir, nous présenterons deux dernières interviews et quelques réflexions pour conclure (SCOOP: nous avons trouvé un des pères inconnus de l'Initiative de Bamako, qui, soit dit en passant, va répondre à certaines des questions soulevées par Sophie Witter).

Comme l'appel lancé à l’occasion de l’anniversaire de la déclaration le dit, l'Initiative de Bamako de 1987 a porté sur deux idées: (1) l'introduction (ou la formalisation) des frais d'utilisation et (2) la participation communautaire dans la gestion des ressources, dont les médicaments essentiels qui sont désormais vendus aux utilisateurs. Même si la facturation des frais d’utilisation aux utilisateurs a peut-être été une réponse nécessaire au moment où les dépenses publiques dans les secteurs sociaux s’effondraient, il y a toujours eu pour moi quelque chose d’un peu particulier à lier ces deux idées (la facturation des services à la population d'un côté et la participation communautaire de l'autre).

Au fil des années et des décennies qui ont suivi, les deux ont semblé se confondre, de telle façon que le paiement des services par la population a été assimilé à leur participation. Si les gens n’étaient pas obligés de payer, ils n’auraient quelque part pas le droit de droit de participer à la gestion des services publics. La réflexion allait un peu dans ce sens. Mais pourquoi? Je dirais que:

1. L'implication dans la gestion est une variable indépendante - si vous voulez que les gens se joigne à des comités, aient de l’influence sur les priorités ou participent à des activités communautaires, allez de l'avant, c’est très bien. Que les gens paient pour des services n'a aucune incidence sur cette question. Lorsque les services sont financés publiquement, les utilisateurs sont toujours des contribuables et des citoyens. Ils ont tout autant le droit d'influer sur la façon dont les services sont fournis.

2. Si vous devez faire payer les services parce que vous n'avez pas suffisamment de fonds, dites-le directement. Reconnaissez que c'est un mal nécessaire, qui sera, espérons-le, temporaire. Ne déguisons pas cela avec les avantages imaginaires de la participation communautaire.

3. Si la participation est une tellement bonne chose, pourquoi est-elle limitée aux zones défavorisées et aux populations pauvres? L'Initiative de Bamako se concentrait sur les districts ruraux, qui étaient ceux en substance ceux qui ne recevaient pas beaucoup de financement public. Ainsi, ceux qui pouvaient le moins se permettre de payer payaient, tandis que les zones urbaines pourraient se tourner vers des hôpitaux mieux financés, dont on ne s'attendait pas à ce qu’ils soient gérés par la population.

4. Nous avons besoin de reconnaître que s'impliquer dans la gestion des ressources et d'autres fonctions a des coûts très réels pour les participants. Ceux que vous voudriez voir les plus représentés sont ceux qui ont le moins de temps à perdre. En particulier, les pauvres et les femmes sont pauvres en temps – ils luttent pour survivre, ils travaillent, ils essayent de trouver du temps pour élever leurs enfants.

5. Enfin, la participation communautaire - qui, si elle est faite avec tact, peut être un outil précieux pour accroitre responsabilité du fournisseur de services - a besoin de fonctionner avec une bonne supervision, une réglementation, et en définissant les bonnes incitations pour les structures de santé et leur personnel. Si le système local de soins de santé publique est basé sur l'argent de la vente de médicaments et de services, car il l'était sous l'Initiative de Bamako, alors aucun comité d'usagers ne sera en mesure de protéger les patients contre les abus.

Alors que nous considérons rétrospectivement l'Initiative de Bamako, réfléchissons sur la pensée confuse qui allait avec, et réjouissons-nous d’entrer dans une ère où il y a un plus grand engagement national et international, pour tendre vers la couverture universelle, avec plus de financement public des services de santé essentiels. Confrontons-nous aux défis cruciaux d’une plus grande responsabilisation des fournisseurs de services et de la participation réelle - et non pas à la sorte de participation qui signifiait que vous deviez payer si vous vouliez que votre enfant survive.


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Interview avec Agostino Paganini (2/2): "l'Initiative de Bamako est morte il y a longtemps"

4/26/2013

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La deuxième partie de notre entretien avec le Dr Agostino Paganini nous amène à traiter de l'évolution de l'Initiative de Bamako dans le temps et de sa dimension politique. Après son travail en tant que directeur de l'Initiative de Bamako de l'UNICEF à New-York, le Dr Paganini a continué à travailler avec l'UNICEF en tant que chef d'équipe pour la santé dans les situations d'urgence et en tant que directeur pays en Somalie. Il a également travaillé comme consultant senior pour la Banque Mondiale et conseille le directeur de CUAMM (Médecins avec l'Afrique). (Vous pouvez accéder à la première partie de l'interview ici)

Avec le recul, certaines personnes disent que le programme de l'Initiative de Bamako a rarement été correctement mis en œuvre. Dans un post sur ce blog et dans un article, Valery Ridde dit même que nous devrions peut-être abolir l'Initiative de Bamako. Comment voyez-vous la mise en œuvre des principes de Bamako jusqu'à maintenant?

Je pense que cette initiative est morte il y a longtemps. Je pense que certains de ces principes sont toujours incroyablement valables et que certains des problèmes auxquels elle tentait de répondre existent toujours. Le problème de la responsabilité publique et de la participation des populations dans la gestion de leur système de santé aurait dû être mieux pris en compte avec plus de démocratie, mais il est toujours laissé sans intérêt dans de nombreux pays africains. Le problème des dépenses « out-of-pocket » sans aucune règle est également toujours extrêmement valable. On peut appeler cela l'Initiative de Bamako ou on peut l’appeler comme on veut, cela n'a pas vraiment d'importance: quelques-uns des problèmes auxquels l'Initiative de Bamako tentait de répondre sont toujours là et certaines des expériences et des principes (dont certains ont été appliqués et certains ont été mal appliqués) sont toujours d'actualité. Mais l'initiative, non, je ne pense pas qu'il existe chose comme l’initiative de Bamako en vie pour le moment. Tout du moins, je n'ai rien vu.

