Financing Health in Africa - Le blog
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Le plan de management, un rite ou un outil indispensable dans le Financement Basé sur la Performance ?

4/24/2017

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Michel Muvudi
 
Un outil standard dans un programme de financement basé sur la performance (FBP) est le plan de management (ou business plan). Mes visites sur le terrain m'ont amené à m'interroger sur l'efficacité de cet outil. Fin janvier, j'ai lancé une consultation sur le forum en ligne de la CoP FBP et celui du hub RDC. Vous avez été nombreux à rendre un avis et partager une expérience. Dans ce billet de blog, je reviens avec une synthèse de notre discussion.

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Originellement, le plan de management a été conçu comme un instrument pour une meilleure gestion des formations sanitaires. Il doit permettre aux équipes d’améliorer l’utilisation et la qualité des services en se basant sur une utilisation rationnelle et efficiente des ressources financières, humaines et matérielles quelles que soient leurs sources. Il permet une analyse des goulots d’étranglement de l’offre et de la demande des services partant des informations récoltées à travers d’autres outils comme la grille qualité, l’outil d’indice, les missions de coaching et le processus de vérification de la quantité. ​

Malheureusement, cet outil en lui-même ne peut pas faire une transformation magique des structures de santé, il reste actionné par l’humain. Si cet acteur essentiel qu’est l’humain ne fait pas attention, l’outil devient inefficace, un document de simple routine pour faire plaisir à l’administration et aux gestionnaires des projets qui le réclament pour meubler leur classeurs. Comment éviter que le plan de management ne devienne une pièce et une procédure de plus à la bureaucratie sanitaire, quelque chose qui embête le gestionnaire de la formation sanitaire plutôt que l’aider ? Comment éviter que le FBP reproduise les lourdeurs qu’il a lui-même dénoncé ailleurs? Voilà un peu le contenu de la discussion que j’ai lancée sur deux forums (celui de la CoP FBP et celui du HUB RDC), il y a quelques semaines. Une quarantaine d’experts ont donné leur avis sur cet outil en montrant des réalités contextuelles très variées. La synthèse de ces riches réflexions s’articule en 6 points: l’outil lui-même, son élaboration, son cycle, sa mise en œuvre, son suivi et son évaluation, son coaching. Cette structure résume et met en lumière les grandes idées qui sont apparues dans les différents commentaires.

1 - L’outil lui-même

Les premières expériences en FBP ont permis de développer l’outil du plan de management. Celui-ci a ensuite été copié/utilisé dans plusieurs pays. Peut-être n’avons-nous pas toujours bien apprécié si l’outil était transférable tel quel dans des projets de taille parfois très différente, dans des contextes très diversifiés. L’outil rassemble des statistiques, de l’information sur les ressources disponibles et sollicite une analyse des problèmes par domaine et la mise en avant de solutions. L’outil est long (une quinzaine de pages au moins). Les intervenants à notre discussion considèrent que le document est en fait trop long et trop lourd et qu'il mérite d’être revu. Il est aussi coûteux : dans des contextes difficiles, avoir autant de copies pour la structure, l’Agence de Contrôle & Vérification, l’équipe de district etc. devient difficile. Dans la mesure où l’on veut que cet outil soit efficace, il doit être le plus simple et concis possible. D’autant plus que le plan de management ne vient pas remplacer le plan annuel de la structure. L’outil doit être contextualisés et adapté aux réalités de chaque pays et de chaque région  pour ne pas perdre sa crédibilité. Trop de couper/coller a eu lieu.

2 - Son élaboration

Son élaboration par la formation sanitaire ne doit pas être laborieuse : l’équipe doit pouvoir décliner en quelques lignes ce qu’ils vont faire au niveau de la formation sanitaire pour résoudre leurs problèmes. Cette qualité est cruciale car elle affecte directement sa mise en œuvre. À titre d’exemple, dans certaines situations, on pense que les agences de contractualisation et de vérification se substituent aux formations sanitaires pour élaborer ces plans de management (au nom du coaching). Les structures sont juste invitées à prendre connaissance de « leur » plan de management et à le signer ! L’élaboration devient tellement lourde que, dans un contexte de personnel insuffisant, le plan de management est élaboré par le seul responsable de la structure sans impliquer ni son équipe ni la communauté. Parfois, pour gagner du temps, les prestataires font du copier-coller avec le plan passé afin de répondre à l’exigence du temps et des délais. Il en sort alors des plans de management très théoriques qui ne seront en réalité pas utilisés par les prestataires. On constate que ce temps d’élaboration et de validation devient tellement long que finalement, à sa finition, il ne reste plus suffisamment de temps pour le mettre en œuvre. Les experts ayant participé aux discussions pensent que la lourdeur de l’outil ralentit le processus d’élaboration. Selon eux, il n’est pas nécessaire de mettre toutes les informations dans le plan de management qui doit être vu comme un référentiel de gestion de la structure pratique. Dès lors, certains experts proposent un document de maximum 5 pages. Il est très important d’insister sur une élaboration participative de toutes les équipes et surtout de laisser les prestataires faire cette planification en leur accordant suffisamment de temps pour leurs autres activités. Certes, au début les plans de management seront de mauvaise qualité, mais, il faut le laisser s’améliorer progressivement – c’est aussi une démarche d’apprentissage pour l’équipe. Méfiance donc : si au début d’un projet avec FBP, les plans de management sont très beaux, cela peut indiquer qu’il n’a pas été préparé par l’équipe du centre de santé. Les vérificateurs  des ACV  ou les équipes cadre des districts (ECD) ont fait le boulot eux-mêmes!

Le temps d’élaboration du plan de management doit être court, et sa validation doit se faire sur des points clés et ciblés (ambition de la quantité, ambition de la qualité, budgets) afin de réserver suffisamment de temps à la mise en œuvre. L’élaboration du plan de management doit exploiter les données récentes concernant la quantité et la qualité des soins pour planifier les prochains objectifs. Or, dans de nombreux cas, ces données ne sont pas au rendez-vous car les ACV ou les ECD tardent à les fournir et, par conséquent le plan se base sur des données périmées, voire sur une absence de données. Cette situation renforce l’illusion des plans de management. Il est important que la performance des ECD et des ACV soit  évaluée en tenant compte de ces évaluations; celles-ci doivent permettre aux structures de disposer de données probantes en temps réel  pour pouvoir planifier sur le réel.


3 - Son cycle

C’était en fait ma question de départ sur les forums : à quelle fréquence le plan devrait-il être produit ? Tous les 3, 4 ou 6 mois ? Sur cette question, toutes les possibilités ont été envisagées. De nos discussions, il émerge qu’un certain nombre d’éléments importants sont à prendre en compte. Un principe de base : quelle que soit la durée du cycle, il est important d’assurer le suivi et le financement du plan de management. A nouveau, trop souvent la pratique diverge la théorie : les plans sont élaborés mais très peu suivis. Qu’il s’agisse de 3, 4 ou 6 mois, il faut tout simplement fixer les cycles de suivi afin de s’assurer de l’efficacité de l’ensemble du processus. On peut faire un plan de 3 mois et faire le suivi chaque mois, faire un plan de 4 mois, faire le suivi tous les 2 mois ou un plan de 6 mois, faire le suivi tous les 3 mois… Là aussi, le contexte, les capacités techniques et logistiques des équipes de district et des ACV, la taille du projet devront déterminer le cycle de suivi, quelle que soit la durée du plan. Dans tous les cas de figure le cycle se voit souvent amputé dans une large proportion lorsque l’on prend le temps que cela exige pour l’élaboration, la validation, le paiement etc. Par exemple, sur un cycle de 3 mois, jusqu’à la moitié du temps est consacrée à la planification, ne laissant que l’autre moitié à la mise en œuvre. Cette situation est à la base de la reconduction des plans et l’on va ainsi de report en report. Ainsi, en fixant le cycle d’élaboration d’un plan de management, il est important d’établir une ligne de temps et surtout de fixer un cycle qui laisse aux prestataires le temps de réaliser la mise en œuvre avant le prochain plan.)

4 - Sa mise en œuvre

Nous sommes tous conscients que la mise en œuvre du plan de management pose des sérieux problèmes dans nos contextes actuels. Plusieurs experts partagent cette conviction. Le plan de management est devenu très théorique et le vrai management des structures de santé ne repose pas sur ce document. Lourd,  réalisé en retard et, dans certains cas, fait par les ACV ou les ECD, le plan de management tourne en rond et se répète comme un rite ! Personnellement, je  constate comme d’autres experts, que cette mise en œuvre patine, principalement à cause des retards de paiement de subsides qui sapent le FBP dans plusieurs pays. Même si le plan de management peut être alimenté par d’autres sources financements, les subventions apportées constituent souvent l’essentiel. Un retard de paiement a donc forcément un impact négatif sur la production. Sans paiement régulier, la mise en œuvre d’un plan se résume généralement à des activités sommaires. Il faut assurer que les ressources arrivent avant la mise en œuvre et non après celle-ci, de sorte que le plan de management  reflète des changements pratiques et permettre une vraie transformation. Trois éléments supportent la mise en œuvre: le temps qui lui est consacré, l’arrivée prompte des subventions dans la structure et l’appropriation du plan par les acteurs eux-mêmes — appropriation qui  sera  largement influencée par sa simplicité. Sur ce point, il est fortement déconseillé de voir le plan de management uniquement comme un outil de gestion des subsides : il doit inclure d’autres ressources comme les recettes du recouvrement des coûts, les autres subventions, les salaires versés par le gouvernement. Il doit être multi-source et devenir un document d’alignement.

5 - Son suivi et son évaluation

Quel que soit le cycle du plan de management, le suivi reste indispensable pour s’assurer que les actions prévues sont effectivement menées. Il ne faite pas confondre le cycle de planification et le suivi du plan de management. Même si  celui-ci est de 6 mois, il est tout à faire possible d’effectuer un suivi et un recadrage  mensuels. Dans cette optique, il faut éviter de soumettre les prestataires à des cycles théoriques de planification. Quoi qu’il en soit, le bon sens doit primer et, dans la mesure du possible, les acteurs doivent disposer d’un maximum de temps à consacrer à la mise en œuvre et au suivi. Il faut également prévoir du temps pour le suivi car,  dans la majorité des cas, on note que le temps consacré au suivi du plan de management est insuffisant. Pire encore : dans certaines structures le plan de management est inexistant. Les missions de coaching, les rencontres mensuelles doivent être des fenêtres d’opportunité.  

6 - Le coaching

Le coaching des structures de santé est indispensable pour que le plan de management réussisse. Malheureusement, comme rapporté plus haut, au nom du coaching, certains se substituent au rôle des formations sanitaires. De plus, le coaching n’est bien souvent pas structuré: tantôt pris en charge par des vérificateurs (qui, bien souvent, n’ont pas le temps de bien faire) tantôt par les ECD… et, entre les deux, une mauvaise communication. Il est important de bien identifier les points de coaching dans le plan de management et non en dehors. On ne peut pas coacher toutes les structures de la même manière ni et sur les mêmes thématiques. Les missions de coaching non nécessaires et mal préparées coûtent cher au FBP. Il faut donc une bonne analyse qui permettra de cibler les points à améliorer. Plus loin, le lien entre le coaching des vérificateurs et les ECD doit être bien clarifié en terme de domaines et, surtout, de responsabilités respectives. Dans tout les cas, le contexte doit bien définir les responsabilités et les moyens de mesurer l’efficacité de ce coaching.

Le plan de management est une belle idée. Cela marche par endroit, mais certainement pas partout. Voici nos principales recommandations: il doit être adapté au contexte de chaque pays, de chaque région etc. Il doit être très simple et peu volumineux afin de faciliter son élaboration dans le temps. L’élaboration d’un plan doit prendre un minimum de temps afin de pouvoir en consacrer suffisamment à la mise en œuvre. Car celle-ci  a besoin de ressources — essentiellement les subsides, dont le paiement doit par conséquent être régulier et prompt. Un plan de management doit être suivi par le propriétaire en premier lieu et les autres acteurs ensuite, être un outil au service de la structure de santé et non des ACV qui, avec les ECD doivent unir leurs forces pour apporter un coaching ciblé afin de solutionner les problèmes que la structure met en exergue.
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Financement de la santé en Afrique Francophone : l’écheveau de des régimes comme point de départ pour la couverture sanitaire universelle

9/17/2014

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Allison Kelley

Pendant un an, des experts issus de 12 pays d’Afrique Francophone (1), ont collaboré sur un projet relatif à la fragmentation dans le financement de la santé dans leurs pays. Dans ce billet de blog, le premier d’une série, Allison Kelley présente les principaux résultats de la première phase du projet et plus particulièrement l’analyse transversale des études-pays. 


En novembre dernier sur ce blog, nous vous avions présenté un projet collaboratif que deux CoP (financement basé sur la performance et accès financier aux services de santé) lançaient sur la problématique de la Couverture Sanitaire Universelle.

Ce projet, financé par le Fond Français Muskoka et l’ONG Cordaid, était pour les CoPs une première : il s’agissait de tester notre capacité à mener à bien un travail de documentation d’une situation particulière (la fragmentation du financement de la santé) dans un grand nombre de pays. Notre hypothèse est que par leur nature et le réseau qu’elle constitue (la CoP FBP compte désormais 1.500 experts, la CoP AFSS 800), les CoPs peuvent compléter les travaux de recherche et de documentation mené par les autres acteurs (centres de recherche, agence de l’aide…).  Dans ce premier blog, nous partageons avec vous les résultats de l’analyse transversale des études-pays.

La Couverture Sanitaire Universelle : un gros malentendu

Par définition, progresser vers la couverture sanitaire universelle (CSU) revient à progresser sur au moins trois grandes dimensions : (1) le nombre de personnes couvertes (2) la composition et la qualité du panier de services de santé auxquelles elles ont droit, et (3) la réduction de la contribution financière directe engendrée par le recours aux soins. Cette progression est souvent mal comprise, certains pensent par exemple que progresser vers la CSU consiste à introduire un système d’assurance obligatoire universelle unique. La vérité est que dans chaque pays, grâce aux régimes de financement de la santé (RFS) existants, la population bénéficie déjà, dans une certaine mesure, d’une couverture. Progresser vers la CSU consiste donc bien plus à apporter cohérence et efficience dans la combinaison de ces RFS déjà en place que lancer un RFS de plus.

