Financing Health in Africa - Le blog
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Financement Basé sur la Performance et agents de santé communautaire : une percée au Rwanda

5/13/2014

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Bruno Meessen

Vous êtes expert en santé internationale et vous vous méfiez de la stratégie des agents de santé communautaire, détestez le financement basé sur la performance et ne croyez plus en la participation communautaire ? Tappez sur la touche « Rwanda » pour une mise à jour !


En août 2013, lors d’une visite au Burundi, j’avais eu l’occasion de découvrir une expérience-pilote de FBP communautaire. Cette expérience menée par l’ONG IADH avait vaincu les réticences que j’avais jusqu’alors, sans doute comme beaucoup d’autres, vis-à-vis de la stratégie des agents de santé communautaire. Je savais que cette stratégie de FBP communautaire était déjà mis en œuvre à l’échelle de l’ensemble du pays dans le pays voisin, le Rwanda. J’ai profité d’une récente sollicitation dans le cadre du  « Integrated Health System Strengthening Project »  du gouvernement du Rwanda et du gouvernement américain (mise en œuvre par  Management Sciences for Health) pour en savoir plus. Ma conviction en sort renforcée : nous sommes face à une avancée pleine de promesses.

L’expérience du Rwanda en matière de FBP Communautaire s’est faite en deux temps. La 1° expérience – dès 2006 – s'est faite sur financement public. Elle a joué à fond le jeu de la décentralisation : le gouvernement central avait fait passer les budgets à destination des agents de santé communautaires par les autorités locales (le district administratif). Cette approche – G2G (« government to government ») a, dans sa phase initiale, été un échec relatif. Comme me l’a rappelé le Dr Claude Sekabaraga, que j’ai retrouvé à Kigali, l’argent n’atteignait pas les bénéficiaires et était parfois utilisé par les structures administratives décentralisées pour financer d’autres activités (infrastructure…) qui leur semblaient plus prioritaires. La 2° expérience -à partir de 2009 - s'est faite sur financement du Fond Mondial de la Lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme. A cause des règles imposées par le bailleur, les fonds à destination des agents de santé communautaires ont alors transité, non par le district administratif, mais par les centres de santé.(1)

L'originalité de l'expérience rwandaise réside dans l'organisation des agents de santé communautaires (ASC). Le Ministère de la Santé a opté pour la mise en place de coopératives d'ASC. Cathy Mugeni, qui conduit, depuis le début, le programme au Ministère de la Santé à Kigali, nous a expliqué que ce choix était entre autre dû au contexte politique national : la coopérative des ASC est une formule institutionnelle qui permet plus facilement l’activité économique en plus du soutien aux activités de santé communautaire de routine – elle était plus conforme à l’objectif du pays de progresser vers une moins grande dépendance vis-à-vis de l’aide extérieure pour le financement de son secteur santé. 

J’étais bien sûr curieux de découvrir la stratégie sur le terrain. Par chance, mon séjour au Rwanda coïncidait avec celui d’une délégation du Ministère de la santé de Lesotho. J’ai donc pu me joindre à celle-ci lors de la visite au centre de santé de Gikomero.(2)

Leçons

Les agents de santé communautaire doivent désormais être reconnus comme une composante à part entière du système de santé. Je dis « désormais » car ce n’était pas gagné d’avance : la stratégie des ASC a longtemps pêché par son morcellement (chaque programme vertical entretenant ses propres ASC) ; elle a aussi été soupçonnée de faire le lit d’apprentis-docteurs, incontrôlables une fois dotés de médicaments. Je ne peux pas me prononcer pour chaque contexte, mais ce que j’ai vu au Rwanda, ce qu’on m’ont dit différents informateurs et ce que j’ai lu par ailleurs m’a convaincu: ignorer les ASC, c’est se priver d’un vrai accélérateur pour de nombreux objectifs sanitaires qui nous sont chers, en particulier ceux repris sous les OMD 4, 5 et 6. Le Dr Michel Gasana, Directeur national du programme national de lutte contre la tuberculose, m’a ainsi expliqué que les ASC jouaient désormais un rôle-clé dans l’identification et le référencement des personnes suspectées d’être infectées par la tuberculose. Ils jouent aussi un rôle dans l’administration du traitement (DOTS). A Gikomero, les ASC nous ont présenté leurs nombreuses activités, notamment :la prise en charge intégrée des maladies de l’enfant (fièvre, diarrhée et pneumonie) au niveau communautaire, la promotion de l’utilisation des services de planification familiale, la fourniture de méthodes contraceptives et des médicaments de prise en charge de la tuberculose, la communication pour le changement  et le programme de nutrition à base communautaire) : toutes des interventions à haut impact. On a aussi pu apprécier la qualité de leurs différents outils.

 Comme beaucoup d’experts « système de santé », mon attention ces dernières années a été orientée vers les formations sanitaires. Notre premier souci était de les renforcer pour qu’elles puissent prester leurs paquets d’activité. Ce qui m’a frappé à Gikomero c’est la très grande intégration qui existe entre les activités des ASC et celles du centre de santé. Si les ASC prestent certains services (ex : traitement de la diarrhée par SRO-Zinc, traitement de la pneumonie, traitement du paludisme et suivi nutritionnel de l’enfant malade), une bonne part de leur contribution passe par la promotion de l’utilisation du centre de santé (ils sont aussi en contact permanent avec le centre de santé et le Ministère de la Santé grâce à des téléphones mobiles qui permettent de mener des interventions rapides pour sauver des vies au niveau communautaire). L’avantage-clé de l’ASC c’est qu’il réside dans les villages. Il bénéficie de la confiance de la communauté et est ainsi accueilli dans chaque foyer. Plus tard, le même jour, nous avons visité, dans un autre district, l’hôpital de Rutongo. Dans la salle de pédiatrie, nous avons pu interviewer une maman d’un enfant avec un kwashiorkor. Elle nous a raconté son parcours : son observation d’un changement de comportement de son bébé, une prise de contact avec son ASC, la décision d’aller ensemble au centre de santé (en dépit que les mesures anthropométriques étaient dans le ‘vert’) et après diagnostic d’une malnutrition aiguë par le centre de santé, la référence immédiate à l’hôpital (avec recours à l’ambulance).

Une des grandes forces de l’expérience de Makamba au Burundi et de celle du Rwanda, c’est la mise en place d’une entité commune à tous les ASC d’un même centre de santé. D’une part, cela évacue le problème antérieur de la fragmentation des stratégies recourant aux ASC (chaque programme ayant les siens). Cela facilite aussi grandement la coordination avec le centre de santé ; ça permet par exemple des passages à l’échelle d’une stratégie de façon plus rapide. Plus fondamentalement, l’existence d’une entité autogérée permet de passer d’un modèle où l’ASC est strictement instrumental (comme relais des programmes) à un modèle mobilisant réellement la décision collective – ce qui à mon sens, est le vrai enjeu de l’action communautaire.

Pour ce faire, il fallait créer un enjeu pour la décision collective. Notre hypothèse est que le FBP communautaire, par son injection de fonds dans ces entités autogérées génère cet enjeu. Car si le FBP communautaire prévoit que l’entité commune devra rémunérer chaque ASC pour sa contribution individuelle, le paiement par le Ministère de la Santé est suffisamment élevé pour que le groupe puisse mettre une partie des revenus de côté. Avec cet argent, des décisions d’investissements peuvent être prises.

A Gikomero, Mme Concessa Kiberinka, ASC et comptable de la coopérative des ASC, nous a présenté les différentes activités économiques que la coopérative menait : un élevage de cochons, une bananeraie, des investissements immobiliers… Elle a aussi partagé avec nous leur projet futur : construire une unité de production de viande de porc ! Dans les écoles de gestion, on appelle cela progresser le long de la chaîne de valeur…

Je lui ai demandé s’il n’y avait pas un risque que le succès économique de la coopérative corrompe le projet, dont la 1° finalité était sanitaire. On pourrait imaginer par exemple que les candidats au poste d’ASC dans le futur soient des ‘opportunistes’ surtout intéressés par le gain économique. Elle m’a expliqué que chaque village choisissait, démocratiquement, son ASC et que les critères qui comptaient étaient le dévouement pour le village, l’intégrité, l’aptitude à gagner la confiance pour visiter les foyers… (3) C’est difficile à décrire, mais durant la réunion avec les ASC, toutes ces valeurs émanaient des ASC qui ont pris la parole.

Emergence d’un modèle

Voilà donc, un modèle extrêmement bien pensé et structuré qui émerge :  des ASC, sélectionnés démocratiquement par la communauté, formés à un paquet d’interventions efficaces, travaillant en coordination et sous supervision du centre de santé, organisés localement en une coopérative, elle-même rémunérée par un FBP et encouragée à lancer des activités économiques, le tout dans un contexte de forte mobilisation politique.

On peut prédire que les données de la prochaine Enquête Démographie et Santé (2015) refléteront l’impact sanitaire de cette stratégie globale. Certains se poseront la question de quel aura été le composant le plus déterminant. La Dr Ina Kalisa Rukundo (Ecole de Santé Publique de Kigali), qui coordonne une étude d’impact sur le FBP communautaire financée par la Banque Mondiale m’a répondu : « Entre l’étude de base et l’étude finale, trois ans se seront écoulés. Au Rwanda, tout va très vite. Il y a eu une forte mobilisation des autorités nationales et locales en faveur des ASC. C’est aussi un petit pays et les bonnes idées sont vites partagées. Notre étude essaie d’isoler l’effet du FBP, mais ne serions pas surpris si au final, l’analyse finale révèle que les différentes branches de l’étude ont des résultats similaires ». Il est également probable que les nombreux effets bénéfiques connexes de cette politique (notamment en termes de gouvernance et d’impact économique) ne seront jamais bien identifiés. C’est le lot des sociétés en transformation rapide.

Une vision renouvelée

On doit bien sûr être prudent avec l’extrapolation des expériences du Rwanda et du Burundi. Des facteurs comme la forte densité des populations, la démocratie au niveau du village ou encore la grande implication des femmes dans l’action collective pourraient être des éléments plus difficiles à retrouver dans d’autres contextes. Il est aussi possible que plus que le ‘quoi’ faire, c’est le ‘comment’ faire qui compte. C’est par l’expérimentation ailleurs que nous le saurons.

Cela indique une leçon plus générale, certainement valide pour le monde académique engagé en santé internationale : il est grand temps de revoir certains de nos dogmes et catégories mentales. Nous vivons dans un monde désormais en changement permanent. Ce qui était inimaginable hier est peut-être envisageable demain… et déjà en œuvre aujourd’hui au Rwanda! En santé publique, beaucoup trop de nos prescrits sont basés sur une lecture statique, ou pire datée, des sociétés. Comme enseignants, nous devons avoir l’humilité de reconnaître que notre enseignement est façonné par nos propres expériences passées et déterminé par des cadres d’analyse peut-être conceptuellement élégants, mais en décalage avec la réalité.