Seriez-vous d'accord avec Susan Rifkin, qui déclare que l'Initiative de Bamako a élargi les horizons de la participation de la communauté? Est-ce que l’utilisation du terme redevabilité communautaire au lieu de participation change quelque chose ?

Soyons clairs, la redevabilité communautaire cela veut dire la redevabilité envers la communauté. La différence avec cette notion c’est que les communautés deviennent propriétaires (« shareholders »). Avant ils payaient sous la table, maintenant ils paient et ils peuvent demander "qu'avez-vous fait de l'argent?", "pourquoi n'avez-vous pas fait ceci ou cela?". C'est la différence entre un processus participatif vague et une représentation et une participation dans la gestion de l'unité de santé. Et c'est quelque chose sur lequel nous devons encore travailler. Les gens n'ont pas voix au chapitre (« voice ») et aucune porte de sortie (« exit ») dans les pays à faible revenu, sauf bien sûr d’aller dans le secteur privé, mais ce n'est pas une option pour les pauvres.

Dans sa récente interview sur ce blog, Sassy Molyneux insiste sur le fait qu'il faut « examiner attentivement la rémunération et les autres formes d'incitations pour les représentants de la communauté, les défis de l'asymétrie entre le personnel de santé et les représentants de la communauté en matière de ressources et de pouvoir, et l'importance de bâtir des relations de confiance ». Pour moi, cela ressemble un peu à considérer la « politique locale » de santé. Il m'a toujours semblé que peu d'attention était portée à la dimension politique dans l’Initiative de Bamako. Nous sommes pourtant dans une sorte de processus politique, non?

Oui, c’est politique. Et ne pas comprendre que c'est politique est la plus grosse erreur que vous pourriez faire. Je pense que dans la communauté de la santé publique, nous sommes parfois très naïfs. Nous pensons à la supervision et à la formation comme les clefs de tout, mais la santé c’est politique. C'est pourquoi les États-Unis ont leur système de santé, et c'est pourquoi les Scandinaves ont un système de santé différent. La science est la science, mais la façon dont la science est disponible ainsi que la qualité et l'équité de l'accès aux soins sont des questions politiques. Nous devons accepter que le chemin pour obtenir des soins de santé de haute qualité et équitables est difficile et que nous ne sommes pas encore là. Il y a encore une énorme asymétrie entre le personnel de santé et la population, et c'est un signe que la démocratie n'est pas encore là. Nous devons commencer à partir de ce problème. Ce que j'ai vu avec l'Initiative de Bamako est une question profondément politique, et non strictement technique. Mais bien sûr, les gens utilisent des choses et des déclarations de différentes manières et ils ont utilisé cette initiative en fonction de leurs propres intérêts et points de vue.

Vingt-cinq ans ont passé. Vous avez une grande expérience des soins de santé primaires dans les pays à faible revenu. Quelles seront les clés pour les soins de santé primaires au cours des 25 prochaines années?

Ce que je vois venir est plus de privatisation et plus d'urbanisation. Les gens semblent trouver dans les zones urbaines et même dans les bidonvilles des opportunités qu'ils n'ont pas dans leurs zones rurales. Certains pays sont de plus en plus avancés dans l'établissement de l'assurance-maladie –ce qui est une excellente chose, je pense. A la fin de mon travail sur l'Initiative de Bamako, nous étions focalisés sur deux choses (il y avait deux équipes). L'une était le monitoring communautaire, car l’information c’est le pouvoir. L'autre était l'assurance locale. L'assurance maladie est un enjeu majeur, mais elle est difficile à établir. Dans de nombreux cas les programmes commencent à l'échelon national, et pourtant, en Europe ce sont des mécanismes de solidarité locaux qui ont été les assurances initiales.

Nous devons travailler sur la responsabilité/redevabilité publique et l’équité. Ce sont les deux domaines clés. Allons-nous dans cette direction? Je ne suis pas sûr. Je pense que dans certains pays, nous le sommes, mais dans la majorité des autres pays, le secteur privé est de plus en plus important car les gens ont plus de ressources et le secteur public reste sous-financé. Qui plus est, ce secteur public est très inefficace à moins qu'il y ait une forme de redevabilité envers le public. C'est le bilan mitigé que j'ai. D'un côté, il y a des pays qui progressent bien ; prenez par exemple l'expérience du Rwanda avec les mutuelles de santé et la nouvelle politique de rémunération du personnel. Mais de l'autre côté, il y a beaucoup d'autres pays, qui, je pense, ne vont pas dans le même sens.

Est-ce qu’il y a une question que je ne vous ai pas posée et que vous auriez souhaité que je vous pose ? Ou bien une conclusion que vous souhaiteriez faire?

Pas vraiment, pour moi c'était une expérience fascinante. J'ai réalisé que c'était aussi un débat passionnant. Certaines de ces questions sont, comme je l'ai dit, très politiques et certaines sont extrêmement pertinentes aujourd'hui. Nous devons aborder la relation entre le patient, le client et le fournisseur de services. Le débat actuel sur le financement basé sur la performance, qui lie financement non aux médicaments, mais aux résultats, est également très intéressant. Bien sûr, cela ne résoudra pas tous les problèmes. Je pense que nous devrions être en mesure de voir quelles ont été les bonnes expériences dans le passé et aller de l'avant, en ajoutant de nouvelles expériences. La responsabilité publique de base et le rôle des populations sont extrêmement importants, la bonne gouvernance des centres de santé est très importante, mais le financement basé sur les résultats est également très prometteur si nous le combinons avec d'autres choses que nous avons apprises. Nous ne devons pas passer de mode en la mode, mais de prendre en compte le passé, comprendre ce que nous avons appris et le développer.


