Financing Health in Africa - Le blog
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Le passage à échelle de votre système de Financement Basé sur le Résultats: une progression en 4 phases

4/18/2017

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Bruno Meessen

Dans un blog précédent, j'ai proposé de comprendre l'extension et l'intégration d'un système de financement basé sur les résultats (FBR) comme une progression sur cinq dimensions. Dans ce deuxième post, je vous présente la deuxième leçon principale de notre programme de recherche multi-pays: cette progression, souvent, se déroule en quatre étapes.

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Personnellement, une des choses que j’ai le plus appréciées dans notre recherche multi-pays était l'opportunité d'utiliser nos propres connaissances expérientielles pour l'élaboration et la mise en œuvre de la recherche (c’est un des avantages de la recherche interventionnelle). C’était une option intéressante, lorsque vous avez dans l'équipe de recherche, des experts comme Maryam Bigdeli, Eric Bigirimana, Por Ir, Joël-Arthur Kiendrébéogo ou Isidore Sieleunou (entre autres), qui ont eu une expérience pratique en matière de financement basé sur les résultats.

Ce que je savais de ma propre implication politique dans le FBR au cours des 15 dernières années dans des pays comme le Cambodge, le Rwanda ou le Burundi, c'est que la mise à l'échelle est un processus en plusieurs étapes. Lors de l'atelier de lancement, j'ai présenté à l'équipe de recherche une vue en quatre grandes étapes; Nous avons convenu que c'était l'une des choses à étudier avec le projet.

Alors, qu'avons-nous appris sur le processus de mise à l'échelle et d'intégration d’un FBR grâce à notre recherche dans 11 pays?

Quatre grandes étapes

Grâce à l'excellent travail des équipes de pays, nous avons maintenant une bonne compréhension de la façon dont les pays progressent avec leurs programmes FBR. À partir de notre échantillon de dix rapports de pays, nous voyons émerger des moments-clés qui permettent à un FBR de grandir comme politique publique dans un pays. Tout d'abord, passons en revue ces quatre grandes phases.

La phase de génération fait référence au passage d'une idée initiale «on va faire du FBR» à l'établissement d'un ou plusieurs projets pilotes démontrant la faisabilité de l'idée. Le point final ou la mesure du succès de cette phase est une « preuve de concept », qui signifie un progrès significatif sur la dimension de la connaissance («cela fonctionne dans notre contexte et nous avons appris à le faire»). Si nous prenons le Cambodge comme exemple, il s'agit d'un statut qui a été atteint en 2001 pour le New Deal (un «proto-PBF») et en 2002 pour les fonds d'équité. Si nous prenons le Rwanda, nous pouvons probablement dire que PBF a atteint ce statut en 2003. Tous les programmes documentés dans notre recherche multi-pays ont traversé cette première phase pilote. Il est important de noter que quelques-uns se sont bloqués à ce stade et n'ont pas réussi à passer à l'autre. C'est par exemple le cas du Tchad.

La phase d'adoption fait référence à la transition d'un statut de projet pilote à un statut de programme. Par «programme», on entend une structure organisationnelle centralisée dotée et mandatée par les autorités nationales pour élargir les avantages d'une stratégie spécifique à une population importante. Pour qu'un programme FBR fonctionne, un ensemble unifié, cohérent et identifiable d'arrangements institutionnels doit être mis en place. Cela inclut, entre autres, les contrats, les guidelines et les outils de gestion pour administrer le programme FBR. Si nous nous référons à mon blog précédent sur les cinq dimensions, cette phase de «déploiement» équivaut à des progrès significatifs sur les deux dimensions de la couverture de population et la couverture de services. Cette progression est possible grâce à des progrès significatifs sur la dimension de la connaissance (la connaissance augmente à la fois en termes de nombre d'experts formés au niveau national et dans la profondeur de leur expertise).

À la fin de cette phase, il existe généralement un organisme central, une agence ou un groupe de travail, qui gère un seul FBR national (c’est un cap particulièrement important s'il y avait plusieurs projets pilotes à harmoniser). Toutefois, on constate qu’à ce stade, cette unité nationale FBR fonctionne encore comme une entité parallèle, souvent avec des ressources ne provenant pas du budget national.

Au moment de notre étude, 8 des 11 pays étudiés avaient atteint cette phase d’adoption. C'est une phase lourde, surtout du point de vue opérationnel. Cela est encore plus vrai dans de grands pays comme le Cameroun et la Tanzanie.

La phase d'institutionnalisation se réfère au passage du FBR d'un statut de programme à celui de politique nationale. Ce passage se marque notamment par l’investissement de ressources nationales et l'engagement politique du ministère des Finances. Désormais, le FBR fait partie intégrante de la politique de financement de la santé du pays; il est inscrit dans les documents stratégiques nationaux et les décrets, avec un objectif déclaré de couvrir l'ensemble du pays. Cette phase se caractérise par des progrès significatifs sur la dimension de «intégration dans le système de santé», qui conduiront à l'apparition de nouvelles connaissances pour traiter les problèmes potentiellement complexes associés (comment s'adapter aux procédures de finances publiques, comment contribuer à l'amélioration permanente de la qualité des soins…).

À la fin de cette phase, le  FBR est une partie centrale des mécanismes de paiement des formations sanitaires dans tout le pays et contribue de manière cohérente aux principaux objectifs du Ministère de la santé, tels que celui de la Couverture Sanitaire Universelle.

Cette phase 3 est pleine de complexité. Le défi n'est plus tellement opérationnel: il s'agit surtout d'assurer une intégration harmonieuse du système FBR dans le système national. Vous ne pouvez plus faire du "couper-coller" d'un pays à l’autre. Quelques pays ont bien géré cette phase: le Burundi et le Rwanda sont certainement les meilleurs exemples. Le cas de l’Arménie est intéressant. Le Cambodge a pris plus de temps, mais a bien progressé également.

Notre dernière phase ou celle de l'expansion fait référence à la transition du FBR d'un mécanisme de paiement des formations sanitaires à un principe clé structurant la conception et la mise en œuvre des politiques publiques en général, y compris au-delà du secteur de la santé. Dans le secteur de la santé, il inspire d'autres réformes, stimule d'autres processus de transformation (par exemple, l'achat stratégique, l’accréditation). En dehors du secteur de la santé, les principes du FBR, y compris le paiement sur base des résultats et l'autonomie des prestataires, sont considérés comme pertinents pour d'autres services publics. Une telle réflexion ‘latérale’ a été rendue possible dans le pays grâce à  l'expansion des connaissances au niveau national et la confiance et expérience acquises suite à l'intégration dans le système de santé. Cette phase marque la progression sur notre cinquième dimension : celle de la «diffusion intersectorielle».

Très peu de pays ont déjà cette phase. Le Rwanda est l'un d'entre eux. Le Burundi s’en approchait, mais la crise politique des deux dernières années a malheureusement affecté la dynamique de diffusion.

Signification de ces quatre phases

Rappelons que, comme tout cadre d’analyse, cette vue en quatre phases est une représentation simplifiée de la réalité. Ce cadre est là pour attirer notre attention sur quelques problèmes clés liés à la dynamique d'un processus de mise à l'échelle. C'est aussi une représentation simplifiée de ces dynamiques. En réalité, les étapes ne seront pas toujours aussi distinctes; Il existe une continuité et des chevauchements possibles. On peut identifier plusieurs applications de cette perspective en quatre étapes.

Cette vue en quatre étapes a une certaine puissance analytique. Zubin Shroff et moi avons utilisé cette grille pour organiser notre analyse des facteurs facilitateurs et des bloquants l'extension et l'intégration. Il ressort de notre analyse que ces facteurs facilitateurs et bloquants sont spécifiques à chaque phase. La principale raison derrière cela est que la mise à l'échelle et l'intégration d'un dispositif FBR consiste à persuader un ensemble mouvant de parties prenantes. Vous ne passerez pas de la phase 1 à la phase 2 sans convaincre le Ministère de la Santé, un ou deux bailleurs aux poches profondes; vous ne passerez pas de la phase 2 à la phase 3 sans persuader les programmes nationaux et le Ministère des Finances; vous ne passerez de la phase 3 à la phase 4 sans que la plus haute autorité nationale développe un leadership fort en faveur d'un programme de réforme sociétal.

Pour obtenir l’adhésion de ces différents acteurs de la chaîne, différentes stratégies devront être adoptées. En fait, même l'identité de l'acteur qui défend le programme FBR va devoir changer au fur et à mesure: par exemple, notre étude montre que, bien que les experts internationaux soient souvent essentiels pour réussir la phase 1, à partir de la phase 2, le leadership technique devrait être assumé par cadres supérieurs du Ministère de la Santé. Pour un résumé de notre liste de facteurs habilitants et bloquants, je vous invite à lire notre note d'orientation.

Et qu'en est-il du pouvoir prescriptif? Est-il nécessaire - pour faire progresser le FBR – de suivre fidèlement cette progression en quatre phases? Personnellement, je ne vois pas cette grille de quatre phases comme une «loi universelle» - il y a probablement des pays qui fusionnent les phases 1 et 2 ou les phases 2 et 3. Toutefois, on peut se demander pourquoi tant de pays suivent la même trajectoire. Il y a probablement plusieurs raisons à cela. Permettez-moi d'en mettre une en avant.

De nombreux chercheurs ont montré que l’introduction d’une politique est un processus complexe, qui se développe rarement de manière linéaire. C'est très vrai. Mais il est important de ne pas oublier qu’une politique est une action intentionnelle: il faut s'attendre à ce que « l'entrepreneur politique » et tout autre acteur principal agissent de manière stratégique. Aborder les défis un par un, «convertir» les parties prenantes progressivement, peut faciliter le succès. La connaissance est également une ressource-clé pour les acteurs qui défendent la politique: s'ils apprennent qu'une séquence d'actions a fonctionné dans d'autres pays, on peut s'attendre à ce qu'ils s'inspirent de cette leçon.

Orientations pour notre communauté

Beaucoup d'entre vous travaillez dans des pays qui sont encore dans une phase précoce de la mise à l'échelle du FBR. Nous espérons que cette recherche multi-pays vous aidera à structurer votre action au niveau des pays. Veuillez-vous référer à notre note d'orientation pour obtenir des conseils sur la façon de ‘naviguer’ au fil de ces quatre grandes phases de développement de votre politique FBR. Note étude indique également des orientations possibles pour toute la communauté d'acteurs engagés dans le FBP. J’en vois au moins deux.

Tout d'abord, nous ne devrions pas dormir sur nos lauriers: il s'agit bien d'un long voyage, l’échec est une possibilité, de nombreux défis demeurent. Il y a un élan mondial, mais c’est à nous tous de le consolider. A l’heure actuelle, notre responsabilité principale est d'améliorer en permanence nos solutions. En 2017, la CoP FBP lancera une série de groupes de travail pour travailler sur les principales faiblesses que nous observons au niveau des pays. Nous en avons déjà lancé un projet sur la vérification et un autre démarre sur le planning familial. D’autres vont suivre. Nous espérons que beaucoup d'entre vous soutiendront cette dynamique.