Notes :
(1) Les deux systèmes co-existent encore actuellement. Jusqu'à récemment les fonds publics arrivant au niveau du district administratif étaient utilisés par ce dernier pour couvrir les coûts que l'action communautaire entraînait à son niveau (supervision, réunions...). Suite à une forte réduction du financement du Fond Mondial, les financements publics vont désormais également servir à rémunérer (à la performance) les activités des ASC.  
(2) Merci à Health Development Performance et à l’Ecole de Santé Publique de Kigali pour nous avoir accepté comme participant à cette visite !
(3) Les coopératives comptent 2/3 de femmes ; comme homme, je vois là une décision très sage (du reste, peu surprenante au Rwanda).


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Initiative de Bamako: quelques réflexions pour clôturer notre série

2/10/2014

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Jean-Benoît Falisse

Cela fera bientôt 27 ans que l'Initiative de Bamako a été lancée et que la participation communautaire est entrée au cœur des politiques de santé en Afrique. Au travers de huit interviews, d’une réflexion personnelle, et surtout de vos nombreux commentaires, en français comme en anglais, nous avons pu apercevoir la complexité de ce qui un jour fut la « solution miracle » de la participation communautaire. Le débat n’est certainement pas clos mais la série touche à sa fin et je me livre donc à l’exercice un peu périlleux d’en faire une synthèse très subjective, qui comme souvent, apporte plus de questions que de réponses.

Tout d’abord, notre série a permis de replacer l’Initiative de Bamako dans le continuum des stratégies et politiques de santé internationale (global health dirions-nous aujourd’hui). Les sources d’inspiration de Bamako sont, de prime abord, un peu floues, quelque part entre les « médecins aux pieds nus » chinois et la conférence d'Alma-Ata sur les soins de santé primaires en 1977. Cependant, l’interview de Walter Kessler nous montre comment au début des années 1980, Médecins Sans Frontières a mis en place, au Mali et ultérieurement au Tcad, des initiatives qui ont inspiré Bamako et lancé les premiers comités de santé. Susan Rifkin et Agostino Paganini expliquent le relatif succès de l’initiative à ses débuts, grâce à l’implication de terrain de l’UNICEF et au leadership charismatique et dynamique du duo de têtes formées par le Docteur Mahler (OMS) et Mr. Grant (UNICEF). Comme le préfigure déjà l’expérience de MSF avec les magasins de santé dans les années 1980, la participation prônée par Bamako s’inscrit dès le début en parallèle avec l’introduction du recouvrement des coûts, que les Etats justifient par la crise de la dette. Dès ses origines, l'Initiative de Bamako revêt donc une double facette dont même cette série, se focalisant pourtant exclusivement sur les aspects de participation communautaire, n'aura pu se défaire. Côté pile, il y a l'émancipation des communautés et leur auto-prise en charge, et côté face, il y a un accès « plus cher » aux soins. La question, qui se pose toujours aujourd'hui, et qui est répondue par la négative par Sophie Witter, est de savoir s’il y a un sens à continuer à lier les deux.

Une fois sortie de ses origines malienne, la participation communautaire version Bamako, avec le comité de santé comme mécanisme central, se répand comme une trainée de poudre en Afrique. Cependant, le contexte est très souvent négligé, et des stratégies qui marchent à certains endroits fonctionnent nettement moins bien à d’autres. Il n’y a pas de taille unique, comme l’illustrent les expériences de RDC, où le principe passe bien, et de l’Ouganda voisin, où le principe de gestion communautaire de la santé va à contre-courant des pratiques traditionnelles. Une fois passé l’enthousiasme initial, les initiatives de participation communautaire, qui sont de moins en moins soutenues par les Etats, éveillent la désagréable suspicion d'un désengagement des Etats vis-à-vis de de la santé de leurs populations. La participation communautaire ne s’impose pas. Néanmoins, pour rester dans l’esprit de la « santé pour tous », humaniser les rapports à la santé et développer des systèmes non-technocratiques dans lesquels la santé est comprise de façon globale, la prise en main par la communauté elle-même reste une piste prometteuse. C’est d’ailleurs dans cet esprit que la troisième recommandation de la récente conférence de Dakar parle de renforcer les capacités de la population pour en faire un « véritable partenaire pour l’analyse de ses problèmes de santé, et pour la planification, l’exécution et l’évaluation des interventions de santé ».

Au moment d’écrire ce billet, l'Initiative de Bamako est bel et bien morte. Et depuis longtemps. Le volet recouvrement des soins est allègrement critiqué. Le volet participation communautaire, plus gourmand en ressources, facilement détourné à des fins politiciennes, et aux effets moins rapides et directs que prévus, n’a pas non plus été la solution miracle attendue. Néanmoins, l’idée de rendre aux populations une place plus centrale dans leurs soins continue à vivre. En différents endroits du globe, de nouvelles formes de redevabilité des prestataires de santé par rapport à leurs usagers et d’implication directe des citoyens dans leur santé, se mettent en place. Pour fonctionner, elles doivent davantage tenir compte des situations locales et être intéressantes pour les populations qui participent ; la communauté a besoin de voir son intérêt à s’impliquer. C'est en somme ce que nous disent les responsables du projet Tuungane d’IRC, qui a généralisé une approche participative pour reconstruire les communautés (et leurs services de santé) dans l’Est de la RDC, et le Dr. Canut du Burundi qui nous montre comment les agents de santé communautaires peuvent devenir d’importants auxiliaires du système de santé, si ils sont correctement incités. La participation communautaire ne s’improvise pas, l’exemple des ASACO du Mali nous montre qu’un investissement soutenu et une solide organisation sont nécessaires pour faire perdurer le système. Une fois dépassée la vision naïve qu'on pourrait avoir de la communauté (cette dernière va, ex nihilo, subitement s’organiser pour améliorer sa santé), le défi semble être de favoriser la participation en trouvant des façons de l’induire et de la maintenir, sans pour autant la manipuler.

Dans cette optique, la recherche est toujours balbutiante et plus d’études sont nécessaires, probablement en utilisant des méthodes mixtes qui vont au-delà de la simple étude de cas. Il est essentiel de mieux comprendre le lien entre les structures de santé et leurs usagers. Comment se construit la participation des populations? Comment mène-t-elle (ou non) à une amélioration de leur santé? Si le processus n’est pas linéaire, comment en rendre compte? Vingt-sept ans après l'Initiative de Bamako, nous en savons toujours très peu sur l’impact des stratégies de participation communautaire sur la santé et l’accès à la santé des populations ; surtout en comparaison aux études sur d’autres grandes stratégies de global health comme les mutuelles, le financement basé sur la performance, ou encore la gratuité.

L'éléphant dans la salle de cette série, c'est la question du pouvoir. La participation communautaire est fondamentalement une question de pouvoir, disputé entre staff médical, autorités médicale et population, ou au sein de la population elle-même. Elle ne se limite pas non plus au strict cadre médical. L'aventure malienne, la chronologie de la mise en place des mécanismes de participation communautaire en Ouganda, ou le système ASACO nous rappellent que la participation est ‘politique’, dans le sens de la gestion des affaires publiques. Si ce n’était plus le cas, si la dimension de pouvoir était retirée de la participation communautaire, nous n’aurions plus à faire qu’à un pastiche de participation, une coquille vide qui perdrait rapidement de son intérêt. Plutôt que de continuer à éluder la question du pouvoir et d’habiller la participation communautaire des habits d’une question « technique », il est essentiel de reconnaitre que la question de la participation est fondamentalement celle de la redistribution du pouvoir et des prises de décisions sur l’organisation et les orientations des soins de santé.

Finalement, cette série nous rappelle qu’il n’y a pas de stratégie miracle en santé publique internationale. Comme le financement basé sur la performance, comme la gratuité des soins, et comme toutes les grandes stratégies de global health, la participation communautaire ne peut suffire, à elle seule, à atteindre la santé pour tous. D’abord parce que l’idée doit muter au contact du terrain et ensuite parce qu’elle n’est qu’un élément, qui répond à une partie des questions, et qui doit s’articuler à d’autres stratégies qui répondent à d’autres questions. 


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MSF et les magasins de santé au Mali: à la genèse de l'Initiative de Bamako ?

10/14/2013

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Jean-Benoît Falisse


Le Dr. Walter Kessler travaillait pour Médecin Sans Frontières - Belgique dans les années 1980. Avec Eric Goemaere, il a été un des artisans de la mise en place des magasins de santé, une expérience qui a fortement inspiré l’Initiative de Bamako et qui prônait à la fois un certain recouvrement des coûts et une participation communautaire. Plus tard, Walter a également travaillé sur un projet de mise en place de l'Initiative de Bamako au Tchad. Il nous parle de ces deux expériences.

Pouvez-vous commencer par nous parler du premier projet dans lequel vous avez été impliqué, les « magasins de santé »? Quelle était l’idée, dans quel contexte est-elle survenue ?

En 1984, lors d’une mission exploratoire dans la 6ème région du Mali (Tombouctou) et après plusieurs années de sécheresse, MSF découvrait une situation critique à tous points de vue : socio-économique, sanitaire, alimentaire. Alors la décision était prise de mettre en place deux choses : (1) un système d’approvisionnement en médicaments essentiels pour le système de santé et  (2) des centres de nutrition pour les enfants malnutris. Les centres ont été rapidement opérationnels, exécutant des programmes de réhabilitation et d’éducation nutritionnelle et en intégrant d’autres activités courantes au niveau des centres de santé. Mais cela n’était pas assez. En l’absence d’aide alimentaire massive, la situation ne pouvait qu’empirer : dans un contexte de sécheresse persistante, les habitants avaient épuisé toutes formes de réserves, y compris les semences.

Les évènements se sont alors précipités : les bailleurs de fond se sont manifestés et MSF est rapidement devenu un intervenant majeur dans la distribution généralisée de céréales, sous forme de food for work. Le travail était presté en compensation de la nourriture et suivait différentes initiatives communautaires, par exemple la réparation de digues de retenue d’eau ou la réfection d’écoles et de dispensaires.

Pictureassistants MSF au Tchad, 1984
Pour appuyer le processus d’aide alimentaire et le système d’approvisionnement en médicaments, MSF a aussi mis en place la stratégie des « Magasins-Santé-Sécheresse ».  L’idée était de créer des points d’approvisionnement pour les céréales, les pièces détachées pour les motopompes des périmètres d’irrigations, ou encore les médicaments essentiels pour les hôpitaux et dispensaires. Le modèle prévoyait d’établir un tampon, une certaine capacité de résilience du système d’approvisionnement. Ce système devait être pérenne et une approche de recouvrement des coûts a été choisie. Les « magasins » vendaient leurs produits. Dans les faits, seul le système d’approvisionnement en médicaments essentiels a vu le jour.

