Financing Health in Africa - Le blog
  • Home
  • Bloggers
  • Collaborative projects
  • Join our COPs
  • Resources
  • About Us
  • Contact Us

Initiative de Bamako: quelques réflexions pour clôturer notre série

2/10/2014

4 Commentaires

 
Picture
Jean-Benoît Falisse

Cela fera bientôt 27 ans que l'Initiative de Bamako a été lancée et que la participation communautaire est entrée au cœur des politiques de santé en Afrique. Au travers de huit interviews, d’une réflexion personnelle, et surtout de vos nombreux commentaires, en français comme en anglais, nous avons pu apercevoir la complexité de ce qui un jour fut la « solution miracle » de la participation communautaire. Le débat n’est certainement pas clos mais la série touche à sa fin et je me livre donc à l’exercice un peu périlleux d’en faire une synthèse très subjective, qui comme souvent, apporte plus de questions que de réponses.

Tout d’abord, notre série a permis de replacer l’Initiative de Bamako dans le continuum des stratégies et politiques de santé internationale (global health dirions-nous aujourd’hui). Les sources d’inspiration de Bamako sont, de prime abord, un peu floues, quelque part entre les « médecins aux pieds nus » chinois et la conférence d'Alma-Ata sur les soins de santé primaires en 1977. Cependant, l’interview de Walter Kessler nous montre comment au début des années 1980, Médecins Sans Frontières a mis en place, au Mali et ultérieurement au Tcad, des initiatives qui ont inspiré Bamako et lancé les premiers comités de santé. Susan Rifkin et Agostino Paganini expliquent le relatif succès de l’initiative à ses débuts, grâce à l’implication de terrain de l’UNICEF et au leadership charismatique et dynamique du duo de têtes formées par le Docteur Mahler (OMS) et Mr. Grant (UNICEF). Comme le préfigure déjà l’expérience de MSF avec les magasins de santé dans les années 1980, la participation prônée par Bamako s’inscrit dès le début en parallèle avec l’introduction du recouvrement des coûts, que les Etats justifient par la crise de la dette. Dès ses origines, l'Initiative de Bamako revêt donc une double facette dont même cette série, se focalisant pourtant exclusivement sur les aspects de participation communautaire, n'aura pu se défaire. Côté pile, il y a l'émancipation des communautés et leur auto-prise en charge, et côté face, il y a un accès « plus cher » aux soins. La question, qui se pose toujours aujourd'hui, et qui est répondue par la négative par Sophie Witter, est de savoir s’il y a un sens à continuer à lier les deux.

Une fois sortie de ses origines malienne, la participation communautaire version Bamako, avec le comité de santé comme mécanisme central, se répand comme une trainée de poudre en Afrique. Cependant, le contexte est très souvent négligé, et des stratégies qui marchent à certains endroits fonctionnent nettement moins bien à d’autres. Il n’y a pas de taille unique, comme l’illustrent les expériences de RDC, où le principe passe bien, et de l’Ouganda voisin, où le principe de gestion communautaire de la santé va à contre-courant des pratiques traditionnelles. Une fois passé l’enthousiasme initial, les initiatives de participation communautaire, qui sont de moins en moins soutenues par les Etats, éveillent la désagréable suspicion d'un désengagement des Etats vis-à-vis de de la santé de leurs populations. La participation communautaire ne s’impose pas. Néanmoins, pour rester dans l’esprit de la « santé pour tous », humaniser les rapports à la santé et développer des systèmes non-technocratiques dans lesquels la santé est comprise de façon globale, la prise en main par la communauté elle-même reste une piste prometteuse. C’est d’ailleurs dans cet esprit que la troisième recommandation de la récente conférence de Dakar parle de renforcer les capacités de la population pour en faire un « véritable partenaire pour l’analyse de ses problèmes de santé, et pour la planification, l’exécution et l’évaluation des interventions de santé ».

Au moment d’écrire ce billet, l'Initiative de Bamako est bel et bien morte. Et depuis longtemps. Le volet recouvrement des soins est allègrement critiqué. Le volet participation communautaire, plus gourmand en ressources, facilement détourné à des fins politiciennes, et aux effets moins rapides et directs que prévus, n’a pas non plus été la solution miracle attendue. Néanmoins, l’idée de rendre aux populations une place plus centrale dans leurs soins continue à vivre. En différents endroits du globe, de nouvelles formes de redevabilité des prestataires de santé par rapport à leurs usagers et d’implication directe des citoyens dans leur santé, se mettent en place. Pour fonctionner, elles doivent davantage tenir compte des situations locales et être intéressantes pour les populations qui participent ; la communauté a besoin de voir son intérêt à s’impliquer. C'est en somme ce que nous disent les responsables du projet Tuungane d’IRC, qui a généralisé une approche participative pour reconstruire les communautés (et leurs services de santé) dans l’Est de la RDC, et le Dr. Canut du Burundi qui nous montre comment les agents de santé communautaires peuvent devenir d’importants auxiliaires du système de santé, si ils sont correctement incités. La participation communautaire ne s’improvise pas, l’exemple des ASACO du Mali nous montre qu’un investissement soutenu et une solide organisation sont nécessaires pour faire perdurer le système. Une fois dépassée la vision naïve qu'on pourrait avoir de la communauté (cette dernière va, ex nihilo, subitement s’organiser pour améliorer sa santé), le défi semble être de favoriser la participation en trouvant des façons de l’induire et de la maintenir, sans pour autant la manipuler.

Dans cette optique, la recherche est toujours balbutiante et plus d’études sont nécessaires, probablement en utilisant des méthodes mixtes qui vont au-delà de la simple étude de cas. Il est essentiel de mieux comprendre le lien entre les structures de santé et leurs usagers. Comment se construit la participation des populations? Comment mène-t-elle (ou non) à une amélioration de leur santé? Si le processus n’est pas linéaire, comment en rendre compte? Vingt-sept ans après l'Initiative de Bamako, nous en savons toujours très peu sur l’impact des stratégies de participation communautaire sur la santé et l’accès à la santé des populations ; surtout en comparaison aux études sur d’autres grandes stratégies de global health comme les mutuelles, le financement basé sur la performance, ou encore la gratuité.

L'éléphant dans la salle de cette série, c'est la question du pouvoir. La participation communautaire est fondamentalement une question de pouvoir, disputé entre staff médical, autorités médicale et population, ou au sein de la population elle-même. Elle ne se limite pas non plus au strict cadre médical. L'aventure malienne, la chronologie de la mise en place des mécanismes de participation communautaire en Ouganda, ou le système ASACO nous rappellent que la participation est ‘politique’, dans le sens de la gestion des affaires publiques. Si ce n’était plus le cas, si la dimension de pouvoir était retirée de la participation communautaire, nous n’aurions plus à faire qu’à un pastiche de participation, une coquille vide qui perdrait rapidement de son intérêt. Plutôt que de continuer à éluder la question du pouvoir et d’habiller la participation communautaire des habits d’une question « technique », il est essentiel de reconnaitre que la question de la participation est fondamentalement celle de la redistribution du pouvoir et des prises de décisions sur l’organisation et les orientations des soins de santé.

Finalement, cette série nous rappelle qu’il n’y a pas de stratégie miracle en santé publique internationale. Comme le financement basé sur la performance, comme la gratuité des soins, et comme toutes les grandes stratégies de global health, la participation communautaire ne peut suffire, à elle seule, à atteindre la santé pour tous. D’abord parce que l’idée doit muter au contact du terrain et ensuite parce qu’elle n’est qu’un élément, qui répond à une partie des questions, et qui doit s’articuler à d’autres stratégies qui répondent à d’autres questions. 


4 Commentaires

Couverture Médicale Universelle au Sénégal : « Les conditions de succès passent par  l’adhésion obligatoire à un régime d’assurance maladie et le ciblage des bénéficiaires des politiques de gratuité »

1/21/2014

9 Commentaires

 
Maymouna Ba, chercheuse au CREPOS Dakar, interviewe le Dr Farba Lamine Sall, Conseiller en Economie de la Santé au Bureau OMS du Sénégal. Ensemble, ils discutent, en toute franchise, des options adoptées par le Sénégal pour la couverture maladie universelle (CMU) (interview conduit le 2 décembre 2013). 

Nous avons assisté au lancement de la CMU au Sénégal en octobre dernier, où on a d’abord mis le focus sur la gratuité des enfants de moins de 5 ans. Selon vous, cette stratégie s’inscrit-elle dans l'objectif global de la couverture universelle ?

Si la CMU, c’est favoriser l’accès aux soins, dire que tous les enfants de moins de cinq ans sont soignés gratuitement y contribue. Maintenant la question est de savoir comment tout ceci se met en œuvre de façon à ne pas compromettre l’équilibre global du système. Le système est un tout et pour que des mesures comme celles là soient vraiment effectives, il faut que le dispositif de prise en charge soit à niveau. Je ne dis pas qu’il faut s’arrêter et attendre que toutes les conditions soient réunies pour bouger. Je crois qu’il faut construire tout en même temps. Mais, il faut d’ores et déjà se dire qu’il y a des obligations à satisfaire pour que cette mesure ne soit pas vaine. En réalité, on se rend compte que la gratuité des moins de cinq ans ne concerne, dans un premier temps, que la gratuité de la consultation au niveau des postes et centres de santé et la gratuité des urgences au niveau hospitalier. Maintenant, même seulement cela, c’est assez lourd ; il faut des ressources.

Vous venez de dire qu’il faut construire tout en même temps, mais êtes-vous d’accord sur le fait qu’il y a quand même des préalables nécessaires à la mise en place d’une CMU, en termes de financement par exemple ?

J’imagine que ces préalables ont été assurés par le Ministère de la Santé, en se mettant au moins d’accord sur ce qui était possible, en calculant le coût de l’opération. Ce n’est pas pour rien que le Ministère limite dans un premier temps la gratuité à la consultation. Donc, on peut penser qu’on y va à petites doses. La consultation, c’est ce qui coûte le moins de toute façon. Ce n’est pas là où se trouve réellement l’enjeu. En dehors des consultations, vous avez des analyses, des examens à faire ; le gros se situe à ce niveau là. Maintenant, avec le ‘rush’ qu’il y a à partir du moment où on dit que la consultation est gratuite, c’est d’autres éléments de discrimination qui vont entrer en jeu s’il n’y a pas une offre conséquente en face. C’est comme si vous disiez que la dialyse est gratuite alors que vous n’avez pas suffisamment de postes où la dialyse se fait. Qu’est ce que vous allez créer ? Des files d’attentes importantes! Conséquences de files d’attentes importantes : des dessous-de-table, donc des difficultés, alors qu’on cherchait à alléger le circuit du patient. Tout ceci veut dire que si on identifie un obstacle à la consommation, il faut s’assurer qu’en levant l’obstacle, d’autres obstacles ne se créent pas.

Il est dit qu’au Sénégal, la CMU s’appuiera principalement sur le développement des mutuelles de santé. On parle en même temps du maintien des politiques de gratuités existantes. Est-ce que cela est bien cohérent?

Selon moi, le grand problème au Sénégal, c’est qu’on veut concilier des choses difficilement conciliables. Vous ne pouvez pas dire que « ma priorité c’est l’assurance-maladie » et lever l’autre main pour dire : « Priorité au renforcement des gratuités ». Vous êtes en train de faire ce qu’on appelle des incitations négatives. Si vous rendez gratuits tous les motifs de paiement, et donc tous les motifs d’adhésion à une mutuelle, les gens ne vont pas aller dans une mutuelle.