Deuxièmement, nous devons aussi reconnaître que nous appartenons à un mouvement plus global. Le FBP n'est pas une fin en soi: c'est un point d'entrée pour consolider une transformation plus complète des systèmes de santé pour soutenir les progrès vers la Couverture Sanitaire Universelle. En tant que communauté, nous devons consolider les liens avec d'autres groupes. Nous le ferons par étape. Vous avez peut-être remarqué notre collaboration émergente avec l'OMS concernant la problématique de l’achat stratégique. Les choses se mettent en place. Plusieurs membres de la CoP seront ainsi présents à la conférence que l’OMS organise la semaine prochaine sur cet enjeu. Nous vous tiendrons bien sûr au courant de ces développements. Nous sommes ensemble !


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Scaling up and integrating your Results-Based Financing scheme: a progression in four phases

4/17/2017

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Bruno Meessen

In a previous post, I have proposed to understand scaling up and integration of a results-based financing (RBF) scheme as a progression on five dimensions. In this second post, I present the second main lesson from the “Taking Results Based Financing from Scheme to System” research program: this progression, often, occurs in four phases.
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There were several great things in the “Taking Results Based Financing from Scheme to System” implementation research program, but one I appreciated a lot was the opportunity to use our own experiential knowledge for developing and implementing the research: an interesting option, when you have in the research team, experts like Maryam Bigdeli, Por Ir, Joël-Arthur Kiendrébéogo, Eric Bigirimana or Isidore Sieleunou (among others), who have had hands-on experience on scaling up Results-Based Financing.

What I knew from my own policy involvement with RBF over the last 15 years in countries like Cambodia, Rwanda or Burundi is that scale up is a process going through several phases. At the launching workshop, I presented a four phase view to the rest of research team; we agreed that this was one of the things to investigate with the project.

So, what have learned on the process of scaling up and integration after field work in 11 countries?

Four phases of policy development

Thanks to the excellent work of the country teams, we have now quite a good understanding of how countries progress with their RBF schemes. From our sample of ten country reports, we see emerging pivotal points at which a RBF scheme gains a more advanced policy status. First, let’s review the four phases.

The generation phase refers to the movement of RBF from an initial idea to the establishment of one or more pilot projects demonstrating the feasibility of the idea. The end point or measure of success at this phase is a proof of concept, which is a significant progress on knowledge (‘it works in our context and we have learned how to do it’). If we take Cambodia as an example, this is a status that was already reached in 2001 for the New Deal (a ‘proto-PBF’) and in 2002, for the health equity fund. If we take Rwanda, we can probably say that PBF reached this status in 2003. All the schemes documented in our multi-country research went through this first pilot phase. It is important to note that a few got stuck at that stage and failed to move to the next one. This is for instance, the case of Chad.

The adoption phase refers to the transition from a pilot project to a program. By ‘program’, we mean a centralized organizational structure endowed and mandated by the national authorities to expand benefits of a specific strategy to a large population. For a RBF program to function, a unified, coherent and identifiable set of institutional arrangements has to be put in place. This includes among others, contracts, guidelines and management tools to administer the RBF scheme. If we refer to my previous blog on the five dimensions, this phase of ‘roll-out’ equates to significant progress on the two dimensions of population and service coverage. This progression is made possible thanks to significant progress on a the dimension of ‘knowledge’ as well (knowledge increases both in terms of number of trained experts at the national level and in the depth of their expertise).

By the end of this phase there is typically a central body, agency or task force, which manages a single national scheme (particularly key if there were several pilot experiments to harmonize). Yet the scheme is usually still a parallel entity since resources are generally not on-budget. By the time of our study, 8 of the 11 study countries had reached this phase. No surprise, this is a heavy phase, especially from an operational perspective. This is even more so in big countries like Cameroon and Tanzania.

The institutionalization phase refers to the movement of RBF from a program to national policy. The later will often be enabled by national resources and commitment from the Ministry of Finance. The RBF scheme becomes an integral part of the country’s health financing policy inscribed in national strategic documents and decrees, with a stated objective to cover the country as a whole. This phase is characterized by significant progress on the dimension of ‘health system integration’, which will lead the emergence of new knowledge to handle the related potentially complex issues (how to adapt to public finance procedures, how to contribute to the permanent improvement of quality of care…).

By the end of this phase, the RBF arrangement is a central part of provider payment mechanisms in the whole country and contributes in a coherent manner to main objectives of the Ministry of Health such as Universal Health Coverage.

Phase 3 is one full of complexity. The challenge is not so much operational anymore: it is about securing a smooth integration of the RBF scheme into the national system. You can’t do anymore “cut & paste” from another country. A few countries managed this phase very well – Burundi and Rwanda are certainly the best examples. The story in Armenia is interesting. Cambodia took more time, but eventually move to good ownership.

Our last phase or that of expansion refers to RBFs transition from a provider payment mechanism for health to a key principle informing the design and implementation of public policy in general, including in areas and sectors beyond health. In the health sector, PBF inspires further reforms, spurring other transformative processes (e.g. strategic purchasing). Outside the health sector, RBF principles including paying for results and provider autonomy are considered relevant for other public services. This lateral thinking has been enabled by the expansion of national level knowledge on PBF and confidence gained by experience in integrating it within the health system. This phase marks the progression on the ‘cross-sectoral diffusion’ dimension.

Very few countries have already this phase. Rwanda is one of them. Burundi is not far from it, but the political crisis of the last two years has undermined the progress.

Meanings of these four phases

Let’s remind that as any framework, this four phase view is a simplified representation of reality. It is there to focus our attention on a few key issues related to the dynamics of a scale up process. It is also a simplified representation of these dynamics. In reality, things will not be always clear-cut; there is continuity and possible overlaps. Still, we see quite some power in this view.

The four phase view has some analytical power. Zubin Shroff and I used the four phases to organize our analysis of enablers and barriers to scale-up and integration. It emerges from our analysis that these enablers and barriers are phase-specific. The main reason behind this is that scaling up and integrating a RBF scheme is about persuading a moving set of stakeholders. You will not move from phase 1 to phase 2 without convincing the Ministry of Health, one or two donors with deep pockets; you will not move from phase 2 to phase 3 without persuading national programs and the Ministry of Finance; you will not move from phase 3 to phase 4 without the highest national authority developing strong leadership towards societal reform.

For obtaining buy-in from these different stakeholders in the chain, different strategies will have to be adopted. Actually, even the identity of the actor championing the RBF scheme may have to change: for instance, our study shows that while international experts are often pivotal to succeed phase 1, technical leadership should be with senior cadres of the Ministry of Health from phase 2. 

And what about prescriptive power? Is it required – in order to bring one’s RBF to scale – to follow the four phases, with due fidelity? Personally, I do not see the four phase view as a ‘universal law’ – there are probably countries, which merge phases 1 and 2 or phases 2 and 3. Still, one may wonder why so many countries do follow the same trajectory.  There are probably several reasons for that. Let me point at one.

Much has been said about policy as a complex process which rarely develops in a linear way. This is very true; still, a policy is an intentional action : expect the policy entrepreneur and any other driving actor to act in a strategic way. Addressing challenges one by one, ‘converting’ stakeholders progressively, may facilitate success. Knowledge is also a key resource for actors championing the policy: if they learn that a sequence of actions worked in other countries, expect them to take inspiration from this lesson.

Directions for our community

Many of you work in countries which are still in an early phase of the scale up & integration of their PBF scheme. We hope that this multi-country research will help you to structure your action at country level. Please, refer to our cross-country policy brief for tips how to navigate the phases (or the related paper).

The study also shows possible directions for the whole community of actors committed to PBF. I see at least two. First, we should not sleep on our first successes: this is a long journey, setbacks are possible, and many challenges remain ahead. It is also our responsibility to consolidate the global momentum – our prime responsibility is to  permanently improve our solution(s). In 2017, the PBF CoP will launch a series of working groups to work on the main weaknesses we do observe at country level. One has already been launched on verification; another one is about to start on family planning. More working groups will follow. We hope that many of you will support this dynamic. Second, we  have also acknowledge that we belong a more global movement. PBF is not an end in itself : it is an entry point for consolidating a more comprehensive transformation of health systems to sustain progress towards UHC (do not miss this recent paper by WHO colleagues
). As a community, we have to consolidate links with other groups. We will do that step by step. You may have noticed our emerging collaboration with WHO around strategic purchasing. Several members of our CoP will be next week at the meeting in Geneva. Stay tuned: more exciting developments are coming!

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Financement basé sur la Performance : compte rendu d’une conférence académique à l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers

8/19/2013

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Serge Mayaka

Dans le cadre de la nomination de Bruno Meessen comme professeur à l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers (IMT/Anvers), une conférence académique a été organisée le 29 avril dernier à l’IMT autour du thème « le financement basé sur la performance, un levier pour progresser vers la couverture universelle en soins de santé dans les pays pauvres ». La conférence fut ponctuée par trois temps forts, à savoir : le discours de circonstance du nouveau professeur, une présentation magistrale et un débat contradictoire avec le Professeur Jean-Pierre Unger de l’IMT/Anvers. Dans ce billet, Serge Mayaka, de l’Ecole de Santé Publique de Kinshasa et doctorant à l’Université Catholique de Louvain, rapporte ce qu’il en a retenu. 

Dans son discours d’ouverture (que vous pouvez retrouver ici), le Professeur Bruno Meessen, qui, avec d’autres experts africains et européens, a contribué à développer et théoriser le FBP au Rwanda il y a 10 ans, a évoqué la vague FBP qui parcourait l’Afrique. Tout en partageant ses espoirs, il a aussi souligné que l’approche reste une proposition inachevée et perfectible.

Ce qui m’a amusé le plus, c’est comment Bruno a secoué le cocotier de l’IMT (c’est le logo de l’Institut !). Le message était un peu « le FBP est un fait, pas une idée : aidez-nous à réussir ces réformes ». Il a relevé que l’IMT dispose des cadres conceptuels, des esprits et du rayonnement nécessaires, pour assumer un rôle intellectuel plus important dans l’accompagnement scientifique et politique des réformes FBP. Il a, à travers quelques points, décliné clairement sa proposition d’engagement collectif plus ferme de l’IMT au bénéfice du FBP. Le futur nous dira s’il est entendu.

La présentation magistrale qui a suivi, a surtout porté sur la nécessité d’une entente autour de critères clairs pour un débat plus sain et moins passionné à l'égard de toute proposition politique portant sur les systèmes de santé des pays pauvres. Selon lui, sans de tels critères, les participants au débat sur une proposition spécifique risquent d’être ballotés au fil des opinions ou des spéculations (voir aussi son billet de blog ultérieur).

Sa démarche réflexive (encore en cours de construction), a permis d’identifier 12 caractéristiques opérationnelles sur lesquelles il serait possible d’apprécier toute proposition politique, notamment celle concernant le financement des soins. Le temps était compté et l’orateur a dû faire vite, mais en appliquant cette grille de 12 critères au FBP, il a abouti à la conclusion que cette approche s’en sortait bien, surtout en Afrique. Il a reconnu toutefois que sur certains traits, d’autres stratégies (non exclusives) font peut-être mieux. C’est ainsi qu’il recommande de coupler le FBP avec d’autres approches.