Qu’est-ce que les magasins de santé ont apporté de nouveau dans le contexte de l’époque de l’époque ?

En fait, il y a d’abord eu une transition : des « Magasins de Santé Sécheresse » - un projet d’urgence - on a évolué vers des « Magasins Santé », qui étaient des structures censées approvisionner les dispensaires et hôpitaux, étant donné que les pharmacies populaires n’y parvenaient plus.

Les magasins de santé étaient accompagnés de plusieurs innovations. Au niveau médical d’abord :
  • La notion de médicament essentiel était quelque chose de nouveau. La liste des produits retenus était celle de MSF. La Pharmacie Populaire, c’est-à-dire le système d’approvisionnement traditionnel, proposait des conditionnements 'grossistes' pour quelques molécules, mais les ruptures de stock étaient fréquentes. D’où l’importation de stocks de médicaments pour la 6ième et puis la 5ième région sanitaire.
  • Parallèlement, des formations sur l’utilisation des médicaments essentiels (indications, posologie, etc.) ont été organisées pour le personnel de santé.
  • Un système de registres de consultations a été mis en place et exploité au niveau des formations sanitaires. En effet, la justification de l’utilisation des médicaments devait se faire sur base de la morbidité rencontrée.

Et quelles étaient les nouveautés et les apports au niveau de la gestion des services de santé ? Avec le food-for-work et les magasins de santé,  est-ce que c’est un nouveau mouvement de participation communautaire qui se développe ?

Oui, en s’inspirant des expériences communautaires durant la phase d’urgence en 1984 pour le food for work, MSF a mis en place les premiers comités de santé du Mali. En fait, nous avons transformé les « comités » du food for work et des centres de nutrition pour en faire des comités autour d’un centre de santé, couvrant la population d’un arrondissement. Le comité était censé s’impliquer dans les activités de gestion du stock des médicaments et veiller à la bonne utilisation des moyens mis à disposition des centres de santé. Il était composé de membres de la communauté.

La participation communautaire était une opportunité née de la situation de précarité extrême dans laquelle la population se trouvait. Le food for work s’adressait à une communauté et était pensé comme une rémunération contre travaux d’intérêts communs. Ce type d’approche nous a permis d’arriver à une distribution rapide d’une quantité importante de denrées alimentaires jusqu’aux destinataires finaux. La souplesse d’un organisme comme MSF a probablement amélioré l’efficience du système, mais dans le même temps, cela faisait que les structures publiques du médicament étaient partiellement court-circuitées. Il y a donc eu des frictions mais l’inclusion des chefs d’arrondissement et de village et du personnel de santé dans les comités de santé a évité trop problèmes. La participation communautaire, y compris des chefs et des staffs médicaux, à la réalisation des projets permettait à tout le monde de garder la face.

Est-ce que cette stratégie de magasin de santé a bien fonctionné ? Comment a-t-elle été reçue par la population ?

Rapidement, ce système s’est montré performant en termes d’approvisionnement en médicaments. L’organisation pyramidale - un magasin pour la région, puis un magasin par cercle qui approvisionne les centres de santé des arrondissements - était efficace, de même que le système d’achat qui était souple et ne nécessitait qu’une consultation restreinte auprès de quelques fournisseurs connus pour leur fiabilité. Grâce à tout cela, il n’y a plus eu de rupture de stock.

Sur le terrain, l’acceptation des magasins de santé n’a pas posé de problème « visible » et cela surtout à cause de la situation : qui oserait mettre en question un programme qui approvisionne d’une manière efficace toute une zone dans un contexte socio-économique défavorable ? A contrario, il est difficile de dire si tous les acteurs appuyaient vraiment le concept. Il est probable que l’administration de la Santé Publique était divisée sur le sujet : d’une part à cause d’un désaveu du fonctionnement du système existant et d’autre part à cause de l’importance trop grande de MSF dans l’exécution et la gestion.

Bien évidemment, la rapidité de la mise en place et l’efficacité du système a éveillé la curiosité d’autres bailleurs de fonds et organismes internationaux. L’implication de la population s’est faite entre autre par opportunisme de la situation, mais cadrait parfaitement avec les concepts des Soins de Santé Primaire prônés lors de la conférence d’Alma-Ata.

Plus tard, l’Initiative de Bamako s’est inspirée largement de la « succes story » des magasins de santé. Ses initiateurs ont cru qu’avec cette stratégie, la santé pour tous en l’an 2000 était à la portée de main. Néanmoins, on a été très vite désillusionné. Au moment de l’Initiative de Bamako, les magasins santé n’avaient pas fait leur maladie de jeunesse et il était difficile de savoir si le concept en tant que tel, basé pour une partie sur la participation communautaire, était effectivement viable à moyen ou long-terme.

Sur base de votre expérience, est-ce que vous avez l'impression que la participation communautaire était spontanée ou imposée ?

En période de disette et de famine où chacun travaille d’abord pour sa propre survie et de ses proches, la participation communautaire n’aurait jamais pu être spontanée. De même, dans une situation moins catastrophique mais toujours marquée par une pauvreté relative, une participation communautaire sans retombées immédiates pour soi-même ou de sa famille me semble illusoire.

La participation communautaire a été sollicitée pour faciliter l’acheminement de l’aide et puis elle s’est organisée pour la gestion et l’implication dans les activités sanitaires. Je pense que cette participation n’était ni totalement spontanée ni totalement imposée. Elle s’est naturellement organisée autour de la revitalisation des structures de santé. Avec le food for work, la réhabilitation nutritionnelle et l’approvisionnement en médicaments, les retombées de la participation étaient  immédiates et visibles.

Venons-en à votre expérience au Tchad. Quelles étaient les différences avec le Mali ?

En fait, MSF avait déjà commencé l’approvisionnement en médicaments essentiels au Tchad lors de la guerre civile en 1980. Ses actions s’étaient progressivement étendues sur une grande partie du territoire et jusqu’au milieu des années 90 (j’ai quitté le Tchad en 1995), il y avait une très importante pénurie en personnel sanitaire qualifié. Poussé par les circonstances, MSF était devenu un acteur important au niveau de la pyramide sanitaire et y était complètement intégré.

La mise en place d’une participation communautaire dans la préfecture du Mayo-Kebbi à partir de 1989 s’est faite dans un projet de revitalisation de tout le système de santé : réhabilitation et extension des infrastructures, redynamisation des hôpitaux de district, approvisionnement et appui à la formation. Dès le départ, la participation communautaire était orientée vers une participation active dans la gestion des centres de santé – il s’agissait principalement de la gestion des recettes générées via les consultations curatives pour couvrir les frais des médicaments.

La gestion des recettes était assurée par une personne désignée par le comité de santé. Ce système était porté à bout de bras par la supervision assurée par le médecin-chef.  L’éloignement et le manque de compétence sur place ne permettait pas d’autres alternatives car une gestion des recettes relativement importantes et confiée au personnel de santé n’était pas une alternative crédible. Cette gestion des recettes tirée de la vente des médicaments restait néanmoins risquée car il n’y avait souvent pas de possibilité de dépôt.

Agostino Paganini, dans une interview sur ce blog, disait que l'Initiative de Bamako était morte il y a longtemps. Quel bilan en tirez-vous?

Il m’est impossible de savoir ce que nos projets sont devenus, particulièrement dans le contexte dramatique que la région traverse actuellement. Néanmoins, la participation communautaire, telle que conçue en son temps, me paraît fragile et transitoire. L’investissement pour l’animation des communautés et le bénévolat demandé aux membres des comités mènent inévitablement à l’épuisement de l’enthousiasme initial. La « fonctionnarisation » de certains postes (trésoriers, gestionnaire…) signe en général le début d’un déclin de la participation communautaire.

Dans les situations que j’ai connues dans les pays à problèmes socio-économique et/ou de sécurité-stabilité politique, la participation n’est pas spontanée et n’est pas non plus à mettre sur le compte d’initiatives locales. Elle fait plutôt partie des concepts-idées des stratégies d’intervention et d’aide animées de bonne volonté mais pas  nécessairement en phase avec la problématique de la population cible.

La participation communautaire, tant que l’animation est supportée et régulière, peut être un créneau intéressant pour s’adresser à une population ou mener des actions. Mais sa survie est directement liée à la durée de ces interventions.


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Quand  la participation communautaire rencontre le financement basé sur la performance au Burundi

9/18/2013

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Jean-Benoît Falisse

Dans le cadre de notre série sur les 25 ans de l'Initiative de Bamako, Jean-Benoît Falisse interviewe le Docteur Canut Nkuzimana, membre de la CoP Financement Basé sur la Performance depuis sa création. Canut a travaillé au Ministère de la Santé du Burundi à la fin des années 1990 avant de rejoindre Cordaid. Il a eu l’occasion de participer à la mise en place des premiers comités de santé (COSA) du Burundi, au développement du financement basé sur la performance (FBP) dans le pays et plus récemment à celui du « FBP communautaire ». Il nous parle de ses expériences.

Jean-Benoît Falisse: Vous avez eu l'occasion de mettre en place des comités de santé dans le sud du Burundi pour le compte de Memisa (futur Cordaid). Comment cela s'est-il passé?

Canut Nkuzimana: En février 2002, quand Memisa me recrute pour piloter son projet de soins de santé primaire à Makamba, la région était encore une zone de guerre. Plus de 40% de la population de la province vivait dans des sites de déplacés intérieurs. Ces sites -des lieux de misère, de maladie et d’abus de toutes sortes- étaient situés autour des centres de santé et des écoles. Certaines de ces institutions avaient d’ailleurs cessé de fonctionner pour n’être plus que des abris pour déplacés de guerre. Dans les centres de santé qui fonctionnaient encore, la gestion était calamiteuse; le staff qualifié avait bien souvent déserté et le personnel gérait le centre comme il l’entendait. Il n’y avait aucun suivi. Mon projet cherchait à relancer les activités dans les centres de santé où la situation le permettait et à mettre en place des postes de soins dans certains sites pour permettre à la population d'avoir un paquet réduit de services: vaccination, planification familiale, services curatifs.

A l’époque, l’OMS et le Ministère de la Santé avaient commencé à promouvoir l'idée d'organiser la population pour qu'elle soit co-gestionnaire des services de santé et le contexte de Makamba nous a fait passer à l’action. La population devait co-gérer l’aide qu’elle recevait. Pour y arriver, des activités de sensibilisation ont été réalisées à l’endroit de l'autorité administrative (pertinence de l'action), de la population (importance de la gestion et de la redevabilité) et du personnel des centres de santé (nécessité de collaborer avec la population). Après ces séances, nous avons organisé, avec l'administration communale et le secteur de santé (district sanitaire: encore secteur de santé dans le temps), une assemblée générale par aire de santé. La population y recevait une explication préalable sur la nature, la mission, la composition et les obligations des COSA avant de l’élire.