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Un débat en ligne sur le vote à l'Assemblée Générale de l'ONU en faveur de la Couverture Universelle

2/12/2013

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Le 12 Décembre 2012, une résolution intitulée «Santé mondiale et politique étrangère» a été votée à l'ONU. Cette résolution, dont le principal objectif est la couverture universelle (CU), a déclenché un débat sur ​​le forum de discussion en ligne de la Communauté de Pratique sur le Financement Basé sur la Performance (CdP FBP). La plupart des discussions ont porté sur l'utilité de telles résolutions. Plusieurs membres sont préoccupés par un éventuel impact négatif dans les pays à faible revenu. Ce blog résume les principaux points de la discussion. 

Synthèse et traduction: Emmanuel Ngabire, 4 Février 2013.


La résolution de l'ONU sur la CU: encore plus de ravages à prévoir dans les pays à faible revenu...?

Le débat a été lancé le 13 Décembre 2012 par Alex Hakuzimana, du Rwanda, quand il fit suivre à la CdP FBP l'annonce de UHC Forward intitulée «l’Assemblée Générale de l'ONU vote la résolution en faveur de la couverture maladie universelle ». Les échanges se sont succédés rapidement ; à la fin de la 1ère journée de débat, on comptait déjà 12 contributions. Dans l'ensemble, la discussion a été constructive ; si un style parfois ‘vert’ a été utilisé, d'autres participants (ou le facilitateur de la CdP) ont veillé à recentrer le débat d'une manière douce mais ferme. Dans une réponse très mesurée par exemple, vers la fin de la discussion, Jurien Toonen a reconnu que ce débat sur "PBF & UHC" était très précieux, car c'est ce que la CdP est supposée faire. Pourtant, il a également souligné que la discussion pourrait être encore plus utile si une certaine structure était donnée, en évitant une confusion des rôles et des mandats dans le cadre de la discussion – entre les organisations internationales, les décideurs dans les pays, les opérationnels, les universitaires et les bénéficiaires. Sûrement quelque chose à prendre en compte dans les discussions à venir.

Mais commençons par le commencement. Robert Soeters (SINA Health International) a été le premier à réagir à l’email envoyé au forum de la CdP FBF par Alex – on peut donc porter à son crédit le déclenchement du débat. Dans son mail, il a noté que ces ambitieuse déclarations sont toutes sympathiques et merveilleuses, mais leur problème est que généralement elles ne déterminent pas qui prendra en charge les responsabilités financières pour tous ces nobles objectifs - à savoir « qui va payer la facture » - ni ne regardent le rapport coût-efficacité et la question de la pérennité. Il a également souligné le risque que des politiciens populistes confondent la couverture universelle avec la gratuité des soins et lancent des politiques plutôt populistes fondés sur la déclaration, comme cela fût le cas au Burundi récemment avec le système de  prépaiement appelé "Carte d'Assistance Maladie" (CAM). Dans les contextes à ressources limitées (comme les pays à faible et moyen revenu), un mécanisme de FBP peut augmenter l’efficience.

La question de «qui va payer» a été réitérée par différent membres de la CdP, qui ont également fait remarquer que nous avions déjà vu dans le passé de grandes déclarations similaires nationales et internationales (comme Alma-Ata et la Santé pour Tous ou la Déclaration d’Abuja). Dans leurs interventions, les participants à la discussion n’ont pas toujours fait une distinction claire entre la couverture universelle et les soins de santé universels, un peu comme ce qui se passe dans le débat mondial sur la couverture universelle.

Laurent Musango du bureau AFRO de l'OMS est alors intervenu pour attirer l'attention sur le système de santé comme un tout : les changements dans une composante du système de santé peuvent affecter et affectent d'autres composants de différentes façons, a-t-il soutenu. Donc, la discussion devrait  se concentrer non seulement sur le financement de la santé, mais devrait aussi prendre en compte d'autres composantes du système de santé, et de préférence d'une manière synergique. Avec la nouvelle déclaration, la direction pour les systèmes de santé est claire : c’est la couverture maladie universelle. Dans le même esprit, Pascal Birindabagabo a ajouté que l'élan de la CU doit être soutenu. Il a également proposé que les pays à revenu faible et intermédiaire et les pays mobilisent des fonds nationaux pour soutenir la CU dans leurs pays.

... Ou un moyen essentiel pour maintenir les gouvernements redevables?

Le risque que la déclaration CU reste juste un ensemble de mots sans signification opérationnelle a également été reconnu par Joseph Kutzin de l'OMS à Genève. Toutefois, il a fortement insisté sur l'importance de ces résolutions. Son expérience lui a appris que les résolutions de ce genre sont des outils que les organisations de la société civile peuvent utiliser pour tenir les pays redevables de leurs engagements. C'est un «bâton» permettant d’aligner les actions des décideurs des pays avec la déclaration. Après avoir souligné la valeur ajoutée d'une telle résolution de l'ONU, Joe a également clarifié le sens de la CU tel qu'elle a été formulée dans le Rapport sur ​​la Santé Mondiale de 2010. Dans ce rapport, l'OMS n'a pas dit que CU signifie «tout pour tout le monde, gratuitement ». La définition de l'OMS indique que tout le monde devrait pouvoir obtenir les services dont il/elle a besoin, de bonne qualité et à un coût qui ne l’appauvrit pas. Si vous opérationnalisez ce concept, a continué Joe, il est clair que la CU doit être comprise comme une direction plutôt qu’une destination. Aucun pays - pas même le plus riche – n’est capable de combler complètement l'espace entre le besoin et l'utilisation des services, mais tous les pays peuvent vouloir réduire cet écart pour améliorer la qualité et la protection financière. Les mesures politiques spécifiques au contexte portant sur ​​les priorités de santé et de développement d'un pays donné deviennent alors possibles.

Joe a reconnu que le FBP avait un attrait évident pour lui car il voit de solides liens potentiels entre l'approche FBP et un message de base sur le financement de la santé pour la CU: la nécessité d'une approche coordonnée de la politique plutôt que celle d’instruments isolés abusivement présentés comme des "solutions miracles". Le FBP est un moyen pour la construction d'un système par une action politique coordonnée. L'expérience du Burundi d’associer PBF à la gratuité des soins en est un cas, soutient-il, car il est un exemple d'une politique coordonnée.