La situation dans 12 pays d’Afrique Francophone

A titre de rappel, l’objectif de cette première phase de notre projet « Muskoka » était d’établir la cartographie des régimes de financement de la santé présents dans 12 pays africains francophones, soit presqu’un quart du continent. Pour atteindre une destination comme la CSU, il faut d’abord connaître avec précision son point de départ !

Le rapport des résultats de la première étape est désormais disponible (voir la rubrique "Resources" de ce site). L’analyse transversale capitalise sur la documentation individuelle de chaque pays par des experts nationaux des CdP. (3) Cette phase a été riche de leçons. Elle confirme que nous sommes bien face à des écheveaux de RFS.

* Notre étude a confirmé la grande fragmentation des RFS aujourd’hui dans les pays africains. Selon notre méthode de comptage, nous avons en moyenne 23 RFS par pays.

* Au-delà du simple comptage (qui nous a déjà bien occupé), dresser cette cartographie a été plus difficile que prévu : dans plusieurs pays, nous avons buté contre le problème de la disponibilité des informations sur les mécanismes de financement de la santé. L’information financière est souvent lacunaire. Cela freine le leadership de l’Etat dans le pilotage de la CSU et entrave une bonne compréhension à tous les niveaux de cette situation complexe, et donc aussi une meilleure articulation des mécanismes de financement.

* De fait, nos cartographies montrent que dans beaucoup de pays, coexistent simultanément des « trous »  dans la couverture de la population (personnes non couvertes ou très peu couvertes) et des redondances (certains groupes bénéficiant d’une possible prise en charge par plusieurs RFS). On peut citer l'exemple d'une fonctionnaire qui dispose d'une assurance-santé et accouche dans un hospital où l'accouchement est gratuit. La verticalité au niveau des prestations prise en charge et la sélectivité des populations ciblées se traduisent en couverture très partielle, qui ne garantissent pas une continuité dans la prise en charge thérapeutique.

* Nous avons également constaté un manque de cohérence en termes de prévisibilité et régularité des modalités de financement des structures de soins; cela constitue un obstacle important à l’extension effective de la CSU.

* La majorité de ces RFS ont un financement dépendant de l’extérieur. Cela a une influence considérable sur la structure du financement de la santé et aggrave non seulement le problème de fragmentation, mais aussi celui de gouvernance du financement de la santé. Le rôle dominant des programmes spécialisés entraine la verticalisation de la prise en charge et le manque de centralisation au niveau du Ministère de la Santé des informations, notamment financières, gérées par les bailleurs extérieurs.

Défi commun, mais chemin individuel vers la CSU…

Le résultat général de cette phase est de faire ressortir un défi commun aux 12 pays de l’étude.  Cette profusion de RFS, mais aussi les insuffisances actuelles au niveau de leur coordination (comme le prouve l’absence de données centralisées et ouvertes à tous), nous laissent penser que dans de nombreux pays, progresser vers la CSU va être complexe : il va falloir remettre de l’ordre dans tous ces RFS : en fusionner certains, en arrêter d’autres…

Pour faire cela, il va falloir mettre de nombreux acteurs, autour de la table, plusieurs ministères et agences publiques, mais aussi des programmes multiples et leurs partenaires techniques et financiers, des organes privés (comme les mutuelles), des représentants des associations professionnelles...

Le défi est qu’il n’existe pas de solution unique en guise de chemin vers la CSU. Chaque cas sera particulier.

Nous avons une certitude, et elle est valable pour tous les pays: la progression vers la CSU va nécessiter les gouvernements, et les Ministres de la Santé en particulier, à développer une grande capacité à collecter de l’information, à l’interpréter et à prendre des décisions en concordance. La gestion des connaissances et l’aptitude à analyser sa situation, les forces, contraintes, opportunités et menaces seront des conditions nécessaires pour progresser vers la CUS.

Comme vous le lirez dans un prochain blog, cette analyse a grandement déterminé notre réflexion pour ce qui devra la seconde phase de ce projet mené par les CoPs. 



Pour accéder au rapport: cliquer ici.

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Le financement basé sur la performance et la mise en œuvre des stratégies nationales de santé : un débat à poursuivre

4/28/2014

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Mathieu Noirhomme

Les approches de financement basé sur la performance (FBP) étaient encore considérées il y a peu comme des approches pilotes spécifiques. Elles deviennent aujourd’hui un instrument central de mise en œuvre des politiques et stratégies nationales de santé pour un nombre croissant de gouvernements et d’agences de coopération. Ceci pose de manière accrue la question de l’intégration et de l’alignement des stratégies FBP. Cela aura été le sujet d’un débat en ligne de trois jours, dont les éléments clés sont résumés ci-dessous. Un débat d’actualité, et qui demanderait d’être poussé plus avant, notamment dans le cadre des recherches qui seront conduites dans le cadre du récent appel à projet de l’Alliance pour la Recherche sur les Politiques et Systèmes de Santé.


Le débat a été soulevé en janvier par Mathieu Noirhomme, consultant indépendant sur des questions de dialogue politique et de renforcement du système de santé. Mathieu a pris comme point de départ le cas du Burundi, où il contribuait alors à une revue à mi-parcours du plan national de développement sanitaire (PNDS). Son questionnement s’articulait en deux points : (1) le processus d’intégration du FBP dans le cycle national de planification politique et stratégique ; (2) les risques liés à l’utilisation du FBP pour véhiculer d’autres mécanismes de financement.

Ceci aura donné lieu à un débat court et dense de trois jours. Il a principalement tourné autour du cas burundais, mais les réflexions peuvent aisément s’étendre à d’autres pays.

Le FBP comme outil dans le cycle de planification politique et stratégique

Le FBP peut être un outil puissant de planification stratégique, car il permet de refocaliser les interventions en fonction des évolutions des priorités stratégiques nationales et locales. Cela demande une cohérence réciproque entre les documents politiques principaux (notamment le PNDS) et les approches de FBP sur les orientations centrales et les organes et cycles de planification : d’un côté le FBP doit refléter les priorités nationales, de l’autre, les politiques nationales doivent offrir un rôle concret aux stratégies de FBP. En pratique, au Burundi, Mathieu constate que (1) le FBP est présent mais peu développé au sein du PNDS et que (2) plusieurs acteurs du niveau central disent encore à ce jour voir la Cellule Technique Nationale FBP comme un système de planification parallèle au niveau du ministère, insuffisamment connecté avec les principales directions systémiques (direction de la planification, direction de la santé). Cela induit un risque de voir émerger des orientations différentes entre les exercices de planification opérationnelle et les orientation supportées par le FBP.

Bruno Meessen (facilitateur de la CoP PBF) réagit à ce sujet, en établissant un lien avec d’autres pays où le FBP prend une place centrale dans les politiques nationales mais n’est que peu ou pas reflété dans le plan national de développement sanitaire (PNDS), et questionnant les participants de Communauté de Pratique (CdP) sur la situation dans leur pays.

Concernant le Burundi, Olivier Basenya (expert FBP, ministère de la Santé, Burundi) rappelle que le FBP constitue l’un des axes stratégiques du PNDS et un axe prioritaire du cadre stratégique de relance économique et de lutte contre la pauvreté. Il souligne, comme Bruno le faisait, l’importance d’un alignement entre stratégies nationales et mécanismes de financement. Mathieu approuve en ramenant le propos sur leur traduction opérationnelle. Il précise notamment que le FBP, bien qu’effectivement représenté dans le PNDS, est sous-développé dans le texte par rapport à l’importance stratégique qu’il revêt dans les opérations. Il rappelle également les difficultés pratiques récurrentes d’harmonisation entre PNDS, comité technique FBP, programmes verticaux et programmes des partenaires.

Rigobert Mpendwanzi (consultant Banque Mondiale) souligne les avancées importantes effectuées à ce sujet au Burundi ces dernières années. La planification opérationnelle est depuis 2012 placée sous l’autorité de la direction générale de la planification et conforme aux méthodes que celle-ci a fixées. Selon lui, s’il y a encore des difficultés d’alignement, cela serait lié à des problèmes de compréhension au niveau central sur ce qu’est le FBP. Ces problèmes seraient dépassés depuis longtemps pour les acteurs de terrain.

Delmond Kyanza (conseiller en financement de la santé, Management Science for Health, République Démocratique du Congo) nous offre une illustration du même type avec la situation en République Démocratique du Congo (RDC). Le FBP n’est pas représenté dans le PNDS alors que son importance stratégique est aujourd’hui reconnue. Il déplore également une même opportunité manquée au niveau du document de politique et stratégies de financement du secteur de la santé. Ceci tiendrait à une évolution de l’adhésion à l’approche, qui était encore insuffisante à l’époque de l’élaboration du PNDS. Il plaide pour une meilleure prise en compte du FBP à l’avenir en le présentant comme un vecteur de synergie entre mécanismes de financement. Michel Muvudi (gestionnaire, Arcadie consulting, RDC) complète l’analyse en mettant en garde contre le risque de fragmentation dans les zones où les cadres de concertations sont faibles / absents et où le FBP est mis en place dans une approche projet.

La dernière intervention à ce sujet d’Eric Bigirimana (Directeur, Bregmans Consulting & Research, Burundi) offre une synthèse critique et un message à l’ensemble des pays intéressés. Eric y insiste sur l’importance d’avoir des approches de FBP solides avant de les inscrire dans le PNDS, et ce en vue d’éviter de déforcer la stratégie via des approches bâclées. Il voit dans « l’impréparation et la précipitation issues de l’autorité politique » la cause centrale des problèmes de mise en œuvre. Selon lui, le Burundi a tiré les leçons du passé en prenant le temps aujourd’hui d’un travail technique préparatoire à l’introduction de la Carte d’Assistance Médicale (CAM) au sein du FBP. De manière plus large, il confirme le point de vue général du besoin d’une conjonction de différents mécanismes de financement pour répondre aux défis de santé et d’accès aux soins.

Le FBP comme véhicule pour d’autres moyens de financement

Si l’on dispose d’un canal efficient, il est cohérent de vouloir y greffer d’autres mécanismes de financement. Le principe n’est pas en doute. Par contre, Mathieu pose la question de la mise en œuvre, et particulièrement du travail préparatoire relatif aux autres mécanismes.

Au Burundi, le paiement de l’exemption des soins (pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans) transite depuis 2010 via le même canal que le FBP. Dans plusieurs structures sanitaires, les prestataires affirment que ces paiements absorbent l’intégralité des montants perçus, et ne permettent plus de dégager les ressources additionnelles propres au FBP. D’autres ne formulent pas de plainte à ce sujet. Les causes sont multiples (design, hypothèses à l’origine des forfaits, performance effective de la structure) et méritent discussion. Mais quelles que soient les causes, un constat transparaît : la fusion de deux mécanismes peut mener à une baisse d’adhésion de certains prestataires au système de FBP, qui à elle seule est préoccupante.

Olivier Basenya réagit directement, en reposant à juste titre les arguments en faveur d’une synergie de mécanismes de financement. Il reconnaît que certaines stratégies connexes, si sous-financées, présentent le risque de fragiliser l’ensemble du montage financier. Il préconise de conditionner la fusion d’un nouveau mécanisme à une préparation technique rigoureuse, comme cela se fait actuellement pour la Carte Assistance Médicale (CAM) au Burundi. Il rappelle également que l’ensemble des mécanismes seront cadrés dans la future stratégie nationale de financement de la santé.

Mathieu marque son accord sur ces points, mais met en avant les réalités opérationnelles observées, principalement une priorité aux remboursements des prestations offertes gratuitement, et dans certains cas une réduction des dotations effectivement perçues. Il pose deux questions à ce sujet (1) ne faudrait-il pas impliquer plus intimement les prestataires de soins dans la détermination de ce qu’est une prescription rationnelle et le forfait relatif ; (2) n’y aurait-il pas un intérêt à « earmarker » une partie des financements pour éviter une dilution de l’effet FBP.

Olivier recentre le débat sur la deuxième question. Le problème selon lui n’est pas tant sur l’earmarking que de « savoir si les ressources financières reçues mensuellement par la formation sanitaire quelle que soit la source lui permette de fonctionner (…) ». Rigobert Mpendwanzi insiste à ce sujet : le problème tient à un sous-financement des stratégies adoptées au niveau national. « La CAM et la gratuité doivent être judicieusement conçues et adéquatement financées pour que le FBP ne soit pas réduit à la lutte pour combler le gap. »

Dans les faits, cela ne contredit pas, mais au contraire illustre à nouveau les fragilités croisées : si le montant ou le mécanisme de calcul d’une stratégie de financement est insuffisant, c’est l’ensemble des mécanismes fusionnés (dont le FBP) qui peut en pâtir.

Sur la première question, Olivier et Rigobert défendent tous deux la méthodologie d’élaboration des forfaits qui aurait selon eux impliqué de manière adéquate les acteurs du niveau opérationnel. Olivier précise également que les montants reçus par les centres de santé sont appropriés selon les données collectées par le comité technique FBP. Le principal problème résiduel résiderait au niveau des hôpitaux pour lesquels les forfaits sont considérés par les prestataires comme insuffisants.

Mathieu nuance le propos sur ces deux points en rappelant les observations de terrain contradictoires et appelle à ouvrir le débat en dehors du cas burundais. Longin Gashubije (Ministère de la Santé, Burundi) abonde dans ce sens et apporte un nouvel élément en pointant l’irrégularité des paiements effectués par le Gouvernement. Selon lui, cela induirait le risque de réduire l’intérêt des prestataires pour le FBP et de les détourner des bonnes pratiques en la matière. En ce sens, il repose sur la table la possibilité d’assurer qu’une partie de financement soit garantie pour le FBP, sans formuler de piste technique.

Synthèse du débat

Dans un message qui s’avérera être le dernier de ce débat, Mathieu synthétise et rappelle les fondamentaux de la question de la fusion de différents mécanismes. (1) Oui, il y a de sérieux arguments en faveur de synergies opérationnelles que personne dans ce débat n’a contestées. (2) En pratique, certaines structures voient les ressources du FBP servir pour le remboursement de prestations exemptées. Pour celles-ci, on n’est plus face à une rémunération à la performance mais à un paiement de la gratuité. Quelles que soient les causes, l’effet FBP s’est sans doute délité. (3) Cela lance un appel à la prudence lors du design et du suivi de fusions de mécanismes de financement. Olivier et Rigobert l’ont beaucoup abordé sur la question des budgets disponibles. D’autres considérations peuvent être prises en compte. Cela a d’autant plus d’importance dans des pays où le FBP devient l’un des principaux vecteurs de financement.