Ce n’est pas trahir la pensée du professeur Jean Pierre Unger de l’IMT que de dire qu’il ne partage pas du tout le point de vue de Bruno sur le FBP. Ses doutes et ses critiques reposaient sur: les capacités de mise en œuvre d’un contrôle efficace pour le FBP dans les pays en développement au vu de la faible solidité de l’appareil de l’Etat (voir aussi son éditorial pour la newsletter IHP); la faible attention qu’accorde le FBP à l’éthique hippocratique et à la motivation intrinsèque ; l’évaluation inadaptée de la qualité des soins qui porte, en grande partie, sur des décisions complexes et non-standardisables ; le réel impact de la prime de performance ; la faible confiance faite aux prestataires. Comme alternative, il estime qu’il faut réfléchir à une motivation qui humanise le professionnel de santé, au lieu de le ramener à n’être qu’un agent économique. D’où sa proposition de développer et promouvoir le professionnalisme.

Au cours du débat qui s’ensuivit, de nombreuses préoccupations ont été soulevées aussi bien pour Bruno Meessen (association entre le FBP et les autres approches, avantages des effets du professionnalisme sur le FBP, les lacunes de l’évaluation de la qualité par les pairs, les risques de perturbation des finances publiques en cas d’institutionnalisation du FBP, les risques liés au montage, la compatibilité entre motivation intrinsèque et extrinsèque etc.) que pour Jean Pierre Unger (doute sur le caractère altruiste des agents de santé soucieux notamment de l’intérêt de leurs familles, avantages du professionnalisme, de la motivation intrinsèque et des ‘sermons’ dans une contexte de précarité, des propositions sur l’évaluation de la qualité des soins, la faible implication de l’IMT dans la documentation et l’analyse du FBP, etc.)

Ma synthèse personnelle

Ce qui est ressorti de ce débat est ce que nous avons pu observer ailleurs : le FBP continue à susciter des discussions animées, en particulier dans le monde académique. Selon moi, au lieu de polariser le débat, il faut aller sur le terrain, interagir et participer à l'amélioration des expériences.

Je partage l’analyse que le FBP est imparfait face à la multi-dimensionnalité de la qualité des soins et que le professionnalisme du personnel de la santé est une partie de la solution. Mais plutôt que faire de ces préoccupations des arguments contre le FBP, il faudrait les convertir en propositions d’action. Où sont les projets innovants à ce niveau de la part des adversaires du FBP? S’ils ne proposent rien de concret, c’est peut-être aux experts du FBP à prendre le problème à bras-le-corps. Un travail d’adaptation des outils FBP demeure possible, pour que le signal que le FBP souhaite apporter, ne soit pas perverti, et pour qu’on ne se focalise pas uniquement sur quelques prestations rémunérées.

Pour le reste, il faut constater qu’avec le FBP, comme pour toute autre stratégie complexe, il y a des enjeux de mise en œuvre. Mais le FBP n’a pas la prétention de vouloir tout faire seul et donc il faut voir comment monter des interventions complémentaires (gratuité, mutuelles de santé, etc.).

Pour conclure, je dirais que nous devons privilégier les leçons des expériences concrètes, faire preuve d’idéalisme, mais sans naïveté sur ce qui mobilise les individus actifs dans les systèmes de santé. En ce qui concerne le FBP, ma recommandation serait de lui donner la chance de prouver qu'il peut contribuer à améliorer la performance de nos systèmes de santé. Car une telle amélioration, nos systèmes de santé en ont bien besoin.

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Free health care as a step towards Universal Health Coverage? Maybe, but only if we learn from the recent past.

3/13/2013

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Bruno Meessen


In this blog post, Bruno Meessen (ITM, Antwerp) revisits the gaps in the implementation of fee exemption policies in numerous African countries. He attempts to draw useful lessons for the universal health coverage agenda, for African governments, the international community and researchers.
 



In 2009, at the request of UNICEF, I was fortunate to be able to coordinate a study on fee exemption policies in 6 African countries. The results were published in a supplement of Health Policy & Planning, alongside other articles on the same topic. Our multi-country study had relatively modest ambitions: we were not trying to document the impact of these policies, but rather try to understand to what extent their formulation and implementation were based on good public policy practices. Overall, our evaluation was not very positive. While the study confirmed the good intentions of country leaders to take strong measure to reduce financial barriers, it highlighted the precipitous manner in which such measures were put in place without adequate preparation (in terms of time, financing, accompanying measures, and technical expertise) for national technicians to ensure that these policies were well conceived and well implemented. We expressed concern about the consequences these weaknesses would have on the policies’ efficacy and sustainability.

This study had at least one tangible effect: it made it clear that a lot of work remained to be done in terms of sharing and spreading knowledge regarding the implementation of health financing policies. At the dissemination meeting for the study in New York, the idea for creating a community of practice around fee exemption policies was launched. In due time, the Financial Access to Health Services CoP was launched. You are likely already familiar with its work if you follow this blog.

Implementation of fee exemption policies: what we know in 2013

The topic of formulating and implementing fee exemption policies has been relatively intensely researched in the past few years. This is not only the case for the FAHS CoP as a group (note the Bamako CoP workshop in 2011, but also a forthcoming conference in Ouagadougou in November 2013), but also for several teams of researchers.  Let me specifically mention recent studies by Valéry Ridde (University of Montréal) and Sophie Witter (University of Aberdeen), two prolific authors whose work also contributed to the multi-country study.

In a very recent edition of Afrique Contemporaine (in French), the results of a mixed method research led by Jean-Pierre Olivier de Sardan and Valéry Ridde were published. The supplement reports on the different observations made by research teams, notably LASDEL, on fee exemption policies in Burkina Faso, Mali, and Niger. Several noteworthy articles include one on the perceptions of various actors in Mali, a mapping of fee exemption policies in West Africa (showing that all countries have them), and a study from Niger investigating the problem of decapitalization in health centers.

The introductory synthesis is entitled “Fee exemptions in Burkina Faso, Mali and Niger: public policy contradictions.” This title reflects the overall tone of the supplement. Here is an excerpt.

Fee exemptions are decisions taken at a national level, defended as sovereign, and implemented by national technicians without any particular external assistance, something rather rare in the history of health policy. But these reforms have been made hastily. The decision has been political rather than technical, announced suddenly and publically, taking not only field technicians but also those in the Ministry completely by surprise. 
                                                                                                                                               (Olivier de Sardan & Ridde 2012 - our translation)

A few months earlier, Valéry Ridde, Ludovic Queuille and Yamba Kafando had just finished the final report of their project, “Capitalizing fee exemption policies for health services in West Africa.” This project is worth mentioning for several reasons: beyond the knowledge that it generated, it had the merit of being based on country experts (Ministry of Health professionals, researchers, and NGO experts involved in fee exemption programs). The transversal study centered on 7 countries (Benin, Burkina Faso, Ghana, Mali, Niger, Sénégal et Togo ). It also focused on implementation. 

The book’s tone is more positive than the supplement cited above. The synthesis chapter, which is also available in English, identifies for six of the countries studied, the major problems encountered during implementation but also the innovations. An excerpt:

"While the principles underlying these policies appear to be well appreciated, health workers did not hide their dissatisfaction regarding the policies’ implementation. In Burkina Faso, they complained of a lack of medical and technical supplies, while in Senegal and Niger the complaints were regarding significant delays in reimbursement of free services provided to patients. Finally, in most cases, workers were calling for financial bonuses to compensate for increases in their clinical or administrative activities resulting from user fees exemption policies. These financial aspects of bonuses for health workers were not taken into account in any of the policies."
                                                                                                             (Ridde et al. 2012)

Elsewhere in 2012, Sophie Witter published a study on the fee exemption policy for Caesarean sections and for children under five years old in Sudan, a country little documented in international health. Her study once again highlights major weaknesses in implementation.

"The fee exemption policy for Caesarean sections and for children under five years old, launched in 2008, clearly suffered from a number of constraints that led to uneven and often poor implementation. Notable among these constraints is a lack of adequate financing and clear implementation guidelines."   
                                                                                                                                                                                                      (Witter et al 2012)

Let me make four comments before giving my own read of the situation. First, one can observe that the general tone of these studies on fee exemptions remains relatively positive. Neither the authors of these studies nor I intend to discredit these national policies. Second, these studies show that there is a certain heterogeneity in countries’ experiences: countries that have had better implementation than others have shown some good results. Third, when one identifies weaknesses in either formulation or implementation, one should not write those policies off entirely. We know that certain policies that have begun badly have later been reformed to better reach the most vulnerable. The example of Burundi – which combined its fee exemptions with its performance-based financing program– is the best known case. Fourth, it appears that countries having launched their fee exemption programs later have been able to benefit from recommendations to better prepare for the policy. This is certainly the case of Sierra Leone, even though challenges remain. 

All of that said, here we are all the same with a sample of 11 documented country experiences telling the same story: fee exemption policies in Africa over the last 10 years have been public policies launched on presidential initiative, using national resources, but formulated in haste without adequately and rigorously taking into account technical and operational considerations. Those that are under-financed are nonetheless in danger. 

 What has changed at the country level

It is important to note that these policies have marked renewed initiative among African presidents and governments to re-engage in the health sector. In a number of countries, other than health personnel salaries, the State had basically been absent in the health sector for two decades; cost recovery, the rise of the private health sector, and international assistance having left the impression that health financing could manage without public funding (well, it is also true that, to put it bluntly, State coffers were empty).

Today we are coming full circle: user fees – which will likely continue to play a role despite wide criticism – have shown their limitations; the rise of the private health sector in many countries has been poorly regulated by the State, and the global financial crisis in wealthy countries hardly paints a hopeful picture for international assistance.  But more fundamentally, economic growth is creating new financing possibilities within public budgets across the continent.  

We must, however, ensure that this re-engagement by national leaders happens in the most productive way possible, with budgets matching not only declarations, but technical rigor and long-term vision. It should be possible to build on the pledges made jointly by health and finance Ministers in Tunis in July 2012. We can also make the most of the international interest and support for Universal Health Coverage. But to build the future, we must not forget lessons from recent experience. 

Two reflections for the political agenda for UHC

A first lesson is for the ears of political leaders (if they read us!): remember that haste is a resource to use with caution when it comes to health financing. Leadership and boosts in momentum are welcome, but should not compromise the initiative itself, nor all of the health system strengthening efforts that have preceded it. UHC won’t be built on a few announcements, but through perseverance.

The lack of dialogue that accompanies political precipitation breeds unnecessary antagonism. It would be a shame for those who work tirelessly to strengthen health systems – whether they are frontline workers, implementers at the regional or national level or advisors – to become a force of opposition to UHC. The lively debate within the PBF CoP after the UN General Assembly’s resolution on UHC reflect this reality.  

There is also a lesson there for international actors advocating for UHC. It is perhaps the time to re-evaluate the relative effort you are putting into advocacy versus actual technical assistance.  Our impression is that advocacy predominates when it comes to UHC: while Twitter is buzzing, people are mobilizing in Beijing, and at the UN they are promoting UHC, the aid community is providing precious little support to UHC on the ground. We should thus not be surprised as presidents are getting on the bandwagon and the political machine is activated that they “put the cart before the horse.”