Le principe était que chaque colline de l'aire de santé élise elle-même deux personnes (un homme et une femme, de deux flancs différents de la colline) dites intègres, dévouées à leur cause, et qui manifestent la volonté d'être élus pour les représenter au sein du COSA. Une fois les membres élus, ceux-ci mettaient en place un bureau exécutif. Les élections étaient suivies de formations et d’un long processus de suivi. La population était fière de participer à la gestion des centres de santé et cela a été un point de départ pour organiser une participation communautaire effective.

Comment cela a-t-il évolué ?

En 2002, la stratégie de comité de santé est devenue plus évidente et plus facile à mettre en place car (1) la population vivait dans les sites de déplacés et était donc plus facile à réunir, (2) la situation de crise rendait la population particulièrement sensible aux questions de santé et (3) en tant que « bailleur » nous étions plus écoutés par les formations sanitaires et la population. La stratégie communautaire nous permettait aussi de rassembler et de travailler sur la polyvalence et l’intégration des différents agents de santé communautaires qui travaillaient jusque-là en solo, sans financement, et qui n'étaient utilisés que ponctuellement en période d'épidémie. Enfin, en tant que structures de dialogue communautaire, les COSA nous aidaient dans l’identification et le suivi de la prise en charge des personnes vulnérables (indigents) par les centres de santé et les hôpitaux de première référence.

Dès 2006, la gratuité des soins de santé pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans a été mise en place au Burundi. Différentes initiatives de financement basé sur la performance ont également été mises en place à ce moment. Quelle a été la place de la participation communautaire là-dedans?

Sur la gratuité d’abord, le rôle du comité de santé est d'éclairer ces aspects de santé maternelle et infantile et d'informer la population des directives du ministère de santé. C'est le comité de santé qui doit expliquer aux ménages qu'il faut enregistrer les naissances et qu'il faut avoir des documents à présenter au niveau de la structure de santé. Le COSA permet un meilleur suivi, de voir si le système est équitable, si tous sont couverts; il défend les droits du bénéficiaire dans l'aire de santé.

Au niveau du FBP, l’interaction communautaire se fait à trois niveaux. D’abord le COSA est co-gestionnaire et participe à l'élaboration du plan d'action du centre de santé, lequel est l'outil de négociation du contrat. Ensuite, il y a la mise en place d’un système de contractualisation des agents de santé communautaire. Enfin, le système FBP va contracter des associations locales pour participer à l’audit des formations sanitaires (évaluation communautaire).

Aujourd'hui, on parle au Burundi de FBP communautaire, est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que c'est?

A l'instar du FBP dit ‘clinique’ qui subventionne les services prestés par les  formations sanitaires, le FBP communautaire subventionne les résultats des agents de santé communautaires organisés. Les activités de ces agents se font sur 3 aspects: la sensibilisation de la population pour l'utilisation des services; la récupération des abandons (vaccination, tuberculose, ARV, etc.) et l'offre de services par les distributions (moustiquaires, méthodes contraceptives, etc.) (voir tableau ci-dessous, taux de change: 1 $ = 1530 FBU).

Paquet Indicateur Tarif (FBU)
Référence communautaire Client Conseil et Dépistage Volontaire (CDV) référé 500
Cas de fièvre référé 100
Cas de malnutrition dépisté et référé 500
Femme enceinte référée pour accouchement 1 500
Client Planification Familiale (PF) référé 700
Femme enceinte référée pour Consultation Prénatale (CPN) 200
Mère référée pour Consultation Postnatale (CPoN) 200
Recherche d’abandons Cas traitement Antirétroviral (ARV) perdu de vu récupéré 13 000
Cas Prévention de la Transmission Mère-Enfant (PTME) perdu de vu récupéré 13 000
Cas d'abandon du Programme Elargi de Vaccination (PEV) récupéré 800
Tuberculose Suspect confirmé par le Centre de Dépistage et de Traitement (CDT) 1 000
Suspect confirmé et positif 3 000
Examen de contrôle (C2, C5, C6, C8) 500
Approvisionnement en médicaments antituberculeux (par mois) 1 000
Tuberculeux déclaré guéri 5 000
Malade accompagné au CDT pour effets secondaires des antituberculeux 2 000
Sensibilisation Visites à domicile (10 par mois max.) 8 000
Séances de sensibilisation (10 par mois max.) 4 000

Tout cela va dans le sens de la politique de santé communautaire nouvellement élaborée par le ministère de la santé. Le centre de santé, en tant que structure de premier contact, n'était pas en mesure de fournir tous les services à la population et il fallait donc déléguer un certain nombre d'activités aux agents de santé communautaires.

Cela ne demande pas tellement de formation et l'agent de santé communautaire peut aussi être mis à contribution pour d’autres choses et décharger ainsi le centre de santé. Il peut par exemple donner l'information sur l'évolution des cas (par exemple dans le suivi du traitement de la tuberculose à la deuxième phase) et, dans certains cas, aussi contribuer à la référence en cas de complications.

Certains voient l'utilisation d'agents communautaires payés (le modèle FBP communautaire en quelques sortes) comme une forme réduite de participation communautaire où les agents sont en quelques sortes "instrumentalisés"? Qu'en pensez-vous?

J'ai un avis contraire. Il faut partir du contexte et de la mission que l'on veut confier aux acteurs communautaires. Dans un contexte de crise identitaire et économique, certaines questions d'éthiques doivent être abordées de façon spécifique. Le bénévolat n'a apporté de solutions nulle part. Si le prestataire de soins est rémunéré, pourquoi son sous-traitant qui est l'association des agents de santé communautaire ne le serait pas également? C'est une question d'équité. Beaucoup de gens travaillaient au niveau communautaire (d’ailleurs souvent avec des cadeaux) et c’était assez cacophonique. On trouvait des agents de santé communautaire formés par les intervenants, des accoucheuses traditionnelles et des pairs éducateurs formés par d’autres projets. Il fallait rationaliser et mettre à profit tout cela. C’est ce que nous avons fait avec le FBP communautaire qui incitait ces acteurs à se rassembler en associations. Ces associations n’ont progressivement gardé que les meilleurs et les plus motivés des agents de santé. Une vraie dynamique s’est installée et ces associations deviennent maintenant des références au niveau de la communauté et sont engagées dans son développement, parfois au-delà de la santé.

Ce système renforce le niveau communautaire du système de santé du Burundi. On a en effet senti les limites du système quand la communauté n'est pas impliquée. Il n'y a pas moyen de développer les activités promotionnelles sans impliquer la communauté. Grâce aux agents de santé communautaire, le centre de santé dispose d'un relais au niveau communautaire. Maintenant, il est certain qu’en finançant l'agent de santé communautaire, on doit prendre aussi des précautions afin qu'il ne se crée pas une confrontation, une jalousie entre le centre de santé et l'agent de santé communautaire. L'agent de santé communautaire ne devient pas pour autant un fonctionnaire. Il faut que les prestations qui sont offertes soient ponctuelles et qu'elles soient aussi rémunérées en fonction de la réalité des conditions de vie du burundais (le salaire d’un burundais qui travaille à la houe est de 2000BIF/jour).

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Est-ce que les limites du bénévolat ne s'appliquent pas aussi pour  les comités de santé ?

Pour les comités de santé aussi, le bénévolat a été en quelque sorte surmonté à travers la mise en œuvre du FBP. Nous avons senti que  si le centre de santé rémunère les prestations des membres du comité de santé, ce comité de santé n'aura plus de valeur représentative pour la population qui l'a élu. Donc, il a été imaginé une formule qui recommande aux structures de santé de contribuer au fonctionnement du comité de santé par un apport de 5% pourcent de ce qu'elles reçoivent en FBP. Le montant qui est donné n’est pas une prime, c’est un apport au fonctionnement. Le COSA peut s’acheter des stylos, du papier, des classeurs pour son fonctionnement. Et s'il faut payer une boisson le jour des réunions, c'est à eux d'apprécier. Les recettes qui sont générées au niveau du centre de santé sont en quelques sortes un apport de la communauté  à son financement et il est donc logique qu’une partie de celles-ci servent au bon fonctionnement de l’appareil de co-gestion communautaire du centre de santé. 

                                                                                                                                                                                                                                                                                    
Est-ce que la participation communautaire dans la santé a un avenir dans la région des Grands Lacs?

Oui, mais ça passe d’abord par la paix. Sans elle, difficile de continuer à travailler avec les communautés dans la durée. Dans le même temps, dans le contexte qui est le nôtre, l’approche communautaire donne une chance de rapprocher les populations, de les unir autour d'une même vision, d'un intérêt commun. A travers le FBP communautaire, il y a même une possibilité d’injecter un peu de fonds et de forme au niveau de la communauté. Une communauté qui est occupée, qui a du travail, qui a un intérêt commun, est beaucoup moins manipulable. La seconde condition est que le système de santé appréhende les besoins et réserve dans sa planification un financement pour ce  niveau. Il faut en effet organiser des formations cadrées pour ces acteurs communautaires.

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L'Initiative de Bamako 25 ans après - une réflection personnelle

7/13/2013

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Notre série sur les 25 ans de l'Initiative de Bamako touche progressivement à sa fin. Nous avons invité Sophie Witter (Université d'Aberdeen) à partager quelques réflexions sur l'Initiative de Bamako. Dans les semaines à venir, nous présenterons deux dernières interviews et quelques réflexions pour conclure (SCOOP: nous avons trouvé un des pères inconnus de l'Initiative de Bamako, qui, soit dit en passant, va répondre à certaines des questions soulevées par Sophie Witter).

Comme l'appel lancé à l’occasion de l’anniversaire de la déclaration le dit, l'Initiative de Bamako de 1987 a porté sur deux idées: (1) l'introduction (ou la formalisation) des frais d'utilisation et (2) la participation communautaire dans la gestion des ressources, dont les médicaments essentiels qui sont désormais vendus aux utilisateurs. Même si la facturation des frais d’utilisation aux utilisateurs a peut-être été une réponse nécessaire au moment où les dépenses publiques dans les secteurs sociaux s’effondraient, il y a toujours eu pour moi quelque chose d’un peu particulier à lier ces deux idées (la facturation des services à la population d'un côté et la participation communautaire de l'autre).

Au fil des années et des décennies qui ont suivi, les deux ont semblé se confondre, de telle façon que le paiement des services par la population a été assimilé à leur participation. Si les gens n’étaient pas obligés de payer, ils n’auraient quelque part pas le droit de droit de participer à la gestion des services publics. La réflexion allait un peu dans ce sens. Mais pourquoi? Je dirais que:

1. L'implication dans la gestion est une variable indépendante - si vous voulez que les gens se joigne à des comités, aient de l’influence sur les priorités ou participent à des activités communautaires, allez de l'avant, c’est très bien. Que les gens paient pour des services n'a aucune incidence sur cette question. Lorsque les services sont financés publiquement, les utilisateurs sont toujours des contribuables et des citoyens. Ils ont tout autant le droit d'influer sur la façon dont les services sont fournis.