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Financement Basé sur la Performance et autonomie des formations sanitaires : synthèse d’un débat en ligne

2/20/2014

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Léonard Ntakarutimana

Quelles sont les responsabilités des équipes-cadres de district dans un district sanitaire dans lequel un système de financement basé sur la performance (FBP) a été introduit ? C’est à cette question que Léonard Ntakarutimana (Institut National de Santé Publique, Bujumbura) tente de répondre en prenant appui sur une discussion qui s’est tenue fin août et début septembre 2013 sur le groupe de discussion en ligne de la communauté des pratiques FBP. Une discussion qui a soulevé une certaine passion : au total 19 intervenants et 32 messages (vous pouvez retrouver la discussion dans son intégralité ici). 


Introduction

Le 28 août 2013, j’ai partagé avec les membres de la Communauté des Pratiques FBP un petit texte au travers duquel je m’interrogeais sur les limites du rôle de régulation des équipes cadres de district (ECD) à l’égard des formations sanitaires (FoSa) évoluant dans le cadre d’un système FBP. Mon interrogation partait du constat d’un désaccord entre, d’une part les prestataires d’un centre de santé du Burundi qui estimaient qu’ils avaient le droit d’obtenir la prime à la performance conformément au prescrit du manuel des Procédures de FBP applicables au niveau national, et d’autre part le Médecin Chef de District qui avait imposé une règle « locale » d’octroi de la prime qui était contraire à la directive contenue dans le manuel des procédures FBP.(1)

Abus de pouvoir de l’ECD ? Bonne intention ? Dans mon message à la communauté des experts, je posais la question : « L’excès de régulation exercé sur le fonctionnement des formations sanitaires  pourrait-il constituer un facteur limitant la performance et le développement des formations sanitaires utilisant l’approche FBP »? Je faisais également appel à un partage d’expérience : ce que j’avais observé était-il exceptionnel ou était-ce observé ailleurs en Afrique ? Cette question a suscité un vif débat au sein de la CoP FBP ;  les différents points de vue seront passés en revue dans les lignes qui suivent.(2) Mais d’abord, commençons par situer le débat dans son contexte.


La problématique de l’autonomie de gestion des formations sanitaires

Au sein de la communauté des experts FBP, il existe un large consensus que l’autonomie de gestion des FoSa est un élément clé de la stratégie : elle permet aux gestionnaires des FoSa de prendre des mesures visant à augmenter la production de services de qualité. Mais que devons-nous exactement entendre par cette notion d’autonomie ?

L’encyclopédie Wikipedia nous rappelle qu’étymologiquement, autonomie vient du grec « autos » : soi-même et « nomos » : loi, règle. C’était le droit que les Romains avaient laissé à certaines villes grecques de se gouverner par leurs propres lois. Le dictionnaire Larousse, quant à lui, définit l’autonomie comme étant « une situation d’une collectivité, d’un organisme public dotés de pouvoirs et d’institutions leur permettant de gérer les affaires qui leur sont propres sans interférence du pouvoir central ».

Ça, c’est pour la définition maximaliste. Dans les faits, nos sociétés sont bien régies par tout un écheveau de règles, de lois, en bref, d’institutions. Aucun élément de la société n’est donc totalement autonome. Un hôpital qui s’est vu accordé un statut autonome de gestion devra par exemple respecter le droit du travail, des règles de sécurité, etc. Il va de soi que le Ministère de la Santé va garder des zones d’autorité. De même, la cité grecque qui abusait de son autonomie et trahissait la loyauté attendue par Rome, était rapidement confrontée au courroux des légions romaines. 

Notre première observation est donc bien que l’autonomie est une question de degré. La bonne question est plutôt celle de son contenu exact.

Il est ainsi reconnu par tous les experts FBP que cette autonomie de gestion n’efface pas le rôle régalien de l’Etat qui, à travers le Ministère de la Santé et ses structures déconcentrées et décentralisées (comme les bureaux de district), veille au respect de la politique sectorielle de santé et des normes en matière de prestation de soins.

Le diable est dans les détails : en pratique, la limite entre l’autonomie des FoSa et le contrôle exercé par le MSP n’est pas nette ; et ceci est à l’origine de conflits entre les FoSa et les ECD, tels que celui que j’ai évoqué en début de blog. Ces conflits, s’ils ne sont pas résolus,  peuvent entraîner une démotivation des personnels de santé et mettre en péril la mise en œuvre du FBP. Nous sommes donc face à une ‘zone’ que nous avons laissée jusqu’à présent relativement indéterminée ou que nous avons peu négociée avec les parties concernées: le rôle exact des ECD quand le district accueille un système FBP.


Les points de vue et propositions des membres de la CoP FBP

 Le message original a suscité de nombreuses réactions. Voici un résumé de ces dernières.

Bruno Meessen (Professeur à l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers, Belgique et Facilitateur de la CoP FBP), qui par le passé avait aussi observé un excès de contrôle par une ECD au Burundi, y voit l’indication d’un manque de conscience au niveau des ECD que le FBP marque un changement de paradigme.  Ceci dit, il pense aussi que les experts FBP se trompent quand ils cantonnent les ECD au statut d’un organe de régulation. En plus de la fonction de régulation, il rappelle que les ECD sont censées jouer un rôle-clé dans la coordination du système local de santé, un rôle de leadership dans la réponse aux défis sanitaires émergents ou non prévus par le FBP (ex : une épidémie) et le rôle de renforcement des capacités des personnels des FoSa situées dans leur zone de responsabilité. On notera que la récente conférence organisée par la CoP Prestation des Services de Santé (Dakar 21-23 octobre 2013) a été riche en recommandations à ce niveau (rapport accessible en cliquant ici)

Tout en étant d’accord avec le besoin de davantage d’autonomie des FoSa, Bruno souligne cependant un défi qui reste à relever : celui de faire comprendre à la hiérarchie sanitaire que le système sanitaire sera  plus fort comme un tout lorsque la mission de chaque élément sera mieux définie et que les interférences cesseront. Il prévient qu’il faudra s’armer de patience car un tel changement de paradigme ne se fait pas d’un coup, mais bien progressivement.

Comme solutions, Bruno préconise : poursuivre de la communication sur le changement de paradigme, éviter les conflits d’idéologie, inter-projets ou interpersonnels et montrer qu’il y a de la place pour des ECD fortes.  Pour Bruno, la communauté des experts FBP doit être consciente que l’avancée vers une plus grande autonomie des formations sanitaires publiques en Afrique repose sur ses épaules.


Le point de vue des « modérés »

Joël Arthur Kiendrébéogo (AEDES-Tchad, Médecin et Economiste de la santé) relève que la notion-même de régulation n’est pas forcément comprise par tous de la même façon ; et qu’une certaine confusion persiste au sujet des  termes « autonomie », « contrôle » et « indépendance ». Il pose en outre la question de savoir si tout le monde s’accorde sur l’objet de ce qui doit être régulé. Tout comme Bruno, il pense qu’il est de la responsabilité des experts du FBP de lever toutes ces ambiguïtés.

S’agissant de la notion d’autonomie des FoSa, Joël Arthur en citant Jean Perrot et al. (in « L’incitation à la performance des prestataires de services de soins » ; OMS, 2010), distingue deux courants de pensées : (i) les partisans du néo-libéralisme pur et dur pour lesquels il faut laisser le prestataire de services de santé utiliser les fonds qu’il a reçus comme il l’entend, avec l’hypothèse que c'est lui qui connaît le mieux ses besoins et qu'il saura prendre la meilleure décision quant à l'utilisation des fonds pour améliorer la production de résultats et (ii) les « modérés » qui pensent qu’on ne peut pas se désintéresser de l'utilisation des fonds par les prestataires pour des raisons de redevabilité (car il s'agit généralement d'argent public) ou simplement du fait que cette utilisation est elle-même stratégique pour améliorer la production de résultats ultérieurs. Ils pensent donc qu’il faut s'assurer que les prestataires utiliseront au mieux ces fonds, étant supposé que les FOSA n’ont pas toujours les bonnes stratégies pour améliorer leur performance ou qu'ils ne font pas toujours les meilleures choses.

Joël Arthur compte parmi ces partisans d’un certain interventionnisme de l’Etat. Il justifie sa position pour deux raisons essentielles : (i)  dans beaucoup de situations (pays), les distorsions du marché (situations de monopoles, asymétrie d’information entre différents acteurs du système de santé, capacités très inégales entre les FoSa) sont si importantes que les mécanismes de lois du marché ne peuvent pas fonctionner correctement ; (ii) la bonne gouvernance reste à construire dans de nombreux pays ; et les bonnes pratiques de gestion financière et comptable ne sont pas encore en place.

Joël Arthur conclut en optant pour une autonomie des FOSA dans la définition de leur plan d’action ; la régulation ne devant intervenir que pour s’assurer que les activités définies dans les plans d’action sont conformes à la politique sanitaire nationale et qu’elles sont bien exécutées. Cependant, il relève que le manque criant de personnels compétents dans la plupart de situations constitue une entrave majeure ; et que dans ces conditions, un accompagnement minimum  des FoSa s’impose.

Matar Camara (Spécialiste en Renforcement des Systèmes de Santé, USAID-Sénégal), distingue deux  situations de FoSa.  Dans la première catégorie, les responsables de FoSa prennent des initiatives pour améliorer le cadre de travail ou la couverture ; ils utilisent correctement les ressources du FBP. Ceux-ci n’ont pas besoin d’accompagnement.

Dans la deuxième catégorie de FoSa,  les responsables sont incapables de prendre des initiatives et attendent plutôt qu’on leur donne des directives à exécuter. Dans cette deuxième catégorie,  les FoSa ont besoin d’un accompagnement, d’un éclairage (renforcement des capacités) leur permettant d’élaborer et d’évaluer périodiquement des plans d’actions budgétisés, un préalable à l’atteinte des objectifs.

Cette distinction entre les «  bons » et de « mauvais » élèves parmi les FoSa est soutenue par Michel Muvudi (Spécialiste de Santé Publique, Projet d’appui au PNDS/10ème FED-Union Européenne, RD Congo), qui,  comme Matar, propose une attitude différente à adopter par les ECD selon le cas. Michel rappelle que le district est un ensemble hétérogène qui a besoin de coordination – la mission-même des ECD est de trouver cette harmonie fonctionnelle. A l’endroit des «  mauvais élèves » qui utilisent mal leurs ressources (non-respect des lignes de dépense, malversation, insuffisance en gestion etc.), les ECD qui, selon lui, ont aussi la fonction de contrôle administratif, devront recadrer et corriger les distorsions. En revanche, ce contrôle administratif ne serait pas indiqué à l’endroit des « bons élèves ». Bref, Michel  trouve que quatre éléments essentiels doivent être pris en compte pour mieux aborder la question des limites qui devraient exister entre l’autonomie des FoSa et le contrôle par les ECD : (i) la façon démontrée (positive ou négative) dont les FoSa utilisent leur autonomie, (ii) la redevabilité des FoSa,  (iii) la façon dont les ECD assurent leur rôle de régulation vis-à-vis des FoSa et (iv) la manière dont l’autorité de tutelle fixe et contrôle la ligne séparant l’autonomie des Fosa et la régulation de celles-ci par l’ECD.

Pour que le FBP soit couronné de succès, Michel suggère de former tous  les acteurs  et d’introduire l’approche à tous les niveaux de la pyramide sanitaire, étant donné que la production des services de qualité dans les FoSa dépend aussi de la manière dont celles-ci  sont encadrées  et  de la qualité de relation qu'elles entretiennent avec la hiérarchie en rapport avec le respect des normes et directives.

Eric Bigirimana (Médecin, Ms Sciences, BREGMANS Consulting & Research, Burundi ; Manager de l'AAP Sud-Ouest Cameroun) revient sur l’idée exprimée par Bruno selon laquelle les différents acteurs du système de santé interprètent différemment les principes véhiculés par le FBP. Par conséquent, il propose de revoir ces principes pour pouvoir dégager  une meilleure orientation. Tout comme Bruno, Eric pense que, si dans le cas du CDS du Burundi rapporté par Léonard,  les ECD agissent de manière directive en mettant en place des règles nouvelles, cela suggère que leurs attributions, leurs rôles et leurs responsabilités dans le montage du FBP ne sont pas clairs. Cela indique peut-être la nécessité d’être plus précis dans le manuel de procédure FBP. Mais cela suggère aussi de vérifier que ce que leur demande le FBP est bien compatible avec les prérogatives déléguées par le MSP aux ECD.  Cette confusion serait le plus souvent constatée dans les pays ayant mis en place le FBP en le focalisant sur les formations sanitaires de première et de deuxième ligne tout en donnant un rôle dérisoire aux ‘régulateurs’aux différents niveaux.

Dans certains pays, nous aurions donc négligé d’accorder aux niveaux intermédiaires leur juste place dans le FBP. Eric n’est pas sûr que détacher ainsi les FoSa de leur relation privilégiée avec les ECD est la bonne stratégie. Cela priverait notamment les FoSa de l’appui et de l’encadrement technique indispensables à l’atteinte d’une performance optimale, surtout lorsque les personnels  des FoSa ont un faible niveau de compétence.  Pour éviter cette situation, Eric soutient l’application du FBP comme un outil qui renforce tout le système sanitaire. Dans cette logique, les principes et les bonnes pratiques de l’approche s’appliqueraient à tous les acteurs du système de santé, les régulateurs y compris.

Enfin, Eric soutient que les ECD doivent veiller au respect des normes sanitaires. Les ECD doivent plus particulièrement s’assurer que les FoSa font des choix de stratégies qui cadrent avec ces normes sans pour autant chercher à se substituer à elles dans leur prise de décision.

Pour ce qui est de la liberté des FoSa à utiliser leurs fonds, Eric pense que les régulateurs doivent agir par un coaching persuasif et donner un appui aux Fosa pour opérer des choix techniquement efficients. Ainsi par exemple, dans tous les investissements réalisés par les FoSa, le régulateur se doit de vérifier si les choix collent avec les normes établies par le Ministère de la Santé en vue de prévenir   des investissements non prioritaires ou qui ne respectent pas les normes sanitaires.