Les principaux motifs de recours aux soins au Sénégal concernent le paludisme, la santé de l’enfant, la santé de la femme, surtout celle en état de grossesse et qui va accoucher, la santé des personnes du 3ème âge. Je dis donc que si vous rendez gratuit ces principaux motifs de recours aux soins, vous êtes en train d’enlever le motif d’adhésion aux mutuelles. Et cela est contradictoire dans un contexte de pauvreté où les ressources sont totalement happées par les dépenses obligatoires. L’idéal aurait été d’inclure les mutuelles de santé dans ces dépenses obligatoires, de deux façons. La première est de rendre l’adhésion obligatoire, la deuxième est d’amener les gens à avoir des raisons d’adhérer à une mutuelle, des raisons de mettre de l’argent de côté pour faire face à une dépense imprévue qui peut être non supportable par eux. Et ces deux façons sont quasiment absentes ici. Ceci est un véritable problème si on veut ‘booster’ la mutualité.

Est-ce à dire que le fait de passer par les mutuelles de santé, lesquelles fonctionnent principalement sur l’adhésion volontaire, n’est pas la meilleure option ?

Cela fait maintenant 24 ans que je suis dans le monde de la mutualité. Ma 1ère expérience a été d’encadrer un de mes étudiants qui travaillait sur la mutuelle de Fandène mise en place en 1989. Mais, depuis 1989, on a l’impression que c’est une histoire qui est encore en phase expérimentale. C’est vrai qu’aujourd’hui, il y a un dispositif nouveau : des incitations financières ont été mises en place pour subventionner les cotisations à 50%. Mais, les 50% qu’il faut mettre pour avoir la subvention représentent quelque chose pour quelqu’un qui a d’autres dépenses obligatoires. Pour moi, l’option est difficilement lisible. Je crois que les conditions de succès tournent autour d’une obligation d’adhésion à un régime d’assurance maladie quel que soit l’appellation. Il faut aussi oublier le terme gratuité. Selon moi, la meilleure façon de faire de la gratuité c’est de la refuser. A mon avis, pour faire une bonne gratuité, il faut que tout le monde paye. Si tout le monde paye, les travailleurs sociaux, pour qui c’est la spécialité, identifieront ceux qui ne peuvent pas payer…

Et on retombe sur la question du ciblage qui, dans beaucoup de contextes, n’a pas été toujours efficace…

Le problème du ciblage va nécessairement se poser. Si le ciblage fait bénéficier des services de gratuité à des gens qui n’en ont pas besoin, c’est parce qu’il n’a pas été bien fait. Le ciblage ne peut pas être fait à partir du Ministère de la Santé. C’est la collectivité locale qui a plus d’aptitude à déceler le vrai indigent. Ce n’est pas parce qu’on a mal ciblé qu’il ne faut pas cibler. On a l’obligation de cibler parce qu’on ne peut pas tout faire pour tout le monde. Donc, il faut faire ce qu’il faut pour ceux qui doivent en bénéficier. Prenons la gratuité des soins des enfants de moins de 5 ans. Si on avait appliqué le principe du « tout le monde paie », en disant simplement à ceux qui ont une assurance de la présenter, ça aurait été déjà pas mal. Parce que les assurés, ils ont déjà payé leur prime d’assurance. Ils ne demandent qu’une chose, que la structure sanitaire réclame l’argent à l’assureur. Si vous dites que c’est gratuit pour tout le monde, les gens n’envoient pas la facture à l’assurance. En procédant ainsi, ils sont en train de compromettre la capacité de financement de la structure de santé et donc sa capacité à garantir une qualité des prestations sur une longue durée. Si on ne fait pas l’effort de cibler, on est en train d’affaiblir notre système de santé et, sous prétexte de protéger des vulnérables, on est en train d’enrichir des assureurs.

C’est clair qu’il faut protéger les vulnérables. Mais tous les vulnérables ne sont pas indigents. Oui, il faut lever les entraves à l’utilisation. Oui, il faut éviter que le paiement ne soit un obstacle. Mais, il faut deux choses en même temps. Il faut garantir une contrepartie financière à toute prestation produite si on veut assurer la pérennité de la qualité des services. Et pour que ceci soit possible, il faut que le nombre de personnes ne supportant pas le coût de traitement de façon directe soit réduit aux seuls ayants droit. Selon moi, il y a iniquité à chaque fois qu’on aura fait bénéficier à quelqu’un qui n’en a pas droit d’un service, alors que c’est au nom de l’équité qu’on avait pris la mesure. On ne peut pas vouloir bien faire marcher les choses, engager des fonds dans le secteur de la santé et faire l’économie d’efforts à fournir.

On a vu un engagement politique à un plus haut niveau avec cette CMU. C’est le Président de la République lui-même qui porte cette affaire sur le devant de la scène et d’aucuns disent que c’est une garantie de réussite. Partagez vous cet avis ?

Je n’ai pas la même lecture. La solution de facilité c’est de dire «  l’engagement politique n’a jamais été aussi fort ». Mais, est-ce que le non développement des mutuelles depuis l’expérience de Fandène ne s’explique que par la faiblesse de l’engagement politique ? Tant que les gens n’aborderont pas la question de façon frontale, en se disant « ça fait 20 ans, 30 ans qu’on fait et que la mayonnaise ne prend pas. Pourquoi ? ». L’engagement politique sera peut-être une des explications ; la faible attractivité des prestations, une autre explication ; la discontinuité des soins, une autre ; le manque de contrôle du système de tarification et de facturation, une autre. On peut faire une liste. Maintenant, par rapport à chaque explication, quelles sont les stratégies à mettre en œuvre pour renverser la tendance ? Personnellement, parmi tout cela, je mets un grand facteur explicatif qui est l’adhésion volontaire. De mon point de vue, l’adhésion volontaire dans le cadre de la mutualité ne peut se concevoir que dans une approche d'assurance-complémentaire. Il faut donc aller jusqu’au bout de l’analyse et prendre des mesures très fortes comme l'adhésion obligatoire. 

9 Commentaires

Les politiques d’exemptions et subventions pour les services de santé maternelle en Afrique : des résultats concluants

12/9/2013

2 Commentaires

 
Picture
Dans ce billet de blog, Isidore Sieleunou, co-facilitateur de la Communauté de Pratique Accès Financier aux Services de Santé (CdP AFSS), revient sur la conférence qui s'est tenue la semaine dernière à Ouagadougou (25-28/11/2013). La conférence était organisée conjointement avec le consortium FEMHealth et les universités de Heidelberg et Montréal. 

En 2011, la Communauté de Pratique Accès Financier aux Services de Santé (CdP AFSS) s’était réunie à Bamako pour faire le point sur la formulation et la mise en œuvre des politiques de gratuité en santé maternelle. En conclusion de l’atelier, un programme de recherche avait été formulé. Deux ans plus tard, la CdP AFSS, conjointement avec différents partenaires académiques, a remis les couverts. Cette fois, il s’agissait surtout d’évaluer l’efficacité de ces politiques. Ont-elles contribué positivement à une meilleure santé maternelle ? Ont-elles protégé les ménages contre les dépenses catastrophiques ? Comment s’est faite leur intégration dans les systèmes de santé ?

L’intérêt était grand : la conférence a réuni plus de 120 experts, des décideurs politiques de haut niveau, des acteurs de la mise en œuvre, des chercheurs et des agents des institutions multilatérale et bilatérale, gouvernementale et non gouvernementale.

La semaine d’activités a été riche en événements, selon un format innovateur 1+3+1 (visite de terrain le premier jour, 3 jours de présentation et débats, formation le dernier jour ; chacun étant libre de confectionner son propre programme). Le point culminant a certainement été la clôture de la conférence par le Ministre-Délégué au Développement de la France Monsieur Pascal Canfin et le Ministre de la Santé du Burkina Faso Monsieur Léné Sebgo. Voilà, une reconnaissance politique majeure pour notre CdP ! 

  
Des politiques qui marchent

Rappelons que depuis plus d’une décennie, de nombreux pays africains ont lancé des politiques nationales d’exemption dans le but de favoriser l’atteinte des OMD, mais aussi dans le souci de réduire les dépenses de santé à charge des populations.

Ces politiques, dans leur contenu, sont variables d’un pays à un autre. Le Bénin par exemple couvre uniquement les soins pour les césariennes alors que le Burkina Faso étend cette prise en charge pendant toute la grossesse et au nouveau-né même si dans ce dernier pays, un co-paiement équivalent à 20% des coûts directs reste à payer par les ménages. Entre les deux situations, on retrouve une multitude de combinaisons intermédiaires.

On en avait beaucoup parlé à Bamako : la plupart de ces politiques d’exemption ont été trop rapidement mises en œuvre, directement à l’échelle nationale, sans phase pilote, sans des mesures d’accompagnement adéquats, et surtout sans planification d’un volet d’évaluation qui puisse permettre de mesurer leurs effets.

Ces caractéristiques ont posé d’emblée des défis méthodologiques pour les chercheurs, mais divers programmes de recherches ont été entrepris et plusieurs équipes de recherches sont arrivées, malgré tout, à documenter ces politiques. Du reste, les gestionnaires de ces politiques ainsi que les acteurs opérationnels ont aussi accumulé des savoirs tacites tout au long de ces dernières années.

Les résultats des études présentées à Ougadougou sont remarquables et montrent que les politiques d’exemptions/subventions pour les services de santé maternelle ont :
  • favorisé une plus grande utilisation des services de santé maternelles tels que les consultations prénatales ou plus fondamentalement les accouchements assistés; 
  • dans la mesure où beaucoup de femmes des classes aisées recouraient déjà aux formations sanitaires pour de tels services, l’augmentation provient bien des classes les plus pauvres. Ce phénomène de rattrapage par les plus pauvres est particulièrement manifeste au Burkina Faso et au Maroc ; 
  • entraîné un accès important à la césarienne avec diminution parfois de la létalité post césarienne et une réduction considérable des besoins obstétricaux non couverts au Bénin, au Burkina Faso, en Guinée et au Maroc (même si la situation, en termes de qualité de la prise en charge, peut varier, comme l’a montré une étude du projet FEMHealth au Bénin) ;
  • contribué à réduire les montants supportés par les ménages au Burkina Faso et au Maroc.

Une étude dans un district au Burkina Faso a par ailleurs montré que ces politiques de subventions des services de santé maternelle pouvaient renforcer le pouvoir d’agir  des femmes par le truchement d’un pouvoir de décision accru à l’intérieur du ménage (élimination de l’inquiétude sur la mobilisation des ressources et maîtrise de l’itinéraire thérapeutique par les femmes). Elles ont par le même temps entraîné un recours plus rapide aux services de santé pour les femmes et leurs enfants.

Mais ne nous leurrons pas: des difficultés existent et certains résultats restent mitigés. Une étude a relevé par exemple des problèmes du surplus de travail pour les soignants au Niger. Il semble également qu’au Bénin, ce sont surtout les femmes riches qui ont profité de la gratuité des césariennes.

Force est de reconnaitre que ces défis ne sont pas liés à l’abolition du paiement en tant que telle, mais sont plutôt dus à des insuffisances dans sa conception, son application ou au niveau du système de santé. Mais les défis de la mise en œuvre de ces politiques ne signifient pas pour autant que ces politiques ne connaissent pas de succès : les pays apprennent de leur expérience. Le succès observé avec un pays comme le Burkina Faso réside aussi dans la capacité du pays à générer des données probantes et à les utiliser ensuite pour ajuster la mise en œuvre.

Le futur : une nouvelle génération de politiques plus ciblées?

Selon moi, le débat ne devrait plus se cristalliser autour de la question « pour ou contre » les politiques d’exemption/subvention. Il faut désormais regarder pays par pays.

Dans les pays où ces gratuités ou ces subventions ont « marché » au point que désormais les taux de couverture des accouchements assistés sont élevés (Burkina Faso et Maroc) ou dans les pays où ces taux étaient déjà élevés (Bénin), il est probablement temps de réfléchir à l’étape suivante, des modèles de seconde génération, où par exemple on couplerait différents régimes de financement pour juguler un défi bien précis.