Est-ce que ces résolutions de haut niveau prennent vraiment notre réalité en compte?

Selon Longin Gashubije du ministère de la santé au Burundi, les délégations de l'ONU qui font la promotion de ces déclarations à New York ont tendance à vivre loin de la réalité du terrain dans les pays à faible revenu. Depuis Alma Ata, la CU a été rêvée, mais malheureusement pas atteinte dans les pays comme le Burundi. Cela est dû à diverses raisons y compris les guerres endémiques, les attentes qui étaient trop élevées, la faible croissance économique, le manque de progrès sociétal et culturel, etc. Tous ces facteurs peuvent expliquer l'échec à atteindre les déclarations antérieures sur la CU. A ces causes, Mohammad Mohammed du Nigeria a ajouté un autre facteur, la corruption. Il a appelé les dirigeants africains à ouvrir les yeux: ils doivent se rendre compte que la CU n'est pas réaliste dans des pays sujets à la corruption, caractérisés par une myriade de besoins de développement et des ressources limitées. Longin a également soutenu qu’au Burundi, le déficit financier d'aujourd'hui est beaucoup trop grand (plus de 50% du budget du gouvernement), et que les deux tiers de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté, les priorités du gouvernement ne peuvent donc pas être trop ambitieuses et devraient se concentrer sur les besoins d'abord des pauvres. Évidemment, le poids du financement de la santé est trop lourd pour le gouvernement, et les partenaires du Burundi doivent intervenir, a-t-il poursuivi. Mais les ressources externes ne peuvent pas tout résoudre. Le progrès culturel est au moins aussi important, a-t-il conclu.

Saisir la fenêtre d'opportunité au niveau mondial,  promouvoir les bonnes pratiques

Bruno Meessen de l'Institut de Médecine Tropicale d'Anvers (et facilitateur de la CdP FBP), est alors intervenu. Selon lui, la résolution CU va dans la bonne direction car elle ouvre une « fenêtre de tir » encore plus grande pour les membres de la CoP engagés dans le développement de meilleurs systèmes de financement de la santé au niveau des pays. Bruno a également conseillé aux membres de la CoP de relire attentivement le rapport de l'OMS 2010 : il souligne clairement la nécessité de trouver des mécanismes pour être plus efficient avec les ressources. Par conséquent, le FBP peut et doit tirer parti de l'élan actuel en faveur de la CU, encore plus maintenant que le monde s'éloigne de solutions standards. La complexité de la CU et la nécessité des approches spécifiques au contexte sont de plus en plus reconnues aujourd'hui. Par ailleurs, Bruno a rappelé que la déclaration ne concerne pas uniquement l'Afrique, mais aussi des pays à revenu intermédiaire, comme la Chine et le Mexique, où la CU a récemment pris de l'ampleur. La CU est d’ailleurs aussi pertinente pour les pays riches comme les Etats-Unis (cf. la réforme voulue par le Président Obama). Cette déclaration est donc bien une déclaration à ambition universelle. Comme beaucoup de ses pairs économistes, Bruno anticipe que dans un avenir pas trop lointain, l'espace budgétaire pour la CU augmentera dans de nombreux pays africains. Bientôt, les ministères des finances pourront investir des ressources nationales dans des initiatives novatrices comme le FBP, a-t-il soutenu. Néanmoins, il a convenu que dans de nombreux pays africains, il faut bien plus que de belles paroles. À cet égard, il a évoqué la perspective du mouvement de la lutte contre le sida qui n’est apparemment pas très content de la déclaration, et en particulier de la section sur «les mécanismes de financement durables pour la couverture maladie universelle» qui omet de mentionner le financement international de la santé. De nombreux activistes (comme Gorik Ooms) appellent à un mécanisme renforçant  le transfert structurel des pays riches vers les pays pauvres, dans une perspective du droit de la santé.

Le 14 Décembre, Robert Soeters a fait une deuxième intervention. Il souligne les conséquences de - ce qu'on pourrait appeler - des « déclarations généralisées peu nuancées ». Les réalités des pays diffèrent en termes de ressources, de l'organisation et de la culture ; pourtant, les grandes déclarations inspirent souvent les ministères de la santé ou présidences d'ignorer cette réalité. Robert a souligné que cela peut ensuite conduire à l’adoption de décisions populistes qui au final, peuvent détruire la qualité des services de santé existants. Il a donné l'exemple du Burundi, où le système de pré-paiement « CAM » a été promu et « conceptuellement approuvé par l'OMS », sans définir comment le financer. Le résultat prévisible est la dégradation des services de santé et la référence à des services privés très coûteux.

Sur les responsabilités de ceux qui établissent l’agenda à l'échelle mondiale (et l'OMS en particulier)

À son avis, les partisans de la CU devraient élaborer des propositions plus réalistes et responsables, adaptées au contexte des pays à faible et intermédiaire revenu. L’efficience a aussi son importance, fait valoir Robert, et là, il appelle les organisations internationales telles que l'OMS à examiner également le FBP comme une approche qui a augmenté la motivation de beaucoup de gens dans les pays à faible revenu. Faisant allusion à des articles sceptiques parus en 2011 dans le Bulletin de l'OMS et une récente revue Cochrane (qui en gros, concluait que «nous avons besoin de plus de preuves ») il a souligné que les critiques du FBP qui ne venaient pas avec de bonnes alternatives sur la façon de financer les services de santé de qualité étaient plutôt irresponsables. En effet, cela peut conduire à des situations comme ce qui s’est passé au Ministère de la Santé du Zanzibar : à l’enthousiasme initial pour le FBP, s’est substitué une impasse en matière de  politique, tout ça parce qu’il a été recommandé aux cadres nationaux de se défier du FBP vu la littérature récente sur cette approche. Le Dr. Soeters encourage le débat sur les finalités sociales dans la CdP FBP, à condition que les nuances nécessaires sur le coût, l'efficacité et la durabilité soient apportées. A son avis, par exemple, la durabilité des systèmes de santé exige qu'ils ne soient pas seulement financés, dans les pays à faible revenu, par l'aide extérieure.