De l’avis d’Eric, « le régulateur doit garder un œil sur les activités des FoSa ainsi que sur les choix qu’elles font dans le but de faire respecter les normes sanitaires et pour apporter un appui technique sur l’élaboration du Business Plan ainsi que sur sa mise en œuvre. Cependant, il ne doit pas chercher à se substituer au personnel de la FoSa lors de la prise de décision ». Cette ligne de pensée rejoint celle des « Modérés » qui avait été exposée par Joël Arthur Kiendrébéogo.
L’idée de redéfinition (clarification) des concepts (fonctions) déjà exprimée par Joël Arthur Kiendrébéogo et Eric Bigirimana est également soutenue par Bemadjingar Pascal (Médecin, Responsable FBR, Tchad). Pour ce dernier les concepts à redéfinir sont entre autres, la régulation, la supervision et l’encadrement. Sans cette clarification, le travail des ECD risquerait de nuire à l’autonomie de gestion des FoSa.


Un point de vue plus néolibéral

Comme vous l’avez sans doute observé par le passé, notre CoP accueille une diversité d’opinions. C’est Jean ClaudeTaptue Fotso (Manager, Agence d’Achat des performances, Littoral - Cameroun) qui s’est lancé pour défendre une ligne plus ‘néo-libérale’.

Il n’est pas d’accord avec l’idée exprimée par Eric selon laquelle les ECD disposeraient de compétences suffisantes pour encadrer les FoSa et les amener à observer les meilleures pratiques du FBP (élaboration des plans d’action, choix des stratégies à utiliser pour produire les résultats, etc.).

 Pour lui, si certaines ECD ne jouent pas suffisamment leur rôle, c’est simplement parce qu’elles ne sont pas bien formées sur le FBP. C’est lors des formations sur le FBP qu’ils prennent connaissance et maîtrisent les principes, les meilleures pratiques et les rôles des différents acteurs du FBP. Pour Jean Claude, les idées des ‘régulateurs’ sont suffisamment prises en compte lorsqu’ils décident des indicateurs à acheter et fixent leurs prix ; pour la mise en œuvre, il pense que c’est aux FoSa de décider.

 Il va plus loin en affirmant que l’ingérence des ECD pourrait même étouffer l’émergence des ‘génies’ parmi les prestataires des CDS, qui sont capables d’offrir des services appréciables pourvu qu’ils soient suffisamment motivés. Il fustige le cas de certains superviseurs du niveau central, moins formés sur le FBP que les acteurs du niveau opérationnel, et dont l’action sur le terrain peut parfois nuire au FBP.  Il souligne également la vision réductionniste de certains acteurs, qui résument le FBP à un simple mécanisme d’allocation des fonds, avant de préciser que le FBP va bien au-delà pour être une véritable réforme. Il soutient la séparation des fonctions et des rôles comme condition au développement harmonieux du FBP et du système de santé. Plus loin, Jean Claude soutient que le rôle des ECD doit également être de veiller au respect des normes de qualité, de gestion administrative et financière par les FoSa, idéalement par une activité de‘coaching’. 

Sa solution: tous les acteurs du FBP (les prestataires, les régulateurs, les financeurs, les décideurs impliqués de près ou de loin) devraient être bien formés sur le FBP (il fait allusion au type de formation de 14 jours souvent organisée ici et là sur le FBP) pour jouer pleinement leur rôle, que ce soit au niveau politique, stratégique ou opérationnel.  Sur ce dernier point, Jean Claude est donc plus consensuel.

S’agissant des manuels de procédures, Jean Claude rejoint l’idée exprimée par Eric pour reconnaitre que ce type de document devrait être bien rédigé de façon à garantir la séparation des fonctions et l’autonomie de gestion des FoSa.

L’idée de former tous les acteurs du FBP est soutenue par Joël Arthur, qui toutefois estime que ce serait simplifier les choses que de penser qu’une bonne formation signifierait «avoir suivi le type de formation de 14 jours sur le FBP » auquel fait allusion Jean Claude.  En outre, il revient sur l’idée d’ajouter l’élément « contexte » (nature et importance des inputs mis en place par chaque pays, processus de production), étant donné que des acteurs même très bien formés sur le FBP pourraient aboutir à de mauvais résultats simplement parce que le contexte dans lequel ils évoluent n’est pas favorable. Dans cette même logique, Joël Arthur ajoute que certaines dispositions des manuels de procédures FBP pourraient justement avoir été mises exprès dans ces  documents pour mieux prendre en compte du contexte dans lequel le FBP est mis en œuvre. 

Joël  Arthur rappelle l’idée souvent émise par différents experts, que le FBP n’est qu’un catalyseur pour le renforcement du système de santé ; mais qu’il ne doit pas être considéré comme une solution miracle à tous les problèmes. En outre, il pense que la mise en œuvre de cette approche devrait être un processus dynamique qui n’obéit pas  à « la loi de tout ou rien » souvent avancée par certains praticiens du FBP selon lesquels « soit on fait du FBP soit on n’en fait pas »

Cette loi du tout ou rien semble cependant soutenue par Jean PierreTsafack (Médecin, Manager AAP Bertoua-Cameroun), qui affirme que « mettre le PBF en œuvre sans maîtriser ses meilleures pratiques c'est faire autre chose et non le PBF ».

Patrice Ngouadjio Kougoum (Médecin, Manager Adjoint AAP Sud-Ouest, Cameroun) soutient la vue que le rôle des ECD ne doit pas rester dérisoire. Il pose la question de savoir comment l’ECD doit jouer pleinement son rôle d’amener les FoSa à être plus performantes. La question se pose plus particulièrement lorsque le ‘génie’ du Chef de la FoSa ne se développe pas ou que la performance (quantitative) des FoSa se développe très rapidement au détriment de la qualité. En outre, Patrice se demande comment l’on pourrait lier la performance des ECD (qui avec certaines grilles, atteint facilement 100%) à celle des FoSa de leurs districts sanitaires. Rena Eichler (Broad Branch, USA) répondra à cette question quelques jours plus tard en donnant un exemple de la Tanzanie (où les primes des ECD sont notamment dépendantes de la performance agrégée des FoSa, mécanisme qui par contre les exclut de la fonction de vérification). Joseph Shu donnera, pour sa part, un exemple de checklist utilisé au Cameroun.

Pour Jean Claude Taptue, l’autonomie des FoSa offre l’occasion à celles-ci de se désigner de bons responsables capables de diriger et de remplacer ceux qui en sont incapables. Face à certaines FoSa dont la performance est mauvaise pour des raisons évoquées par Jean Pierre, Jean Claude estime que ces FoSa peuvent être sanctionnées ; et les sanctions peuvent aller jusqu’à la suspension de leur contrat de performance, et ce jusqu’à ce qu’ils changent de chefs. C’est ce qu’il appelle « associer le bâton et la carotte ». S’agissant de l’évaluation des ECD, il propose d’abandonner les indicateurs de processus des DS pour se focaliser sur les indicateurs de qualité des FoSa de leur zone d’intervention.


Quatre fausses prémisses ?

Eric, revenant sur la position de Jean Claude et d’autres experts du FBP qui, selon lui, défendent l’autonomie « totale » des FoSa pense que leur position part de prémisses qui sont basées sur certaines fausses perceptions.

Première fausse prémisse : Ingérence des ECD dans le travail des Fosa 

Pour Eric, cette vision de ce qu’il appelle « les Puristes » du FBP part d’une fausse perception du rôle que doivent jouer les ECD. Tout partirait de leur vision négative quant au travail des ECD, qualifié d’ « ingérence », pour signifier une entrave ou une perturbation ou même une nuisance au développement des FoSa. C’est cette vision qui conduit à  assimiler la séparation des fonctions ou l’autonomie de gestion à la rupture des liens fonctionnels entre les FoSa et les ECD.

Eric propose à la place une vision selon laquelle les ECD sont là pour faire un travail d’encadrement et de coaching auprès des FoSa en vue de les aider à améliorer leurs prestations. Pour lui, il ne faudrait pas partir du fait que certaines ECD ne s’acquittent pas correctement de leurs tâches pour ignorer le rôle positif des ECD qui jouent correctement le rôle qui est le leur : le coaching persuasif. Eric pense que ce coaching persuasif n’entrave en rien l’inventivité des Fosa. Au contraire, il alimenterait la réflexion au niveau des FoSa en apportant un éclairage sur les dimensions mal maîtrisées par le personnel des FoSa.

Pour Eric, le rôle de coaching des FoSa par les ECD doit être maintenu étant donné que,  lorsque les résultats s’améliorent dans une FoSa, on salue son‘génie’ alors que lorsqu’ils sont mauvais, le réflexe sera de blâmer les équipes des FoSa parce qu’on ne comprend pas les processus sous-jacents aux résultats produits (positifs ou négatifs) au niveau opérationnel, alors que cette faible performance serait probablement la résultante d’un faible niveau de coaching par les ECD.

Répondant à la question posée par Patrice, Eric pense que l’autonomie de gestion prônée par le FBP ne devrait pas rimer avec une totale indépendance des Fosa vis-à-vis des ECD notamment sur les liens fonctionnels. Au contraire, il pense que la rupture fait courir le risque de démembrement, qui entraîne à son tour une fragmentation et une fragilisation du district de santé et de surcroît, la fragilisation du système de santé. Toutefois, ces liens fonctionnels ne signifient pas que l’ECD décide à la place des FoSa ou qu’elle dicte ce que ces dernières doivent faire, d’où Eric revient sur le besoin de définir clairement les attributions des rôles et des responsabilités des uns et des autres dans le cadre du FBP via le manuel des procédures.

Deuxième fausse prémisse : Les prestataires au niveau des Fosa sont les mieux placés pour connaître les besoins des populations et pour trouver des solutions à leurs problèmes

Avec cette prémisse, Eric pense qu’il y a quelque part une exagération, étant donné que les professionnels de santé  évoluant dans la plupart des centres de santé et des hôpitaux de district en Afrique seraient formés sur la prestation des soins cliniques (à quelques différences près entre pays). Leur cursus a en fait promus une « vision biomédicale de la santé » directement liée aux activités qu’ils feront dans les FoSa. Eric estime que dans ce type de formation, des aspects  importants de santé publique ne sont pas ou sont très peu développés. Il pense notamment aux aspects psycho-sociaux de la santé qui permettent de bien comprendre les enjeux de santé au niveau communautaire. Ceci suggère que les ECD (les seules supposées avoir des compétences techniques suffisantes en la matière) doivent encadrer les FoSa.

Troisième fausse prémisse : lorsque les indicateurs ne s’améliorent pas, il faut augmenter leurs coûts unitaires pour qu’ils décollent 

Pour Eric, cette prémisse est fondée sur la croyance que l’argent est le seul facteur motivant, ce qui n’est pas vrai. Si l’incitatif financier est l’un parmi les plus importants notamment dans les pays à faibles revenus, il serait loin d’être le seul dans les secteurs sociaux comme la santé où certaines valeurs sociales sont très fortes. Et il ajoute : « Penser qu’agir uniquement sur le levier des incitatifs financiers suffira c’est méconnaître les déterminants socio-comportementaux des professionnels de la santé quelque soit le pays où vous appliquez le FBP ». Basile Keugoung (éditeur de la lettre Politiques Internationales de Santé, Cameroun) soutient un argument analogue.

Quatrième fausse prémisse :   L’autonomie de gestion signifierait pour « les puristes »,   une totale indépendance entre différents acteurs

Ici également Eric pense que c’est une mauvaise interprétation  porteuse de risques pour le système de santé. Cette mauvaise interprétation aurait également un impact sur l’interprétation de la séparation des fonctions. Il rappelle que le rôle des ECD auprès des FoSa est indispensable, notamment pour s’assurer de l’élaboration des plans d’action de qualité et de leur mise en œuvre, la bonne utilisation de l’outil d’indice, la supervision, la gestion et l’analyse des données des FoSa de son aire de responsabilité.


La discussion s’est clôturée, avec des contributions de Christine Ename, Bruno Meessen, Michel Muvudi et Jean Claude Taptue sur la fonction du coaching, une fonction-clé oubliée dans la conceptualisation du FBP. Dans son partage d’expérience, Michel détaille avec clarté les trois grands enjeux d’un bon coaching : les aptitudes du coach, la méthodologie du coaching et une bonne compréhension des caractéristiques du groupe-cible du coaching.    

Le mot de la fin reviendra à Joël Arthur qui recommande que le FBP soit intégré dans le curriculum de formations initiales des personnels de santé en Afrique. Ce serait certainement la meilleure façon d’assurer la transition entre paradigmes !



Synthèse de la discussion

Notre sujet a suscité un large intérêt auprès des experts et praticiens, cela indique que la problématique est perçue comme importante. Les différentes contributions permettent de dégager les principales leçons suivantes :

1.    Le FBP est une approche reconnue comme innovante dans le financement de la santé. Loin d’être une simple allocation des fonds, il est une véritable réforme du secteur de la santé. A ce titre, il redessine la carte des responsabilités dans le système de santé, y compris au niveau décentralisé.

La communauté FBP a identifié un corpus de principes. Certains ont été rapidement énoncés et leur contenu exact est resté en partie indéterminé ou insuffisamment négocié avec les parties concernées. C’est le cas de l’autonomie des FoSa, en particulier dans leur relation aux ECD. Celles-ci étant parfois bien installées dans leurs rôles et prérogatives, peuvent entraver le développement du FBP, à tort ou à raison.

2.     Il ressort de notre discussion qu’il y a débat sur le degré d’autonomie à conférer aux FoSa vis-à-vis de leur ECD.

Certains experts tiennent à la responsabilisation des ECD, notamment dans l’accompagnement des FoSa. Leurs principaux arguments sont : (i) les districts sont des ensembles hétérogènes ; la responsabilité des ECD est d’organiser le système local de santé ; en découle une coresponsabilité dans la performance relative des FOSA de leur zone d’intervention que ce soit sur le plan qualitatif que quantitatif ;  (ii) les FoSa n’ont pas des capacités de production, de gestion ou d’innovation identiques; les moins performantes ont besoin d’un renforcement des capacités et d’un coaching ; (iii) les FoSa utilisent les fonds publics qui doivent être bien gérés en tenant compte de la politique sectorielle du Ministère de la santé et de leur plan d’action ; (iv) les prestataires des FoSa du niveau opérationnel en Afrique ont généralement un faible niveau de connaissance sur différents aspects de la santé publique ; ils ont besoin d’une guidance de proximité à cet égard. Les experts de ce courant sont aussi soucieux de développer des solutions en phase avec le contexte et se méfient d’une pensée FBP standard qui deviendrait trop idéologique. Ils prônent ainsi une implication des ECD ‘sur mesure’ : minimale si la FoSa est performante, proactive si la FoSa est défaillante. Ils rappellent que l’incitant financier, quoique très important, n’est pas le seul déterminant de la performance des prestataires; il est donc important d’utiliser les mécanismes dont disposent les ECD. La séniorité et l’expérience de ses membres (dans la mesure où il en est bien ainsi) sont un vrai atout à exploiter.