Un exemple est l’imparfaite atteinte par les politiques de subvention/exemption de certains groupes de population vulnérable du fait que les obstacles à l'accès restent tout simplement énormes à surmonter pour ceux-ci, qui par conséquent, n’arrivent souvent pas jusqu'aux formations sanitaires. Je me souviens encore de ce médecin de l’Hôpital Régional de Kaya qui, durant la visite de terrain, nous disait : « je ne comprends pas : les soins sont gratuits, mais les femmes ne viennent pas ».

Au regard du succès et de l’efficacité de nombreux programmes de chèque santé sur l'utilisation, la qualité et l'équité (un exemple du Kenya a été présenté durant la conférence), il serait par exemple intéressant de coupler exemption/subvention et chèque santé pour les plus pauvres. Cela rendrait les programmes d’exemption/subvention plus solides et plus efficaces pour améliorer la santé des groupes les plus pauvres et les plus défavorisés.

Cette conférence a par ailleurs sonné comme une réplique au récent forum de Bonn sur la couverture sanitaire universelle (CSU). Durant ce forum de trois jours, un éventail de stratégies incluant toutes les dimensions de la CSU avait été discuté, allant de l’achat stratégique des services aux systèmes assurantiels, des transferts aux chèques …. mais aucune mention sur l’abolition des paiements directs. Les options pour l’évolution vers la CSU ne sont rien d’autres qu’un agencement cohérent des régimes de financement visant à répondre à la demande croissante pour de meilleurs services de santé, en maintenant ouvertes toutes les options politiques et en adaptant celles-ci aux circonstances spécifiques de chaque pays. Les politiques d’exemption/subvention font leurs preuves et ne peuvent pas rester en dehors des instruments pour une CSU en Afrique.

Dans leur ultime propos de clôture de la conférence, les Ministres Français Délégué au Développement et Burkinabé de la Santé ont chacun tenu à féliciter le succès de l’approche CoP en soulignant le caractère incontournable d’un échange approfondi entre les différents détenteurs du savoir dans le but de faire avancer l’agenda des défis du système de santé.

2 Commentaires

Politique de gratuité en santé maternelle : un panorama rapide dans 11 pays africains

9/23/2013

3 Commentaires

 
Picture
Bouchra Assarag (Ecole Nationale de Santé Publique, Rabat) interviewe Fabienne Richard (Institut de Médecine Tropicale, Anvers) au sujet d’une récente publication portant sur les politiques de gratuité en santé maternelle. 


Dans votre article, vous abordez les différentes politiques de gratuité des services de santé maternelle dans 11 pays en Afrique. Quel était votre objectif et quelle a été votre stratégie pour collecter l’information?

Cet article s’appuie sur une étude que nous avons réalisée pour préparer la réunion de la CoP Accès financier à Bamako en novembre 2011. L’atelier portait sur les politique d’exemption des services de santé maternelle. Nous  avons fait ce travail préparatoire pour donner aux participants une vue globale de ce qui se faisait actuellement dans différents pays anglophones ou francophones en matière d’exemption ciblé sur la santé maternelle. La comparaison de 11 pays en terme de paquets de soins couverts et de mécanismes financiers choisis par les pays a été un bon point de départ pour les échanges.

Pour recueillir l’information, nous avons d’abord élaboré une grille de collecte en deux parties (un volet sur le paquet couvert et un volet sur les modalités de financement) que nous avons testé au Burkina Faso. Une fois la grille validée nous l’avons envoyé dans les 11 pays à la personne ou au service en charge du suivi de la politique d’exemption ; ce sont en général des techniciens du Ministère de la Santé et/ou du Ministère des Finances qui ont complété la fiche. Nous avons parfois fait appel à des chercheurs sur place pour valider ou compléter la fiche quand certaines données étaient incomplètes. Nous avons ensuite essayé de voir les points communs et les différences entre les pays.

Quelles sont, en résumé, les principales conclusions de votre analyse?

Premièrement, qu’il existe une grande variation en terme de services couverts ou de types de coûts couverts par les politiques d’exemption en santé maternelle. La stratégie minimale, partout, a été de rendre la césarienne gratuite, mais ensuite les variantes autour de ce minimum commun sont importantes : complications ou pas, accouchements normaux ou pas, soins post-avortements ou pas, etc. Les justifications pour tel ou tel paquet couvert en termes de bénéfices pour la santé ou en terme de réduction des dépenses catastrophiques sont rarement explicités dans la formulation de la politique.  Les gouvernements n’ont pas toujours laissé l’opportunité aux techniciens de faire des estimations et des analyses du coût-efficacité de telle ou telle option. Certaines politiques ont été décidées de manière très rapide par le président dans un contexte de campagne électorale, ce qui n’a pas facilité leur mise en œuvre.

Deuxièmement, l’exemption pour les soins de santé maternelle n’est pas la seule initiative ciblée pour réduire les barrières financières. Ces dernières années ont vu le fleurissement d’une multitude d’initiatives pour réduire la charge financière de certains groupes de population (femmes enceintes, enfants, personnes âgées, indigents…) ou  de patients souffrant de certaines pathologies (VIH, Paludisme, tuberculose…). Cela devient très complexe pour les soignants de s’y retrouver, de savoir quel papier remplir pour prétendre à telle prise en charge gratuite. Ces initiatives, la plupart du temps gérées de manière séparée par différentes directions au niveau central, sont une charge au niveau de l’hôpital ou du district (outils de suivi spécifiques, mécanismes de remboursement différents, etc…).  Certaines personnes vont être doublement couvertes, comme un enfant de moins de cinq ans et  atteint d’une malaria sévère, car plusieurs pays ont des programmes pour les moins de cinq ans et pour la malaria. Mais un adolescent de 15 ans qui est victime d’un accident de circulation avec sa mobylette en ville par exemple aura beaucoup moins de chance, il ne rentre dans aucune catégorie…or c’est de la chirurgie et ça coûte cher…  Une femme de 40 ans qui souffre d’une fistule vésico-vaginale suite à un accouchement difficile, idem. On lui répondra que ce n’est pas dans la liste des interventions obstétricales urgentes.

En résumé, même si ces politiques d’exemption sont parties d’une bonne intention d’améliorer la santé maternelle et de réduire la charge financière des familles, elles risquent de ne pas atteindre leurs objectifs parce qu’elles ont été formulées de manière trop étroite (en ne sélectionnant que la césarienne dans la paquet couvert) ou parce que leur mise en œuvre n’a pas été suffisamment bien préparée.

Il y a quelques années, vous avez coordonné un ouvrage collectif intitulé «Réduire les barrières financières aux soins obstétricaux dans les pays à faibles ressources». Quel lien feriez-vous entre cet ouvrage et ce nouvel article ? Quelle est votre analyse personnelle de ces politiques de gratuité en santé maternelle, que ce soit en termes de mise en œuvre, d’impact pour les femmes ou les enfants, ou de répercussions sur les systèmes de santé ?

Je dirais que pas grand-chose n’a changé en terme de mise en œuvre des politiques depuis l’écriture de notre ouvrage :  dans presque tous les pays, il y a eu un écart entre ce qui était prévu théoriquement et ce qui a été compris et mis en œuvre. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela : une formulation floue de la politique (chacun interprète donc à sa façon le contenu du paquet), un manque de suivi de la politique et de mesures de contrôle qui permettent de redresser la barre si on voit qu’on s’éloigne trop de la politique telle qu’elle a été conçue, une absence de mesures d’accompagnement en termes de ressources humaines et matérielles.

Mon analyse personnelle, basée sur mes observations de terrain (comme j’ai pu partager le quotidien de personnel de santé de première ligne dans plusieurs pays africains), c’est que les ressources humaines sont le cœur du système de santé et sont le maillon essentiel pour la réussite de la politique d’exemption. L’état aura beau injecter des millions dans une politique d’exemption et d’annoncer que tout est gratuit, si dans les hôpitaux, les soignants ou les autres personnels continuent à pratiquer des paiements informels cela annule complètement l’effet de la politique. Avant de lancer de telles politiques, on doit bien réfléchir à comment on peut impliquer les agents de première ligne pour qu’ils soient acteurs de la politique.

Pour le futur, en ce qui concerne l’enchevêtrement de politiques ciblées d’exemption dont je parlais précédemment, je pense vraiment qu’on devrait mettre ensemble toutes ces ressources pour arriver à la couverture universelle.  Beaucoup de pays africains ont mis sur pied des groupes de réflexion pour l’assurance maladie – c’est positif – mais parfois avec des interlocuteurs internationaux sans impliquer leurs collègues qui gèrent les politiques d’exemptions ciblées. Il y a donc encore un gros travail de coordination au niveau national pour mettre les efforts de tous ensemble. J’ai compris que les communautés de pratique avaient reçu un financement Muskoka de la France pour travailler là-dessus, c’est une très bonne nouvelle, car il y du pain sur la planche. 

On vous retrouve à la conférence de la communauté de pratique en Novembre à Ouagadougou?

Bien sûr! J'ai entendu que le programme serait de grande qualité. Avec beaucoup d'autres chercheurs, notamment du Bénin, Burkina Faso, Mali et Maroc, nous présenterons les résultats du projet FEMHealth, qui s'est concentré sur les politiques d'exemption en santé maternelle. J'ai bon espoir que cette conférence apportera des réponses à des questions qui restaient ouvertes après l'atelier de Bamako... et notre panorama sur 11 pays.


3 Commentaires

Financement de la santé dans la région africaine: une analyse de 10 années de comptes nationaux de la santé

6/3/2013

2 Commentaires

 
Emmanuel Ngabire (École de Santé Publique, Kigali et co-animateur de la CoP FBP) interviewe Juliette Nabyonga Orem (OMS bureau-pays Ouganda  et chargée de cours à l'Ecole de Santé Publique de l'Université de Makerere) sur un article récent cosigné avec Joses Kirigia (Coordinateur à l'OMS AFRO) et Luis Sambo (Directeur de l'OMS AFRO). Le document évalue 10 ans de financement des soins de santé dans les pays africains par le biais des comptes nationaux de la santé. 

Juliette, quels étaient les objectifs de cette recherche?

La façon dont le système de santé est financé a une incidence sur l'accès aux services de santé de qualité et sur la protection des ménages contre les difficultés financières. Le financement de la santé joue un rôle central dans la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et de la couverture maladie universelle (CMU). Nous notons que plusieurs pays de la Région africaine de l'OMS sont en retard dans la réalisation des OMD; nous avons entrepris cette recherche pour comprendre les changements dans le financement de la santé qui se sont produits dans les pays, en tenant compte des principales sources de financement sur une période de 10 ans (2000 à 2009). Plusieurs pays de la région sont concernés par le faible niveau de financement et le niveau élevé des paiements directs par les usagers, plusieurs sont en cours d’élaboration des stratégies de financement de la santé tandis que d'autres sont en discussion / conception / mise en œuvre des réformes du financement de la santé. Cette analyse des tendances peut orienter le débat sur des stratégies appropriées de financement de la santé, mais aussi peut guider la conception des réformes du financement de la santé.

Quelles sont vos principales conclusions?

Nous avons noté divers niveaux de dépenses de santé, avec certains pays ayant augmenté les investissements tandis que d'autres les réduisaient au cours de la période de 10 ans. Le nombre de pays ayant atteint les recommandations de la Commission Macroéconomie et Santé de dépenser au moins 34 $ américains par personne et par an a augmenté de 11 à 29 tandis que le nombre de pays qui ont atteint les  recommandations du Groupe de travail international sur financements innovants de dépenser au moins  44$ américains par personne par an a augmenté de 11 à 24.