Dans une deuxième intervention, Joseph Kutzin a ensuite expliqué que les résolutions de l'ONU par leur nature même, ne peuvent pas contenir des détails comme les sources de financement. Elles sont en effet le résultat d’un compromis et ne peuvent pas être très précises – c'est le prix que l’on paie pour un large soutien. Il est donc important d'avoir des attentes réalistes quant à ce qui peut provenir d'une résolution de l'ONU. La récente résolution est un signe de soutien politique croissant en faveur de la couverture universelle, a dit Joe, mais l'ampleur de l'appui à obtenir nécessitait un compromis sur les détails. Ces résolutions sont toutefois des instruments utiles pour tenir les gouvernements redevables, en particulier quand elles sont exploitées par les groupes de la société civile nationale et / ou internationale.

Joe a également réfuté certaines des allégations faites par Robert Soeters au sujet de ce qui est appelé les "positions de l'OMS". Contrairement à ce que le Dr. Soeters a indiqué dans son intervention, l'OMS n'a pas « conceptuellement approuvé » la CAM au Burundi, car il s'agit d'un accord volontaire d'assurance santé. Le rapport sur la santé dans le monde de  2010 et le récent article de Kutzin dans le Bulletin de l’OMS expriment très clairement que l'assurance-maladie volontaire n'est pas une voie viable vers la couverture universelle.

Selon Joe, Robert a également suggéré que l'OMS n'était pas très intéressé par l'efficience. En réponse, Kutzin fait référence au rapport mondial de 2010 où  une section entière («plus de santé pour l'argent") traite de l’efficience. Il a également évoqué son article récent dans le bulletin de l’OMS dans lequel il a soutenu qu’on ne peut pas tout simplement « acheter son chemin vers la couverture universelle », les coûts doivent être gérés ; traiter les principales causes de l'inefficacité doit être une priorité pour la réforme ciblée.

Un bon dialogue nécessite une plateforme commune, mais aussi une compréhension de nos rôles respectifs

Le débat s'est poursuivi avec une contribution de Bruno Meessen accordant les positions des décideurs et des techniciens. Il rappelle aux membres de la CdP qu’offrir une tribune aux praticiens et opérationnels est une préoccupation majeure (et en fait l'un des fondements) de la CdP FBP. Il reconnaît la frustration causée par des politiques conçues de façon inappropriée et sous-financées : trop souvent, les dirigeants des pays ne sont pas suffisamment à l'écoute de leurs techniciens. Il a souligné que, néanmoins, les dirigeants politiques désireux d'introduire la CU doivent être pleinement épaulés parce qu’ils sont en position de mobiliser leurs citoyens. Aussi, les partisans du FBP doivent essayer d’exploiter la dynamique en faveur de la CU. Des ponts avec les décideurs doivent être construits de façon à ce que dans le futur, les techniciens soient entendus à temps et que les erreurs soient évitées. Il croit qu’un jour la CdP - conçu comme une plateforme pour rassembler ceux qui plaident pour une politique, les décideurs politiques et les opérationnels - assurera une telle relation de confiance. Ceci dit, pour le moment, on peut faire le constat que les promoteurs de la CU se consacrent surtout à mettre la CU à l’ordre du jour. Il est temps d’accorder autant d’importance aux autres étapes du processus politique, telles que celles de la formulation des politiques et de leur mise en œuvre. Ainsi, ceux qui sont en charge de leur formulation et de leur mise en œuvre doivent également être appuyés et pourvus des ressources adéquates.

Jurien Toonen (KIT, Amsterdam) a ensuite insisté sur la nécessité d'apporter une certaine structure à la discussion, et d'éviter une confusion des rôles et des mandats dans le débat sur ​​le financement de la santé, de la prestation de soins et de la protection sociale, entre les organisations internationales, les décideurs politiques dans les pays pauvres, les opérationnels, les universitaires, les partisans et les bénéficiaires. Il a expliqué le rôle et le mandat de chacun de ces acteurs. Les organisations internationales ont un rôle dans le développement d'une vision et des stratégies visant à rendre cohérents les différents types de stratégies de santé. Alma Ata, Investir dans la Santé (Rapport de Développent dans le Monde 1993), les Objectifs du Millénaire pour le Développement pour la santé, ... tous ont donné de l’impulsion, malgré leurs défauts. Aujourd’hui, peut-être qu'on pourrait penser que la  CU est la «nouvelle mode du jour au niveau mondial », mais c'est parce que le monde a appris quelque chose: la CU est plus à l’échelle du système de santé que ses prédécesseurs, et accorde plus d'attention aux personnes les plus vulnérables. Ou, comme Tim Evans l’a montré à Bangkok: le point de départ de la CU est « l'intolérable injustice qu'un trop grand nombre n'ait pas accès aux soins de santé ». Quoi qu'il en soit, il n'est pas nécessaire de blâmer les organisations internationales (et certainement pas l’OMS) pour fournir la vision, argumente Jurien. Pour ce qui est des décideurs des pays pauvres, ils ont choisi de se lancer dans la CU, même s'ils vivent dans des pays qui ne sont pas comparables à la Chine ou aux Etats-Unis. Ils pourront se battre pour y arriver, mais la bonne nouvelle, c'est qu'ils seront plus à même, grâce à l’engouement pour la CU, d'obtenir des ministères des finances les ressources nécessaires. Malheureusement, les gens pensent souvent, à tort, que la CU équivaut à des soins de santé gratuits ou à l'assurance-maladie, mais la situation s'améliore. Dans de nombreux pays commence un dialogue sur le financement adéquat des soins de santé – les partenaires tentent de trouver le juste équilibre entre les différents instruments de financement de la santé (fondés sur l'impôt et d'autres). Si les problèmes de design ne sont pas bien abordés, ce sont les opérationnels en souffriront le plus, argumente Jurien. Le FBP souffre également de problèmes de conception et de mise en œuvre en plusieurs endroits, ces problèmes doivent être surmontés. Il est également inutile de blâmer le monde académique, poursuit Jurien. Les chercheurs sont là pour apporter la preuve que le FBP marche, et si ça marche : pourquoi, comment et dans quel environnement. La même chose est vraie pour la CU d'ailleurs. Le soutien des deux,  FBP ou CU,  doit donc être basée sur des données probantes ; ces dernières peuvent être contestées par les acteurs opérationnels, les promoteurs d’une stratégie particulière et les autres universitaires. Au lieu de nous lamenter sur la revue de la littérature « Cochrane » parce qu’elle aboutit à la conclusion que la preuve en faveur  du FBP est réduite, nous devons chercher des preuves solides, suggère Jurien. Même si vous savez que les choses marchent, la preuve est nécessaire pour le prouver. Il a rappelé aux membres de la CdP que la recherche peut appuyer une mise en œuvre réussie, comme cela fût le cas en Thaïlande où la mise en œuvre de la CU a été étayée par le travail académique. En ce qui concerne les promoteurs d’une idée ou d’une stratégie, ils devraient faire ce qu'ils font le mieux: communiquer, enclencher des débats, même de façon provocante, faire penser et réagir. Mais dans ce rôle, ils ont leurs limites, tout comme les autres acteurs ont les leurs. Enfin, la CU concerne avant tout ses bénéficiaires, « l'homme et la femme sous le baobab », comme Jurien les appelle, et leur état ​​de santé. Ce groupe, ses intérêts, devrait être le point de départ pour les discussions.