2. Si vous devez faire payer les services parce que vous n'avez pas suffisamment de fonds, dites-le directement. Reconnaissez que c'est un mal nécessaire, qui sera, espérons-le, temporaire. Ne déguisons pas cela avec les avantages imaginaires de la participation communautaire.

3. Si la participation est une tellement bonne chose, pourquoi est-elle limitée aux zones défavorisées et aux populations pauvres? L'Initiative de Bamako se concentrait sur les districts ruraux, qui étaient ceux en substance ceux qui ne recevaient pas beaucoup de financement public. Ainsi, ceux qui pouvaient le moins se permettre de payer payaient, tandis que les zones urbaines pourraient se tourner vers des hôpitaux mieux financés, dont on ne s'attendait pas à ce qu’ils soient gérés par la population.

4. Nous avons besoin de reconnaître que s'impliquer dans la gestion des ressources et d'autres fonctions a des coûts très réels pour les participants. Ceux que vous voudriez voir les plus représentés sont ceux qui ont le moins de temps à perdre. En particulier, les pauvres et les femmes sont pauvres en temps – ils luttent pour survivre, ils travaillent, ils essayent de trouver du temps pour élever leurs enfants.

5. Enfin, la participation communautaire - qui, si elle est faite avec tact, peut être un outil précieux pour accroitre responsabilité du fournisseur de services - a besoin de fonctionner avec une bonne supervision, une réglementation, et en définissant les bonnes incitations pour les structures de santé et leur personnel. Si le système local de soins de santé publique est basé sur l'argent de la vente de médicaments et de services, car il l'était sous l'Initiative de Bamako, alors aucun comité d'usagers ne sera en mesure de protéger les patients contre les abus.

Alors que nous considérons rétrospectivement l'Initiative de Bamako, réfléchissons sur la pensée confuse qui allait avec, et réjouissons-nous d’entrer dans une ère où il y a un plus grand engagement national et international, pour tendre vers la couverture universelle, avec plus de financement public des services de santé essentiels. Confrontons-nous aux défis cruciaux d’une plus grande responsabilisation des fournisseurs de services et de la participation réelle - et non pas à la sorte de participation qui signifiait que vous deviez payer si vous vouliez que votre enfant survive.


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Participation communautaire en Afrique: "ma connaissance de ma propre société était en contradiction avec la théorie" - Entretien avec Fred Golooba-Mutebi.

5/17/2013

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25 ans après l'Initiative de Bamako, nous continuons notre exploration de la participation communautaire en Afrique. Le Dr. Frederick Golooba-Mutebi est politologue, il est Senior Research Fellow à l'École de l'Environnement et du Développement de l'Université de Manchester et chercheur associé au Programme sur la Politique Energétique de l'Afrique à l'Overseas Development Institute de Londres. Il a publié de nombreux articles sur le système de santé et la gouvernance locale, avec une concentration particulière sur l'Ouganda, le Rwanda, le Sud Soudan et l’Afrique du Sud.

Jean-Benoît Falisse: Vous avez travaillé sur les questions de participation communautaire depuis quelques années maintenant. Qu’est ce qui a déclenché votre intérêt pour ce sujet?

Fred Golooba-Mutebi:
Mon intérêt découle de la connaissance que j'avais de la façon dont la société dans laquelle je suis né fonctionne. En ayant grandi dans cette société, je savais à peu près comment les gens ressentaient et pensaient différentes choses. Un aspect clé de la participation est qu'elle suppose que les communautés, où qu'elles se trouvent, on toujours envie de s'affirmer vis-à-vis de leur dirigeants ou de personnes en position de pouvoir et d'autorité. Ma propre société est très hiérarchisée. Les gens traitent généralement leurs leaders avec déférence. Même lorsque l'on ne respecte pas un leader ou que l’on a un problème avec lui, on est plus susceptible d'éviter ce leader que de l’affronter. L'idée de la participation, avec des gens qui demandent des comptes à leurs dirigeants, est donc une proposition difficile. Traditionnellement, les dirigeants locaux ne rendaient pas directement compte à la communauté. Ils rendaient compte à leurs chefs, aux supérieurs de ceux-ci, et finalement au roi. En des temps éloignés (durant la période précoloniale), avant que la région où je suis né ne devienne plus peuplée, les gens pouvaient facilement déménager d'une région à l'autre. Cette possibilité leur permettait de quitter les zones présidées par des dirigeants qu'ils n'aimaient pour aller dans des zones avec des dirigeants qui avaient la réputation d'être bon. Pour un dirigeant, la conséquence d’être rejeté par la population qui avait « voté avec ses pieds » était souvent d’être finalement destitué par le roi. En bref, ma connaissance de ma propre société était en contradiction avec la théorie de la participation populaire. Cela a déclenché chez moi un intérêt pour moi pour étudier dans quelle mesure cette participation restait possible. J'ai trouvé que cela ne l’était pas vraiment. Qu'on le veuille ou non, les traditions et les manières de voir et de faire les choses vivent très longtemps.

La participation communautaire est un principe clé de l'Initiative de Bamako. Aujourd'hui, il semble que l'Initiative de Bamako n'a pas atteint ses objectifs. Quelles en sont les principales raisons d’après vous?

Il y a plusieurs raisons. La première est que la prestation de services en matière de soins de santé échoue en raison de facteurs qui vont bien au-delà de ce à quoi la participation peut répondre ou de ce qu’elle peut rectifier. Je pense par exemple à la disponibilité des médicaments et des ressources humaines dans les zones rurales et à la supervision professionnelle nécessaire à la prestation des soins selon les normes établies. L'idée de vouloir «capturer» pour le secteur public l’argent que les gens dépensaient dans les prestations privées était une bonne chose. Cependant, la faiblesse de l’Initiative de Bamako réside dans l'hypothèse que les gens seraient autant disposés à payer pour des soins dans les établissements publics que dans des établissements privés. L’expérience en Ouganda a montré que ce n'était certainement pas le cas. Pour beaucoup de gens pauvres, payer pour les soins dans les établissements publics en plus de payer des impôts était une contradiction dans les termes. « Pourquoi payer des impôts et ensuite payer pour des services publics? » Les gens savaient que la vocation des propriétaires d'établissements privés était de «faire des affaires» et donc de faire un profit, mais l'idée que les établissements publics fassent de même était en conflit avec la compréhension de beaucoup de gens de ce que les gouvernements sont censés faire, qui est de fournir des services de soins de santé gratuits. Plutôt que de payer pour des services publics de qualité inférieure, les gens préfèrent naturellement une prestation privée de meilleure qualité et plus réactive. La prolifération des établissements privés de toutes sortes rend la possibilité de «sortir» (exit) de l'offre publique assez facile. Sur les marchés de la santé peu réglementés des pays pauvres, les prestataires privés sont plus qu'heureux de fournir à leurs clients les services qu'ils veulent, pas nécessairement ceux dont ils ont besoin. Dans les années 1990, Susan Reynolds Whyte a constaté que, dans les régions rurales en Ouganda, les gens pouvaient se présenter dans les « pharmacies » et demander ce qu'ils voulaient comme médicaments, dans les proportions qu'ils s'étaient fixés, et en cohérence avec le montant d'argent qu'ils avaient. L'Initiative de Bamako est donc en deçà de ses aspirations parce qu'elle était fondée sur des présomptions plausibles mais discutables.

Pourquoi des propositions de participation communautaires telle que l'Initiative de Bamako apparaissent-elles à la fin des années 80 '? Pourraient / devraient elles avoir été conçues différemment?

Ces initiatives sont apparues au moment où il y avait un besoin urgent de changement. L'offre publique de services de santé dans la plupart des pays en développement était catastrophique. Il y avait une nécessité d'une réflexion radicale, de trouver les moyens d'aboutir à une amélioration. Oui, ces stratégies auraient pu être conçues différemment. Le principal problème, pour autant que je le comprenne, était l’approche « one-size-fits-all » (« taille unique »), suivant laquelle des initiatives de développement sont introduites dans tous les pays de la même façon, sans égard à aucune considération contextuelle. Clairement, chaque pays est différent, et tous les pays ne peuvent pas suivre le même chemin, dans les mêmes voies prédéterminées et promues par l'industrie du développement. Chaque pays devrait essayer de faire ce qui convient à son contexte plutôt que de s’aligner sur les soi-disant «bonnes pratiques». Si des pays comme le Rwanda ont eu plus de succès que d'autres dans la réforme de leurs systèmes de santé et de leur économie, c'est parce que, comme la recherche du Programme politique énergétique de l'Afrique à l'Overseas Development Institute l’a découvert, ils ont choisi le « meilleur ajustement » (best fit) plutôt que pour les « meilleures pratiques » (best practices). Ces expériences nous fournissent des arguments pour remettre en cause la tendance au sein de l'industrie du développement à promouvoir des solutions universalistes aux problèmes de développement et de gouvernance.

Vous avez été une voix critique de la participation communautaire et vous venez d'Ouganda - contrairement à un bon nombre d'éminents chercheurs sur la participation de la communauté qui viennent de l'Amérique du Nord / Europe de l'Ouest. Pensez-vous qu'il y a une "doxa" (occidentale) de la participation communautaire? Était-ce surtout une lubie des bailleurs de fonds?

Comme je l'ai dit au début, mon scepticisme quant à la participation découle de ma compréhension de la façon dont la communauté dans laquelle je suis né et ai grandi fonctionne, et comment des choses telles que le leadership y sont comprises. Il n'a jamais été tiré d’une théorisation de ce qui est bon pour les communautés pauvres. Le problème avec l'industrie du développement est qu'elle est dominée par des théoriciens dont la compréhension du monde ou des mondes qu'ils veulent changer ou améliorer est limitée et informée par des visites de courte durée et dans par des interactions superficielles avec les personnes dont ils veulent améliorer l’existence. Il me semble que le problème est vraiment le libéralisme naïf des étrangers bien intentionnés mais mal orientés qui travaillent avec des initiés locaux (des insiders) qui sont trop disposés à jouer le jeu sans se poser de sérieuses questions. À mon avis, les Rwandais sont vraiment dans le bon en refusant d'être traînés/accompagnés de force, en remettant en question et en rejetant ce qu'ils croient ne fonctionnera pas pour eux et en choisissant ce qui fonctionne pour eux.

Pensez-vous qu'il serait judicieux d'envisager d'utiliser des mécanismes de participation communautaire en Amérique du Nord / Europe de l'Ouest?