Les investissements des gouvernements en matière de santé ont augmenté dans la majorité des pays au cours de la période de 10 ans comme en témoignent les dépenses publiques de santé en pourcentage des dépenses totales de santé qui ont augmenté dans 31 pays (sur 45 pays). Nous avons cependant noté une diminution de ces investissements dans 13 pays. Le poids des sources privées en pourcentage des dépenses totales de santé a baissé, comme le confirme la réduction du nombre de pays où les dépenses privées représentent 50% ou plus  des dépenses totales de santé  : on est passé de 29 (soit 64% des pays) à 23 (51%). Mais les frais à la charge des patients restent élevés et la majorité des pays sont loin d'assurer la protection contre le risque financier. L’augmentation du prépaiement par l'assurance a été maigre. Les pays finançant partiellement  la santé à travers la sécurité sociale ont augmenté de 19 à 21 et le nombre de pays ayant des régimes privés de prépaiement est  passé de 29 à 31.

Les résultats de votre recherche ont révélé des différences significatives entre les pays en termes de dépenses publiques de santé en pourcentage des dépenses totales de l'État, et en termes de changements au cours des 10 ans. Selon vous, quels sont les principaux facteurs qui ont poussé certains gouvernements à accroître leur financement et d'autres à le diminuer?

Le financement du gouvernement joue un rôle clé dans le financement des services de santé étant donné qu'il est souple et plus prévisible que, par exemple, le financement des bailleurs de fonds. C’est une preuve de l'engagement du gouvernement d’investir dans le développement de la santé de ses citoyens. Dans cette recherche, nous avons en effet constaté des variations importantes avec certains pays augmentant leur contribution à la santé en pourcentage du total des dépenses publiques tandis que d'autres la réduisaient au cours de la période de 10 ans.

Plusieurs facteurs ont fait que certains gouvernements accroissent leur financement, mais dans l’article, nous en avons exploré quelques uns.

L'engagement pris par les chefs d'Etat à Abuja en 2001 pourrait expliquer en partie l'augmentation de l’effort public dans certains pays. Cet engagement a été réitéré à plusieurs réunions de l'Union Africaine, lors de conférences des ministres de la Santé et des ministres des finances, des séances du comité régional pour l'Afrique de l'OMS, et plusieurs panels de haut niveau de financement de la santé (Kampala, Juillet 2010, l'Ethiopie, Mars 2011, Yamoussoukro, Septembre 2012). Ceux-ci auraient pu servir de rappels constants aux gouvernements d'accroître les investissements dans la santé. Nous avons cependant besoin de prêter attention aux critiques sur l’engagement d'Abuja qui ont été soulevées à plusieurs reprises en ce qui concerne la pertinence du pourcentage fixé. Certains ont soulevé le fait que même si cela est respecté, l'investissement par habitant dans la santé sera toujours faible, tandis que d'autres ont déclaré que ces engagements ne sont pas réalisables dans le cadre du budget global d'un pays. Le ministre des finances de la Sierra Leone, dans l'une des tables rondes, a présenté un scénario où les engagements du gouvernement en termes de pourcentage d'attribution aux différents secteurs dépassaient 100%. Cela pourrait expliquer la stagnation, voire la diminution de certains pays.

Pour certains pays qui ont enregistré une augmentation significative de la dépense publique dans leurs «dépenses totales de santé», l’explication pourrait résider dans une vision renouvelée sur la santé, et ce de plusieurs façons. Ici, nous notons par exemple le Ghana, l'Éthiopie, l'Ouganda et le Rwanda. Ce sont des pays qui ont adopté des approches sectorielles (SWAp), dans le cadre desquelles une vision claire a pu être articulée, le soutien des bailleurs de fonds harmonisé et aligné sur les plans sectoriels, les mécanismes de mise en oeuvre simplifiés et acceptés par les gouvernements et les partenaires, et le suivi de la  performance du secteur renforcé et rendu plus inclusif. Des instruments pour guider la mise en œuvre des programmes de santé dans les approches sectorielles ont été élaborés (protocole d’entente par exemple) avec engagements de tous les partenaires. Les succès de cette approche ont été documentés par exemple en Ouganda par Ortendahl. Cela aurait aidé à améliorer l’image du secteur (comme mieux organisé avec une stratégie claire) et augmenter l'investissement du gouvernement, mais aussi adopté comme une fin en soi, dans le but de respecter les engagements respectifs repris dans les documents directeurs.

Certains pays qui ont enregistré une baisse des dépenses de santé en pourcentage des dépenses publiques totales ont enregistré une hausse de la contribution des sources externes. En guise d’exemple, la Sierra Leone, l’Érythrée, le Kenya, la Namibie et le Swaziland sont des pays de cette catégorie. Qu’il y ait eu un phénomène de remplacement (‘crowding-out’), où l'augmentation des sources externes suscite la réduction des investissements de ressources de l'État, ne peut pas être confirmé avec les éléments de preuve disponibles, mais c’est un facteur explicatif possible.

L'avenir des ressources domestiques comme une source importante de financement dépendra de : 1) la capacité des pays à produire des recettes locales 2) renforcement des systèmes administratifs de recouvrement de l'impôt et 3) la volonté politique d'investir dans la santé.

Lagarde et Palmer que vous avez citées dans votre article mentionnent qu’une augmentation de l’utilisation services de santé est possible lorsque les paiements directs augmentent si il y a une amélioration simultanée de la qualité. Cet argument reste-il valide pour maintenir les paiements direct par les usagers, avec comme objectif d'éviter le manque de ressources dans la prestation des services de santé?

Les paiements directs des usagers élevés pour la santé restent un sujet de préoccupation étant donné les conséquences négatives, qui ont été depuis longtemps un sujet de débat. Certaines personnes ont fait valoir que si la qualité des soins va être améliorée alors peut-être les paiements directs d'utilisation ne sont pas aussi mauvais qu’on ne l’a dit.

À notre avis, le maintien des paiements directs en raison de possibles améliorations de la qualité peut ne pas être une bonne option pour plusieurs raisons. Lorsqu’on regarde les données disponibles sur les situations, où la qualité a été améliorée aux côtés des paiements directs, on note que celles-ci relevaient d’environnement pilote ou de recherche-action. Ces expérimentations sont caractérisées par une surveillance et un suivi rigoureux qui pourraient être coûteux à mettre en œuvre au niveau national. En ce qui concerne le comblement de l'écart en matière de ressources, il a été démontré que dans la majorité des situations, la contribution des paiements directs était limitée. Compte tenu des paiements directs élevés pour la santé dans la majorité des pays de la région africaine, explorer comment ces paiements directs pourraient passer par des mécanismes de prépaiement est l'une des options. Une autre question qui n'a pas reçu une attention suffisante dans le débat sur la réduction des frais à la charge des patients est le rôle du secteur privé. Un pourcentage important de la population, les pauvres inclus, se fait soigner dans le secteur privé où les coûts sont élevés et la qualité des soins n'est pas garantie. Résoudre la question des frais à la charge des patients dans le secteur public seul ne suffit pas pour réduire les frais à la charge des patients. Il y a nécessité de mécanismes de régulation du secteur privé, de contrôler la hausse des coûts et d'assurer la qualité des soins, et d'octroyer des subventions au secteur privé pour lui permettre de réduire ses coûts.

En 2006, la cinquante-sixième session du Comité régional de l'OMS pour l'Afrique a adopté une résolution sur le financement de la santé qui invite les Etats membres à renforcer rapidement les systèmes nationaux prépaiement de financement de la santé. Comment ces systèmes avec prépaiement ont-ils évolué depuis la résolution?

Depuis la résolution, mais même avant cela, plusieurs pays se sont impliqués dans la discussion et la conception de systèmes d'assurance-maladie. Depuis 2000, l'Ouganda a discuté la faisabilité de l'introduction de l'assurance-maladie, ce qui a abouti à une étude de faisabilité de l’assurance maladie sociale en 2008. Le Kenya a exploré l'expansion de la caisse de l'assurance-hospitalisation nationale afin de couvrir non seulement l'employé du secteur formel, mais aussi ceux qui travaillent dans le secteur informel. Le Burkina Faso, le Lesotho, le Swaziland et Zanzibar (Tanzanie) ont entrepris des études de faisabilité. Le Rwanda a entrepris une  révision détaillée de son financement de la santé pour guider une nouvelle expansion de son assurance maladie à base communautaire. La Sierra Leone est au stade de la conception de l’assurance sociale santé. Mettre en place des mécanismes de prépaiement est l'un des plus grands défis auxquels sont confrontés les pays dans les régions AFRO. Un grand nombre de discussions et d'études sont en cours, mais les progrès réels sont encore à réaliser.

Le retard dans la phase de conception, d'une part est compréhensible compte tenu du fait que plusieurs des conditions favorables à la mise en place des régimes d'assurance-maladie ne sont pas en place. Par exemple, le secteur formel constitue seulement un petit pourcentage de la population, la population est essentiellement rurale ce qui pose des problèmes administratifs, les revenus sont faibles et le secteur informel n'est pas très organisé dans plusieurs pays. En outre, le fait que près de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté international dans la Région africaine pose un défi de la capacité de payer des primes d’une assurance sociale santé.  

Les défis à surmonter pour commencer l'assurance maladie sont multiples, parmi lesquels on peut certainement citer la faiblessse des systèmes de santé qui sont censés offrir les soins couverts par l’assurance. Il faudra pour cela des subventions spécifiques pour améliorer et accroître la capacité du système à fournir les services couverts. La capacité administrative pour concevoir et gérer les régimes d'assurance fait aussi défaut dans plusieurs pays. Le dialogue dans les pays pour parvenir à un consensus n'a pas été facile et le processus a été un long débat de va-et-vient. A titre d’exemple, des discussions sont en cours en Ouganda depuis 2000, mais ce n’est qu’en 2010 qu’un accord sur le design a été trouvé ! Au Kenya, le processus a aussi pris du temps, a finalement progressé, mais pour être bloqué, au stade de la signature du décret de l’assurance-maladie, par les syndicats, des assurances-maladie privées, des hôpitaux privés et d'autres teneurs d’enjeux ayant des intérêts contraires. La compréhension du concept d'assurance-maladie et l’appréciation de l’importance de la solidarité sont encore très faibles dans nos sociétés ; cela appelle à la sensibilisation, même auprès des élites.

Nous avons cependant des récits de réussites d'assurance maladie, par exemple, le Ghana et le Rwanda. La décision de commencer ou ne pas commencer un régime d'assurance-maladie est une décision du pays, mais une attention particulière doit être portée aux détails dans les phases de conception, de développement et de mise en œuvre. Il est extrêmement important de développer des mécanismes permettant de diagnostiquer les goulots d'étranglement et d’avoir un plan de mise en œuvre pour les résoudre en temps utile pour construire/maintenir la confiance de tous. 

2 Commentaires

Politiques d’exemption en santé maternelle en Afrique : partageons nos expériences et résultats de recherches

5/22/2013

1 Commentaire

 
Photo
Yamba Kafando

Du 25 au 28 novembre 2013, se tiendra à Ouagadougou (Burkina Faso) un atelier sur les politiques d’exemption pour les services de santé maternelle. Son objectif principal est de faire le bilan de ces politiques à partir des résultats de différentes recherches et des expériences des acteurs-clés.


Depuis plus d’une décennie, de nombreux pays africains mettent en œuvre des politiques nationales d’exemption visant certains services (VIH, paludisme, accouchements, césarienne, etc…) ou certaines catégories spécifiques de la population (enfants de moins de cinq ans, femmes enceintes, personnes âgées, etc…). L’atteinte des OMD mais aussi le souci de réduire les barrières financières à l’accès aux soins des populations sont les objectifs poursuivis par la mise en place de ces politiques nationales.

On peut toutefois avoir un regret : la plupart de ces politiques d’exemption ont été trop rapidement mises en œuvre, directement à l’échelle nationale, sans phase pilote et surtout sans planification d’un volet d’évaluation qui puisse permettre de mesurer leurs effets.