Une illustration de la CU et des éclaircissements sur la CAM au Burundi

Dans d'autres interventions, les intervenants ont précisé la notion de la CU (Bruno Meessen, Gyuri Fritsche, se référant à une visite de terrain au  Centre de santé de  Mayo-Ine dans l'Etat d'Adamawa au Nigeria, "Voila ce que c'est la CU: trouver des solutions spécifiques pour garantir que plus de gens aient accès aux services, et disposer de données pour le prouver", ...). Des éclaircissements ont également été fournis sur le régime d'assurance-santé au Burundi (par Olivier Basenya, Longin Gashubije, Bruno Meessen). Olivier a souligné que la CAM est un système d'aide à la santé plutôt qu'une assurance-maladie et il a expliqué les mesures prises depuis son introduction en 1984 en vue d'améliorer son efficacité en direction de la CU.

Conclusion

Il se dégage de cette discussion que la résolution de l'ONU constitue une opportunité pour mettre les décideurs sous pression et les mettre sous pression pour tenir leurs engagements. Par ailleurs, la CU fournit une opportunité évidente pour les promoteurs du FBP, si on pense de manière stratégique. Jurien Toonen a résumé l'opportunité en ces termes : « Si nous voulons la CU, nous aurons besoin de services de santé qui fonctionnent bien, donc du FBP". Quelques défis pour la mise en œuvre la déclaration en question ont également été soulignés. Les intervenants ont mentionné la distance à la réalité sur le terrain, des guerres sans fin, les attentes trop élevées, les questions culturelles, le financement inadéquat (tant au niveau national et qu’international),  la corruption, etc. Néanmoins, on peut espérer que l'espace budgétaire pour la CU au niveau des pays s'améliore dans un avenir pas trop lointain. Enfin, le débat a également souligné le rôle de la recherche dans l’appui à la mise en œuvre et dans la production de plus de preuves sur ce qui fonctionne, comment et pourquoi.

Le débat a été suspendu le 17 Décembre 2012, lorsque la CdP a été informée de la mort de Guylain Kilenga qui participait à un stage de formation sur le FBP à Bujumbura. RIP. 

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Couverture Médicale Universelle au Sénégal - interview avec Madame le Professeur Awa Marie Coll Seck,  Ministre de la Santé du Sénégal

10/22/2012

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Allison Kelley  

« Le nœud de la guerre, c’est le chef de l’Etat. Pour la couverture médicale universelle au Sénégal, il y a un vrai leadership présidentiel »

AGK -Nous avons tous suivi les élections présidentielles au Sénégal avec beaucoup d’intérêt et d’enthousiasme. Nous sommes maintenant curieux de savoir la vision de ce nouveau gouvernement en ce qui concerne la couverture médicale universelle (CMU).

Mme la Ministre - Je suis très contente de voir qu’il y a cet intérêt, même je peux dire international, par rapport au Sénégal. Je peux vous dire que même pendant la campagne, le Président Macky Sall avait déjà mis sur son agenda la CMU. C’était très important pour lui parce qu’il a beaucoup voyagé dans le pays pendant la campagne et il a beaucoup entendu que l’une des premières préoccupations de la population est l’accès aux structures de la santé, des problèmes  pour se faire soigner, en termes d’accessibilité financière….Il faut trouver un moyen pour pallier cette barrière financière au moins pour les premiers soins.  La première question que mon président m’a posée est :– comment on va le faire ? Je connaissais certaines expériences déjà, comme celle du Ghana ou du Rwanda. Le défi est qu’aujourd’hui au Sénégal, seulement 20% ont une assurance de santé. On fait donc beaucoup de plaidoyer pour inciter les populations  à adhérer à une mutuelle de santé, mais pour celles qui n’ont pas les moyens, leur prise en charge se fera à travers un Fonds de Solidarité qui sera créé. Dans un premier temps nous faisons des expériences pilotes dans des zones les plus peuplées et les plus pauvres du Sénégal. Avec la Coopération Technique Belge, on a crée un Fonds d’Equité qui prend en charge, sur base d’une enquête, les personnes pauvres et vulnérables (les enfants de moins de 5 ans, les orphelins, les handicapés). C’est en fait une subvention à l’adhésion à une mutuelle. La personne prise en charge va dans les structures de santé comme celle qui a payé sa carte mutuelle.