Un autre courant veut jouer de façon plus radicale la carte de l’autonomie des FoSa. Les experts de ce courant ont foi dans les lois du marché. Ils expriment un certain doute sur les capacités des ECD elles-mêmes. Ils pensent aussi qu’il ne faut pas essayer de remédier à tout de façon paternaliste; il faut ainsi accepter que le destin d’un manager incapable d’améliorer la performance de sa FoSa est peut-être de se faire remplacer.

                                                                                                                   
Notre proposition

Notre responsabilité n’est pas de départager ces deux courants. Notre avis est que c’est à chaque expert, face à une situation donnée, à déterminer la voie pertinente. Voici des points d’action qui nous semblent toutefois pouvoir rassembler un large soutien au sein de la CoP :                                                   

Le FBP marque un changement de paradigme : il prône une redéfinition et un recadrage des rôles et responsabilités des différents acteurs et à tous les niveaux, y compris au niveau du district de santé. Le niveau central du Ministère de la Santé doit être conscient de cette évolution et l’accompagner, notamment en donnant des directives pour prévenir les interférences intempestives par les ECD.

Du côté des acteurs mettant en œuvre le FBP, on peut sans doute prévenir un ‘rejet de la greffe’ en ayant une démarche proactive à destination des ECD.

Celle-ci peut consister en :

1.    Assurer que la formation d’initiation au FBP se fasse bien à destination de tous les acteurs de mise en œuvre, à tous les niveaux de la pyramide sanitaire, y compris les ECD. A terme, elle devrait être intégrée dans le curriculum de formation initiale du personnel de santé.  

2.    Discuter avec les ECD de leur rôle dans un système FBP, en particulier les fonctions dont ils sont premiers responsables. Il est important en effet de noter que le FBP a des attentes positives vis-à-vis des ECD : c’est à elles par exemple de veiller à ce que les FoSa prennent en compte les politiques et directives du Ministère de la Santé dans l’élaboration de leurs plans d’action. Les ECD peuvent aussi être sollicitées pour la vérification, etc.

3.    Il faut aussi avoir un dialogue sur les fonctions qu’ils assumaient précédemment (en distinguant peut-être celles qui étaient plus théoriques que réelles) et identifier les implications possibles de certaines recommandations du FBP (comme l’autonomie des FoSa) sur leurs prérogatives.

4.    Il faut aussi essayer d’intégrer les ECD dans les mécanismes d’incitation à la performance, en développant des batteries d’indicateurs capturant leurs fonctions principales.

5.    En général, il faut promouvoir une collaboration constructive entre les prestataires (FoSa), les ECD et l’agence d’achat; celle-ci passe par un dialogue inclusif dès la conception. Le principal objectif de ce dialogue doit être de clarifier d’une part le contenu exact de notions comme l’autonomie, la supervision ou la régulation et d’autre part, de préciser qui assumera certaines fonctions importantes du système local de santé : la formation continue, le coaching, etc. Cette clarification doit être intégrée dans le manuel de procédures.  Mais au préalable, il est important de bien comprendre les mécanismes garantissant une pleine efficacité de ces fonctions (cf. les contributions relatives au coaching). 

6.    Comme débattu et décidé à Dakar, il est temps de renouveler la vision du district de santé. Les ECD doivent réinventer leur rôle en établissant leur influence sur leur capacité à guider et conseiller, bien plus que sur leur autorité. 



Notes :

(1)    La règle locale était qu’un CDS ne pouvait accéder à la prime FBP que s’il avait une réserve en banque d’au moins trente millions de francs burundais, soit environ vingt mille dollars américains ; tandis que le manuel des procédures FBP conditionnait l’octroi de cette prime à l’existence d’un bénéfice, c’est-à-dire  des recettes du mois supérieures aux prévisions de dépenses du mois suivant ; et à l’existence des fonds permettant de couvrir au moins 60 jours de fonctionnement, stock de médicaments exclu.

(2)    Par obligation de synthèse, nous avons sélectionné certaines des interventions plus emblématiques. Nous vous renvoyons à la transcription intégrale de la discussion pour l’ensemble des contributions.


 


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Couverture Universelle en Santé: une étude multi-pays pour comprendre les défis liés à la fragmentation des régimes de financement de la santé

11/22/2013

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Allison Kelley

Dans ce billet de blog, Allison Kelley présente une recherche descriptive qui va être menée par des experts des communauté de pratiques « Accès Financier aux Services de Santé » et « Financement Basé sur la Performance » dans 12 pays francophones.  Le projet innove par son recours à un modèle collaboratif.

La « couverture universelle en santé » - CUS – a fait un bond sur les agendas politiques nationaux et internationaux. Les chefs d’état, les poids lourds des partenaires au développement, même les ONG internationales, tout le monde veut aller de l’avant. Quel accord ! Quel rêve ! Sauf que – et comme c’est souvent le cas – le diable se trouve dans les détails et ici dans leurs multitude, tant les mécanismes de financement abondent dans les pays africains : tarification des soins, allocation budgétaire, soutien en ressources physiques, mutuelles de santé, politiques de gratuité des soins, exemption des plus pauvres, financement basé sur la performance… à titre d’exemple, un de nos experts a pu déjà décompter 29 mécanismes différents au Niger !

Une telle fragmentation dans le financement de la santé, sans parler même des défis de qualité des soins et des ressources humaines, peut donc laisser songeur face à une certaine rhétorique en faveur de la CUS. Comment rassembler les pièces du puzzle de financement de la santé et les rendre cohérente à l’échelle nationale ? Dans de nombreux pays, c’est une multitude d’acteurs qui sont engagés dans la mise en place et le fonctionnement de ces régimes de financement de la santé (RFS), tous avec leurs propres objectifs. Beaucoup de ces acteurs n’ont pas nécessairement conscience que de la sorte, ils contribuent de facto à la couverture universelle sanitaire dans leur pays (1). Ils n’ont pas nécessairement non plus envie de collaborer ou d’être ‘fusionnés’.

La confusion et la diversité quant aux aspects relatifs à la gouvernance, aux objectifs poursuivis, au niveau d’intervention, aux groupes-cibles, aux sources de financement, aux budgets disponibles, aux critères d’éligibilité, à la gestion, à la performance, sont telles que plus personne ne dispose aujourd’hui d’une vue d’ensemble. Celle-ci est pourtant indispensable si le pays veut progresser vers un système national de financement plus équitable et efficient. Une telle vision d’ensemble permettrait en effet d’identifier les groupes sociaux les moins bien couverts, ceux qui le sont parfois deux fois (et les gagnants finaux de cette double couverture), les inefficiences, etc. Et je dirais que c’est une préalable avant de définir et de mettre en place une stratégie nationale de financement de la santé.

Une recherche multi-pays

Grâce à  l’appui financier des Fonds français « Muskoka » et de l’ONG Cordaid, des experts des communautés de pratique  « Accès Financier aux Services de Santé » et  « Financement Basé sur la Performance » entament une recherche collaborative dans douze pays d’Afrique sub-Saharienne francophone. Leur ambition est de documenter, de façon rapide et légère, l’écheveau des RFS. Il est espéré que cette « mise en carte » des RFS dans chacun des pays permettra de révéler la complexité de chaque situation nationale. Nous espérons également que la comparaison inter-pays permettra d’identifier des situations récurrentes (‘patterns’) qu’il nous faudra, sur base des savoirs disponibles en économie de la santé et économie politique, interpréter comme favorable ou défavorable à la progression vers la couverture universelle de la santé (2).  


Un processus collaboratif de A à Z

Cette recherche, modeste dans ses objectifs scientifiques (uniquement de la documentation descriptive exploitant des données secondaires générales et les savoirs détenus par les experts), est par contre innovante sur le plan méthodologique : depuis son début jusqu’à sa fin, elle repose sur un processus collaboratif.

Au printemps 2012 (oui, cela peut prendre du temps entre lancer une idée et la réaliser !), un brainstorming virtuel a été organisé sur les groupes de discussion en ligne des deux communautés de pratique. Il s’agissait pour nos membres de suggérer des thèmes de recherche pour une éventuelle proposition à soumettre au Fond Muskoka.  Nous avons ensuite soumis ces thèmes à un vote électronique des mêmes experts. Leur vote a été clair : la priorité est d’avancer dans la compréhension des articulations à trouver entre les nombreux RFS qui s’accumulent dans chaque pays.

Pour respecter ce large intérêt, nous avons opté pour un modèle de recherche qui serait ouvert à un maximum d’expériences (plutôt que de se concentrer sur 1-2 pays) : une description légère, un peu sur le modèle de ce qui avait été produit pour préparer l’atelier de Bamako (weblink). Nous avons dès lors lancé un large appel aux candidatures individuelles pour réaliser cette recherche. Le financement Muskoka étant orienté vers les pays francophones (et malheureusement, seulement une sélection d’entre eux), nous nous sommes retrouvés avec des candidats dans 10 pays : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée, le Mali, le Niger, la RCA, la RDC, le Sénégal, le Tchad, le Togo. Notre modèle collaboratif a toutefois permis à ce que projet soit, grâce au soutien de Cordaid, rejoint par deux pays « non-Muskoka » : le Burundi et le Cameroun.

Après la signature du contrat au printemps 2013, nous avons procédé à la mise en place de l’équipe de recherche. Une grille d’étude a été élaborée, partagée avec les équipes-pays impliquées et améliorée à partir de leurs commentaires. De la vraie co-production !

Etapes à venir

La recherche a désormais commencé. Les chercheurs sont en discussion continue sur les défis, les astuces, les stratégies pour dénicher les données financières…

Les résultats de la première phase de recherche – la mise en carte des RFS dans les 12 pays et une synthèse transversale de la situation – seront présentés à la Conférence AfHEA à Nairobi en mars et partagés plus largement avant mi-2014. Cette vue sur un quart des pays du continent devrait nous permettre de dégager des leçons génériques et peut-être de formuler quelques recommandations.

Début 2014, nous commencerons par ailleurs à préparer la deuxième phase (2014-2015) de cette recherche. Notre intention est d’élaborer une grille plus détaillée que nous testerons déjà dans au moins un pays. La 2° phase consisterait alors à mener ces analyses plus approfondies dans un maximum de pays (cela dépendra du budget disponible et des résultats par pays).

Il s’agira d’identifier les pertes d’efficience et d’équité générées par la multiplicité des RFS et essayer d’identifier des pistes d’action. Il sera alors possible, espérons-nous, de formuler des recommandations pour chaque pays documenté dans cette seconde phase.

Une telle recherche est bien un terrain nouveau pour nos CoPs. C’est la première fois que nous sollicitons ainsi certains de nos membres pour une documentation systématique. Ce qui nous paraît intéressant avec ce projet est que nous allons nous insérer dans un terrain peu occupé aujourd’hui : celui des études multi-pays. Entre les études individuelles approfondissant le financement de la santé d’un pays et les tableaux produits chaque année par l’OMS sur les dépenses de santé, il y a un espace ! Les CoPs ont peut-être un rôle à jouer, compte tenu de leur implantation désormais dans quasi tous les pays africains.  La réussite dépendra toutefois de certains facteurs tels que de notre capacité à nous coordonner et à nous entraider, le cas échéant. Nous veillerons dès lors à documenter ce modèle original de collaboration.

On vous donne rendez-vous à dans quelques mois. En espérant qu’on pourra apporter un nouveau savoir sur comment exploiter la multiplicité des RFS existants pour progresser vers la CUS.

Notes

(1)  Celle-ci est en effet assimilée, à tort, avec la couverture-maladie (qui comme son nom l’indique se désintéresse de la prévention et promotion de la santé) ou même avec la mise en place d’une assurance-maladie obligatoire (Voyez déjà comment nous peinons à traduire le concept de « Universal Health Coverage » en français !).
(2) Entendue comme une situation au niveau national d’un usage optimal des ressources pour assurer l’accès de chacun à des soins de qualité, respectueux de sa personne et assurant une protection contre l’appauvrissement

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Le Financement Basé sur les Résultats : un nouvel instrument politique pour les gouvernements africains

11/14/2013

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Bruno Meessen

Dans ce billet de blog, Bruno Meessen (IMT, Anvers et CoP FBP) montre comment le financement basé sur les résultats peut être un nouveau levier pour les gouvernements africains engagés dans le combat en faveur du planning familial… notamment quand d’autres acteurs sociétaux y sont hostiles.  

Le bâton, la carotte et le sermon

Que vous soyez chef d’un gang, patron d’une compagnie, général d’armée, ou parent, vous avez trois grands instruments pour orienter les comportements de vos semblables : le bâton, la carotte et le sermon.

Sous la métaphore du bâton, on rangera les différents dispositifs dont vous disposez pour décourager et si nécessaire, sanctionner, les comportements non alignés sur vos objectifs. C’est l’amende que vous inflige le policier vous conduisez sans ceinture, c’est la balle dans le genou (au mieux) pour le bandit qui a trahit son boss, le non-renouvellement de contrat pour votre fournisseur à cause d’un service de piètre qualité. La carotte, c’est bien sûr la métaphore pour la récompense. C’est la médaille pour le soldat valeureux, le diplôme pour l’étudiant studieux, le prix payé au boulanger pour son pain et bien sûr le paiement à la performance, que je ne dois pas expliquer sur ce blog.

Sous le titre du sermon, on réunira toutes les stratégies d’éducation et de persuasion. Les économistes vous diront qu’il s’agit de modifier les préférences des agents économiques. Plus prosaïquement, il s’agit d’atteindre la situation où vos semblables, convaincus, adoptent par eux-mêmes les comportements qui sont alignés sur vos objectifs. Ça passe essentiellement par de bonnes explications, avec un avantage si vous disposez d’une certaine autorité morale (comme la maman auprès de son enfant, l’enseignant auprès de ses élèves ou le prêtre auprès de ses paroissiens).