Des connaissances produites, mais trop peu partagées et utilisées 

De tels processus politiques hâtifs et généralisés d’emblée posent des défis méthodologiques à ceux qui veulent les évaluer. Malgré cela, divers programmes de recherche ont été entrepris ; leurs résultats commencent à être disponibles. Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont par ailleurs documenté leurs interventions. Enfin, les gestionnaires de ces politiques ainsi que les acteurs opérationnels détiennent aussi des savoirs tacites qu’il convient de mobiliser.

Un fait caractérisant la période pendant laquelle ces politiques de subvention ont été lancées (2000-2010), est qu’aucun mécanisme de partage des connaissances entre pays n’était en place. Cela a plus que probablement contribué au fait que les connaissances scientifiques et opérationnelles déjà disponibles à l’époque aient été peu utilisées pour l’amélioration de ces politiques, conduisant à la reproduction d’erreurs évitables.

Cela a suscité une prise de conscience qu’il fallait créer une plateforme de partage et a, de fil en aiguille, conduit à la mise en place de la Communauté de Pratique Accès Financier aux Services de Santé.

Un atelier avec une orientation plus scientifique 

C’est avec fierté que la Communauté de Pratique AFSS vous annonce la tenue prochaine d’un atelier à Ouagadougou consacré à l’évaluation des politiques de gratuité en santé maternelle. Certains d’entre vous se souviendront certainement de celui qui avait été organisé à Bamako en Novembre 2011. Avec ce second et probablement dernier atelier sur cette thématique, nous pensons pouvoir boucler cet important programme de connaissances. En effet, l’atelier de Ouagadougou aura une nature plus scientifique : il nous permettra de prendre connaissances de différentes études menées sur ces politiques ces trois dernières années, notamment celles qui ont été conduites par différents consortia scientifiques gravitant autour du projet FEMHealth, de l’Université de Montréal et de l’Université de Heidelberg.

Concrètement, l'événement ambitionne de regrouper les experts mettant en œuvre des politiques d'exemption pour les services de santé maternelle ainsi que les équipes scientifiques qui se sont penchées sur ces expériences en Afrique. Le but de la conférence ne sera pas de juger les choix faits par les pays en matière de politiques d’exemption en santé maternelle, mais plutôt d'aider à les rendre plus efficaces et efficientes afin d'améliorer la santé des populations. 
En vue de favoriser le partage d’un plus grand nombre d’expériences sur ces questions, un appel à communications couvrant 10 thématiques a été lancé à l’endroit des chercheurs, des intervenants mais aussi des gestionnaires et des acteurs opérationnels.

Nous vous invitons donc à partager votre expérience en la matière sur ce blog mais aussi à proposer une communication pour la conférence de Ouagadougou. Au nom de l’Institut de Recherches en Sciences de la Santé, nous nous réjouissons déjà de vous accueillir au Burkina Faso.

1 Commentaire

La gratuité des soins, une étape vers la couverture universelle en Afrique?  Peut-être, si on tire les leçons du passé récent !

3/12/2013

13 Commentaires

 
Bruno Meessen


Dans ce blog post, Bruno Meessen (IMT, Anvers) revient sur les lacunes observées dans les processus de mise en place des initiatives de gratuité dans de nombreux pays africains. Il distingue des leçons utiles pour l’agenda de la couverture universelle à destination des gouvernements africains, de la communauté internationale et des chercheurs.


 En 2009, à la demande de l’UNICEF, j’ai eu le plaisir de coordonner une étude sur les politiques de gratuité des soins dans 6 pays africains. Les résultats furent publiés dans un supplément de la revue Health Policy & Planning, avec d’autres articles traitant du même sujet. Notre étude multi-pays était relativement modeste dans ses ambitions : il ne s’agissait pas de documenter l’éventuel impact de ces politiques, mais plus commodément, d’apprécier dans quelle mesure la formulation et la mise en œuvre de ces politiques avaient respecté une série de bonnes pratiques de politique publique. Dans l’ensemble, notre évaluation n’était pas très positive. Si l’analyse confirmait la motivation des leaders des pays étudiés à prendre des actions fortes pour réduire les barrières financières, elle mettait en lumière le caractère précipité de leurs mesures et les moyens insuffisants (notamment en termes de temps, financement, mesures d’accompagnement et expertise d’appui) accordés aux techniciens nationaux pour assurer que ces politiques soient bien conçues et bien mises en œuvre. Nous nous inquiétions des possibles conséquences de ces manquements sur l’efficacité et la pérennité de ces mesures politiques.

Cette étude a certainement eu au moins un effet tangible : elle nous a fait prendre conscience du gros travail qu’il restait en termes de partage des savoirs sur les questions de mise en œuvre des politiques de financement. C’est à la réunion de restitution à New-York que fut proposée l’idée de lancer une communauté de pratique consacrée aux politiques de gratuité. De fil en aiguille, la CoP Accès Financier  fut créée. Vous connaissez ses travaux si vous suivez, notamment, ce blog.

Mise en oeuvre des gratuités des soins: état des savoirs en 2013

La problématique de la formulation et de la mise en œuvre des politiques de gratuité est restée un domaine d’investigation relativement intense ces dernières années. Cela est vrai pour la CoP comme un groupe (cf. l’atelier de Bamako en 2011 et une conférence scientifique à Ouagadougou prévue pour novembre 2013), mais aussi pour plusieurs équipes de chercheurs.  A ce niveau, je me permettrais de mettre en exergue les études récentes de Valéry Ridde (Université de Montréal) et de Sophie Witter (Université d’Aberdeen), deux auteurs prolifiques dont les travaux avaient d’ailleurs déjà nourri l'étude multi-pays.

Début 2013, a été publié un numéro d’Afrique Contemporaine présentant les résultats d’un projet de recherche à méthodes mixtes mené par Jean-Pierre Olivier de Sardan et Valéry Ridde. Le numéro rapporte différentes observations faites par les équipes de recherche, notamment du LASDEL, sur les politiques d’exemption au Burkina Faso, Mali et Niger. Différents articles sont à signaler dont un sur la perception des acteurs au Mali, une "cartographie" des politiques de gratuité en Afrique de l’Ouest (qui montre que tous les pays en font) et une étude montrant les problèmes de décapitalisation des centres de santé au Niger.

L’article de synthèse s’intitule « L'exemption de paiement des soins au Burkina Faso, Mali et Niger : Les contradictions des politiques publiques ». Le titre reflète assez bien le ton général du numéro. Voici un extrait :

Les exemptions de paiement ont été des décisions nationales, revendiquées comme souveraines, et mises en place par les techniciens nationaux sans aide particulière de l’extérieur, ce qui est plutôt rare dans l’histoire des politiques de santé. Mais ces mesures ont été décidées dans une grande précipitation. La décision a été politique avant d’être technique, annoncée soudainement et de façon publique, prenant de court et par surprise, non seulement les agents sur le terrain, mais aussi les techniciens des ministères.
                                                                                                                                                                  (Olivier de Sardan & Ridde 2012)

Quelques mois plus tôt, Valéry Ridde, Ludovic Queuille et Yamba Kafando avaient par ailleurs bouclé le rapport final du projet collectif intitulé «Capitalisations de politiques publiques d’exemption du paiement des soins en Afrique de l’Ouest». Ce projet est à signaler à au moins deux titres : outre la connaissance qu’il a générée, il a le grand mérite d’avoir reposé sur une démarche impliquant les experts-pays (des cadres des ministères de la santé, des experts d’ONG impliquées dans les expériences de gratuité et des chercheurs). L’étude transversale a porté sur 7 pays (Bénin, Burkina Faso, Ghana, Mali, Niger, Sénégal et Togo). Elle aussi se concentrait sur les enjeux de mise en œuvre.

Le ton général du livre est plus positif que l’ouvrage précédent. Le chapitre de synthèse, également disponible en anglais, identifie, pour six des pays d’étude, les difficultés majeures rencontrées dans les processus de mise en œuvre mais aussi les innovations. Un extrait :

« Si les principes sur lesquels se fondent ces politiques semblent bien appréciés, le personnel de santé ne cache pas son insatisfaction à l’égard de leur mise en oeuvre. Au Burkina Faso, il se plaint du manque de matériel médico-technique tandis qu’au Sénégal et au Niger, les plaintes portent sur les retards importants dans le remboursement des actes effectués gratuitement pour les patients. Ailleurs, les agents se plaignent de la rupture des stocks de certains intrants, comme pour les ACT au Mali. Enfin, dans la majorité des cas, les agents réclament des primes financières pour justifier la hausse de leurs activités cliniques ou administratives à la suite des politiques d’exemption du paiement. Notons que ces aspects financiers des primes pour le personnel de santé n’ont été pris en compte dans aucune politique. »
                                                                                                                                                                       (Ridde et al. 2012)

De son côté, Sophie Witter a, en 2012, publié une étude, portant sur la politique de gratuité des césariennes et des soins pour les enfants de moins de 5 ans au Soudan, un pays relativement peu documenté en santé internationale. Son étude met en exergue, à nouveau, de grosses faiblesses au niveau de la mise en œuvre.

La politique de soins gratuits pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans qui a été lancée en 2008, a clairement souffert d'un certain nombre de contraintes qui ont conduites à une mise en oeuvre inégale et  mal exécutée. Parmi ces contraintes, se distinguent en particulier le financement inadéquat et le manque de spécification claire de comment la politique devait être mise en oeuvre. 
                                                                                                                                                                              (Witter et al 2012, notre traduction)

Quatre remarques, avant d’aller à ma lecture personnelle. Un, on peut noter que le ton général des travaux scientifiques sur les politiques de gratuité reste relativement positif. Ni pour les auteurs eux-mêmes, ni pour ce qui me concerne, il ne s’agit de discréditer ces politiques nationales. Deux, ces études confirment qu’il y a bien sûr une certaine hétérogénéité dans les expériences nationales : certains gouvernements s’y sont pris mieux que d’autres et ils ont pu en récolter les fruits. Trois, quand on identifie les faiblesses dans une formulation ou une mise en œuvre, il faut se garder de tout fatalisme. On sait aujourd’hui que certaines expériences qui avaient assez mal démarré ont, ultérieurement, été revues profondément pour encore mieux consolider l’accès pour les groupes vulnérables. Le cas du Burundi – qui a fusionné sa gratuité sélective et son financement basé sur la performance – est le cas le plus connu. Quatre, il semble que certains pays s’étant lancé plus tard dans la gratuité ont pu bénéficier des diverses recommandations en faveur d’une plus grande préparation des politiques. C’est certainement le cas de la Sierra Leone, même si de nombreux défis demeurent.

Ces quatre remarques faites, nous voici quand même avec un échantillon de 11 expériences-pays documentées qui nous racontent la même histoire : les initiatives de gratuité en Afrique ces 10 dernières années ont été des politiques publiques voulues par les présidents, menées sur ressources nationales, mais conçues dans la hâte et mises en œuvre en tenant trop peu compte des considérations techniques et opérationnelles de rigueur. Certaines de ces politiques sous-financées sont désormais en danger. 

 Ce qui a changé au niveau des pays 

Nous devons apprécier à leur juste valeur le fait que ces politiques nationales aient marqué une reprise de l’initiative par les présidents et les gouvernements africains dans le domaine de la santé. Dans de nombreux pays, hormis le poste des salaires, l’Etat s’était désengagé de son secteur de la santé pendant plus de deux décennies ; le recouvrement des coûts, la privatisation des soins et l’aide internationale avaient laissé l’illusion que le financement de la santé pouvait se passer d’un financement collectif national. Plus prosaïquement, les caisses des Etats étaient vides.

Nous en sommes revenus : la tarification des soins aux usagers – qui va encore jouer un rôle important, malgré les critiques – a montré ses limites ; la privatisation des soins est, en de nombreux pays, non-maîtrisée par l’Etat et la crise des finances publiques dans les pays riches ne laisse guère d’espoirs du côté de l’aide internationale. Plus fondamentalement, la croissance économique créée de nouvelles marges de manœuvre budgétaire sur l’ensemble du continent. 