Notre objectif, c’est d’aller vers un fonds national de solidarité, qui sera alimenté par des sources différentes, mais surtout par des taxes sur le tabac et l’alcool (un marché très grand au Sénégal). On ne va pas vers une TVA générale, ce n’est pas notre objectif pour l’instant. Pour montrer sa volonté, le chef de l’Etat y mettra directement de l’argent du budget national du Sénégal. Il a demandé même que nous ayons un conseil présidentiel sur la CMU pour que lui-même s’engage encore, donc il y a un vrai leadership présidentiel.

Vous avez parlé d’une phase pilote de ce fonds de solidarité dans quelques régions.  Quelle est l’articulation entre ce fonds et les multiples gratuités qui existent déjà ?

Il fallait vite comprendre le fonctionnement, l’organisation de ce fonds pour pouvoir passer rapidement a l’échelle. Pour les soins de base, le Fonds sera un plus aux gratuités qui existent déjà au Sénégal. Mais le Fonds sera là pour financer l’adhésion aux mutuelles, le budget d’Etat continuera de prendre en charge les gratuités (ARV, césariennes, PEV). On est toujours dans la réflexion pour voir si le Fonds devrait gérer tout le financement de la santé, ou s’il cible l’accès. Il y a beaucoup de modèles, et on ne veut pas avoir un Fonds qui commence par gérer trop de choses.

On ne veut pas non plus qu’il y ait trop de pilotes – pendant maximum un an – avec une évaluation prévue, et après nous allons tout de suite passer à l’échelle en fonction des leçons qu’on aura apprises. On ne veut pas mettre dix ans pour aller à l’échelle.

Quel est le taux de couverture médicale global envisagé d’ici 5 ans ?

On a déjà parlé d’un taux de 50 % d’ici 2015 - une augmentation de plus de 200%. On va du 20% couvert aujourd’hui de façon un peu spontanée, vers quelque chose de beaucoup plus organisé, avec une meilleure information. Je vous donne l’exemple des paysans du Sénégal, la plupart n’ont pas accès aux mutuelles. Ceux qui ont une couverture aujourd’hui sont ceux qui sont dans le privé ou dans la fonction publique, dans les deux cas c’est obligatoire. Il faut savoir gérer le monde rural. Ce sont les cultures saisonnières – au moment ou ils ont des revenus il faut capter la prime pour la mutuelle. Mais aujourd’hui ils ne sont même pas informés. Je suis sûre que quand ils ont l’argent après la récolte, si une bonne information est faite, ils peuvent cotiser pour un an.

C’est ambitieux un taux de couverture de 50% d’ici 3 ans – quels sont les défis que vous voyez ?

Les grands défis, c’est d’abord le plaidoyer. Pour toute stratégie nouvelle, il faut avoir les meilleurs messages possibles. Par exemple, il faut dire clairement que ces 80% de la population (non-couverts) payent beaucoup plus en allant individuellement aux structures de santé qu’en prenant une mutuelle de santé. Le plaidoyer ne doit pas parler de la couverture universelle vaguement, il faut que la population comprenne ce qu’elle gagne. Pour faire passer ce message sous forme de plaidoyer national, on pourrait utiliser les religieux, les chefs traditionnels, les chefs de mouvement comme des relais.

En interne entre les Ministères, franchement, il n’y a pas de problème; je vois le Ministre de l’Economie et des Finances quand je veux, le Ministre du Budget aussi, ils m’appellent quand ils veulent, on est ensemble. Le fait que le chef de l’Etat soit engagé dans tout ça, tout le monde fait le travail. Moi je pense qu’au lieu de faire beaucoup de discussions autour des Ministres de la santé et des finances, le nœud de la guerre c’est le chef d’Etat. Le leadership au niveau de l’Union Africaine en permanence sur ce sujet me semble très important.  Plaidoyer national, plaidoyer inter-gouvernemental, plaidoyer international – il faut que ca continue – c’est un défi. Si on a le leadership politique sur place et s’il y a une bonne communication, on peut régler des choses.

Le deuxième problème, c’est la mobilisation des ressources pour alimenter le Fonds. Je suis allée au Ghana ou j’ai vu l’importance des taxes dans la couverture du NHIS. C’est clair que c’est important, mais ne font-ils pas un peu trop ? Au Sénégal, si on en met trop, ca ne passera pas. Nous, on vise à diminuer le train de vie de l’Etat ; ces économies iront partiellement à la santé, entre autres bénéficiaires. Il faut faire attention aussi de ne pas faire comme le Rwanda où c’est surtout les partenaires au développement qui mettent l’argent. Certes c’est un « success story », mais le jour où les partenaires ne seront plus là, qu’est ce que le pays va faire ? Ca demande beaucoup de réflexion, mais nous visons un système de financement mixte.


(Interview réalisé à Tunis le 5 juillet 2012 durant la conférence interministérielle "Value for Money, Sustainability and Accountability in the Health Sector") 

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Election présidentielle sénégalaise, le secteur de la santé part-il favori ?

2/22/2012

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Morris Kouamé (Health Consulting International & Emerging Voice)

Dans ce blog, Morris Kouamé nous informe du positionnement en matière de santé, des différents candidats aux élections présidentielles au Sénégal. Ce blog est une version légèrement adaptée de l'éditorial de la lettre hebdomadaire Politique Internationale de Santé #153.

Les Sénégalais iront aux urnes le 26 février prochain pour élire leur président de la République. Il s’agit pour le peuple sénégalais de renouveler sa confiance soit au candidat sortant Abdoulaye Wade ou de confier la destinée à une autre personne pour les années à venir. Pour l’heure, la campagne est à son apogée, avec malheureusement des violences ayant déjà conduit à dix décès selon certaines sources.