Ces trois outils ont leurs forces et faiblesses, à apprécier dans chaque configuration particulière. Les experts du FBP, s’ils croient au pouvoir de la ‘carotte’, savent aussi qu’elle n’est pas à même de changer tous les comportements. Le ‘sermon’ sera ainsi particulièrement utile quand il est impossible de vérifier le comportement ou quand le comportement à privilégier est aussi bénéfique pour son exécutant (ex : utiliser un condom). On notera aussi que les temps changent : nos sociétés chérissent de plus en plus la liberté et la responsabilité individuelle. Le ‘bâton’ est dès lors de moins en moins toléré et certaines formes utilisées par le passé sont même désormais prohibées par la loi.

Mieux apprécier l’opportunité offerte par le Financement Basé sur les Résultats (FBR)

Ce sont donc ces trois outils dont disposent les gouvernements pour influencer le comportement de leurs citoyens. À cet égard, il est patent que le FBR, par son ingéniosité, a constitué un enrichissement significatif de la boîte à outils des gouvernements africains. Mon souhait serait parfois qu’ils exploitent de façon encore plus stratégique cet instrument, en particulier quand il s’agit de se confronter avec d’autres leaders promouvant des vues contraires à leur propre vision du développement.

Donnons un exemple. Imaginez un pays africain confronté à un sérieux problème démographique à un point tel que la forte natalité exercerait une pression de plus en plus dommageable sur l’économie et plus fondamentalement, compromettraient les opportunités qui seront disponibles aux citoyens dans le futur. Imaginez que le gouvernement ait identifié la planification des naissances par des parents informés comme, d’une part, un droit humain fondamental et d’autre part, une nécessité pour soutenir le développement du pays. Imaginez qu’un leader religieux promeuve une vision contraire… par un sermon bien sûr. 

Que devrait faire le gouvernement en question ? Doit-il opter pour le bâton (ex : un ferme rappel à l’ordre à la hiérarchie du leader en question, avec menace de sanction), une confrontation ‘sermon’ (du président) contre ‘sermon’ (de l’évêque, par exemple) sur le fond du sujet? Je serai président de ce pays, j’y réfléchirai à deux fois. Si l’évêque (par exemple) a osé contester vos choix, c’est sans doute parce qu’il sait que le rapport de forces ne vous est pas favorable pour le moment. À certains moments de la vie politique, une confrontation publique sur le sujet peut de fait être dommageable à vos objectifs : l’église en question peut être puissante ; du reste, étant donné son engagement dans les secteurs sociaux (écoles, centres de santé…), elle restera un partenaire avec qui il faudra continuer à collaborer.

Le FBR : un levier puissant pour le changement

Etes-vous alors impuissants ? Avant le FBR, c’était peut-être le cas. Mais je pense que le FBR offre désormais de nouvelles opportunités d’action au gouvernement. Une première piste, si ce n’est déjà fait, est d’introduire le planning familial dans la grille du FBP des centres de santé (pour faire simple : le gouvernement verse au centre de santé par exemple 1 dollar pour chaque nouvelle femme s’inscrivant chez ce dernier pour adopter une méthode de contraception moderne). Si les indicateurs de planning familial sont déjà présents dans le FBP des centres de santé, le gouvernement peut augmenter le barème pour leur remboursement (il paie au centre de santé, par exemple, 3 dollars par nouvelle femme inscrite). Le gouvernement peut aussi faire, comme au Burundi, des contrats à la performance avec les associations communautaires : il paie (aussi) l’association qui a convaincu une nouvelle femme à adopter la contraception moderne (par exemple, 1 dollar).

Mais il peut aller encore plus loin : il peut décider par exemple d’introduire un système de coupons (‘vouchers’) qui rétribuerait par exemple, 2 dollars, toute femme qui déciderait d’utiliser pour la première fois une méthode moderne de contraception (bon, quelques-unes mentiraient peut-être, mais est-ce vraiment notre premier problème ?). Et pour distribuer ces coupons dans la communauté, on mobiliserait bien sûr les agents de santé communautaires féminins (avec une petite récompense pour chaque femme référée au centre de santé).

Avec cette dernière stratégie, on utiliserait donc la ‘carotte’ pour amener les agents de santé communautaires à convaincre (par le ‘sermon’) d’autres femmes à changer leurs comportements. Avec leur propre expérience d’épouses, mères, sœurs, copines et voisines, je suis certain qu’elles trouveront les mots justes pour convaincre leurs semblables.  

En mobilisant les femmes actives au niveau communautaire en Afrique, il me semble que le FBR peut mobiliser des centaines de milliers d’agents de persuasion capables de battre bien des prêcheurs !

Partageons ce message avec les décideurs !

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Quand  la participation communautaire rencontre le financement basé sur la performance au Burundi

9/18/2013

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Jean-Benoît Falisse

Dans le cadre de notre série sur les 25 ans de l'Initiative de Bamako, Jean-Benoît Falisse interviewe le Docteur Canut Nkuzimana, membre de la CoP Financement Basé sur la Performance depuis sa création. Canut a travaillé au Ministère de la Santé du Burundi à la fin des années 1990 avant de rejoindre Cordaid. Il a eu l’occasion de participer à la mise en place des premiers comités de santé (COSA) du Burundi, au développement du financement basé sur la performance (FBP) dans le pays et plus récemment à celui du « FBP communautaire ». Il nous parle de ses expériences.

Jean-Benoît Falisse: Vous avez eu l'occasion de mettre en place des comités de santé dans le sud du Burundi pour le compte de Memisa (futur Cordaid). Comment cela s'est-il passé?

Canut Nkuzimana: En février 2002, quand Memisa me recrute pour piloter son projet de soins de santé primaire à Makamba, la région était encore une zone de guerre. Plus de 40% de la population de la province vivait dans des sites de déplacés intérieurs. Ces sites -des lieux de misère, de maladie et d’abus de toutes sortes- étaient situés autour des centres de santé et des écoles. Certaines de ces institutions avaient d’ailleurs cessé de fonctionner pour n’être plus que des abris pour déplacés de guerre. Dans les centres de santé qui fonctionnaient encore, la gestion était calamiteuse; le staff qualifié avait bien souvent déserté et le personnel gérait le centre comme il l’entendait. Il n’y avait aucun suivi. Mon projet cherchait à relancer les activités dans les centres de santé où la situation le permettait et à mettre en place des postes de soins dans certains sites pour permettre à la population d'avoir un paquet réduit de services: vaccination, planification familiale, services curatifs.

A l’époque, l’OMS et le Ministère de la Santé avaient commencé à promouvoir l'idée d'organiser la population pour qu'elle soit co-gestionnaire des services de santé et le contexte de Makamba nous a fait passer à l’action. La population devait co-gérer l’aide qu’elle recevait. Pour y arriver, des activités de sensibilisation ont été réalisées à l’endroit de l'autorité administrative (pertinence de l'action), de la population (importance de la gestion et de la redevabilité) et du personnel des centres de santé (nécessité de collaborer avec la population). Après ces séances, nous avons organisé, avec l'administration communale et le secteur de santé (district sanitaire: encore secteur de santé dans le temps), une assemblée générale par aire de santé. La population y recevait une explication préalable sur la nature, la mission, la composition et les obligations des COSA avant de l’élire.

Le principe était que chaque colline de l'aire de santé élise elle-même deux personnes (un homme et une femme, de deux flancs différents de la colline) dites intègres, dévouées à leur cause, et qui manifestent la volonté d'être élus pour les représenter au sein du COSA. Une fois les membres élus, ceux-ci mettaient en place un bureau exécutif. Les élections étaient suivies de formations et d’un long processus de suivi. La population était fière de participer à la gestion des centres de santé et cela a été un point de départ pour organiser une participation communautaire effective.

Comment cela a-t-il évolué ?

En 2002, la stratégie de comité de santé est devenue plus évidente et plus facile à mettre en place car (1) la population vivait dans les sites de déplacés et était donc plus facile à réunir, (2) la situation de crise rendait la population particulièrement sensible aux questions de santé et (3) en tant que « bailleur » nous étions plus écoutés par les formations sanitaires et la population. La stratégie communautaire nous permettait aussi de rassembler et de travailler sur la polyvalence et l’intégration des différents agents de santé communautaires qui travaillaient jusque-là en solo, sans financement, et qui n'étaient utilisés que ponctuellement en période d'épidémie. Enfin, en tant que structures de dialogue communautaire, les COSA nous aidaient dans l’identification et le suivi de la prise en charge des personnes vulnérables (indigents) par les centres de santé et les hôpitaux de première référence.

Dès 2006, la gratuité des soins de santé pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans a été mise en place au Burundi. Différentes initiatives de financement basé sur la performance ont également été mises en place à ce moment. Quelle a été la place de la participation communautaire là-dedans?

Sur la gratuité d’abord, le rôle du comité de santé est d'éclairer ces aspects de santé maternelle et infantile et d'informer la population des directives du ministère de santé. C'est le comité de santé qui doit expliquer aux ménages qu'il faut enregistrer les naissances et qu'il faut avoir des documents à présenter au niveau de la structure de santé. Le COSA permet un meilleur suivi, de voir si le système est équitable, si tous sont couverts; il défend les droits du bénéficiaire dans l'aire de santé.

Au niveau du FBP, l’interaction communautaire se fait à trois niveaux. D’abord le COSA est co-gestionnaire et participe à l'élaboration du plan d'action du centre de santé, lequel est l'outil de négociation du contrat. Ensuite, il y a la mise en place d’un système de contractualisation des agents de santé communautaire. Enfin, le système FBP va contracter des associations locales pour participer à l’audit des formations sanitaires (évaluation communautaire).

Aujourd'hui, on parle au Burundi de FBP communautaire, est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que c'est?

A l'instar du FBP dit ‘clinique’ qui subventionne les services prestés par les  formations sanitaires, le FBP communautaire subventionne les résultats des agents de santé communautaires organisés. Les activités de ces agents se font sur 3 aspects: la sensibilisation de la population pour l'utilisation des services; la récupération des abandons (vaccination, tuberculose, ARV, etc.) et l'offre de services par les distributions (moustiquaires, méthodes contraceptives, etc.) (voir tableau ci-dessous, taux de change: 1 $ = 1530 FBU).

Paquet Indicateur Tarif (FBU)
Référence communautaire Client Conseil et Dépistage Volontaire (CDV) référé 500
Cas de fièvre référé 100
Cas de malnutrition dépisté et référé 500
Femme enceinte référée pour accouchement 1 500
Client Planification Familiale (PF) référé 700
Femme enceinte référée pour Consultation Prénatale (CPN) 200
Mère référée pour Consultation Postnatale (CPoN) 200
Recherche d’abandons Cas traitement Antirétroviral (ARV) perdu de vu récupéré 13 000
Cas Prévention de la Transmission Mère-Enfant (PTME) perdu de vu récupéré 13 000
Cas d'abandon du Programme Elargi de Vaccination (PEV) récupéré 800
Tuberculose Suspect confirmé par le Centre de Dépistage et de Traitement (CDT) 1 000
Suspect confirmé et positif 3 000
Examen de contrôle (C2, C5, C6, C8) 500
Approvisionnement en médicaments antituberculeux (par mois) 1 000
Tuberculeux déclaré guéri 5 000
Malade accompagné au CDT pour effets secondaires des antituberculeux 2 000
Sensibilisation Visites à domicile (10 par mois max.) 8 000
Séances de sensibilisation (10 par mois max.) 4 000

Tout cela va dans le sens de la politique de santé communautaire nouvellement élaborée par le ministère de la santé. Le centre de santé, en tant que structure de premier contact, n'était pas en mesure de fournir tous les services à la population et il fallait donc déléguer un certain nombre d'activités aux agents de santé communautaires.

Cela ne demande pas tellement de formation et l'agent de santé communautaire peut aussi être mis à contribution pour d’autres choses et décharger ainsi le centre de santé. Il peut par exemple donner l'information sur l'évolution des cas (par exemple dans le suivi du traitement de la tuberculose à la deuxième phase) et, dans certains cas, aussi contribuer à la référence en cas de complications.

Certains voient l'utilisation d'agents communautaires payés (le modèle FBP communautaire en quelques sortes) comme une forme réduite de participation communautaire où les agents sont en quelques sortes "instrumentalisés"? Qu'en pensez-vous?

J'ai un avis contraire. Il faut partir du contexte et de la mission que l'on veut confier aux acteurs communautaires. Dans un contexte de crise identitaire et économique, certaines questions d'éthiques doivent être abordées de façon spécifique. Le bénévolat n'a apporté de solutions nulle part. Si le prestataire de soins est rémunéré, pourquoi son sous-traitant qui est l'association des agents de santé communautaire ne le serait pas également? C'est une question d'équité. Beaucoup de gens travaillaient au niveau communautaire (d’ailleurs souvent avec des cadeaux) et c’était assez cacophonique. On trouvait des agents de santé communautaire formés par les intervenants, des accoucheuses traditionnelles et des pairs éducateurs formés par d’autres projets. Il fallait rationaliser et mettre à profit tout cela. C’est ce que nous avons fait avec le FBP communautaire qui incitait ces acteurs à se rassembler en associations. Ces associations n’ont progressivement gardé que les meilleurs et les plus motivés des agents de santé. Une vraie dynamique s’est installée et ces associations deviennent maintenant des références au niveau de la communauté et sont engagées dans son développement, parfois au-delà de la santé.

Ce système renforce le niveau communautaire du système de santé du Burundi. On a en effet senti les limites du système quand la communauté n'est pas impliquée. Il n'y a pas moyen de développer les activités promotionnelles sans impliquer la communauté. Grâce aux agents de santé communautaire, le centre de santé dispose d'un relais au niveau communautaire. Maintenant, il est certain qu’en finançant l'agent de santé communautaire, on doit prendre aussi des précautions afin qu'il ne se crée pas une confrontation, une jalousie entre le centre de santé et l'agent de santé communautaire. L'agent de santé communautaire ne devient pas pour autant un fonctionnaire. Il faut que les prestations qui sont offertes soient ponctuelles et qu'elles soient aussi rémunérées en fonction de la réalité des conditions de vie du burundais (le salaire d’un burundais qui travaille à la houe est de 2000BIF/jour).

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Est-ce que les limites du bénévolat ne s'appliquent pas aussi pour  les comités de santé ?