Nous devons toutefois nous assurer que ce réengagement des autorités nationales se fasse selon les meilleurs termes, avec budgétisation à la hauteur des déclarations, rigueur et vision à long terme. Il est ainsi certainement possible de construire sur les engagements pris, conjointement par les Ministres de la Santé et les Ministres des Finances à Tunis en juillet 2012. On peut également exploiter la dynamique mondiale en faveur de la couverture universelle. Mais pour construire le futur, nous devons aussi tirer les leçons des expériences récentes.

Deux réflexions pour l’agenda politique de la couverture universelle

Une première leçon est destinée aux décideurs politiques (s’ils nous lisent !): sachez que la hâte est une ressource à utiliser avec prudence en matière de financement des soins. Du leadership et des coups d’accélérateur au niveau national sont les bienvenus, mais ils ne doivent pas compromettre l’initiative elle-même ou tout ce qui a été fait précédemment pour renforcer les systèmes de santé. La couverture universelle ne se construira pas à coup d’effets d’annonce – c’est la persévérance qui compte.

Le manque de dialogue qui caractérise l’empressement politique peut du reste créer des antagonismes qui n’ont pas lieu d’être. Il serait regrettable que des acteurs qui se consacrent quotidiennement, de façon créative et pragmatique, à renforcer les systèmes de santé - qu’ils soient en première ligne, dans la mise en œuvre au niveau intermédiaire, national ou en appui – deviennent une force d’opposition à la couverture universelle. Le vif débat qui a animé la communauté de pratique FBP après l’annonce du vote de la récente résolution sur la couverture universelle à l’Assemblée Générale de l’ONU le 12 décembre 2012 a été informatif à cet égard. 

Nous voyons aussi une leçon à destination des acteurs internationaux qui promeuvent la couverture universelle. Vous devez peut-être revoir votre dosage d’efforts en termes de mise à l’agenda et d’accompagnement technique. Nous avons l’impression que le déséquilibre en faveur de la mise à l’agenda persiste : alors que ça 'buzze' sur Twitter, que ça se mobilise à Beijing et qu’on promeut la couverture universelle à l'ONU, la communauté de l’aide offre de facto peu d’appui sur le terrain. Ne soyons alors par surpris que les présidents s’enthousiasment, que la machine politique s’emballe et qu’ils « mettent la charrue avant les bœufs ».

L’option de concentrer vos efforts sur la mise à l’agenda sont peut-être adaptés à la situation des pays à revenu intermédiaire – ces derniers ont sans doute les marges budgétaires et les capacités techniques à la hauteur de leurs ambitions. Mais ce déséquilibre d’effort est problématique dans les pays pauvres. Or il est difficile de compartimenter le monde en matière de mise à l’agenda : les messages forts circulent vite et portent loin.

Vous m’avez compris : nous plaidons pour une bien plus grande prise en compte des défis spécifiques aux pays africains, en particulier ceux dont la gouvernance est encore en construction. Attention, nous ne plaidons pas pour une super-agence ; ce modèle est caduque. Nous sommes convaincus que l’effort doit reposer sur un modèle plus collaboratif exploitant l’expertise présente sur le continent – comme celui promus par HHA et mis en œuvre, notamment, au travers des communautés de pratique. Nous serions heureux de voir un soutien plus franc et plus large à ces efforts, notamment du côté des porte-drapeaux institutionnels de la Couverture Universelle.

Des pistes pour les chercheurs

Notre troisième réflexion est à destination de nos pairs scientifiques. Grâce à vos travaux, nous connaissons beaucoup mieux l’actif et le passif de dix ans de politiques de gratuité en Afrique. Bien sûr,  de nombreuses questions demeurent, mais il est probable qu’en ce qui concerne l’étude rétrospective des processus de la formulation et des mises en oeuvre des expériences nationales nous approchons du 'point de saturation des données'.

Pour certains observateurs, ces politiques de gratuité sont à lire comme une étape vers la couverture universelle. Cela ne nous indique-t-il pas alors un prochain axe de recherche: en quoi ces politiques ont-elle évolué et continuent-elles à évoluer en faveur des objectifs de l'agenda de la couverture universelle; mettent-elles effectivement les pays sur la bonne voie ? 

Je vois au moins deux directions possibles à cet égard.

Il serait intéressant de rassembler de la connaissance en matière de processus, notamment quant au dialogue entre le niveau politique et le niveau technique. Réussissent-ils désormais à transcender leur manque de dialogue initial ? Les présidents ont-ils tiré les leçons ? Ou au contraire, les erreurs se répètent-elles? Si les erreurs se répètent : quels sont les déterminants de ces politiques hâtives? Quelles sont les options pour les acteurs désireux de contribuer à de meilleurs processus ? Quelles leçons pour les prochaines étapes pour la couverture universelle ?

Nous pouvons également identifier des enjeux en matière de design. Les chercheurs doivent notamment nous aider à réfléchir à comment ces initiatives de gratuité – qui sont souvent multiples dans un même pays – s’articulent sur les autres régimes et dispositifs financiers pour former un tout qui est appelé à offrir, comme ensemble, une couverture de soins à tous les citoyens. Dans de nombreux pays, nous avons désormais tout un écheveau de régimes : du financement public (traditionnel ou de type FBP), des assurances pour les fonctionnaires, des mutuelles locales et de multiples gratuités organisées par groupe de population, tranches d’âges, problèmes de santé et même thérapie. Pour des motifs d’efficience, d’équité et par endroit d'enveloppe disponible, il va falloir sans doute remettre de l’ordre dans cela. La situation actuelle doit être documentée dans chaque pays et des pistes de propositions identifiées.  Pouvez-vous aider les pays à ce niveau? Ce sera certainement une priorité pour les CoPs en 2013.

 
13 Commentaires

Quelle place pour le financement basé sur la performance dans la mise en place du régime d’assurance maladie au Bénin?

7/4/2012

1 Commentaire

 
Du 16 au 20 avril 2012, les Communautés de Pratique “Financement basé sur la Performance” et « Accès Financier » se sont retrouvées à Bujumbura autour de la question « Amélioration de l’accès financier aux soins de santé : quels peuvent êtres les apports du financement basé sur la performance ? ». L’objectif principal était d’aider les pays participant à développer une vision holistique du financement de leur système de santé et analyser pour chacun d’eux les défis d’intégration de leur  politique de gratuité ciblée et/ou d’assurance santé avec un financement basé sur la performance. L’atelier étant en grande partie construit autour de l’expérience du Burundi – premier pays à avoir fusionné sa politique de gratuité sélective (enfants de moins de 5 ans et femmes enceintes) et sa politique de financement basé sur la performance (FBP).

Mr Justin Sossou, Secrétaire Général Adjoint du Ministère de la Santé du Benin a répondu aux questions d’Isidore Sieleunou.

IS : Mr Soussou, quels étaient vos attentes en venant à cet atelier?

JS : Vu la multiplicité des mécanismes de financement du système de santé qui existent au Bénin, il était important d’aller à la rencontre d’autres expériences afin de voir les réglages possibles à faire au niveau interne pour optimiser nos résultats. Donc notre première attente était d’en savoir plus de l’expérience des autres pays, aussi bien ceux qui font déjà le financement basé sur la performance (FBP) ou ceux qui ont d’autres formes de gratuité. A travers les présentations, on a pu voir que les pays n’appliquent pas de la même manière le FBP ou la gratuité. Dans cette diversité d’approche, quel dosage  effectuer pour avoir des résultats les plus coût-efficaces? Il était donc important de partager les expériences respectives avec chaque mode de financement pour améliorer la performance de nos systèmes.

Notre seconde attente portait sur le Burundi, qui a su rendre synergétique la gratuité et le PBF. Nous avons pu observer les insuffisances de ce cas concret et en discuter; nos amis burundais se sont montrés très flexibles vis-à-vis des critiques que les visiteurs ont formulées à l’égard de ce système. Bien sûr, les réserves que nous avons portées à l’endroit de ce système doivent être des leçons pour nous améliorer. Je pense que le partage des expériences à partir de ce cas du Burundi méritait vraiment notre passage dans ce pays.

Au 5ème jour de l’atelier, vos attentes ont été comblées?

Entièrement comblées. D’abord, il y a la démarche méthodologique utilisée au cours de l’atelier : elle a permis de tirer un maximum d’enseignements. Les présentations des pays ont permis de mieux nous imprégner des différents modèles et contextes. La visite du terrain nous a aidé à mieux consolider la compréhension du modèle burundais. Nous avons apprécié le fait que les participants aient été répartis en plusieurs petits groupes; nous ne sommes pas allés dans un seul et même endroit. Nous nous sommes retrouvés après pour partager ce que chacun a perçu comme forces et faiblesses. Dans certains ateliers, on vous conduit dans le même centre de santé et à la fin, on ne tire pas grande chose. A l’avenir, il faudrait renouveler l’approche utilisée ici. Enfin, chaque délégation pays à essayé de construire un modèle d’intégration de financement propre à son pays en tenant compte de leur contexte et à partir des leçons tirées des autres pays. Je dois dire que cet exercice a été très stimulant.

Nous savons que le Bénin est entrain de lancer sa stratégie de FBP. Avant cette stratégie, d’autres stratégies de gratuité ont déjà été mises en place, telle que la gratuité de la césarienne ou plus récemment la gratuité du traitement pour les enfants de moins de 5 ans. Tous ces mécanismes co-existent, la stratégie du FBP arrive. Quelle est votre avis sur l’intégration de tous ces différents mécanismes?

Tous les mécanismes qui existent au Bénin sont ciblés sur une couche sociale ou sur des affections. Malgré cette multiplicité de gratuité et ces investissements, on a constaté que les résultats sont mitigés. Lors de l’identification des causes de ces mauvaises performances, on s’est dit que ce serait bon de lier la rémunération à la performance. Je dois rappeler que le Bénin n’est pas à sa première expérience de gestion axée sur les résultats. Dans une expérience passée, nous avions par exemple essayé de nous attaquer aux effectifs pléthoriques dans certaines zones urbaines. Une des raisons identifiées était le non alignement de la rémunération au lieu où le personnel était posté. La mesure avait consisté à créer des primes pour les zones déshéritées. Les agents ont pris les primes, ont effectivement rejoint leur lieu de travail… mais trois mois après, ils ont désertés leur poste. Il y a eu des insuffisances dans les mécanismes développés par le passé. Aujourd’hui la valeur ajoutée du FBP, que nous avons intégrée dans notre système, est que le mécanisme de rémunération force l’agent à être au pied du malade. Nous attendons également beaucoup en ce qui concerne la capacité du FBP à induire la qualité des soins. En effet, ce n’est pas seulement la présence au pied du malade qui compte, mais c’est également la façon de prendre en charge le malade. Il est prévu qu’un organe indépendant vienne contrôler la qualité des soins et à terme, nous pensons gagner sur la performance globale du système.

Nous avons aussi pensé qu’avec le Régime d’Assurance Maladie Universel (RAMU) qui arrive, il faudra faire converger toutes les formes de gratuité et éviter les saupoudrages dans le financement du système de santé. Ainsi, tous les outils d’évaluation développés dans le cadre du FBP devront être reversés dans le RAMU et c’est ce dernier qui devra assurer le passage à échelle de la stratégie FBP.

Avant ce passage à échelle, y’a-t-il une forme d’intégration entre les mécanismes existant, ou alors les systèmes restent balkanisés, parallèles?

Le FBP appui le concept du RAMU. Il y’a déjà une passerelle entre FBP et RAMU, car le FBP appuie l’opérationnalisation du RAMU. Des passerelles sont aussi prévues avec les autres mécanismes. Par exemple le fond sanitaire des indigents (FSI) reçoit l’appui du FBP. Ce dernier intègre ainsi un indicateur appelé « la qualité de soins accordée à une personne vulnérable ». Le FSI se veut aussi innovant. Nous avons ainsi décidé d’avoir recours à l’identification biométrique des personnes les plus pauvres pour avoir une base de données fiable. Notre expérience antérieure nous a appris que les plus pauvres ne bénéficiaient pas vraiment de nos politiques publiques.