Focusing exclusively on advocacy for UHC makes sense maybe for middle-income countries – they have the financial resources and technical capacity in line with such ambitions. But in poor countries, advocacy alone is problematic. And yet it is virtually impossible to compartmentalize the world when it comes to advocacy, messages pass far and wide. 

You get my point: we are arguing for an approach with a much more context specific analysis of the challenges many African countries are facing, especially those where governance is still being strengthened. We are not, however, advocating for some super-agency for UHC; that model is outdated. We are convinced that appropriate assistance should be based on a more collaborative model that builds on the growing expertise present on the continent, such as HHA has promoted and is being implemented through communities of practice. We would be happy to see more collaboration and support, especially from the UHC flag-bearing institutions.

Ideas for researchers

Our third point addresses researchers. Thanks to your hard work, we know much more about the last ten years’ experience with fee exemptions in Africa. Of course, many questions remain, but it seems fair to say that at least in terms of retrospective studies on the formulation and implementation of country fee exemption policies, we are reaching a data saturation point. 

For some observers, these fee exemption policies are just a step on the path toward UHC. Shouldn’t that point to another research topic: how have these policies evolved and are they in-line with UHC objectives; are they actually an effective starting point on the road to UHC?  

I see at least two possible directions.

It would be interesting to pull together knowledge on the policy process, especially on the dialogue between the political and technical levels. Are they eventually able to transcend their initial lack of dialogue? Have presidents drawn lessons about the importance of this dialogue? Or on the contrary, are the same errors being repeated? If the same problems persist, what are the determinants of such political haste? What options exist for actors wishing to improve these processes? What are the lessons for the next phases toward UHC?  

We can also identify the stakes when it comes to policy design. Researchers really need to help us all reflect on how these fee exemption initiatives – often multiple in the same country - relate to other financing schemes to form a coherent strategy that provides health coverage to all. In many countries, there is a complex mix of coverage schemes: public financing (traditional or PBF), health insurance for civil servants, mutuelles for those in the informal sector, and various fee exemptions for different population groups, age ranges, health problems, and even treatment regimen! For reasons of efficiency, equity, not to mention limited available resources, it becomes critical to better harmonize health financing schemes. We could begin by documenting the situation at the country level and by identifying some potential solutions.  Can any of you help countries in this way? It will certainly be a top priority for the CoPs in 2013.

Translation: Allison Kelley
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La gratuité des soins, une étape vers la couverture universelle en Afrique?  Peut-être, si on tire les leçons du passé récent !

3/12/2013

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Bruno Meessen


Dans ce blog post, Bruno Meessen (IMT, Anvers) revient sur les lacunes observées dans les processus de mise en place des initiatives de gratuité dans de nombreux pays africains. Il distingue des leçons utiles pour l’agenda de la couverture universelle à destination des gouvernements africains, de la communauté internationale et des chercheurs.


 En 2009, à la demande de l’UNICEF, j’ai eu le plaisir de coordonner une étude sur les politiques de gratuité des soins dans 6 pays africains. Les résultats furent publiés dans un supplément de la revue Health Policy & Planning, avec d’autres articles traitant du même sujet. Notre étude multi-pays était relativement modeste dans ses ambitions : il ne s’agissait pas de documenter l’éventuel impact de ces politiques, mais plus commodément, d’apprécier dans quelle mesure la formulation et la mise en œuvre de ces politiques avaient respecté une série de bonnes pratiques de politique publique. Dans l’ensemble, notre évaluation n’était pas très positive. Si l’analyse confirmait la motivation des leaders des pays étudiés à prendre des actions fortes pour réduire les barrières financières, elle mettait en lumière le caractère précipité de leurs mesures et les moyens insuffisants (notamment en termes de temps, financement, mesures d’accompagnement et expertise d’appui) accordés aux techniciens nationaux pour assurer que ces politiques soient bien conçues et bien mises en œuvre. Nous nous inquiétions des possibles conséquences de ces manquements sur l’efficacité et la pérennité de ces mesures politiques.

Cette étude a certainement eu au moins un effet tangible : elle nous a fait prendre conscience du gros travail qu’il restait en termes de partage des savoirs sur les questions de mise en œuvre des politiques de financement. C’est à la réunion de restitution à New-York que fut proposée l’idée de lancer une communauté de pratique consacrée aux politiques de gratuité. De fil en aiguille, la CoP Accès Financier  fut créée. Vous connaissez ses travaux si vous suivez, notamment, ce blog.

Mise en oeuvre des gratuités des soins: état des savoirs en 2013

La problématique de la formulation et de la mise en œuvre des politiques de gratuité est restée un domaine d’investigation relativement intense ces dernières années. Cela est vrai pour la CoP comme un groupe (cf. l’atelier de Bamako en 2011 et une conférence scientifique à Ouagadougou prévue pour novembre 2013), mais aussi pour plusieurs équipes de chercheurs.  A ce niveau, je me permettrais de mettre en exergue les études récentes de Valéry Ridde (Université de Montréal) et de Sophie Witter (Université d’Aberdeen), deux auteurs prolifiques dont les travaux avaient d’ailleurs déjà nourri l'étude multi-pays.

Début 2013, a été publié un numéro d’Afrique Contemporaine présentant les résultats d’un projet de recherche à méthodes mixtes mené par Jean-Pierre Olivier de Sardan et Valéry Ridde. Le numéro rapporte différentes observations faites par les équipes de recherche, notamment du LASDEL, sur les politiques d’exemption au Burkina Faso, Mali et Niger. Différents articles sont à signaler dont un sur la perception des acteurs au Mali, une "cartographie" des politiques de gratuité en Afrique de l’Ouest (qui montre que tous les pays en font) et une étude montrant les problèmes de décapitalisation des centres de santé au Niger.

L’article de synthèse s’intitule « L'exemption de paiement des soins au Burkina Faso, Mali et Niger : Les contradictions des politiques publiques ». Le titre reflète assez bien le ton général du numéro. Voici un extrait :

Les exemptions de paiement ont été des décisions nationales, revendiquées comme souveraines, et mises en place par les techniciens nationaux sans aide particulière de l’extérieur, ce qui est plutôt rare dans l’histoire des politiques de santé. Mais ces mesures ont été décidées dans une grande précipitation. La décision a été politique avant d’être technique, annoncée soudainement et de façon publique, prenant de court et par surprise, non seulement les agents sur le terrain, mais aussi les techniciens des ministères.
                                                                                                                                                                  (Olivier de Sardan & Ridde 2012)

Quelques mois plus tôt, Valéry Ridde, Ludovic Queuille et Yamba Kafando avaient par ailleurs bouclé le rapport final du projet collectif intitulé «Capitalisations de politiques publiques d’exemption du paiement des soins en Afrique de l’Ouest». Ce projet est à signaler à au moins deux titres : outre la connaissance qu’il a générée, il a le grand mérite d’avoir reposé sur une démarche impliquant les experts-pays (des cadres des ministères de la santé, des experts d’ONG impliquées dans les expériences de gratuité et des chercheurs). L’étude transversale a porté sur 7 pays (Bénin, Burkina Faso, Ghana, Mali, Niger, Sénégal et Togo). Elle aussi se concentrait sur les enjeux de mise en œuvre.

Le ton général du livre est plus positif que l’ouvrage précédent. Le chapitre de synthèse, également disponible en anglais, identifie, pour six des pays d’étude, les difficultés majeures rencontrées dans les processus de mise en œuvre mais aussi les innovations. Un extrait :

« Si les principes sur lesquels se fondent ces politiques semblent bien appréciés, le personnel de santé ne cache pas son insatisfaction à l’égard de leur mise en oeuvre. Au Burkina Faso, il se plaint du manque de matériel médico-technique tandis qu’au Sénégal et au Niger, les plaintes portent sur les retards importants dans le remboursement des actes effectués gratuitement pour les patients. Ailleurs, les agents se plaignent de la rupture des stocks de certains intrants, comme pour les ACT au Mali. Enfin, dans la majorité des cas, les agents réclament des primes financières pour justifier la hausse de leurs activités cliniques ou administratives à la suite des politiques d’exemption du paiement. Notons que ces aspects financiers des primes pour le personnel de santé n’ont été pris en compte dans aucune politique. »
                                                                                                                                                                       (Ridde et al. 2012)

De son côté, Sophie Witter a, en 2012, publié une étude, portant sur la politique de gratuité des césariennes et des soins pour les enfants de moins de 5 ans au Soudan, un pays relativement peu documenté en santé internationale. Son étude met en exergue, à nouveau, de grosses faiblesses au niveau de la mise en œuvre.

La politique de soins gratuits pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans qui a été lancée en 2008, a clairement souffert d'un certain nombre de contraintes qui ont conduites à une mise en oeuvre inégale et  mal exécutée. Parmi ces contraintes, se distinguent en particulier le financement inadéquat et le manque de spécification claire de comment la politique devait être mise en oeuvre. 
                                                                                                                                                                              (Witter et al 2012, notre traduction)

Quatre remarques, avant d’aller à ma lecture personnelle. Un, on peut noter que le ton général des travaux scientifiques sur les politiques de gratuité reste relativement positif. Ni pour les auteurs eux-mêmes, ni pour ce qui me concerne, il ne s’agit de discréditer ces politiques nationales. Deux, ces études confirment qu’il y a bien sûr une certaine hétérogénéité dans les expériences nationales : certains gouvernements s’y sont pris mieux que d’autres et ils ont pu en récolter les fruits. Trois, quand on identifie les faiblesses dans une formulation ou une mise en œuvre, il faut se garder de tout fatalisme. On sait aujourd’hui que certaines expériences qui avaient assez mal démarré ont, ultérieurement, été revues profondément pour encore mieux consolider l’accès pour les groupes vulnérables. Le cas du Burundi – qui a fusionné sa gratuité sélective et son financement basé sur la performance – est le cas le plus connu. Quatre, il semble que certains pays s’étant lancé plus tard dans la gratuité ont pu bénéficier des diverses recommandations en faveur d’une plus grande préparation des politiques. C’est certainement le cas de la Sierra Leone, même si de nombreux défis demeurent.

Ces quatre remarques faites, nous voici quand même avec un échantillon de 11 expériences-pays documentées qui nous racontent la même histoire : les initiatives de gratuité en Afrique ces 10 dernières années ont été des politiques publiques voulues par les présidents, menées sur ressources nationales, mais conçues dans la hâte et mises en œuvre en tenant trop peu compte des considérations techniques et opérationnelles de rigueur. Certaines de ces politiques sous-financées sont désormais en danger. 

 Ce qui a changé au niveau des pays 

Nous devons apprécier à leur juste valeur le fait que ces politiques nationales aient marqué une reprise de l’initiative par les présidents et les gouvernements africains dans le domaine de la santé. Dans de nombreux pays, hormis le poste des salaires, l’Etat s’était désengagé de son secteur de la santé pendant plus de deux décennies ; le recouvrement des coûts, la privatisation des soins et l’aide internationale avaient laissé l’illusion que le financement de la santé pouvait se passer d’un financement collectif national. Plus prosaïquement, les caisses des Etats étaient vides.