Pour les comités de santé aussi, le bénévolat a été en quelque sorte surmonté à travers la mise en œuvre du FBP. Nous avons senti que  si le centre de santé rémunère les prestations des membres du comité de santé, ce comité de santé n'aura plus de valeur représentative pour la population qui l'a élu. Donc, il a été imaginé une formule qui recommande aux structures de santé de contribuer au fonctionnement du comité de santé par un apport de 5% pourcent de ce qu'elles reçoivent en FBP. Le montant qui est donné n’est pas une prime, c’est un apport au fonctionnement. Le COSA peut s’acheter des stylos, du papier, des classeurs pour son fonctionnement. Et s'il faut payer une boisson le jour des réunions, c'est à eux d'apprécier. Les recettes qui sont générées au niveau du centre de santé sont en quelques sortes un apport de la communauté  à son financement et il est donc logique qu’une partie de celles-ci servent au bon fonctionnement de l’appareil de co-gestion communautaire du centre de santé. 

                                                                                                                                                                                                                                                                                    
Est-ce que la participation communautaire dans la santé a un avenir dans la région des Grands Lacs?

Oui, mais ça passe d’abord par la paix. Sans elle, difficile de continuer à travailler avec les communautés dans la durée. Dans le même temps, dans le contexte qui est le nôtre, l’approche communautaire donne une chance de rapprocher les populations, de les unir autour d'une même vision, d'un intérêt commun. A travers le FBP communautaire, il y a même une possibilité d’injecter un peu de fonds et de forme au niveau de la communauté. Une communauté qui est occupée, qui a du travail, qui a un intérêt commun, est beaucoup moins manipulable. La seconde condition est que le système de santé appréhende les besoins et réserve dans sa planification un financement pour ce  niveau. Il faut en effet organiser des formations cadrées pour ces acteurs communautaires.

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Financement basé sur la Performance : compte rendu d’une conférence académique à l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers

8/19/2013

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Serge Mayaka

Dans le cadre de la nomination de Bruno Meessen comme professeur à l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers (IMT/Anvers), une conférence académique a été organisée le 29 avril dernier à l’IMT autour du thème « le financement basé sur la performance, un levier pour progresser vers la couverture universelle en soins de santé dans les pays pauvres ». La conférence fut ponctuée par trois temps forts, à savoir : le discours de circonstance du nouveau professeur, une présentation magistrale et un débat contradictoire avec le Professeur Jean-Pierre Unger de l’IMT/Anvers. Dans ce billet, Serge Mayaka, de l’Ecole de Santé Publique de Kinshasa et doctorant à l’Université Catholique de Louvain, rapporte ce qu’il en a retenu. 

Dans son discours d’ouverture (que vous pouvez retrouver ici), le Professeur Bruno Meessen, qui, avec d’autres experts africains et européens, a contribué à développer et théoriser le FBP au Rwanda il y a 10 ans, a évoqué la vague FBP qui parcourait l’Afrique. Tout en partageant ses espoirs, il a aussi souligné que l’approche reste une proposition inachevée et perfectible.

Ce qui m’a amusé le plus, c’est comment Bruno a secoué le cocotier de l’IMT (c’est le logo de l’Institut !). Le message était un peu « le FBP est un fait, pas une idée : aidez-nous à réussir ces réformes ». Il a relevé que l’IMT dispose des cadres conceptuels, des esprits et du rayonnement nécessaires, pour assumer un rôle intellectuel plus important dans l’accompagnement scientifique et politique des réformes FBP. Il a, à travers quelques points, décliné clairement sa proposition d’engagement collectif plus ferme de l’IMT au bénéfice du FBP. Le futur nous dira s’il est entendu.

La présentation magistrale qui a suivi, a surtout porté sur la nécessité d’une entente autour de critères clairs pour un débat plus sain et moins passionné à l'égard de toute proposition politique portant sur les systèmes de santé des pays pauvres. Selon lui, sans de tels critères, les participants au débat sur une proposition spécifique risquent d’être ballotés au fil des opinions ou des spéculations (voir aussi son billet de blog ultérieur).

Sa démarche réflexive (encore en cours de construction), a permis d’identifier 12 caractéristiques opérationnelles sur lesquelles il serait possible d’apprécier toute proposition politique, notamment celle concernant le financement des soins. Le temps était compté et l’orateur a dû faire vite, mais en appliquant cette grille de 12 critères au FBP, il a abouti à la conclusion que cette approche s’en sortait bien, surtout en Afrique. Il a reconnu toutefois que sur certains traits, d’autres stratégies (non exclusives) font peut-être mieux. C’est ainsi qu’il recommande de coupler le FBP avec d’autres approches.

Ce n’est pas trahir la pensée du professeur Jean Pierre Unger de l’IMT que de dire qu’il ne partage pas du tout le point de vue de Bruno sur le FBP. Ses doutes et ses critiques reposaient sur: les capacités de mise en œuvre d’un contrôle efficace pour le FBP dans les pays en développement au vu de la faible solidité de l’appareil de l’Etat (voir aussi son éditorial pour la newsletter IHP); la faible attention qu’accorde le FBP à l’éthique hippocratique et à la motivation intrinsèque ; l’évaluation inadaptée de la qualité des soins qui porte, en grande partie, sur des décisions complexes et non-standardisables ; le réel impact de la prime de performance ; la faible confiance faite aux prestataires. Comme alternative, il estime qu’il faut réfléchir à une motivation qui humanise le professionnel de santé, au lieu de le ramener à n’être qu’un agent économique. D’où sa proposition de développer et promouvoir le professionnalisme.

Au cours du débat qui s’ensuivit, de nombreuses préoccupations ont été soulevées aussi bien pour Bruno Meessen (association entre le FBP et les autres approches, avantages des effets du professionnalisme sur le FBP, les lacunes de l’évaluation de la qualité par les pairs, les risques de perturbation des finances publiques en cas d’institutionnalisation du FBP, les risques liés au montage, la compatibilité entre motivation intrinsèque et extrinsèque etc.) que pour Jean Pierre Unger (doute sur le caractère altruiste des agents de santé soucieux notamment de l’intérêt de leurs familles, avantages du professionnalisme, de la motivation intrinsèque et des ‘sermons’ dans une contexte de précarité, des propositions sur l’évaluation de la qualité des soins, la faible implication de l’IMT dans la documentation et l’analyse du FBP, etc.)

Ma synthèse personnelle

Ce qui est ressorti de ce débat est ce que nous avons pu observer ailleurs : le FBP continue à susciter des discussions animées, en particulier dans le monde académique. Selon moi, au lieu de polariser le débat, il faut aller sur le terrain, interagir et participer à l'amélioration des expériences.

Je partage l’analyse que le FBP est imparfait face à la multi-dimensionnalité de la qualité des soins et que le professionnalisme du personnel de la santé est une partie de la solution. Mais plutôt que faire de ces préoccupations des arguments contre le FBP, il faudrait les convertir en propositions d’action. Où sont les projets innovants à ce niveau de la part des adversaires du FBP? S’ils ne proposent rien de concret, c’est peut-être aux experts du FBP à prendre le problème à bras-le-corps. Un travail d’adaptation des outils FBP demeure possible, pour que le signal que le FBP souhaite apporter, ne soit pas perverti, et pour qu’on ne se focalise pas uniquement sur quelques prestations rémunérées.

Pour le reste, il faut constater qu’avec le FBP, comme pour toute autre stratégie complexe, il y a des enjeux de mise en œuvre. Mais le FBP n’a pas la prétention de vouloir tout faire seul et donc il faut voir comment monter des interventions complémentaires (gratuité, mutuelles de santé, etc.).

Pour conclure, je dirais que nous devons privilégier les leçons des expériences concrètes, faire preuve d’idéalisme, mais sans naïveté sur ce qui mobilise les individus actifs dans les systèmes de santé. En ce qui concerne le FBP, ma recommandation serait de lui donner la chance de prouver qu'il peut contribuer à améliorer la performance de nos systèmes de santé. Car une telle amélioration, nos systèmes de santé en ont bien besoin.

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Financement basé sur la performance: l'enjeu du secret professionnel

7/1/2013

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Joël Arthur Kiendrébéogo

Le lundi 11 mars 2013, Joël Arthur Kiendrébéogo (AEDES, Tchad), médecin et économiste de la santé, partageait sur le groupe de discussion en ligne de la Communauté de Pratique PBF (CoP PBF) sa préoccupation sur la protection des informations médicales utilisées pour les activités de vérification dans le cadre du PBF. Son message suscita un riche débat où expériences et réflexions furent échangées. Dans cet article, Joël revient sur la question, résume les différentes propositions échangées par les membres de la CoP et formule des recommandations.

1.      La problématique du secret médical 

« Il n’y a pas de médecine sans confiance, de confiance sans confidence et de confidence sans secret », affirmait Louis Portes, Président du Conseil National de l’Ordre des Médecins en France, lors d’une Communication à l’Académie des sciences morales et politiques le 5 juin 1950. Cette préoccupation autour de la question de la protection des informations médicales remonte aux origines de la profession médicale. Ainsi le serment d’Hippocrate, vieux d’au moins 2300 ans et que prononce tout médecin avant son entrée en fonction, stipule selon sa version dite de Montpellier que «… Admis dans l’intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s’y passe, ma langue taira les secrets qui me seront confiés, et mon état ne servira pas à corrompre les mœurs ni à favoriser le crime… ». Mais on préfère de plus en plus le terme de « secret professionnel » à celui usuel de « secret médical » pour souligner que cette obligation de secret n’est pas propre aux médecins mais s’applique aussi à tout professionnel de santé ou tout professionnel travaillant dans le système de santé (personnel administratif, assistants sociaux, psychologues etc.) et en dehors (avocats, magistrats etc.). Le code pénal français dans ses articles 226-13 et 226-14, en vigueur depuis le 1er janvier 2002, ne mentionne même plus de profession spécifique, mais parle d’ « informations à caractère secret » détenue par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire.

Pourquoi cette confidentialité est-elle importante ? 

Pour des raisons d’ordre professionnel, éthique et légal! 

La confiance du patient envers le professionnel de santé est indispensable pour que le premier révèle au second des informations cliniques importantes afin qu’un bon diagnostic puisse être posé et un traitement adéquat prescrit. La qualité des soins est donc directement en jeu ici. La rupture de la clause de confidentialité peut également faire baisser les taux de fréquentation en entraînant une attitude de méfiance de la population vis-à-vis des soins de santé modernes. Elle préfèrerait en effet rester sans soins ou se tourner vers du personnel non qualifié, ou encore s’adonner à l’automédication.  

Par ailleurs, respecter le secret c’est respecter la vie privée d’autrui, essentiel pour que le patient puisse garder le contrôle de son image public et soit à l’abri d’éventuelles discriminations. La maladie peut en effet constituer un handicap dans sa vie personnelle, sociale et/ou professionnelle. A ce titre, la confidentialité peut être considérée comme un aspect du principe éthique élémentaire du « primum non nocere » (ne pas nuire avant tout) d’Hippocrate que tout professionnel de santé devrait garder en tête dans l’exercice quotidien de ses fonctions.

La confidentialité permet enfin le respect de l’autonomie du patient. Ses données médicales lui appartiennent avant tout et il a le droit de déterminer qui peut avoir accès ou non aux informations le concernant. Ce droit demeure même après sa mort, et sa violation, même sans intention de nuire, est réprimandée.

Confidentialité pour confidentialité ?

Assurément non, car cette confidentialité n’est pas toujours absolue et des dilemmes peuvent se poser aussi bien sur le plan légal (à l’origine parfois de jurisprudence), éthique ou professionnel. Il existe en effet des situations où la loi peut autoriser ou même imposer la révélation d’informations à caractère secret, mais à des personnes autorisées. Il s’agit par exemple de permettre à certains fonctionnaires de remplir une mission d’intérêt général (rôle de régulation du système de santé) ; ou encore de certaines situations pouvant constituer une menace à la santé publique et/ou à l’ordre public (maladies à potentiel épidémique, psychiatriques…). L’enjeu dans ces cas est plus souvent de contrebalancer l’intérêt public avec la violation ou non du secret. La décision est alors prise en fonction des enjeux particuliers et des contextes spécifiques.

2.      Le secret professionnel dans le cadre du PBF

La mise en œuvre d’une politique de PBF dans la santé soulève de nombreuses interrogations relatives à la confidentialité des données à caractère civil et médical. Lors de notre discussion, les membres de la CoP PBF ont reconnu que la question mérite attention et devrait être constamment prise en compte. Comme déjà mentionné ci-dessus, le non-respect de la confidentialité peut entraîner, au-delà des questions purement légales et éthiques, des problèmes dans la démarche diagnostique et une désaffection des structures sanitaires ; ce qui toucherait même le cœur du PBF dont l'objectif est justement l’amélioration de la santé, par un accroissement de l’utilisation et de la qualité des services de santé. Le problème se pose essentiellement au niveau de la capitale activité de vérification qui concerne plusieurs entités et volets : (i) les structures sanitaires, au plan quantité et qualité (avec parfois contre-vérification) ; (ii) la communauté, pour contrôler la véracité des données fournies par les formations sanitaires et recueillir le niveau de satisfaction de la population par rapport aux soins reçus.

La problématique n’est pas la même dans chacun des cas et selon la nature des informations à vérifier. C’est habituellement avec les indicateurs de la Santé de la Reproduction (planification familiale,  infections sexuellement transmissibles et VIH/SIDA…) que les problèmes d’ordre éthique et de confidentialité se posent le plus. Même si le montage institutionnel peut varier selon les pays, les vérifications quantitatives sont souvent assurées par des agences de contractualisation et vérification (ACV) et les contre-vérifications par des ONG. Quant à la revue de la qualité, elle est généralement assurée par les autorités sanitaires,  les pairs ou les ACV. La vérification communautaire, elle, est souvent faite par des organisations à base communautaire (OBC).

Au total, nous avons comme acteurs intervenant dans les activités de vérification :

-          les autorités sanitaires superviseurs ;

-          les pairs évaluateurs (habituellement des médecins) ;

-          les agents vérificateurs et/ou contre-vérificateurs des ACV et des ONG ;

-          les enquêteurs des OBC.

Cette pluralité des acteurs est en elle-même une menace à la confidentialité des données, impliquant une plus grande prudence et la prise d’un minimum de dispositions.  