Au-delà du contexte béninois, quel est à votre avis la meilleure voie pour les pays africains de pouvoir assurer la santé de leur population?

En un premier lieu, la question fondamentale est celle du financement. Lorsque nous regardons le financement du système de santé, il faut regarder pour chaque contexte quelle est la meilleure façon d’utiliser les ressources disponibles. C’est dire que chaque pays doit toujours chercher à comprendre quelles sont les services à cibler pour générer des intérêts pour le plus grand bénéfice. Or dans la majorité de nos pays, les investissements ne ciblent pas en général les services de première ligne. Ayons toujours à l’idée le contexte macro-économique : il y a une rareté des ressources. Même si le secteur de santé n’est pas un secteur de profit, il faut néanmoins un équilibre des comptes. D’où l’importance des études et de la prise en compte des avis des techniciens au moment des choix stratégiques et politiques.

Quelles sont les principales leçons que vous ramenez de l’atelier?

La première leçon est qu’il est possible d’améliorer la qualité des soins dans nos formations sanitaires si on lie le résultat à la performance. Par exemple dans le centre de santé que j’ai visité tout était propre, il y’avait des messages d’hygiène partout, l’incinérateur était bien fonctionnel et propre, rien n’était simulé.

Deuxièmement, l’amélioration de la qualité est un accélérateur de l’utilisation de la structure de santé. Aussi longtemps que les populations ont cette assurance qu’en allant dans la formation sanitaire et être bien reçu par un personnel qualifié, il y aura cette affluence. Or lorsqu’on améliore la fréquentation, on augmente le niveau de recettes. En donnant ainsi l’impulsion aux communautés, il se crée une confiance entre les parties prenantes et même si les partenaires venaient éventuellement à se retirer, le niveau de fréquentation pourra permettre la survie de la formation sanitaire.

Enfin, il y’a une exigence sur la qualité de l’information du système de santé. La nécessité d’une vérification et validation des données telle qu’exigée par le PBF garantit une certaine fiabilité des données et est ainsi une source d’amélioration du système d’information dans sa globalité, pouvant ainsi servir d’élément de base pour identifier les variables de choix sur lesquelles agir pour améliorer le système de santé.

Le mot de la fin est pour vous.

Je dois dire que c’est une belle expérience que celle des communautés de pratiques (CoPs). Maintenant ce serait d’œuvrer pour le succès de notre communauté, car nous formons un parterre d’experts et de cadres en mesure de nourrir la critique sur les choix optionnels des stratégies de financement de nos systèmes de santé. N’attendons pas toujours que les solutions viennent d’ailleurs, nous en tant qu’africains, osons dans notre démarche. Nos échanges et partages contribueront à coup sûr à une réflexion certaine pour la construction de modèles viables pour nos systèmes de santé.

1 Commentaire

La gratuité pour les usagers… Tiens, qu’en est-il dans les musées publics?

6/13/2012

1 Commentaire

 
Les lecteurs de ce blog connaissent assez bien les défis liés à la gratuité dans le secteur de la santé. Mais qu’en est-il dans les autres secteurs ? En Belgique, un directeur de musée mène la fronde contre sa ministre de tutelle. Les sources de frustration sont diverses, mais la goutte qui a fait débordé le vase semble être la décision de la Ministre d’imposer aux musées subventionnés la gratuité de visite un dimanche par mois (sans budget compensatoire). Dans ce blog, Bruno Meessen s’amuse à dresser les parallèles avec le secteur de la santé.


La Belgique est un petit pays compliqué. Hormis quelques musées situés à Bruxelles qui relèvent du gouvernement fédéral, les musées sont sous la responsabilité du niveau décentralisé. La Belgique a donc plusieurs ministres de la culture, avec des compétences bien distinctes.

Il y a quelques semaines, le directeur du musée de la photographie à Charleroi – un des musées de la photographie les plus anciens et réputés en Europe - a poussé un ‘coup de gueule’ contre sa Ministre de tutelle.

 Dans beaucoup de pays européens, le monde de la culture vit une relation ambiguë avec le pouvoir politique : d’une part, la culture est largement subventionnée par l’Etat, ce qui impose de maintenir des relations de ‘proximité’ avec le niveau politique (qui décide des subventions et du contenu des contrats-cadres) ; d’autre part, les professionnels du secteur de la culture et de l’art sont sans doute les personnes les plus jalouses de leur autonomie et de leur indépendance. Quand le conflit éclate, ça fuse.

Mr Canonne, le directeur du Musée de la Photographie, a donc exprimé son désaccord avec la décision de Madame la Ministre. D’une part, il s’inquiète que la gratuité, sous cette forme et dans le contexte actuel, mette en péril l'équilibre budgétaire des musées. D’autre part, il regrette que l’on ne dispose pas  d'études prouvant que c'est cette forme de gratuité qui est la plus efficace pour atteindre les buts poursuivis. Sa lettre est assez ‘directe’ ; la Ministre a demandé au conseil d’administration du musée d’envisager la révocation du directeur.

Pour mieux comprendre les enjeux (et en tirer des leçons pour le secteur de la santé en Afrique), j’ai contacté deux musées. Sophie Laurent travaille au Musée Félicien Rops de Namur (1). Christelle Rousseau est conservatrice au Musée de la Photographie à Charleroi.

Mon interview par email a en fait été faite en janvier 2012, lors d’une première campagne de Mr Canonne contre la décision de sa ministre. L’écriture de ce blog a traîné. Je l’ai terminé, vu le retour du débat dans l’actualité récente.

Pratiquez-vous la politique de gratuité un dimanche par mois ? Quel public vient ce jour-là au musée ? Est-ce une clientèle défavorisée ou est-ce votre public traditionnel de personnes cultivées, plutôt issues des milieux sociaux aisés ?

CR : A l'origine cette mesure de gratuité en Communauté française faisait suite à une résolution de 2004 du Parlement de la Communauté française visant à faciliter l'accès aux musées aux publics fragilisés ou défavorisés. En mai 2006, la Ministre de la Culture a lancé cette mesure de gratuité des 1ers dimanches et du public scolaire dans une seule catégorie de musées. Après un démarrage difficile pendant 2 à 3 ans, les dimanches gratuits ont commencé à attirer un peu plus de monde qu'un dimanche normal mais sans que ça soit non plus la foule...

Il n'y a pas eu d'étude menée sur l'impact réel de la gratuité et sur les publics qui en profitent, malgré la demande faite à la Ministre par le Conseil des Musées en 2010. Nous ne pouvons nous baser que sur notre seul ressenti. Il est clair que la grande majorité des personnes visitant le musée le 1er dimanche du mois sont celles qui profitent de l'effet d'aubaine et qui seraient venues un autre dimanche en l'absence de cette mesure de gratuité. Il y a sans doute une petite partie des visiteurs qui ne seraient pas venus si ce n'était pas gratuit, mais c'est une part très minoritaire du public.

SL : Au Musée Rops, on pratique bien la politique du « 1° dimanche du mois gratuit ». On combine à cela souvent à une visite guidée gratuite (souvent complète, on doit refuser du monde). Le public qui y vient est soit un public d'habitués, soit des visiteurs qui n’étaient pas au courant de la gratuité. Dans les deux cas, on demeure dans notre public-type : des personnes avec des habitudes culturelles déjà bien ancrées.

Pourrait-on réaliser un meilleur ciblage. Faudrait-il, par exemple, programmer le jour gratuit un autre jour de la semaine? Un mercredi par exemple, pour s’ouvrir aux familles ?

SL : Pour ce qui concerne le musée Rops, déplacer le jour gratuit sur un mercredi ne changerait rien: le musée Rops n'est pas LE musée familial par excellence, comme peut l'être par exemple le Musée des Sciences Naturelles de Bruxelles : entre les fossiles d’iguanodons de Bernissart et la réputation sulfureuse  de Rops, les grands-parents n'hésitent pas longtemps! Dommage car son œuvre permet d’aborder bien des aspects de la vie et la société du 19e siècle.

CR : Oui, le déplacement le mercredi permettrait à des grands-parents qui sont "de corvée gardiennage" de venir avec leurs petits-enfants, mais surtout cela permettrait à des associations œuvrant dans le domaine social d'organiser des visites au musée qui allieront coût minimum et accompagnement intellectuel.

SL : De fait, le prix d'accès n'est qu'une des barrières qui "empêchent" certaines personnes de venir au musée: il y a bien d'autres freins : psychologiques, culturels, intellectuels, ... qui font que même avec la gratuité, certaines personnes ne viendront jamais au musée. Il ne faut pas réduire la question de l’accessibilité à la seule gratuité. C'est pour cela que depuis 5 ans, nous nous sommes lancés dans un programme de médiation appelé "Osez le musée Rops!", qui offre des modules de 2 heures entièrement gratuits (visite adaptée et atelier créatif) aux associations sociales travaillant avec les populations vulnérables.  Et depuis 4 ans, nous sommes complets! C'est un public qu'il faut vraiment prendre par la main, soutenir, encourager, certains ont une estime d'eux-mêmes tellement faible! En ce qui concerne les visites guidées, c'est très enrichissant mais parfois éprouvant: il faut mettre beaucoup d'énergie et de conviction, peser chaque mot, s'adapter un maximum : certains thèmes abordés par Félicien Rops – érotisme, nudité, prostitution, alcoolisme – sont des sujets délicats !

Quels parallèles j’en tire avec le secteur de la santé en Afrique ?

1.      Cette politique de gratuité dans les musées n’a pas été évaluée. Il n’y a pas de données chiffrées pour apprécier qui en bénéficie. A cet égard, on fait parfois mieux en Afrique – mais pas toujours. Connaître le profil des bénéficiaires des politiques de gratuité est pourtant un élément crucial pour apprécier leur pertinence.

2.
      Pour des raisons multiples, les consommateurs des ‘musées publics’ semblent avant tout issus des classes aisées. Introduire la gratuité génère un effet d’aubaine pour ces derniers. Le musée ne conquiert pas de nouveaux usagers et subit une perte en termes de recettes. Cela ne fait fait-il pas écho avec certaines gratuités au niveau des hôpitaux nationaux en Afrique?

3.      Les directeurs et le personnel des musées sont conscients que leurs usagers viennent des classes aisées. Insatisfaits avec cette réalité, ils s’organisent pour s’ouvrir à des couches de population moins favorisées. L’expérience leur a appris que pour les groupes sociaux défavorisés, la stratégie doit être holistique et s’attaquer aux différentes barrières – il faut prendre ces usagers non-spontanés par la main, par exemple en leur offrant une visite guidée adaptée à leur profil. Ceci me rappelle la stratégie des fonds d’équité qui insiste sur l’importance d’avoir des assistants-sociaux dans les hôpitaux, de payer les frais de transport pour rejoindre l’hôpital, de fournir des appuis sur mesure !

4.      Les politiques de gratuité sont trop souvent dictées par le niveau politique sans consultation des prestataires de services concernés. Ceci conduit à une non-prise en compte de leurs contraintes, mais aussi de leurs idées. Comme le dit l’association « Musées et Société en Wallonie » dans sa lettre à la Ministre : « Un service public supplémentaire appelle des moyens publics complémentaires. Il serait d’ailleurs dommage que votre mesure linéaire s’applique au détriment d’autres pratiques d’accessibilité généreuses, parfois bien plus pertinentes. Pour de nombreux acteurs du secteur muséal, le concept d’accessibilité dépasse largement la simple question du prix du billet d’entrée et nous vous invitons à y réfléchir avec nous. »

5.      Ce débat ouvert et franc sur les défauts de cette mesure politique – nous le devons à la liberté de parole, à l’autonomie légale des musées et à la presse indépendante prévalant en Belgique. La séparation des fonctions, concept chère à la communauté de pratique du Financement Basé sur la Performance est une clé importante pour améliorer nos sociétés... bien au-delà du seul système de santé.

