En septembre 2018, l’Organisation Mondiale de la Santé et la Banque Africaine de Développement organisaient une conférence sur la Gestion des Finances Publiques (GFP) en santé à Nairobi, regroupant des représentants santé et finance de 50 pays africains. Les pays se sont accordés sur l’importance de la GFP pour la couverture santé universelle (CSU). Six mois après, nous faisons le point sur l’agenda des réformes, en publiant une synthèse (en anglais, mais avec une traduction en français du résumé), et sollicitons vos avis.
Progresser vers la CSU implique d’améliorer la manière dont les ressources publiques sont allouées, utilisées et reportées dans le secteur. Les réformes du financement de la santé initiées dans plusieurs pays africains depuis le milieu des années 2000 ont ravivé l’intérêt pour la GFP. En plaçant les fonds publics au cœur de la réponse du financement de la santé, l’évolution vers la CSU a transformé la GFP en une question centrale pour les résultats du secteur.
Plus de proactivité du secteur de la santé dans les réformes GFP
Longtemps absents du sujet, les ministères de la santé doivent prendre une part plus active dans les réformes de GFP; celles-ci sont en effet nécessaires pour fournir un environnement favorable à la CSU. De notre analyse, il ressort trois domaines d’engagement complémentaires pour les ministères de la santé :
- Un intérêt et un suivi des réformes générales de GFP (ex : approches budgétaires pluriannuelles qui peuvent améliorer la prévisibilité du financement de la santé) ;
- Un rôle pro-actif dans l’élaboration et la mise en œuvre de réformes de GFP qui affectent directement la dépense de santé (ex : définition de programmes budgétaires en santé permettant d’aligner les allocations budgétaires avec les priorités du secteur)
- Une fonction directe d’élaboration d’interventions de GFP spécifiques à la santé (ex : régulation de l’autonomie et de la flexibilité financière des formations sanitaires).
Accélération de la mise en œuvre des réformes de GFP dans la santé
Les pays africains sont, pour la plupart, à mi-chemin en matière de GFP. Le temps est venu de consolider leurs systèmes GFP afin de permettre de mieux soutenir les progrès vers la CSU.
Notre analyse montre que l’accélération des réformes suivantes est nécessaire :
- Formulation budgétaire : les pays doivent accélérer l’institutionnalisation des budgets-programmes en santé qui peuvent permettre de mieux aligner les allocations budgétaires avec les priorités du secteur, de fournir plus de flexibilité dans la gestion de la dépense de santé et d’améliorer la redevabilité en mesurant l’utilisation des ressources au regard de l’atteinte des résultats. Dans ce processus, l’élaboration des programmes budgétaires est une tâche ardue, méritant toute l’attention des ministères de la santé ; leur mise en œuvre ne sera efficace que si la gestion des dépenses n’est plus guidée par une logique de contrôle par intrants et si un cadre de redevabilité par résultats est mis en place.
- Exécution budgétaire : l’exécution budgétaire en santé est déficiente dans plusieurs pays. Les pays doivent identifier les causes de l’exécution défaillante (ex : fonds mal priorisés, pas déboursés à temps, non flexibles, sous-utilisés, gâchés) afin de prioriser l’introduction de mesures correctives appropriées. Nous proposons, dans le rapport, un cadre d’analyse pouvant guider l’identification des causes principales d’une mauvaise exécution budgétaire en santé, avec un focus sur la sous-exécution.
- Reporting budgétaire : les systèmes de reporting budgétaire restent fragmentés en santé et ne sont pas orientés vers le suivi des résultats, malgré les efforts de réformes récents. Les pays doivent mettre en place un nouveau contrat de redevabilité, permettant de consolider le suivi de la performance financière et opérationnelle en un cadre unique. C’est une obligation technique - pour le suivi de la performance, mais également citoyenne. En consolidant le niveau de dépenses par résultat obtenu, le cadre de suivi du budget programme offre cette opportunité ; il faut la saisir.
Révision du focus et des processus de réformes GFP dans le secteur de la santé
Le secteur de la santé a bénéficié d’avancées indéniables en termes de renforcement des systèmes de GFP (tout secteur confondu) grâce à deux décennies de soutien international. Il est temps maintenant de compléter et ajuster certains aspects de ces réformes importantes en introduisant des interventions spécifiques au secteur, nécessaires pour accélérer l’agenda de réformes GFP en santé.
Le focus et les processus des réformes GFP pourraient être revus afin de mieux répondre aux défis du secteur de la santé. Considérant les difficultés pour mettre en œuvre les réformes GFP en santé, notre analyse met en lumière l’importance d’avoir :
- Plus de considération des blocages GFP en santé : il est essentiel d'examiner les goulots d’étranglement contraignant l'accès aux fonds publics, leur utilisation et le rapportage les concernant d’un point de vue du secteur de la santé ;
- Une plus grande appréciation des besoins en autonomie et en flexibilité dans la gestion financière au niveau des formations sanitaires : il est important de définir un juste équilibre entre les nécessaires contrôles de dépense et le besoin de flexibilité dans l’utilisation des fonds selon l’évolution des besoins (ex : changement dans la prévalence d’une maladie, intégration de nouveaux traitements ou interventions dans le paquet de soins, réponse rapide aux épidémies locales)
- Une coordination plus efficace et plus de cohérence entre les réformes GFP et les autres réformes affectant la dépense de santé du haut en vas (ex : réforme de l’achat de services, politique de décentralisation).
Conclusion
En conclusion, j’aimerais souligner le besoin de développer les capacités techniques de la région dans ce domaine. La région a besoin de professionnels pouvant travailler à l’intersection entre la GFP et les politiques de santé, comprenant les perspectives de ces deux communautés d'expertise et pouvant construire des passerelles durables entre les deux. C’est une nouvelle génération de praticiens qui doit se former: elle combinera des compétences en économie, gestion des finances publiques, politiques publiques et système de santé. Nous avons besoin de vous pour avancer et supporter la mise en œuvre de cette agenda capital.
Le rapport "Leveraging public financial management for better health in Africa: key bottlenecks and opportunities for reform" est accessible ici. Le résumé exécutif est disponible en français.