Je ne le pense pas. Les mécanismes participatifs exigent beaucoup de temps des gens. Vous ne pouvez pas attendre des gens dans une communauté qu’ils organisent toutes ces réunions et prennent toutes les décisions; quel temps leur reste-t-il pour vivre? J'ai vécu en Europe. Je n'ai jamais été assis dans une seule réunion communautaire et si quelqu'un avait exigé moi d'assister à autant de réunions que ce que l’on demande à ma mère dans notre village en Ouganda, je n'aurais jamais eu le temps de le faire. Ma mère assiste à très peu de réunions pour les mêmes raisons.  Dans les quartiers de Londres où j'ai vécu, les services fonctionnaient parce que le Royaume-Uni dispose d'un Etat qui  fonctionne. C'est de cela que l'Afrique et le monde en développement a besoin, et non de la participation communautaire. Cela ne veut pas dire que la participation n'a pas de valeur. Elle peut renforcer un Etat solide dans lequel les gens peuvent se lever et exprimer leur mécontentement quand ils le jugent nécessaire. Cela ne peut marcher que dans un contexte où l'Etat est réactif. Sinon, les gens ne voient pas de raison de s'engager dans une action citoyenne qui ne donne aucun résultat.

Si je comprends bien, la participation communautaire dans les services sociaux en Ouganda a également été très fortement encouragée par l'Etat. Quelle en était la raison? Est-ce que cela n’a pas un peu plus affaibli l'Etat?


En tant que mode de développement, la participation a coïncidé avec la montée en puissance du Mouvement de résistance nationale (NRM). La direction du NRM avait testé l'intérêt des citoyens à participer à la prise de décision pendant la guerre civile quand ils ont organisé les citoyens en conseils locaux afin de leur permettre de prendre en main des choses telles que la sécurité ou le recrutement de soldats dans les zones qu’ils contrôlaient. Ces arrangements ont assez bien fonctionné et le NRM a cherché à les appliquer à la gouvernance d'après-guerre, une fois qu'il a pris le pouvoir. Le fait que ces arrangements offraient une fenêtre d’opportunité pour pénétrer les campagnes, saper les structures traditionnelles d’autorité, et renforcer leur Etat central n’est pas étranger au choix de cette stratégie. En outre, la prise du pouvoir du NRM coïncide avec la période du début de l'après-guerre froide quand la démocratisation et l'accompagnement des phénomènes tels que la décentralisation étaient à l'ordre du jour des donateurs. En ce sens, il y avait une coïncidence d'intérêts entre la direction du NRM et la communauté des donateurs. Deux décennies plus tard, nous savons qu'il y a eu beaucoup de naïveté en supposant que les gens ordinaires voulaient et étaient capables de surveiller leurs dirigeants et de diriger leurs services de base. Je ne pense pas que la participation affaiblit l'Etat, c’est plutôt qu’elle ne fait rien pour renforcer des Etats déjà faibles. Elle a permis à certains gouvernements de se soustraire à leurs responsabilités de faire fonctionner les choses et à mettre la charge sur ses citoyens qui ne possédaient ni l'envie ni la capacité pour le faire.

Dans un article récent, vous affirmez que «la coordination et la supervision verticale et horizontale et la solidité de la mise en place effective de mécanismes de rendre compte» sont les clés de la prestation efficace des services sociaux. Quel est exactement le rôle des communautés là-bas? Quel est l'avenir de la participation communautaire dans la prestation des services sociaux?

Oui, en effet, ce sont les clefs à mon avis. Les communautés devraient avoir des moyens par lesquels elles peuvent mettre la pression sur leurs dirigeants si elles jugent que c’est la chose à faire ce moment. Cela pourrait se produire si, par exemple, elles trouvent que la qualité de la prestation de service est en dessous de leurs attentes. Pour ce faire, des campagnes de sensibilisation doivent être organisées afin de s'assurer que les gens connaissent leurs droits. C'est plus ou moins la situation dans les démocraties occidentales. Les gens ne sont pas obligés - et je dis bien obligés - de participer à la prise de décision à l'échelle où les gens dans les pays pauvres le sont. Toutefois, lorsque les dirigeants prennent des décisions qu'ils jugent inacceptables, ils ont le droit de manifester ou de s'engager dans des formes d'action citoyenne qui leur permettent de transmettre leur message ou messages à ceux à qui ils sont destinés. Cependant, il ne faut pas s'attendre à ce que le changement survienne du jour au lendemain. Le genre de militantisme que nous voyons dans les démocraties avancées s’est enraciné dans de longues périodes de temps.

Il me semble que la participation populaire est rarement considérée comme un acte politique. De votre recherche et d'expérience, diriez-vous que la participation populaire est un acte politique?

Si nous sommes d'accord que la participation est destinée à influencer la prise de décision et dans un même sens l'allocation des ressources, alors il s'agit de faire un choix entre ou parmi des idées concurrentes. C’est donc un acte politique. C'est dans un sens aussi une des raisons pour lesquelles la participation populaire est une proposition difficile dans des contextes où les relations entre les dirigeants et le peuple qu'ils dirigent sont très hiérarchisée et n'entraînent pas de confrontation directe ou de contestation.


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La prise en charge des indigents : la responsabilité de chacun !

5/6/2013

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Les participants du cours « Politique de Santé »

Le 26 avril 2013, dans le cadre d’un module de cours sur la gestion des connaissances, les participants à la formation courte « politiques de santé » à l’IMT d’Anvers ont organisé un débat autour du film « Ah les indigents ! » (1). Ce film raconte la conduite d’une recherche-action au Burkina Faso. Dans ce blog post, les participants rapportent le contenu des discussions et donnent quelques conseils à tous ceux qui voudraient exploiter ce film (en libre accès sur youtube) dans un cadre didactique ou de plaidoyer.

Depuis l'adoption des politiques de recouvrement des coûts des soins en Afrique subsaharienne dans les années 80, la problématique de l'utilisation des services de santé par  les indigents est devenue un enjeu plus visible. Le débat est entretenu par les résultats controversés des politiques de paiement des soins par les usagers, y compris pour certains groupes vulnérables bien plus larges (enfants, femmes…). Ces dernières années, des expériences de réforme du financement des systèmes de santé ont été initiées en Afrique. Certaines  s’attellent à mieux concilier les objectifs d'efficacité et d'équité, notamment en prenant en compte le problème de l'accès aux soins et de l'utilisation des services de santé par les indigents (nous pensons par exemple aux expériences des fonds d’équité).

Les défis sont connus : Qu’est-ce que l’indigence ? Qui sont les indigents ? Comment les identifier ? Où sont-ils, où vivent-ils ? Qui va payer pour leur prise en charge ?

Une recherche-action… un film… un débat

Ce sont à ces questions qu’une recherche-action mise en œuvre au Burkina Faso dans le district sanitaire de Ouargaye, a tenté de répondre. Un film documentaire intitulé « Ah les indigents ! » a été réalisé sur cette recherche-action par Malam Saguirou, avec le concours financier du CRDI du Canada. La recherche-action, elle-même, était conduite par l’équipe du Professeur Valéry Ridde de l’Université de Montréal.

Ce court-métrage reprend les étapes de la recherche-action et montre comment les communautés ont été en mesure de se mobiliser pour favoriser l'accès aux soins des indigents. Il démontre que l’identification communautaire est une bonne solution pour identifier les personnes les plus démunies en milieu rural, tout en mettant le doigt sur le dénuement extrême de l’individu et sur le droit à la dignité. Il illustre également comment des communautés peuvent mettre en place des mécanismes de solidarité, sans intervention financière externe.

Ce documentaire de 26 minutes a été présenté aux étudiants et enseignants de l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers le 26 avril 2013. Il a ensuite donné lieu à un débat sur la problématique des indigents dans les pays pauvres notamment africains.

Enseignements du débat

Sans conteste, le film a été apprécié. Il touche à différentes problématiques et nous a amené à discuter de nombreuses questions. Certaines étaient spécifiques au sujet : l’acceptabilité de l’indigent par le personnel de santé, la problématique de la qualité au rabais pour les indigents, la pérennité de la prise en charge des indigents par la communauté, les mécanismes mis en place en cas d’indigence temporaire…

D’autres étaient plus systémiques : la viabilité financière des formations sanitaires, l’efficacité de la participation communautaire et le fonctionnement des COGES, les soins centrés sur le patient, la qualité des soins, la problématique de l’accès aux soins de santé par les populations dans les pays à faible revenu…

Certaines questions, enfin, dépassaient le seul secteur de la santé : l’acceptabilité sociale de l’indigence, la solidarité dans la communauté pour la prise en charge de ses indigents, les enjeux politiques liés au droit à la santé et la lutte contre la pauvreté, la prise en compte des déterminants sociaux de la santé dans les solutions à rechercher pour la prise en charge des indigents, la protection sociale  des indigents au-delà de leurs besoins pour la seule santé…

L’auditoire était international (il rassemblait des participants à différents programmes de cours à l’IMT): les différentes contributions des participants ont souvent été étayées par des références aux expériences dans les pays d’origine (Burundi, Bénin, RDC, Sénégal, Burkina Faso, Maroc, Madagascar, Guinée…). A l’issue de ce débat que nous avons animé, il ressort qu’il est possible au niveau des communautés et partant à plus grande échelle de définir l’indigence, de sélectionner les indigents sur la base de critères consensuels et de les prendre en charge.

Le principal message du film

Selon nous, le principal message du film est toutefois peut-être ailleurs que dans les enjeux techniques: il montre, que même avec peu de moyens, il est possible de mener des actions spécifiques en faveur des plus pauvres, et ce chacun à notre niveau. Il nous rappelle notre dimension humaine, nous fait prendre conscience de la situation que vivent les indigents et nous oblige à nous engager, à mener des actions en faveur des plus pauvres. De fait, l’aide aux indigents ne nécessite pas de grandes révolutions sociales ou politiques, des réformes techniquement complexes. Elle repose sur notre empathie pour les exclus. Si chacun, à son échelle peut faire quelque chose, comme techniciens, nous pouvons aussi lutter pour dépasser l’immobilisme et impulser la dynamique pour asseoir un véritable mécanisme d’assistance sociale pour la prise en charge des indigents. C’est le principal signal lancé par la Déclaration faite à Marrakech en septembre 2012 par les participants de l’atelier sur l’équité dans la couverture sanitaire universelle : comment atteindre les plus pauvres ? 

Par ailleurs, il ne revient pas qu’au secteur de la santé seul de se consacrer à cette question. L’Etat doit se réinvestir dans cette responsabilité qui fait partie de ses prérogatives en impliquant tous les secteurs pour garantir le droit à la santé, le droit à la dignité humaine à tous comme stipulé dans toutes les Constitutions de nos pays.

Nos conseils pour la meilleure exploitation didactique du documentaire

Le film « Ah les indigent ! » est touchant, stimulant et efficace. Le film peut avoir de nombreux usages (y compris comme outil de réflexion plus méthodologique, par exemple sur la recherche-action !) et devrait pouvoir séduire différents types de publics. 