Nous en sommes revenus : la tarification des soins aux usagers – qui va encore jouer un rôle important, malgré les critiques – a montré ses limites ; la privatisation des soins est, en de nombreux pays, non-maîtrisée par l’Etat et la crise des finances publiques dans les pays riches ne laisse guère d’espoirs du côté de l’aide internationale. Plus fondamentalement, la croissance économique créée de nouvelles marges de manœuvre budgétaire sur l’ensemble du continent. 

Nous devons toutefois nous assurer que ce réengagement des autorités nationales se fasse selon les meilleurs termes, avec budgétisation à la hauteur des déclarations, rigueur et vision à long terme. Il est ainsi certainement possible de construire sur les engagements pris, conjointement par les Ministres de la Santé et les Ministres des Finances à Tunis en juillet 2012. On peut également exploiter la dynamique mondiale en faveur de la couverture universelle. Mais pour construire le futur, nous devons aussi tirer les leçons des expériences récentes.

Deux réflexions pour l’agenda politique de la couverture universelle

Une première leçon est destinée aux décideurs politiques (s’ils nous lisent !): sachez que la hâte est une ressource à utiliser avec prudence en matière de financement des soins. Du leadership et des coups d’accélérateur au niveau national sont les bienvenus, mais ils ne doivent pas compromettre l’initiative elle-même ou tout ce qui a été fait précédemment pour renforcer les systèmes de santé. La couverture universelle ne se construira pas à coup d’effets d’annonce – c’est la persévérance qui compte.

Le manque de dialogue qui caractérise l’empressement politique peut du reste créer des antagonismes qui n’ont pas lieu d’être. Il serait regrettable que des acteurs qui se consacrent quotidiennement, de façon créative et pragmatique, à renforcer les systèmes de santé - qu’ils soient en première ligne, dans la mise en œuvre au niveau intermédiaire, national ou en appui – deviennent une force d’opposition à la couverture universelle. Le vif débat qui a animé la communauté de pratique FBP après l’annonce du vote de la récente résolution sur la couverture universelle à l’Assemblée Générale de l’ONU le 12 décembre 2012 a été informatif à cet égard. 

Nous voyons aussi une leçon à destination des acteurs internationaux qui promeuvent la couverture universelle. Vous devez peut-être revoir votre dosage d’efforts en termes de mise à l’agenda et d’accompagnement technique. Nous avons l’impression que le déséquilibre en faveur de la mise à l’agenda persiste : alors que ça 'buzze' sur Twitter, que ça se mobilise à Beijing et qu’on promeut la couverture universelle à l'ONU, la communauté de l’aide offre de facto peu d’appui sur le terrain. Ne soyons alors par surpris que les présidents s’enthousiasment, que la machine politique s’emballe et qu’ils « mettent la charrue avant les bœufs ».

L’option de concentrer vos efforts sur la mise à l’agenda sont peut-être adaptés à la situation des pays à revenu intermédiaire – ces derniers ont sans doute les marges budgétaires et les capacités techniques à la hauteur de leurs ambitions. Mais ce déséquilibre d’effort est problématique dans les pays pauvres. Or il est difficile de compartimenter le monde en matière de mise à l’agenda : les messages forts circulent vite et portent loin.

Vous m’avez compris : nous plaidons pour une bien plus grande prise en compte des défis spécifiques aux pays africains, en particulier ceux dont la gouvernance est encore en construction. Attention, nous ne plaidons pas pour une super-agence ; ce modèle est caduque. Nous sommes convaincus que l’effort doit reposer sur un modèle plus collaboratif exploitant l’expertise présente sur le continent – comme celui promus par HHA et mis en œuvre, notamment, au travers des communautés de pratique. Nous serions heureux de voir un soutien plus franc et plus large à ces efforts, notamment du côté des porte-drapeaux institutionnels de la Couverture Universelle.

Des pistes pour les chercheurs

Notre troisième réflexion est à destination de nos pairs scientifiques. Grâce à vos travaux, nous connaissons beaucoup mieux l’actif et le passif de dix ans de politiques de gratuité en Afrique. Bien sûr,  de nombreuses questions demeurent, mais il est probable qu’en ce qui concerne l’étude rétrospective des processus de la formulation et des mises en oeuvre des expériences nationales nous approchons du 'point de saturation des données'.

Pour certains observateurs, ces politiques de gratuité sont à lire comme une étape vers la couverture universelle. Cela ne nous indique-t-il pas alors un prochain axe de recherche: en quoi ces politiques ont-elle évolué et continuent-elles à évoluer en faveur des objectifs de l'agenda de la couverture universelle; mettent-elles effectivement les pays sur la bonne voie ? 

Je vois au moins deux directions possibles à cet égard.

Il serait intéressant de rassembler de la connaissance en matière de processus, notamment quant au dialogue entre le niveau politique et le niveau technique. Réussissent-ils désormais à transcender leur manque de dialogue initial ? Les présidents ont-ils tiré les leçons ? Ou au contraire, les erreurs se répètent-elles? Si les erreurs se répètent : quels sont les déterminants de ces politiques hâtives? Quelles sont les options pour les acteurs désireux de contribuer à de meilleurs processus ? Quelles leçons pour les prochaines étapes pour la couverture universelle ?

Nous pouvons également identifier des enjeux en matière de design. Les chercheurs doivent notamment nous aider à réfléchir à comment ces initiatives de gratuité – qui sont souvent multiples dans un même pays – s’articulent sur les autres régimes et dispositifs financiers pour former un tout qui est appelé à offrir, comme ensemble, une couverture de soins à tous les citoyens. Dans de nombreux pays, nous avons désormais tout un écheveau de régimes : du financement public (traditionnel ou de type FBP), des assurances pour les fonctionnaires, des mutuelles locales et de multiples gratuités organisées par groupe de population, tranches d’âges, problèmes de santé et même thérapie. Pour des motifs d’efficience, d’équité et par endroit d'enveloppe disponible, il va falloir sans doute remettre de l’ordre dans cela. La situation actuelle doit être documentée dans chaque pays et des pistes de propositions identifiées.  Pouvez-vous aider les pays à ce niveau? Ce sera certainement une priorité pour les CoPs en 2013.

 
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La Nouvelle Economie Institutionnelle, une clé pour comprendre le programme du financement basé sur la performance

1/28/2013

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Serge Mayaka


Serge Mayaka (Ecole de Santé Publique Kinshasa, doctorant à l’Université Catholique de Louvain) interviewe Maria Bertone (doctorante à la London School of Hygiene & Tropical Medicine) et Bruno Meessen (IMT, Anvers) sur leur récent article présentant un cadre d'analyse pour étudier les liens entre les arrangements institutionnels et la performance des systèmes de santé, avec une application à deux expériences FBP au Burundi.

 On peut dire que votre article tombe à point nommé pour le débat sur le Financement Basé sur la Performance (FBP). Pourriez-vous nous résumer ses messages principaux?

Maria Bertone: Le papier poursuit deux objectifs. C’est tout d’abord une contribution sur le plan conceptuel. Il s’agit d’articuler différents concepts issus de la Nouvelle Economie Institutionnelle pour faciliter l’étude des systèmes de santé. Concrètement, le papier propose un cadre d’analyse simplifié pour analyser des modifications des arrangements institutionnels structurant un système de santé. L’article comporte, à titre illustratif, une application du cadre d’analyse à deux expériences pilotes de FBP au Burundi. Cette application au FBP permet dès lors l’atteinte d’un 2° résultat : dégager des leçons sur des enjeux de design et de mise en œuvre du FBP. L’atteinte de ce second résultat valide d’une certaine façon notre proposition théorique.

Si l’article n’apportera probablement pas beaucoup au FBP du Burundi (depuis cette étude, un modèle unifié a été mis en place à l’échelle du pays), certaines leçons plus génériques peuvent être intéressantes, par exemple en matière d’évaluation des dispositifs FBP. Si nous ne contestons pas la nécessité d’études d’impact, l’article rappelle que la configuration institutionnelle de chaque FBP est différente et que chaque étude d’impact devra donc être interprétée en tenant compte de la nature particulière de ce dernier.

Plusieurs auteurs ont récemment prôné l’approche des « systèmes adaptatifs complexes » pour étudier les systèmes de santé. Une telle suggestion a été faite pour le FBP, notamment pour dégager les effets inattendus. Avez-vous répondu à leur recommandation?

Bruno Meessen : Je ne suis pas très familier avec cette approche; je serais curieux de voir ce qui pourrait en sortir, après application au FBP. La seule chose que je puisse en dire est que ce serait une erreur de l’adopter  avec le présupposé qu’on serait en manque de clés pour comprendre le FBP, ses intentions et ses effets. Le message sous-jacent de notre article est que la Nouvelle Economie Institutionnelle est un corpus théorique puissant pour mieux comprendre comment réformer les systèmes de santé. A titre personnel, je peux en tout cas dire qu’elle m’a aidé à structurer ma propre réflexion théorique et politique ces dix dernières années.

A cet égard, peut-être l’article va-t-il aussi évacuer un malentendu. Ça va surprendre certains médecins lisant cet interview, mais j’ai déjà entendu la critique que « le problème du FBP est qu’il a été conçu par des médecins, pas par des économistes de la santé: les concepteurs ne connaissent pas la vaste littérature sur les mécanismes de paiement». Avec cet article, nous voulions montrer qu’au contraire, les fondements théoriques du FBP sont substantiels. Ils sont peut-être même plus englobants que la littérature de l’économie de la santé : de fait, pour traiter des questions comme la redistribution des rôles dans un système ou l’introduction de nouvelles règles du jeu, l’économie des organisations (organisation economics) est une boîte à outils bien plus étoffée.

Maria, quelle suggestion ferais-tu à un jeune chercheur qui voudrait appliquer ce cadre d’analyse, par exemple s’il aborde le FBP dans un contexte différent de celui du Burundi ?

Adapter et appliquer le cadre analytique à une situation précise a été un exercice stimulant. Cela m’a forcé à regarder les deux expériences depuis une nouvelle perspective. J’ai été surprise par le fait qu’il m’ait permis de découvrir de nouveaux aspects et de mieux comprendre pourquoi les deux dispositifs fonctionnaient différemment.

Je dirais que l’application du cadre nécessite certaines notions théoriques et une compréhension du programme de la Nouvelle Economie Institutionnelle. Au mieux, nous avons là un « squelette », il reste à chaque chercheur de mettre la « chair » dessus.  Si un bagage en sciences sociales est sans doute souhaitable, nous espérons que le papier va faciliter le dialogue entre économistes et théoriciens des systèmes de santé. Il permet en tout cas d’établir des liens avec des travaux antérieurs (par exemple ceux de Thomas Bossert sur les droits décisionnels) et contemporains (par exemple ceux de Kenneth Leonard sur la motivation).

Les jeunes chercheurs apprécieront sans doute la démonstration que les études de cas sont légitimes en matière de FBP. On pourrait certainement faire plus d’études de cas comparatives.

Bruno, Maria parle de « squelette ». Dans quelle direction, vois-tu les développements scientifiques, en particulier dans le domaine du FBP ?