Réflexion finale

A l’heure de conclure ce texte, il semble donc que l’idée d’organiser un ciblage des populations défavorisées sur une base temporelle n’est pas une option pertinente dans le secteur de la culture. Je me suis demandé si le modèle pourrait marcher dans la santé (ex : gratuit certaines heures de la journée ou un jour de la semaine), je dois avouer que je n’ai pas trouvé de situations où cela ferait sens, même pour les actes programmables.

Mais peut-être certains de nos lecteurs ont des expériences à partager ?

(1) : Félicien Rops est un des grands artistes symbolistes du 19° siècle. Son œuvre est diverse ; il est notamment connu pour ses gravures érotiques (désolé, j’ai cherché des liens internet, mais je n’ai rien trouvé). Le musée Rops s’est spécialisé sur l’art du 19° siècle, c’est une étape culturelle sympa si vous passez à Namur.

1 Commentaire

Quelques leçons de l'expérience du Burundi

5/29/2012

0 Commentaires

 
Dans cet article, Yamba Kafando (IRSS Ouagadougou), co-facilitateur de la Communauté de Pratique « Accès Financier » interviewe le Dr Juma Ndereye, Directeur du Programme National de Santé de la Reproduction du Burundi. Ensemble, ils font le bilan de l’atelier régional « Amélioration de l’accès financier aux soins de santé : quels peuvent êtres les apports du financement basé sur la performance ? » (1). Leur discussion porte surtout sur l’expérience originale du Burundi.

YK: Dr Juma, était-il vraiment utile d’organiser cet atelier conjoint centré sur la gratuité et le Financement Basé sur la Performance (FBP)?

JN : Oui, à au moins deux titres. A ma connaissance, le Burundi a été le premier pays en Afrique subsaharienne à combiner les soins gratuits sélectifs et le FBP. En organisant l’atelier ici, on offrait l’occasion aux collègues des autres pays de voir de leurs propres yeux l'expérience burundaise et d’identifier les écueils à éviter en matière de mise en œuvre. Pour nous, il a été très utile de bénéficier de ces regards extérieurs – les observations des participants étaient pertinentes.

Un des axes de l’atelier était de remettre en perspective les différentes stratégies de financement des soins, notamment avec une meilleure compréhension des enjeux en matière d’équité. Selon vous, quels sont les aspects positifs du couplage « gratuité sélective – FBP » pour votre pays  en matière d’équité?

La stratégie FBP telle qu’elle a été mise en œuvre au Burundi, intègre une composante équité. Dans le modèle burundais, il existe en effet des ‘bonus d’équité’ avec des tarifs plus élevés pour les formations sanitaires se trouvant dans des difficultés particulières (éloignement, insuffisance du personnel et des équipements, nombre d’indigents à prendre en charge etc). L’un des grands problèmes qu’on connaissait dans notre pays c’est que beaucoup de personnel soignant se sont accumulés au niveau des grandes villes, ils ne veulent pas aller en périphérie. Ces ‘bonus d’équité’ ont permis d’apporter plus de ressources aux formations sanitaires éloignées, ce qui leur a permis d’attirer plus de personnel.

Il y a également une règle qui octroie un ‘bonus d’équité’ en fonction du nombre d’indigents pris en charge par les formations sanitaires. De plus, au niveau national, les soins des indigents sont pris en charge à 100% par le Ministère ayant la solidarité dans ses attributions. Mais il est vraiment, comme l’a souligné Alex Ergo durant l’atelier, que ces multiples stratégies en faveur d’une plus grande équité doivent être évaluées. Il est certainement utile de poursuivre la réflexion sur l’équité dans notre pays.

Dans certains pays, l’introduction de la gratuité a entraîné une dégradation de la qualité des soins. Quel a pu être l’apport de la fusion avec le FBP au Burundi à cet égard?

Le FBP  a créé un nouvel environnement où la qualité des soins est une préoccupation pour le personnel. En effet, un des aspects les plus importants de la qualité des soins, c’est  l’accueil des patients. Or le FBP, parce qu’il rémunère les formations sanitaires en fonction du volume d’activités, crée des incitants forts pour que les formations sanitaires soient plus attentifs aux usagers.

Mais aussi il y a une dimension plus en rapport avec la dimension technique des soins. Dans le système FBP du Burundi, la qualité technique des soins est prise en compte par une évaluation qui est faite par l’équipe du district sanitaire et du bureau de la province sanitaire. Le système n’est pas parfait : peut-être y a-t-il certains indicateurs à revoir, mais le système FBP envoie en tout cas un signal fort au personnel de la santé. Un autre aspect de la qualité des soins est en rapport avec la qualité perçue : ce que les gens et les communautés qui utilisent les services pensent des services que nous leur offrons. Il y a des enquêtes qui se font au niveau des communautés ; elles peuvent ainsi rapporter leur ressenti par rapport à notre système, à nos formations sanitaires, sur la manière dont ils sont accueillis et leur satisfaction par rapport aux services qui leur sont offerts. Ceci a permis  à beaucoup de formations sanitaires d’améliorer leur prestation.

Ces aspects positif plaident en effet en faveur d’une fusion. D’autres leçons du Burundi ?

Peut-être en termes de dynamique. Si on part du contexte du Burundi, il faut rappeler que la gratuité a précédé le PBF. Après la mise en œuvre de la gratuité, on a remarqué un certain nombre de défis, dont entre autres, le retard de remboursement des formations sanitaires, le manque d’un système de vérification ayant entraîné des surfacturations, de fréquentes ruptures de stock en médicaments et la démotivation du personnel de santé.

Pour essayer de corriger ces défis, on a saisi l’opportunité du passage à l’échelle du FBP. Oui,  on peut affirmer après coup que le FBP a permis de sauver la gratuité. Je pense qu’un mixte des deux, un mélange des deux stratégies permet de corriger certains dysfonctionnements qui sont liés à chacune prise séparément.

Selon vous, ce couplage serait-il également bénéfique pour les autres pays qui ont des contextes différents des vôtres? Et quels sont les écueils, les pièges que ces pays doivent éviter ?

Après avoir écouté les différentes interventions, je pense que le couplage peut être bénéfique pour ces pays. Ceci dit, une chose avec laquelle je suis tout à fait d’accord, c’est ce que l’un des présentateurs a dit : il ne faut pas faire du FBP une doctrine ; il faut en faire quelque chose de dynamique qui tient compte du contexte dans lequel il est mis en œuvre. L’un des écueils à éviter c’est déjà de penser que le Burundi a un modèle idéal ; non, ce n’est pas vrai. Il faut qu’ils adaptent le modèle à leur propre contexte.

Ensuite, je pense qu’il vaut mieux toujours commencer à petite échelle, tirer des leçons de ce que l’on est en train de faire, faire les ajustements nécessaires, avant de passer à une très large échelle. Parce que si on commence à une très large échelle et qu’on n’a pas très bien étudié les choses dès le départ, on se retrouve avec un système qui entre dans des difficultés énormes.

Une dernière chose, pour conclure : Il y a actuellement beaucoup de mécanismes qui ont été, ou sont en train d’être, mis en œuvre en faveur des populations au Burundi (gratuité, FBP, Carte d’Assistance Maladie). Comme on aime à le dire : « trop de viande ne va-t-il pas gâter la sauce » ?

Les défis posés par la multiplicité des mécanismes de financement a été en effet une des choses que nous avons découvertes avec cet atelier. La métaphore de l’architecte et de l’urbaniste qui a été utilisée durant l’atelier est parlante.  Oui, nous devons nous pencher très rapidement sur ces enjeux en matière d’articulation des différents mécanismes et modes de financement.

(1) Cet atelier, organisé à Bujumbura (Burundi) du 16 au 20 avril 2012, a regroupé près d’une cinquantaine de participants dont 6 délégations pays (Bénin, Burkina, Burundi, Niger, Tchad) et une vingtaine de membres des communautés de pratique « Financement Basé sur la Performance » et « Accès Financier ».




0 Commentaires
<<Page précédente

    Our websites

    Photo
    Photo
    Photo

    We like them...

    SINA-Health
    International Health Policies
    CGD

    Archives

    Septembre 2019
    Juin 2019
    Avril 2019
    Mars 2019
    Mai 2018
    Avril 2018
    Mars 2018
    Février 2018
    Janvier 2018
    Décembre 2017
    Octobre 2017
    Septembre 2017
    Août 2017
    Juillet 2017
    Juin 2017
    Mai 2017
    Avril 2017
    Mars 2017
    Février 2017
    Janvier 2017
    Décembre 2016
    Novembre 2016
    Octobre 2016
    Septembre 2016
    Août 2016
    Juillet 2016
    Avril 2016
    Mars 2016
    Février 2016
    Janvier 2016
    Décembre 2015
    Novembre 2015
    Octobre 2015
    Septembre 2015
    Août 2015
    Juillet 2015
    Juin 2015
    Mai 2015
    Avril 2015
    Mars 2015
    Février 2015
    Janvier 2015
    Décembre 2014
    Octobre 2014
    Septembre 2014
    Juillet 2014
    Juin 2014
    Mai 2014
    Avril 2014
    Mars 2014
    Février 2014
    Janvier 2014
    Décembre 2013
    Novembre 2013
    Octobre 2013
    Septembre 2013
    Août 2013
    Juillet 2013
    Juin 2013
    Mai 2013
    Avril 2013
    Mars 2013
    Février 2013
    Janvier 2013
    Décembre 2012
    Novembre 2012
    Octobre 2012
    Septembre 2012
    Août 2012
    Juillet 2012
    Juin 2012
    Mai 2012
    Avril 2012
    Mars 2012
    Février 2012
    Janvier 2012
    Décembre 2011
    Novembre 2011
    Octobre 2011

    Tags

    Tout
    2012
    Accountability
    Aid
    Alex Ergo
    Assurance Maladie
    Bad
    Bamako Initiative
    Bénin
    Bruno Meessen
    Burkina Faso
    Burundi
    Civil Society
    Communauteacute-de-pratique
    Communauté De Pratique
    Community Of Practice
    Community Participation
    Conference
    Cop
    Course
    Couverture Universelle
    CSU
    Déclaration De Harare
    Divine Ikenwilo
    Dr Congo
    économie Politique
    élections
    équité
    Equity
    Fbp
    Financement Basé Sur Les Résultats
    Financement Public
    Fragilité
    Fragility
    Free Health Care
    Global Fund
    Global Health Governance
    Gratuité
    Gratuité
    Health Equity Fund
    Health Insurance
    ICT
    Identification Des Pauvres
    Isidore Sieleunou
    Jb Falisse
    Jurrien Toonen
    Kenya
    Knowledge-management
    Kouamé
    Leadership
    Mali
    Management
    Maroc
    Maternal And Child Health
    Médicaments
    Mise En Oeuvre
    Mutuelle
    National Health Accounts
    Ngo
    Niger
    Omd
    OMS
    Parlement
    Participation Communautaire
    Pba
    Pbf
    Plaidoyer
    Policy Process
    Politique
    Politique De Gratuité
    Politique De Gratuité
    Post Conflit
    Post-conflit
    Private Sector
    Processus Politique
    Qualité Des Soins
    Qualité Des Soins
    Quality Of Care
    Recherche
    Redevabilité
    Reform
    Réforme
    Research
    Results Based Financing
    Rwanda
    Santé Maternelle
    Secteur Privé
    Sénégal
    Société Civile
    Uganda
    Universal Health Coverage
    User Fee Removal
    Voeux 2012
    Voucher
    WHO

Powered by Create your own unique website with customizable templates.