Comme toutes les campagnes électorales au monde, les candidats « draguent » les électeurs,  et en ce mois de Saint-Valentin, les promesses sont abondantes, avec certaines un air d’attirance et pour d’autres un air de répulsion. Nos regards se sont orientés vers le secteur de la santé. Ainsi, selon les projets de candidats auxquels nous avons eu accès, le manque de médicaments, la pénurie des ressources humaines, l’inaccessibilité aux structures sanitaires tant géographique que financière ne seront qu’un mauvais souvenir pour le peuple sénégalais dans les années à venir.

Passons les possibles élus en revue (1).

Pour Moustapha Niasse, ancien premier Ministre de Wade, le budget de la santé qui représente aujourd’hui 8,75% du budget national, sera porté à 15%, conformément à la Déclaration d’Abuja, grâce à une augmentation de la subvention de l’Etat. Les postes de santé seront tous dotés d’une maternité fonctionnelle. La disponibilité des médicaments sera assurée par une promotion des médicaments génériques et une baisse des prix des médicaments de spécialités. Un accès aux soins des personnes âgées et handicapées, des femmes enceintes sera garanti avec à la clé une gratuité des soins de base pour les enfants de moins de 5 ans, et une baisse des tarifs des actes médicaux. Enfin, un système national de couverture universelle du risque-maladie, combinant la réforme des institutions de prévoyance maladie et le développement des mutuelles de santé à base communautaire sera mis en œuvre.
 
La politique de santé d'Idrissa Seck (également ancien premier ministre du président Wade) pour les cinq prochaines années se résume en deux principes fondamentaux : la prévention et l’information des populations d’une part et la rigueur et l’engagement sans faille du personnel médical d’autre part, pour remporter des succès éclatants avec des moyens modestes.

Pour Macky Sall, lui aussi premier ministre du président sortant, il s’agit de mettre fin aux injustices sociales par le biais d’une Couverture Maladie Universelle de Base. Celle-ci sera financée par la réduction du train de vie de l’Etat, des prélèvements des activités à forte rentabilité (télécoms ; industries extractives, pharmaceutiques et de tabac ; transactions financières), une prise en charge systématique sans frais pour les femmes enceintes et un forfait obstétrical pendant toute la durée de la grossesse.

Quant au candidat Ibrahima Fall, il s’agit, je cite, « de gérer le  paradigme en matière de santé en faisant primer les soins de santé sur les dépenses de santé : se soigner d'abord et payer ensuite ». Ainsi, les dispositifs sanitaires seront adaptés aux spécificités territoriales et une prise en charge totale des soins médicaux pour les enfants de 0-10 ans, les femmes enceintes, les handicapés et les personnes du 3e âge.

Pour le candidat Tidiane Gadio, je cite, « il s’agit de libérer les citoyens du fardeau de la facture sanitaire en dotant le pays d’un système de santé opérationnel, décentralisé et accessible à tout point de vue par une règlementation volontariste qui supprime le ticket ou le paiement direct obligatoire au moment de recevoir les soins ».

Le candidat socialiste Ousmane Tanor Dieng résume son action en proposant d’assurer la disponibilité et l’accessibilité géographique et financière des soins de santé pour tous en respectant les indicateurs de l’OMS en termes de personnel et d’établissement de santé. Une des politiques phares, sera d’élaborer une politique de promotion de l’assurance maladie en général et de la mutualité  afin de garantir des soins à la majorité des sénégalais ne bénéficiant pas de systèmes de prise en charge des soins de santé classiques.

Enfin, pour le candidat sortant, Me Abdoulaye Wade, il s’agit de consolider les acquis et achever les grandes réformes entreprises relatives à la gratuité des soins pour les personnes âgées à travers le Plan sésame, la gratuité des antituberculeux, des antirétroviraux et des accouchements par césarienne, et la baisse du coût des dialyses de 50.000 à 10.000 FCFA (100 $ à 20$.)

Au regard de ces promesses, le secteur de la santé du Sénégal pourrait donc être au cœur de nombreuses réformes dans les années à venir. Il se dégage en effet de l’analyse des propositions des candidats quelques points communs : d’abord, l’importance d’améliorer l’accès aux soins aux populations vulnérables : femmes enceintes, personnes âgées, enfants de 0 à 5 ans voire 10 ans ; ensuite la nécessité d’augmenter les financements publics et de réduire les paiements directs ; enfin la nécessité de la mise en place des mécanismes assuranciels. Les interventions spécifiques et ciblées telles que la gratuité pour les personnes âgées ou les femmes enceintes sont importantes pour résoudre des problèmes spécifiques. Mais elles sont insuffisantes pour résoudre de façon globale l’accès universel aux soins.

Selon nous, les professionnels de la santé et la société civile du Sénégal devraient prendre acte des promesses faites par les candidats et s’organiser pour que des réformes profondes soient engagées dans le système de santé afin d’améliorer sa performance. Si le diagnostic et les raisons de la faible performance du système de santé sénégalais sont élucidés, les solutions nécessiteront encore une approche globale qui passera par des réformes structurelles. Des stratégies novatrices sont nécessaires pour renforcer toutes les composantes du système de santé – leadership et gouvernance ; système d’information sanitaire ; ressources humaines, médicaments, équipements et infrastructures ; financement ; et offre de soins. Ceci est une condition sine qua none pour offrir un accès universel aux soins à chaque sénégalais. 
 
 Il est donc temps pour le peuple sénégalais de jeter les cauris, de sortir les chapelets dans ce mois de jeûne, d’implorer les dieux des eaux et des bois sacrés, afin qu’ils rappellent sans cesse au  candidat qui sera élu à tenir ses promesses. Pour l’heure, nous vous donnons donc rendez-vous en février 2017 pour partager les résultats de l’évaluation des promesses. En attendant, nous souhaitons au peuple sénégalais, une élection apaisée.

Note:
(1) L’ordre ne traduit bien entendu aucune préférence personnelle!

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