BM: Les développements possibles sont multiples. Ma recommandation aux chercheurs qui ne veulent ou ne peuvent conduire une étude d’impact est de se concentrer sur ce qui pourrait expliquer que l’on n’obtienne pas ce qu’on l’espérait obtenir avec le FBP (ou que l’on obtienne quelque chose que l’on ne voulait pas obtenir !). Les raisons de « plantage » d’un dispositif FBP sont multiples, mais elles s’inscriraient probablement dans trois grandes catégories (non-exclusives): soit c’est le design qui était mauvais, soit c’est le processus de mise en œuvre qui a été inapproprié, soit c’est la théorie FBP qui est défaillante.

Notre cadre d’analyse vise avant tout à étudier les erreurs du premier type : une inadéquation entre un design et un contexte, qui aboutit au final à un résultat sous-optimal. Autrement dit, le FBP était mal conçu (par exemple, parce qu'on a fait du FBP en couper/coller). A cet égard, les développements du cadre d’analyse pourraient aller vers plus de détails dans la description des arrangements institutionnels, des droits de propriété ou des rapports de force entre acteurs.

Il y a ensuite les erreurs du second type, lors de la mise en oeuvre. Comme la montré la littérature récente sur les gratuités des soins, documenter ces problèmes est relativement trivial et il ne faudra probablement pas s’encombrer d’éléments trop théoriques. Je ne suis pas sûr donc que notre cadre d’analyse sera d’une grande utilité.

Mais il existe un troisième type d’erreurs : celles qui découleraient de faiblesse dans la théorie sous-tendant les propositions FBP. La recherche peut aider à réduire ce risque en consolidant les bases théoriques du FBP. Des chercheurs bien équipés en sciences humaines et méthodes empiriques pourraient creuser les mécanismes d’ordre plus psychologique, notamment les aspects motivationnels et cognitifs. La « théorie FBP » repose en effet sur l’hypothèse de l’homo oeconomicus. La force de cette dernière en termes de modélisation et prédiction n’est plus à démontrer, mais elle reste une simplification de la psychologie humaine). Notre cadre laisse ainsi indéterminée la question de l’interaction entre la motivation extrinsèque et la motivation intrinsèque. Nous ne disons rien non plus sur comment les individus modifient leurs préférences, développent des attentes ou traitent l’information qu’on leur dispense. Ce sont des aspects qui peuvent peser (dans un sens comme dans un autre) dans l’efficacité d’une révision d’arrangements institutionnels. C’est sans doute le programme de recherche le plus ambitieux, qui demande de se défaire de ses propres convictions et de s’appliquer dans ses travaux empiriques. Quelqu’un comme Kenneth Leonard montre la voie.

Revenons maintenant à votre étude au Burundi. Maria, peux-tu nous résumer les principaux résultats de la comparaison des deux expériences Fbp de Ngozi et Bubanza?

MB: Notre analyse explique comment et pourquoi les deux dispositifs ont fonctionné différemment. J’insisterais sur trois résultats.

Le premier porte sur le rôle de l’agence d’achat. Nous montrons que son rôle a été organisé de façon différente dans les deux projets. A Ngozi, la fonction d’achat était tenue par un comité constitué de représentant de l’agence de mise en œuvre (l’Institut Tropical Suisse) et la hiérarchie sanitaire locale, sous la présidence du directeur de la province sanitaire. A Bubanza, la fonction a été assignée à une agence indépendante gérée par l’ONG (Cordaid). Cette seconde approche a permis une définition bien plus claire des responsabilités et limité les conflits d’intérêt ; son inconvénient est qu’elle a abouti à une transfert excessif de « droits décisionnels » (un concept-clé dans la Nouvelle Economie Institutionnelle) à une agence externe à la structure de l’Etat. Pour la petite histoire, la question de l’identité de l’acteur qui doit détenir la fonction d’achat a suscité un débat très vif au Burundi en 2009. Au final, le Ministère de la Santé et ses partenaires ont innové et opté pour un modèle mixte sécurisant tant l’implication de l’Etat que celle d’acteurs externes.

Deuxièmement, notre analyse montre que le support et la guidance fournis aux formations sanitaires lors de l’introduction d’un dispositif FBP – ce qui est souvent référé sous le vocable de coaching par les experts FBP- sont clés pour le succès d’un FBP. En effet, il est crucial d’aider les prestataires de soins à comprendre la teneur des nouvelles institutions, des nouvelles règles du jeux, qui sont mises en place. Dans notre analyse, il apparaît que le coaching est en fait un mécanisme ‘soft’ mais puissant dans l’imposition (enforcement en anglais) et l’adoption des nouvelles règles du jeux. Dans les interventions FBP, il est souvent pensé que la vérification est le principal mécanisme d’imposition des règles – notre analyse montre que les agences d’achat ont en fait une palette d’instruments.

Ceci nous amène à notre troisième leçon. Un de ces instruments est la rhétorique. Nous avons découvert une relative divergence entre cette dernière et les pratiques concrètes des acteurs sur le terrain. Par exemple, à Bubanza, les experts interviewés mais aussi leurs documents de référence mettaient en avant le concept de la ‘boîte noire’, qui réfère à l’autonomie totale des prestataires dans leur utilisation des ressources financières collectées grâce au FBP. En pratique, le coaching que l’agence d’achat ainsi que certains outils de gestion (comme le ‘business plan’, qui dans le « langage FBP » réfère à un plan d’actions) réduisent cette autonomie. Il ne s’agit pas ici de dire que le coaching ou les plans d’action sont inutiles – que du contraire ! – mais de montrer combien ce qui est mis en œuvre peut diverger du plan et de la rhétorique. D’autres chercheurs, comme Freddie Ssengooba dans son analyse de l’expérience pilote en Ouganda (qui pour rappel, n’était pas un FBP comme on l’entend aujourd’hui en Afrique), avaient déjà montré une divergence entre le plan et la mise en œuvre ; il l’expliquait par les difficultés de mise en œuvre.

La situation que nous décrivons est différente. Elle est plutôt analogue à celle identifiée par Jean-Benoît Falisse relativement au mécanisme de ‘voix des usagers’, qui n'est peut-être pas aussi effectif qu'on ne le prétend. Notre analyse institutionnelle suggère que la rhétorique est en fait un mécanisme cognitif clé pour imposer les nouvelles règles du jeu. Au stade initial d’introduction d’un FBP, une rhétorique cohérente, radicale et forte va aider à marquer le changement avec le passé, à clarifier la teneur des nouvelles règles du jeu. Ceci jette une autre lumière sur la rhétorique « FBP », qui nous le savons, irrite certains observateurs : elle a une fonction interne pour faciliter l’adoption des nouvelles institutions. 

Aux lecteurs de juger, mais nous pensons que ces trois exemples montrent qu’une analyse institutionnelle approfondie des expériences FBP peut être riche d’enseignements. Nous sommes certainement curieux de connaître leur avis.

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Il y a 25 ans, la Déclaration de Harare et l’Initiative de Bamako

8/8/2012

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                                                                    Bruno Meessen

Il y a 25 ans, les 3-7 août 1987, l'OMS organisait une réunion interrégionale à Harare. La réunion, qui s’inscrivait dans le fil de la conférence d’Alma Ata (1978) en faveur des soins de santé primaire, se clôtura par une déclaration aujourd'hui connue ( ou oubliée!) comme la Déclaration de Harare. Cet événement a marqué les systèmes de santé de nombreux pays pauvres en établissant le modèle du district sanitaire comme stratégie de référence pour organiser et développer les services de santé. Cette stratégie a été particulièrement structurante pour l’Afrique rurale.

Quelques semaines plus tard, l'UNICEF organisait une autre réunion à Bamako. Elle est passée dans l'histoire comme l'Initiative de Bamako. Son contenu est plus connu: elle marqua l’introduction (ou la formalisation) de la tarification des soins, celui de la participation communautaire dans la gestion des ressources, notamment les médicaments essentiels désormais vendus aux usagers.

Comme la très grande majorité des politiques, ces propositions reposaient sur des expériences pilotes ou des approches analogues déjà en place dans certains pays (par exemple, les « magasins-santé » du Mali pour ce qu’il en est du recouvrement des coûts ou sur l’expérience des zones de santé au Zaïre pour ce qui est de la stratégie du district sanitaire).

Vingt-cinq ans ont passé. La mondialisation et les nouvelles technologies de l’information ont profondément changé notre environnement à tous. L’Afrique des ajustements structurels des années 80 a laissé place à un continent en forte croissance économique. Certains pays réussissent à exploiter ce nouveau contexte pour apporter des changements majeurs à leur système de santé et à son financement. Le Rwanda a ainsi montré que l’objectif d’une couverture universelle n’était pas insensé. Mais le continent est loin d’être homogène. L’épidémie du VIH/SIDA ravage l’Afrique Australe. Pour la Corne de l’Afrique, l’Afrique Centrale et une fraction de l’Afrique de l’Ouest, ces vingt-cinq dernières années ont été affligées par les affrontements armés. Ces crises, ajoutées aux effets de la crise économique mondiale des années 80, ont été particulièrement nocives aux systèmes de santé. Beaucoup diront que les potions qui ont été administrées aux malades (programmes d’ajustement structurel, privatisation, introduction de la tarification des soins…) n’ont pas aidé ou ont eu, en tout cas, également des conséquences à long terme sur les systèmes de santé.

Dans les mois qui viennent, plusieurs communautés de pratique de « Harmonization for Health in Africa » (en 25 ans, les agences ont également pris conscience de la nécessité de mieux se coordonner!) vont collaborer pour mettre en place une réflexion collective sur la Déclaration de Harare et l’Initiative de Bamako. Plusieurs organisations ont déjà signifié leur volonté d’être partenaires dans cette entreprise (si vous travaillez pour une agence ou une organisation internationale et souhaitez nous aider, n’hésitez pas à nous contacter !). Comme nous, elles sont convaincues que les enjeux identifiés à Harare et Bamako il y a 25 ans restent d’actualité, même si une certaine mise à jour est à faire.

Nous espérons que ce processus pourra aboutir à un événement régional en 2013. D’ici là, notre intention est d’animer au mieux la réflexion via les différentes plateformes technologiques dont nous disposons, en particulier ce blog et nos groupes de discussion en ligne.

Ce texte est plus qu’une annonce de choses que nous allons produire. C’est avant tout un appel à vos propres contributions. Des plus modestes, comme la large diffusion des produits de nos débats et réflexions ou la participation à nos échanges, aux plus ambitieuses, comme la rédaction d’un article, d’un blog ou la conduite d’un interview.

En espérant pouvoir compter sur votre enthousiasme, bonne participation à tous !


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La gratuité pour les usagers… Tiens, qu’en est-il dans les musées publics?

6/13/2012

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Les lecteurs de ce blog connaissent assez bien les défis liés à la gratuité dans le secteur de la santé. Mais qu’en est-il dans les autres secteurs ? En Belgique, un directeur de musée mène la fronde contre sa ministre de tutelle. Les sources de frustration sont diverses, mais la goutte qui a fait débordé le vase semble être la décision de la Ministre d’imposer aux musées subventionnés la gratuité de visite un dimanche par mois (sans budget compensatoire). Dans ce blog, Bruno Meessen s’amuse à dresser les parallèles avec le secteur de la santé.


La Belgique est un petit pays compliqué. Hormis quelques musées situés à Bruxelles qui relèvent du gouvernement fédéral, les musées sont sous la responsabilité du niveau décentralisé. La Belgique a donc plusieurs ministres de la culture, avec des compétences bien distinctes.