Nos conseils à nos lecteurs qui souhaiteraient exploiter ce film dans le cadre d’un cours, d’un plaidoyer ou d’une réunion de travail autour de l’indigence sont les suivants : (1) après le film, donnez la parole à l’auditoire en leur posant d’abord la question « qu’est-ce qui vous a interpelé, ému ? » - faites jouer l’émotion; (2) ensuite, seulement, abordez les (nombreux) aspects plus techniques ; (3) en général, exploitez l’expérience des gens dans la salle – si vous avez quelqu’un qui a travaillé activement auprès des pauvres (par exemple, un assistant social) veillez à ce qu’il ou elle partage son expérience ; (4) prévoyez une équipe d’au moins 3 personnes pour l’animation : le facilitateur, une personne au tableau pour noter les réflexions et les organiser ; une personne pour faire circuler le micro ; (5) faites une synthèse en dégageant les grands messages à retenir ; (6) invitez chacun à exploiter ce film à son propre niveau.

Nous n’avons pas rencontré de difficultés techniques pour projeter ce film : il vous suffit d’avoir un projecteur, un ordinateur, un système audio et une bonne connexion à internet (vous pouvez aussi télécharger le film, si Media Player est installé sur votre ordinateur). Le film est en partie en langue locale, il existe en version sous-titrée français et anglais.

Voilà, vous êtes fin prêts : qu’allez-vous faire à votre niveau ?

Note:
(1) Le module de cours "gestion des savoirs et décisions politiques" aborde les différentes stratégies pour le meilleur partage des connaissances en santé publique, y compris les média sociaux. Ce cours a été coordonné et développé par les professeurs Bruno Meessen (IMT, Anvers), Valéry Ridde (Université de Montréal) et Christian Daguenais (Université de Montréal). N'hésitez pas à les contacter si le sujet vous interpelle. 



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Interview avec Agostino Paganini (2/2): "l'Initiative de Bamako est morte il y a longtemps"

4/26/2013

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La deuxième partie de notre entretien avec le Dr Agostino Paganini nous amène à traiter de l'évolution de l'Initiative de Bamako dans le temps et de sa dimension politique. Après son travail en tant que directeur de l'Initiative de Bamako de l'UNICEF à New-York, le Dr Paganini a continué à travailler avec l'UNICEF en tant que chef d'équipe pour la santé dans les situations d'urgence et en tant que directeur pays en Somalie. Il a également travaillé comme consultant senior pour la Banque Mondiale et conseille le directeur de CUAMM (Médecins avec l'Afrique). (Vous pouvez accéder à la première partie de l'interview ici)

Avec le recul, certaines personnes disent que le programme de l'Initiative de Bamako a rarement été correctement mis en œuvre. Dans un post sur ce blog et dans un article, Valery Ridde dit même que nous devrions peut-être abolir l'Initiative de Bamako. Comment voyez-vous la mise en œuvre des principes de Bamako jusqu'à maintenant?

Je pense que cette initiative est morte il y a longtemps. Je pense que certains de ces principes sont toujours incroyablement valables et que certains des problèmes auxquels elle tentait de répondre existent toujours. Le problème de la responsabilité publique et de la participation des populations dans la gestion de leur système de santé aurait dû être mieux pris en compte avec plus de démocratie, mais il est toujours laissé sans intérêt dans de nombreux pays africains. Le problème des dépenses « out-of-pocket » sans aucune règle est également toujours extrêmement valable. On peut appeler cela l'Initiative de Bamako ou on peut l’appeler comme on veut, cela n'a pas vraiment d'importance: quelques-uns des problèmes auxquels l'Initiative de Bamako tentait de répondre sont toujours là et certaines des expériences et des principes (dont certains ont été appliqués et certains ont été mal appliqués) sont toujours d'actualité. Mais l'initiative, non, je ne pense pas qu'il existe chose comme l’initiative de Bamako en vie pour le moment. Tout du moins, je n'ai rien vu.

Seriez-vous d'accord avec Susan Rifkin, qui déclare que l'Initiative de Bamako a élargi les horizons de la participation de la communauté? Est-ce que l’utilisation du terme redevabilité communautaire au lieu de participation change quelque chose ?

Soyons clairs, la redevabilité communautaire cela veut dire la redevabilité envers la communauté. La différence avec cette notion c’est que les communautés deviennent propriétaires (« shareholders »). Avant ils payaient sous la table, maintenant ils paient et ils peuvent demander "qu'avez-vous fait de l'argent?", "pourquoi n'avez-vous pas fait ceci ou cela?". C'est la différence entre un processus participatif vague et une représentation et une participation dans la gestion de l'unité de santé. Et c'est quelque chose sur lequel nous devons encore travailler. Les gens n'ont pas voix au chapitre (« voice ») et aucune porte de sortie (« exit ») dans les pays à faible revenu, sauf bien sûr d’aller dans le secteur privé, mais ce n'est pas une option pour les pauvres.

Dans sa récente interview sur ce blog, Sassy Molyneux insiste sur le fait qu'il faut « examiner attentivement la rémunération et les autres formes d'incitations pour les représentants de la communauté, les défis de l'asymétrie entre le personnel de santé et les représentants de la communauté en matière de ressources et de pouvoir, et l'importance de bâtir des relations de confiance ». Pour moi, cela ressemble un peu à considérer la « politique locale » de santé. Il m'a toujours semblé que peu d'attention était portée à la dimension politique dans l’Initiative de Bamako. Nous sommes pourtant dans une sorte de processus politique, non?

Oui, c’est politique. Et ne pas comprendre que c'est politique est la plus grosse erreur que vous pourriez faire. Je pense que dans la communauté de la santé publique, nous sommes parfois très naïfs. Nous pensons à la supervision et à la formation comme les clefs de tout, mais la santé c’est politique. C'est pourquoi les États-Unis ont leur système de santé, et c'est pourquoi les Scandinaves ont un système de santé différent. La science est la science, mais la façon dont la science est disponible ainsi que la qualité et l'équité de l'accès aux soins sont des questions politiques. Nous devons accepter que le chemin pour obtenir des soins de santé de haute qualité et équitables est difficile et que nous ne sommes pas encore là. Il y a encore une énorme asymétrie entre le personnel de santé et la population, et c'est un signe que la démocratie n'est pas encore là. Nous devons commencer à partir de ce problème. Ce que j'ai vu avec l'Initiative de Bamako est une question profondément politique, et non strictement technique. Mais bien sûr, les gens utilisent des choses et des déclarations de différentes manières et ils ont utilisé cette initiative en fonction de leurs propres intérêts et points de vue.

Vingt-cinq ans ont passé. Vous avez une grande expérience des soins de santé primaires dans les pays à faible revenu. Quelles seront les clés pour les soins de santé primaires au cours des 25 prochaines années?

Ce que je vois venir est plus de privatisation et plus d'urbanisation. Les gens semblent trouver dans les zones urbaines et même dans les bidonvilles des opportunités qu'ils n'ont pas dans leurs zones rurales. Certains pays sont de plus en plus avancés dans l'établissement de l'assurance-maladie –ce qui est une excellente chose, je pense. A la fin de mon travail sur l'Initiative de Bamako, nous étions focalisés sur deux choses (il y avait deux équipes). L'une était le monitoring communautaire, car l’information c’est le pouvoir. L'autre était l'assurance locale. L'assurance maladie est un enjeu majeur, mais elle est difficile à établir. Dans de nombreux cas les programmes commencent à l'échelon national, et pourtant, en Europe ce sont des mécanismes de solidarité locaux qui ont été les assurances initiales.

Nous devons travailler sur la responsabilité/redevabilité publique et l’équité. Ce sont les deux domaines clés. Allons-nous dans cette direction? Je ne suis pas sûr. Je pense que dans certains pays, nous le sommes, mais dans la majorité des autres pays, le secteur privé est de plus en plus important car les gens ont plus de ressources et le secteur public reste sous-financé. Qui plus est, ce secteur public est très inefficace à moins qu'il y ait une forme de redevabilité envers le public. C'est le bilan mitigé que j'ai. D'un côté, il y a des pays qui progressent bien ; prenez par exemple l'expérience du Rwanda avec les mutuelles de santé et la nouvelle politique de rémunération du personnel. Mais de l'autre côté, il y a beaucoup d'autres pays, qui, je pense, ne vont pas dans le même sens.

Est-ce qu’il y a une question que je ne vous ai pas posée et que vous auriez souhaité que je vous pose ? Ou bien une conclusion que vous souhaiteriez faire?

Pas vraiment, pour moi c'était une expérience fascinante. J'ai réalisé que c'était aussi un débat passionnant. Certaines de ces questions sont, comme je l'ai dit, très politiques et certaines sont extrêmement pertinentes aujourd'hui. Nous devons aborder la relation entre le patient, le client et le fournisseur de services. Le débat actuel sur le financement basé sur la performance, qui lie financement non aux médicaments, mais aux résultats, est également très intéressant. Bien sûr, cela ne résoudra pas tous les problèmes. Je pense que nous devrions être en mesure de voir quelles ont été les bonnes expériences dans le passé et aller de l'avant, en ajoutant de nouvelles expériences. La responsabilité publique de base et le rôle des populations sont extrêmement importants, la bonne gouvernance des centres de santé est très importante, mais le financement basé sur les résultats est également très prometteur si nous le combinons avec d'autres choses que nous avons apprises. Nous ne devons pas passer de mode en la mode, mais de prendre en compte le passé, comprendre ce que nous avons appris et le développer.


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Histoire de l'Initiative de Bamako: sous le leadership de Mr Grant (et du Dr Mahler)

4/17/2013

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Jean-Benoît Falisse

Pour l’interview suivante de notre série sur la participation communautaire et l'Initiative de Bamako, nous avons rencontré le docteur Agostino Paganini. Agostino Paganini a une vaste expérience des soins de santé primaires et d'urgence en Afrique, un domaine dans lequel il a été actif pendant plus de quarante ans. Il était le directeur de l'unité de soutien à l’initiative de Bamako au siège de l'UNICEF. L'unité travaillait en étroite collaboration avec les pays africains qui avaient manifesté leur intérêt pour les principes de l’Initiative de Bamako. Dans la première partie de l'interview que nous publions aujourd'hui, il partage son analyse de la mise en place de l'Initiative de Bamako. La semaine prochaine, nous découvrirons son analyse de l'évolution des principes de l'Initiative de Bamako au fil du temps.

Jean-Benoît Falisse: Si je ne me trompe pas, vous avez participé à la conférence de Bamako. C'était la 38e réunion régionale africaine de l'OMS, mais l'UNICEF y a également pris part. Que faisiez-vous à ce moment? D’où l'Initiative de Bamako venait-elle?