3.      Les points de vue et propositions des membres de la CoP PBF

Des discussions qui se sont tenues sur le forum, on peut globalement retenir les points suivants :

Au niveau des autorités sanitaires et des pairs

A priori, le problème ne se pose pas à leur niveau puisqu’en règle générale, des dispositifs législatifs et règlementaires leur donne accès, dans le respect de règles déontologiques, à certaines informations pour pouvoir remplir leurs missions d’intérêt général. Par ailleurs, il s’agit souvent d’agents déjà liés par le serment de confidentialité.

Au niveau des agences de contractualisation et de vérification et des ONG

L’importance que la vérification quantitative soit assurée par des vérificateurs qui soient des professionnels de santé (et qui ont donc prêté serment de confidentialité) a été souligné par plusieurs membres de la CoP comme Robert Soeters (SINA Health, Pays-Bas), Olivier Basenya (Coordinateur adjoint de la cellule PBF, Burundi), Jean Paul Niyibigira (Université de Liverpool, UK) et Bruno Meessen (Institut de Médecine Tropicale, Anvers). Mais Michel Muvudi (UE, 10ème FED, RDC) et Leonard Ntakarutimana (Institut National de Santé Publique, Burundi) pensent que cela n’est pas suffisant. Le premier estime en effet qu’ils ne sont pas dans l'exercice d'une fonction à proprement parler médicale mais de contrôle, et  qu’il serait donc judicieux de leur faire signer une clause de confidentialité avant leur mission. Le second quant à lui estime que toutes les parties prenantes à l’évaluation des activités PBF devraient être constamment sensibilisées à cette question et que les différents textes législatifs nationaux devraient être renforcés et appliqués avec plus de rigueur.  

Au niveau des organisations et associations à base communautaire

C’est à leur niveau que la question devient beaucoup plus complexe. Comme l’ont souligné Maria Paalman (Maria Paalman Health Consultancy, Pays-Bas) et Olivier Basenya, même si les enquêteurs ne sont pas au courant du diagnostic posé, les personnes interrogées lors des enquêtes communautaires peuvent légitimement se demander d'où ont été tirées des informations les concernant. En plus ces enquêtes ne sont habituellement pas réalisées par des professionnels de santé assermentés. C'est pourquoi la tendance générale est de se limiter, au niveau communautaire, aux prestations qui ne posent pas beaucoup de problèmes éthiques, comme les consultations externes, la vaccination ou les accouchements.

L’avantage d’utiliser des associations locales fait aussi son inconvénient, pour Michel Muvudi et Maria Paalman. En effet si elles sont les mieux placées pour retrouver plus facilement les clients, le problème de la confidentialité se pose avec beaucoup plus d’acuité avec elles, d’autant plus qu’elles sont constituées habituellement de personnes ayant des charges sociales particulières dans ces communautés (pasteur, responsable de groupe, conseiller, enseignant...). La solution trouvée par l’Université de Zambie face à ce dilemme, et rapportée par Maria Paalman, est de confier dans un premier temps à un volontaire issu de la communauté une liste des patients échantillonnés à enquêter avec uniquement leurs noms et adresses (sans aucune information sur le service fourni). Celui-ci tentera alors de les retrouver, de leur expliquer le but de l’étude et requerra leur consentement à y participer. En l’absence d’objection, un rendez-vous est pris et l’enquête proprement dite est réalisée dans un second temps par d’autres enquêteurs issus d’un autre village que celui des enquêtés.

Le Burundi, d’après le témoignage de Olivier Basenya et de Jean-Paul Niyibigira, a clairement choisi d’exclure des enquêtes communautaires les prestations qui posent manifestement problème (infections sexuellement transmissibles, VIH et planning familial). Mais des réflexions seraient en cours, en ce qui concerne le VIH, pour confier les enquêtes à des associations de personnes vivant avec le VIH/SIDA. Malam Issa Inoussa (Cordaid, Soudan du Sud) soutient l’idée car il pourrait déjà exister au sein de ces groupes des activités de soutien à domicile ou de recherche active de perdus de vue. Il pense alors que travailler avec ces structures pourraient faciliter les choses et amoindrir la question  de la confidentialité. Mais Leonard Ntakarutimana, sans apporter une proposition concrète au problème, juge que ces manières de faire (ne pas vérifier les activités sensibles ou les confier à des associations de malades), si elles permettent de contourner un problème, en crée d’autres : d’une part les biais qu’entraîne la non inclusion des problèmes de santé concernés ; et d’autre part la stigmatisation dont pourrait faire l’objet les personnes vivant avec le VIH et les membres de ces associations en cas de conduite d’enquêtes spécifiques.

Nancy Fitch (EGPAF, USA) a rapporté l’expérience du Mozambique, en matière de visite à domicile des personnes vivant avec le VIH, où des agents de santé communautaires bien formés sont sollicités. La confidentialité reste au cœur de leurs activités, ce qui n’empêche pas d’observer (en dehors de toute politique de PBF) qu’au moins 10% des patients donnent de fausses adresses pour préserver leur anonymat et se préserver de la stigmatisation.

Deux pistes ont été proposées pour résoudre le problème en rapport avec la vérification communautaire. La première, émise par Floride Niyuhire (MSH, USA), consiste à renforcer le système de vérification quantitatif et qualitatif au niveau des formations sanitaires afin de le rendre plus sûr et plus efficace, de sorte que l’enquête communautaire puisse être assimilée à une simple enquête de satisfaction. La seconde, évoquée par Nancy Fitch et Bruno Meessen, a trait au recours à des enquêtes téléphoniques, qui permettraient en plus de réduire les questions de stigmatisation et de confidentialité les coûts des enquêtes. Pour ce faire l’accord du patient devrait auparavant être obtenu au moment où il donne un numéro de portable au personnel de la formation sanitaire. L’utilisation du logiciel EpiSurveyor (Magpi) a également été suggérée.    

Les dispositifs juridiques et règlementaires

La question du droit est assez complexe car les textes législatifs sont habituellement intriqués. En effet, en dehors de spécificités nationales, la violation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire peut être punie aux plans pénal, disciplinaire, civil et administratif. Si l’infraction pénale peut frapper tout citoyen, la faute déontologique intéresse un corps de métier donné et toutes deux peuvent ouvrir droit à des sanctions administratives et/ou à une indemnisation pour préjudice moral subi.

A défaut (ou dans l’attente) d’une disposition légale autorisant explicitement les vérificateurs à accéder aux informations médicales, Bruno Meessen propose de s’en remettre à la « jurisprudence » locale car les experts des projets PBF ne sont pas les seuls « a priori non autorisés » à consulter les registres des formations sanitaires dans le cadre de leurs activités. Mais il faudrait si possible requérir au préalable les avis des autorités sanitaires nationales et ceux des comités d’éthique pour la recherche en santé dans les différents pays. Leur implication dès la phase de conception des activités de vérification permettrait, selon Alex Hakuzimana, de résoudre déjà beaucoup de problèmes.

4.      Quels enseignements tirer ?

Le respect du secret professionnel reste au cœur de toute activité d’ordre médical pour des raisons professionnelles, légales et éthiques. Sa violation peut fragiliser le système de santé et avoir des effets contraires aux objectifs du PBF (désaffection des services de soins modernes). Les parties prenantes à la mise en œuvre des politiques de PBF à travers les pays doivent donc porter une attention particulière à la question. C’est surtout au niveau des enquêtes communautaires que les problèmes les plus complexes se posent. Celles-ci sont en effet réalisées par des non professionnels de santé issus des communautés qu’elles enquêtent, faisant que des indicateurs sensibles comme les infections sexuellement transmissibles, le VIH ou la planification familiale sont généralement exclus des champs d’investigation. Les vérificateurs et contre-vérificateurs des ACV et des ONG ne sont pas les seuls à accéder aux registres des patients dans les formations sanitaires. Les agents des mutuelles de santé ou encore les chercheurs et les enquêteurs qu’ils recrutent (pour ne citer qu’eux) y accèdent également ; ce qui nuance quelque peu le problème sans le résoudre dans le fond.

En réalité, la question du droit en rapport avec les activités de vérification et la confidentialité dans le cadre du PBF reste un peu virtuelle en Afrique subsaharienne, particulièrement en zone rurale, du fait du faible niveau d’éducation des populations.

Par ailleurs les Etats n’ont pas toujours la capacité ni les moyens de faire respecter les lois et les règlements en la matière (quand ils existent). Les priorités semblent ailleurs. Mais cela ne doit pas constituer des motifs de négligence de notre côté : c’est justement parce que les patients sont peu à même de se défendre par eux-mêmes, que nous devons redoubler d’effort aujourd’hui pour renforcer notre attention et mettre en œuvre des dispositions claires.

5.      Recommandations générales

A la lumière des enseignements que nous venons de tirer, nous formulons les recommandations générales suivantes qui pourront être analysées et éventuellement adaptées aux différents contextes particuliers :

En ce qui concerne la législation et les règlements

Initier des ateliers de réflexion sur le sujet de la confidentialité des informations médicales dans le cadre du PBF, regroupant des professionnels du droit, le Ministère de la santé, les comités d’éthiques, les associations professionnelles médicales et paramédicale (Ordres des médecins, des pharmaciens, des infirmiers…), etc.

En ce qui concerne les agents vérificateurs ou contre-vérificateurs des agences de contractualisation et des ONG

-          Recruter des professionnels de santé déjà liés à un serment de confidentialité.

-          Inclure une clause de confidentialité dans leurs contrats de prestation de services.

-          Mener régulièrement à leur endroit des activités de sensibilisation sur la question.

En ce qui concerne la vérification communautaire

-          Inclure une clause de confidentialité dans les contrats de prestation de services des organisations et associations devant mener ces vérifications.

-          Mener régulièrement à leur endroit des activités de sensibilisation sur la question.

-          Elaborer distinctement et de façon concertée des protocoles de vérification communautaire distinguant les indicateurs jugés sensibles de ceux posant moins de problèmes éthiques, en évitant de reprendre l’information sur les diagnostics ou qui permettrait de les inférer.

-          Confier la vérification des indicateurs jugés sensibles à des organisations ou associations « spécialisées » comme celles des personnes vivant avec le VIH, compétentes et ayant fait leurs preuves, en veillant à ce que cette vérification entre dans le cadre de leurs activités routinières pour minimiser les risques de stigmatisation.

-          Encourager et organiser, quand c’est possible, l’utilisation des téléphones portables ou de logiciels comme EpiSurveyor (Magpi) pour mener les enquêtes communautaires.

En général, nous devons peut-être mettre en place un groupe de travail sur cette question. Il pourrait continuer à compiler les bonnes pratiques et veiller à leur bon partage entre pays. Qu'en pensez-vous? Intéressé?


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Communauté de Pratique du Financement Basé sur la Performance: bienvenue à notre 1000° membre!

5/27/2013

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Bruno Meessen

Lancée il y a trois ans à Bujumbura, la Communauté de Pratique du Financement Basé sur la Performance (CoP FBP) continue à grandir. Nous avons le plaisir de vous présenter le Dr Fodé Cissé, qui est devenu, il y a 2 semaines, notre 1000° membre. Nous lui souhaitons "bonne arrivée" et... bon démarrage au sein de notre communauté de partage des connaissances. Fodé s'est inscrit depuis Kigali, où il participait à une formation sur le FBP. 


Cher Fodé, nous aimerions connaître un peu le 1000° membre de la CoP FBP. Peux-tu te présenter? (Tu constateras qu'on se tutoie beaucoup dans la CoP!) 

J’ai 39 ans et suis de nationalité guinéenne ; je suis marié et père de 3 enfants. Je suis médecin de formation et spécialisé en gestion des services de santé. A la fin de mes études médicales, j'ai travaillé avec Médecins Sans frontières Belgique de 2000-2002 dans un projet de prise en charge de la Tuberculose et VIH en Guinée avant de rejoindre le Ministère de la Santé Publique en 2004 après mon master en Gestion des Services de santé. J'ai alors été responsable de suivi-évaluation au Programme TB (2004-2007) et Chef de Projet "Fonds Mondial" (2007-2012). A ce poste, j'ai effectué parallèlement plusieurs missions de consultations internationales dans le cadre la conception et mise en place des projets de santé. Actuellement, je suis au Bureau de Stratégies et Développement au Ministère de la Santé en charge des études et planification 

Il se fait que tu t'es inscrit à la CoP depuis Kigali. Dis-nous un peu ce que ton séjour au pays des mille collines t'a appris.

C’était mon second séjour au Rwanda. Chaque fois que je viens ici, je réfléchis au principe de la non-violence et à l’amour du prochain. Le génocide prouve à suffisance que l’homme est prêt à tout pour parvenir à ces fins. Cette tragédie doit inspirer tous les peuples du monde en général et plus particulièrement les africains qui sont à l’apprentissage de la démocratie, apprentissage entraînant parfois une lutte fratricide entre les frères et sœurs d’une même localité ayant longtemps vécu en harmonie. Par ailleurs, concernant le système de santé Rwandais, je l'ai trouvé performant, quand je le compare au nôtre. Le Financement basé sur les Résultats y est opérationnel; j'ai aussi pu constaté qu'il était adapté au contexte rwandais.

Penses-tu que le FBP a un avenir en Guinée? A ton avis, quels sont les problèmes du système de santé que cette stratégie pourrait, en partie au moins, résoudre?

A la question de savoir si le FBP a un avenir en Guinée, sans risque de me tromper, je réponds oui. Le système de santé guinéen, à l’instar de ceux des autres pays de la sous-région, souffre de carences récurrentes rendant difficile l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Parmi ces carences, je pense en particulier à la problématique du financement du secteur, à l’inaccessibilité des  populations à des soins de qualité et à la mauvaise gouvernance. Au regard de ces carences, l’introduction du FBP permettra, sans nul doute, d’apporter un nouveau souffle au système de santé de mon pays car les Stratégies des Soins de santé Primaires telles que mises en œuvre jusqu’à présent ont prouvé leurs limites. J’appelle donc les autorités sanitaires guinéennes à tous les niveaux, y compris les partenaires techniques et financiers, de s’approprier le FBP comme nouvel instrument de résolution des problèmes récurrents auxquels notre système sanitaire est confronté.


Et vous, cher lecteur, êtes-vous déjà membre de la communauté de pratique? Pourquoi ne pas nous rejoindre également, en cliquant ici? Ensemble, nous pouvons rendre nos systèmes de santé plus performants.  

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