Il y a quelques semaines, le directeur du musée de la photographie à Charleroi – un des musées de la photographie les plus anciens et réputés en Europe - a poussé un ‘coup de gueule’ contre sa Ministre de tutelle.

 Dans beaucoup de pays européens, le monde de la culture vit une relation ambiguë avec le pouvoir politique : d’une part, la culture est largement subventionnée par l’Etat, ce qui impose de maintenir des relations de ‘proximité’ avec le niveau politique (qui décide des subventions et du contenu des contrats-cadres) ; d’autre part, les professionnels du secteur de la culture et de l’art sont sans doute les personnes les plus jalouses de leur autonomie et de leur indépendance. Quand le conflit éclate, ça fuse.

Mr Canonne, le directeur du Musée de la Photographie, a donc exprimé son désaccord avec la décision de Madame la Ministre. D’une part, il s’inquiète que la gratuité, sous cette forme et dans le contexte actuel, mette en péril l'équilibre budgétaire des musées. D’autre part, il regrette que l’on ne dispose pas  d'études prouvant que c'est cette forme de gratuité qui est la plus efficace pour atteindre les buts poursuivis. Sa lettre est assez ‘directe’ ; la Ministre a demandé au conseil d’administration du musée d’envisager la révocation du directeur.

Pour mieux comprendre les enjeux (et en tirer des leçons pour le secteur de la santé en Afrique), j’ai contacté deux musées. Sophie Laurent travaille au Musée Félicien Rops de Namur (1). Christelle Rousseau est conservatrice au Musée de la Photographie à Charleroi.

Mon interview par email a en fait été faite en janvier 2012, lors d’une première campagne de Mr Canonne contre la décision de sa ministre. L’écriture de ce blog a traîné. Je l’ai terminé, vu le retour du débat dans l’actualité récente.

Pratiquez-vous la politique de gratuité un dimanche par mois ? Quel public vient ce jour-là au musée ? Est-ce une clientèle défavorisée ou est-ce votre public traditionnel de personnes cultivées, plutôt issues des milieux sociaux aisés ?

CR : A l'origine cette mesure de gratuité en Communauté française faisait suite à une résolution de 2004 du Parlement de la Communauté française visant à faciliter l'accès aux musées aux publics fragilisés ou défavorisés. En mai 2006, la Ministre de la Culture a lancé cette mesure de gratuité des 1ers dimanches et du public scolaire dans une seule catégorie de musées. Après un démarrage difficile pendant 2 à 3 ans, les dimanches gratuits ont commencé à attirer un peu plus de monde qu'un dimanche normal mais sans que ça soit non plus la foule...

Il n'y a pas eu d'étude menée sur l'impact réel de la gratuité et sur les publics qui en profitent, malgré la demande faite à la Ministre par le Conseil des Musées en 2010. Nous ne pouvons nous baser que sur notre seul ressenti. Il est clair que la grande majorité des personnes visitant le musée le 1er dimanche du mois sont celles qui profitent de l'effet d'aubaine et qui seraient venues un autre dimanche en l'absence de cette mesure de gratuité. Il y a sans doute une petite partie des visiteurs qui ne seraient pas venus si ce n'était pas gratuit, mais c'est une part très minoritaire du public.

SL : Au Musée Rops, on pratique bien la politique du « 1° dimanche du mois gratuit ». On combine à cela souvent à une visite guidée gratuite (souvent complète, on doit refuser du monde). Le public qui y vient est soit un public d'habitués, soit des visiteurs qui n’étaient pas au courant de la gratuité. Dans les deux cas, on demeure dans notre public-type : des personnes avec des habitudes culturelles déjà bien ancrées.

Pourrait-on réaliser un meilleur ciblage. Faudrait-il, par exemple, programmer le jour gratuit un autre jour de la semaine? Un mercredi par exemple, pour s’ouvrir aux familles ?

SL : Pour ce qui concerne le musée Rops, déplacer le jour gratuit sur un mercredi ne changerait rien: le musée Rops n'est pas LE musée familial par excellence, comme peut l'être par exemple le Musée des Sciences Naturelles de Bruxelles : entre les fossiles d’iguanodons de Bernissart et la réputation sulfureuse  de Rops, les grands-parents n'hésitent pas longtemps! Dommage car son œuvre permet d’aborder bien des aspects de la vie et la société du 19e siècle.

CR : Oui, le déplacement le mercredi permettrait à des grands-parents qui sont "de corvée gardiennage" de venir avec leurs petits-enfants, mais surtout cela permettrait à des associations œuvrant dans le domaine social d'organiser des visites au musée qui allieront coût minimum et accompagnement intellectuel.

SL : De fait, le prix d'accès n'est qu'une des barrières qui "empêchent" certaines personnes de venir au musée: il y a bien d'autres freins : psychologiques, culturels, intellectuels, ... qui font que même avec la gratuité, certaines personnes ne viendront jamais au musée. Il ne faut pas réduire la question de l’accessibilité à la seule gratuité. C'est pour cela que depuis 5 ans, nous nous sommes lancés dans un programme de médiation appelé "Osez le musée Rops!", qui offre des modules de 2 heures entièrement gratuits (visite adaptée et atelier créatif) aux associations sociales travaillant avec les populations vulnérables.  Et depuis 4 ans, nous sommes complets! C'est un public qu'il faut vraiment prendre par la main, soutenir, encourager, certains ont une estime d'eux-mêmes tellement faible! En ce qui concerne les visites guidées, c'est très enrichissant mais parfois éprouvant: il faut mettre beaucoup d'énergie et de conviction, peser chaque mot, s'adapter un maximum : certains thèmes abordés par Félicien Rops – érotisme, nudité, prostitution, alcoolisme – sont des sujets délicats !

Quels parallèles j’en tire avec le secteur de la santé en Afrique ?

1.      Cette politique de gratuité dans les musées n’a pas été évaluée. Il n’y a pas de données chiffrées pour apprécier qui en bénéficie. A cet égard, on fait parfois mieux en Afrique – mais pas toujours. Connaître le profil des bénéficiaires des politiques de gratuité est pourtant un élément crucial pour apprécier leur pertinence.

2.
      Pour des raisons multiples, les consommateurs des ‘musées publics’ semblent avant tout issus des classes aisées. Introduire la gratuité génère un effet d’aubaine pour ces derniers. Le musée ne conquiert pas de nouveaux usagers et subit une perte en termes de recettes. Cela ne fait fait-il pas écho avec certaines gratuités au niveau des hôpitaux nationaux en Afrique?

3.      Les directeurs et le personnel des musées sont conscients que leurs usagers viennent des classes aisées. Insatisfaits avec cette réalité, ils s’organisent pour s’ouvrir à des couches de population moins favorisées. L’expérience leur a appris que pour les groupes sociaux défavorisés, la stratégie doit être holistique et s’attaquer aux différentes barrières – il faut prendre ces usagers non-spontanés par la main, par exemple en leur offrant une visite guidée adaptée à leur profil. Ceci me rappelle la stratégie des fonds d’équité qui insiste sur l’importance d’avoir des assistants-sociaux dans les hôpitaux, de payer les frais de transport pour rejoindre l’hôpital, de fournir des appuis sur mesure !

4.      Les politiques de gratuité sont trop souvent dictées par le niveau politique sans consultation des prestataires de services concernés. Ceci conduit à une non-prise en compte de leurs contraintes, mais aussi de leurs idées. Comme le dit l’association « Musées et Société en Wallonie » dans sa lettre à la Ministre : « Un service public supplémentaire appelle des moyens publics complémentaires. Il serait d’ailleurs dommage que votre mesure linéaire s’applique au détriment d’autres pratiques d’accessibilité généreuses, parfois bien plus pertinentes. Pour de nombreux acteurs du secteur muséal, le concept d’accessibilité dépasse largement la simple question du prix du billet d’entrée et nous vous invitons à y réfléchir avec nous. »

5.      Ce débat ouvert et franc sur les défauts de cette mesure politique – nous le devons à la liberté de parole, à l’autonomie légale des musées et à la presse indépendante prévalant en Belgique. La séparation des fonctions, concept chère à la communauté de pratique du Financement Basé sur la Performance est une clé importante pour améliorer nos sociétés... bien au-delà du seul système de santé.

Réflexion finale

A l’heure de conclure ce texte, il semble donc que l’idée d’organiser un ciblage des populations défavorisées sur une base temporelle n’est pas une option pertinente dans le secteur de la culture. Je me suis demandé si le modèle pourrait marcher dans la santé (ex : gratuit certaines heures de la journée ou un jour de la semaine), je dois avouer que je n’ai pas trouvé de situations où cela ferait sens, même pour les actes programmables.

Mais peut-être certains de nos lecteurs ont des expériences à partager ?

(1) : Félicien Rops est un des grands artistes symbolistes du 19° siècle. Son œuvre est diverse ; il est notamment connu pour ses gravures érotiques (désolé, j’ai cherché des liens internet, mais je n’ai rien trouvé). Le musée Rops s’est spécialisé sur l’art du 19° siècle, c’est une étape culturelle sympa si vous passez à Namur.

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Newton’s apple

3/26/2012

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Bruno Meessen

It is time to realize that institutional arrangements and the incentives they set up are key determinants of the performance of health systems in poor countries as well. Thanks to the development of health insurance and Performance Based Financing, there is growing awareness of this reality in Africa. In this blog, Bruno Meessen highlights the specific contribution of PBF.

Recently, I have posted a blog reminding us that Africa is also a field of political stakes (in French only). I shared the view that health economists working in the continent too often overlook this reality.

Very often, I am puzzled by something that seems even more striking. Reading certain authors, listening to some commentators, chatting with peer scientists – no weblinks provided for these ! ;-) – it is perfectly possible to design health policies in Africa (and in low-income countries in general, the literature being pretty homogenous) without paying attention to the incentives established by institutional arrangements and contracts underlying these policies.(1) These experts’ vision is not on the fringe: it has dominated thinking on health systems over the last few decades and remains the default mentality of many actors engaged in strengthening health systems in Africa.

Yet, the fact that “incentives matter” (especially for health care providers) keeps many experts busy everywhere else in the world. Over the last two or three decades, health systems in rich countries have experienced broad and deep reforms of their institutional arrangements, governance structures and provider payment mechanisms in particular. The dynamic is also fairly strong in middle-income countries, especially in ex-socialist countries.

A few weeks ago, I was at a meeting on provider payment mechanisms organized by the "Joint Learning Network for Universal Health Coverage". We heard fascinating presentations, among others on Kyrgyzstan and Estonia… and of course shared the analysis that provider payment mechanisms will be a key issue in countries’ progress towards universal health coverage.

A question overlooked by researchers and international agencies active in Africa

The situation is different as far as poor countries are concerned. Anyone reviewing the literature dedicated to their health systems (even the papers authored by economists) would find very few empirical and theoretical documents dealing explicitly with the question of how institutional arrangements shape the health system, how they shape incentives or even on the specific topic of provider payment mechanisms.(2) Over the last twenty years, other topics – such as financial access (as far economists are concerned) – have captured most of the attention.

One could debate the reasons explaining such low attention by researchers. De facto, they seem to discard the many lessons produced by different major contributions in economics, which, over the last few decades, have established institutional arrangements as the main determinant of efficiency in human interactions.(3)

In terms of impact on policies, this lack of attention is not neutral. The implicit recommendation to African countries is that they can proceed towards universal coverage on the basis of the existing model: a national health service characterized by the State fulfilling all the roles: owner, employer, supplier, purchaser, regulator, administrator… A system in which health facilities are public administrations receiving their resources through line item budgets, often even “in kind”. It is precisely this status quo that PBF champions are challenging.

The contribution of PBF

PBF has shortcomings. Perhaps it benefits somehow from being "trendy" and yes, there is a strong favorable wind in terms of donor resources. The model can certainly be improved, and will have to be revised, as health challenges evolve, actors adapt and unintended negative consequences increase. This is but the normal evolution of any modern health system.

 PBF has at least one great merit: it has brought the issue of incentives to the center of the debate on African health systems.(4) One concrete example is the spotlight now being put on previously neglected issues, such as the need to split functions in a health system. It has also breathed new life into forgotten topics (such as decentralization and making health facilities more autonomous). More fundamentally though, it has shaken up reflections on provider payment mechanisms, witnessed in the first papers presenting PBF pilot experiences, recent works produced by members of the PBF CoP, and on a nearly daily basis in discussions on our discussion group.(5)

A fad or… Newton’s apple ?

The stake for African health systems is not whether to implement PBF or not. It is to learn to look at health systems as complex institutional arrangements that set incentives for the actors involved in those systems. It is to realize that when incentives are not aligned to health system’s goals, they can (and should) be modified.

Taking this perspective is recognizing that incentives are an undeniable part of our relationships to our fellow men, just as gravity is an unquestionable dynamic in our relationship to objects. It is said that Newton developed his theory of gravity after an apple fell on his head. Perhaps another such apple has fallen upon African health systems?

Translation: Bruno Meessen & Allison Kelley

Notes :
(1) Be careful, incentives do not necessarily mean « bonus » or « financial gain ». An incentive is a gain in terms of wellbeing which one can appropriate by adopting a certain behavior. A student in theology has an incentive to succeed his exams: by obtaining his degree, he will gain access to career opportunities and personal accomplishment in his priesthood within his Church.
(2) Of course, one way or another, the question of incentives underlies most studies on health systems challenges. We recommend these stakes be made more explicit. A few researchers active in Africa have taken up the challenge. Of particular note is Kenneth Leonard and Natasha Palmer.
(3) The list of economists active in this field is very long. If one just reviews the list of the laureates of the “Sveriges Riksbank Prize in Economic Sciences in Memory of Alfred Nobel”, with Herbert Simon, Ronald Coase, Douglass North, Georges Akerlof, Michael Spence, Joseph Stiglitz, Elinor Ostrom and Oliver Williamson, one covers the spectrum pretty well. 
(4) Let’s be honest. The other dynamic that has helped to bring incentives under the spotlight is the rise of health insurance. But so far, the discussion has been mostly limited to institutional arrangements dealing with risk pooling (cf. the literature on community based health insurance), and as far provider payment mechanisms are concerned, on the pros and cons of fee for service versus capitation.
(5) The discussion 3-4 weeks ago was about how to remunerate providers providing services to malnourished children and patients with chronic illnesses. It has involved experts based in the following countries: the Netherlands, Congo, the US, Chad, Central African Republic, Belgium, Cameroon, Cambodia, and Rwanda.
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La pomme de Newton

3/13/2012

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Bruno Meessen

Il est temps d’acter le fait que les arrangements institutionnels et les incitants qu’ils établissent sont déterminants dans la performance des systèmes de santé aussi dans les pays pauvres. Grâce au développement des systèmes d’assurance et du FBP, la prise de conscience est en train de se faire en Afrique. Dans ce blog, Bruno Meessen met en exergue la contribution spécifique du FBP.

Récemment, j’ai publié sur ce blog un texte rappelant à tous que l’Afrique est aussi une terre d’enjeux politiques. J’y partageais l’avis que les économistes de la santé actifs sur le continent négligent trop souvent cette dimension.

Très régulièrement, je m’étonne d’une bizarrerie qui me paraît encore plus frappante. A lire certains auteurs, à entendre certains commentateurs, à parler avec certains pairs scientifiques – permettez-moi de ne pas mettre des weblinks à ces trois niveaux !, il serait possible de concevoir des politiques de santé en Afrique (et dans les pays à faible revenu, car la littérature et les propositions sont assez homogènes) sans prendre en compte les incitants instaurés par les arrangements institutionnels et les contrats qui sous-tendent ces politiques.(1) La vision ce ces experts n’est pas marginale : elle a dominé la pensée sur les systèmes de santé pendant des décennies et reste encore le mode de pensée de nombreux acteurs engagés dans le renforcement des systèmes de santé en Afrique.

La problématique des incitants (en particulier pour les prestataires de soins) occupe pourtant un grand nombre de spécialistes des systèmes de santé  partout ailleurs dans le monde. Les systèmes de santé des pays ‘riches’ ont, ces dernières décennies, eu ‘droit’ à des réformes profondes de leurs arrangements institutionnels,  des structures de gouvernance et des mécanismes de paiement des prestataires en particulier.  Le mouvement est aussi très net dans les pays à revenu intermédiaires, notamment du côté des pays anciennement socialistes. 

J’étais, il y a deux semaines, à une réunion sur les modes de paiement des prestataires de soins organisée par le « Joint Learning Network for Universal Health Coverage ». Nous y avons entendu des présentations fascinantes, notamment sur la Kirghizie et l’Estonie… et partagé bien entendu l’analyse que le mode de rémunération des prestataires va être un enjeu-clé dans la progression vers la couverture universelle dans tous les pays du monde.

Une question trop peu traitée par les chercheurs et agences internationales actifs en Afrique

A contrario, je fais le pari que quiconque prendrait la peine de passer en revue la littérature produite sur les systèmes de santé des pays pauvres, même celle produite par les économistes trouverait bien peu de travaux empiriques et d’écrits traitant explicitement la problématique des arrangements institutionnels structurant les systèmes de santé, sur les incitants qu’ils établissent ou même pour être plus spécifique, sur les mécanismes de paiement des prestataires.(2) Ces vingt dernières années, ce sont d’autres sujets – comme l’accès financier pour ce qui concerne les économistes – qui ont mobilisé l’essentiel de l’attention.

On pourrait gloser sur le peu d’attention des chercheurs sur cet aspect. De facto, ils font ainsi l’impasse sur les nombreuses leçons produites par les différents courants des sciences économiques  qui, ces dernières décennies, ont pris les arrangements institutionnels comme déterminants fondamentaux de l’efficience dans les interactions humaines.(3)

Sur le plan politique, ce déficit d’attention n’est pas neutre. La recommandation implicitement faite aux pays africains est qu’ils peuvent continuer leur périple vers la couverture universelle avec le modèle en place : un service de santé national (« national health service ») caractérisé par un Etat assumant tous les rôles : celui du propriétaire, d’employeur, de fournisseur, d’acheteur, de régulateur, d’administrateur… Un système où les structures de santé ont le statut d’administration et reçoivent leurs ressources sous forme de lignes budgétaires ou même en nature. C’est ce statu quo que la dynamique FBP conteste.

La contribution du FBP

Le FBP a des défauts. Il bénéficie sans doute d’un effet d’engouement, et profite en effet d’un vent favorable en ce qui concerne les ressources des bailleurs de fonds. Probablement le modèle est perfectible, et certainement faudra-t-il le revoir au fur et à mesure que les défis sanitaires changent et que les acteurs du système s’adaptent et que les effets pervers s’accentuent. C’est le vécu de tout système de santé moderne.

Mais Le FBP a déjà eu au moins un grand mérite : celui d’avoir mis la question des incitants au centre de la réflexion sur les systèmes de santé africains.(4) Ceci s’est déjà traduit  par la mise en exergue de certains enjeux négligés précédemment – comme la possible pertinence de mieux séparer les fonctions dans un système de santé, par un renouvellement de la réflexion sur certaines questions délaissées (la décentralisation et l’autonomie des structures de santé par exemple) et par une forte impulsion à la réflexion sur les modes de paiement des prestataires de soins. Cela est manifeste dans les premiers travaux sur les expériences pilotes, dans les travaux plus récents produits par les membres de la CoP, mais aussi presque quotidiennement sur le groupe de discussion en ligne de la CoP FBP.(5)

Une mode ou… la pomme de Newton?

L’enjeu pour les systèmes de santé africains, n’est sans doute pas « FBP » ou pas. Le vrai enjeu, c’est apprendre à regarder les systèmes de santé comme des arrangements institutionnels complexes qui établissent des incitants pour les différentes parties prenantes de ces systèmes; c’est acter que lorsque ces incitants sont non alignés sur les objectifs de ces systèmes de santé, ils sont sujets à modification.

Adopter ce nouveau regard, c’est reconnaître que la question des incitants s’impose à l’homme dans son rapport à ses semblables, un peu comme la gravité terrestre s’impose à lui dans son rapport aux choses. On raconte que Newton conçut sa théorie de la gravité après avoir reçu une pomme sur la tête. Il semble bien qu’une pomme soit tombée sur les systèmes de santé africains…

Notes :
(1)  Attention, incitant ne veut pas nécessairement dire “prime » ou « gain financier”. Un incitant est un gain en termes de bien-être que l’on peut s’approprier en adoptant un comportement instrumental donné. L’étudiant en théologie a un incitant à réussir ses examens : grâce à son diplôme, il s’ouvre d’autres opportunités de carrière et d’épanouissement personnel dans l’exercice de son sacerdoce à l’intérieur de l’Eglise.
(2)   Bien entendu, d’une façon ou l’autre, la question des incitants sera sous-jacente à de nombreuses problématiques. Nous recommandons à ce que ces enjeux soient bien plus explicites. Certains chercheurs actifs en Afrique se sont attelés à ce défi ; je pense par exemple aux  travaux de
Kenneth Leonard ou Natasha Palmer.
(3)   La liste des économistes actifs dans le domaine est longue, mais si on s’en tient aux lauréats du « Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel », avec Herbert Simon, Ronald Coase, Douglass North, Georges Akerlof, Michael Spence, Joseph Stiglitz, Elinor Ostrom et Oliver Williamson - on couvre assez bien le spectre des courants et des propositions. 
(4)   Soyons de bon compte. L’autre dynamique qui a mis le projecteur sur la problématique des incitants est celle des assurances de santé. Mais jusqu’à présent la discussion avait été surtout cantonnée sur le montage institutionnel pour la mise en commun des risques (cf  la littérature sur les mutuelles) et en ce qui concerne le mode de paiement, sur
les qualités relatives du paiement par capitation versus le paiement à l’acte.
(5)   La discussion d'il y a deux dernières semaines portait sur comment rémunérer des prestataires délivrant des services aux enfants malnutris ou aux malades chroniques. Elle a impliqué notamment des experts basés dans les pays suivants : Pays-Bas, Congo, Etats-Unis, Tchad, République Centre Afrique, Belgique, Cameroun, Cambodge et Rwanda. 
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