Agostino Paganini: A cette époque, je travaillais sur un programme conjoint UNICEF-OMS de soutien nutritionnel. J'étais basé à New York et techniquement je travaillais pour l'OMS. Je n'étais pas là à Bamako, mais mon expérience de l'événement est encore vivace. Je me souviens très bien des implications organisationnelles et de toutes les retombées et les aboutissants de cette initiative de M. Grant. Bien sûr, tout ce que je vais dire dans cette conversation pourrait être biaisé, c’est ma propre expérience telle que j'ai revue et comprise au fil des années. A cette époque, le Dr Halfdan Mahler était le Directeur général de l'OMS, et M. Jim Grant était le Directeur exécutif de l'UNICEF. Tous deux étaient des dirigeants extrêmement charismatiques et puissants et ils étaient deux figures majeures du débat en santé publique et sur le développement de la santé. Mahler mettait l’accent sur les soins de santé primaires, avec une vision globale et une sensibilité aux implications politiques. Grant était beaucoup plus pragmatique, il croyait en une vision de type « guerre froide », où il y avait peu de chances de progrès importants, et il croyait donc en des étapes successives qui amèneraient l'éducation à la santé dans l'arène politique. Après la déclaration de Harare [sur le renforcement du système de district de santé fondé sur les soins de santé primaires], Grant est venu avec Bamako. Pas nécessairement, contrairement à ce que certains ont cru percevoir, comme une déclaration antagoniste à Harare, mais peut-être plus comme une déclaration plus progressive, moins « visionnaire ». Bien sûr, pour lui, c'était aussi un moyen de faire du plaidoyer pour l'Afrique parce qu'il voulait plus de ressources pour l'organisation de la santé et la survie des enfants en Afrique - et il a vu la déclaration comme un moyen de les avoir. Fondamentalement, la relation entre les déclarations de Bamako et Harare pourrait être considérée dans le contexte d'un débat intellectuel entre ces deux géants des questions de développement.

Dans le contexte de ce débat intellectuel, qui faisait pression pour l'Initiative de Bamako? Quels ont été les principaux points de consensus et de divergence entre les pays et / ou organisations?

Aux côtés des ministres africains, l'UNICEF a encouragé et fait pression pour ce genre de déclaration - pour laquelle l'OMS n'était pas particulièrement enthousiaste. En fait, même certaines parties de l'UNICEF n'étaient pas très heureuse à ce sujet. Au niveau politique, ce qui était évidemment le plus difficile à accepter c'était la question des frais d'utilisation et du partage des coûts. L'UNICEF et M. Grant, sur base de ce qui se passait au Bénin et dans de nombreux pays africains, s'est rendu compte que le payeur réel en matière de santé n'était pas le gouvernement, pas plus que le bailleur, c’était le foyer, le ménage. La majorité des dépenses étaient payées directement de la poche des foyers. Il s'agissait donc de «co-financement». Comme certaines personnes identifiaient cette idée d'avoir les gens co-financer leurs services de santé avec la vision de la Banque Mondiale sur les frais d'utilisation, le débat est devenu très idéologique. Dans la proposition de l'Initiative de Bamako, il était suggéré que les gens paieraient quelque chose de leur poche. Si les bailleurs aidaient à améliorer les services en termes d'infrastructure, de disponibilité des médicaments, de formation et de supervision du personnel et de mécanismes de suivi, on aurait tort de considérer que les gens ne doivent pas contribuer du tout au coût de la prestation de services (même si c’est en payant moins que le coût réel). Cet argent resterait avec les gens qui avaient payé, au niveau du centre de santé, et il serait contrôlé par la communauté. C'était l'hypothèse. La réaction de l'autre côté a été de crier à la privatisation et d’appeler cela un moyen de faire payer les gens pour la santé, alors que la santé est un droit humain fondamental qui ne peut être vendu.

Une partie de l'Initiative de Bamako porte sur  la participation communautaire. Dans l'entrevue avec Susan Rifkin, elle explique que son intérêt pour la participation de la communauté a commencé avec l'expérience des médecins aux pieds nus en Chine. Y a-t-il quelque chose de semblable en Afrique? Quelque chose qui a convaincu les gens à Bamako?

Dans l'unité que je gérais à New York, tout le monde était absolument convaincu que le plus grand changement politique qu’a apporté l’initiative de Bamako n'était pas d’abord lié à l'argent mais à l'effort pour renforcer les communautés dans leur contrôle des centres de santé et de leur personnel. Nous avions l'impression que le personnel de santé avait alors en quelque sorte privatisé le système de santé. Le système de santé ne fonctionnait plus, il s'agissait d'un secteur privé non-réglementé où vous aviez à payer pour tout, sans aucun contrôle sur la qualité ou sur l'utilisation de l'argent. Pour nous, l'Initiative de Bamako était un moyen de renforcer la capacité des gens à faire partie et prendre part à la gestion du centre de santé. Il ne s'agissait pas de la gestion technique du centre de santé, mais bien des aspects de  «gouvernance». Est-ce que cela a été un succès? Dans certains endroits, comme au Mali au début, c'était assez bon. Pourtant, j'ai eu l'impression que, après un certain temps, l'Initiative de Bamako a été interprétée/considérée par certains des ministères de la Santé comme une excuse pour faire payer tout ce qu'ils voulaient sans aucun contrôle par la communauté sur l'argent.

Au niveau communautaire, qu’est ce qui était en place au moment de la déclaration de l'Initiative de Bamako?

Dans certains pays, il y avait des comités de santé, mais ces comités de santé n’avaient jamais de contrôle sur aucune ressource. Dans ces pays, on pourrait partir de ces comités. Cependant, dans d'autres pays comme la Guinée après Sékou Touré, il n'y avait rien. Le système de santé avait été détruit et avec le ministère de la Santé de la Guinée, des comités de gestion ont été mis en place. Ce fut le début d’un mouvement qui allait donner de la substance à la participation communautaire à travers le co-financement et la cogestion des centres de santé. Tel était le langage que nous voulions utiliser, non pas « recouvrement des coûts », mais « cogestion communautaire et co-financement ». Cela a été mis en œuvre dans différents pays et sous des étiquettes différentes. Il s'agit d'un processus fastidieux qui nécessite beaucoup d’appui au niveau communautaire.

L'Initiative de Bamako pourrait être décrite comme ayant trois piliers: (1) participation communautaire, (2) mécanismes d'autofinancement et (3) un approvisionnement régulier en médicaments. Vous avez déjà abordé les deux premières questions, pourriez-vous dire un mot sur l'approvisionnement régulier en médicaments?

L'expérience sur le terrain est que les centres de santé n'étaient pas utilisés et leur utilisation était incroyablement basse pour deux raisons: (1) une était lié à l'infrastructure et au comportement du personnel qui étaient perçus comme 'pourris' et donc les centres de santé déclinaient et l'autre (2), c'est qu'il n'y avait pas de médicaments. Les médicaments sont perçus par les utilisateurs comme un élément clé dans le processus thérapeutique, et c'est fondamentalement vrai où que vous soyez. Les gens dépensaient leur argent sur le marché non réglementé ou n'importe où ailleurs. Il était évident que les médicaments devaient être disponibles dans le centre de santé. Le centre de santé devait devenir le lieu non seulement pour les soins préventifs, mais aussi pour les services curatifs. Il ne faut pas oublier que la principale préoccupation de l'UNICEF à cette époque ce n'était pas des soins curatifs, c'était principalement la vaccination et la survie des enfants (qui sont pour la plupart liés à des soins préventifs). Toutefois, amener les personnes au centre de santé en raison de la disponibilité des médicaments pour leurs besoins curatifs était une façon de travailler sur le côté préventif.

Je prends un exemple: la survie des enfants et le paludisme sont deux problèmes très évidents de l'Afrique qui n'étaient pas très bien pris en charge. Il y avait des programmes verticaux avec des antibiotiques et des médicaments antipaludiques, mais ils n'étaient pas suffisants. Avoir un centre de santé fonctionnel était donc vu par nous comme un moyen de tendre vers une vision beaucoup plus globale des soins de santé primaires. C'était un processus graduel par lequel les staffs de santé étaient formés et les centres de santé améliorés grâce à des investissements des bailleurs de fonds et du gouvernement. Les frais de fonctionnement qui n’étaient pas couverts par le gouvernement étaient cofinancés par la communauté. La clé était d'avoir un comité qui supervise la gestion de l'argent afin qu'il y ait de la redevabilité envers le public. La participation communautaire était considérée comme un moyen de faire en sorte que le personnel médical et administratif rende compte à la population. Ce système de monitoring était fondamental car il permettrait aussi au comité de direction et au personnel d'avoir une vue sur la couverture et la vaccination, le nombre de visites, le nombre de femmes qui ont accouché, etc. De cette façon, ils pouvaient se fixer des objectifs, discuter entre membres du comité et personnel de santé des goulots d'étranglement dans le système et, en fin de compte, améliorer la durabilité, l'accès et l'utilisation correcte des services.

(à suivre)


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Série "25 ans de l'Initiative de Bamako": participation communautaire dans la santé à l'Est de la RD Congo (deuxième partie de l'interview avec le programme 'Tuungane' de IRC)

2/21/2013

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Jean-Benoît Falisse


Voici la deuxième partie de l'interview avec le programme de reconstruction communautaire 'Tuungane' mené par IRC à l'est de la RD Congo. Nous nous intéressons maintenant plus spécifiquement à la participation communautaire dans la santé.


JBF : Venons-en maintenant à la santé. Si je comprends bien, les communautés avaient le choix de l'allocation de la bourse de IRC. La santé a-t-elle été un secteur beaucoup sollicité? Est-elle apparue comme une priorité? Quels étaient les défis principaux?

VQ & FD : Tuungane I à 2 projets : au niveau du village (projet CDV avec $3,000) et au niveau de la communauté qui est un regroupement plus large des mêmes villages (projet CDC entre $50,000 et $70,000)
La santé est en moyenne le deuxième secteur de choix dans le cadre du programme Tuungane qui y a accordé plus de 5 millions de dollars de 2007 à 2010. L’éducation est souvent le premier choix des communautés notamment parce que ce secteur reçoit à l’heure actuelle nettement moins d’appui extérieur que le secteur de la santé. Ce secteur est aussi plus régulé que les autres en RD Congo : il faut avoir un code d’immatriculation, et plus important, un staff qualifié pour opérer.

Pour les projets à impact rapide de Tuungane 1, la santé occupe la 3ème place avec 223 projets réalisés et 484 mille dollars investis. Les communautés ont donc choisi de construire, de rénover ou d’équiper leur centre ou poste de santé voire leur maternité. La santé a eu une place bien plus importante lors des projets communautaires : 69 projets d’envergure pour un total de presque 5 millions de dollars décaissés.
L’équipement fut particulièrement onéreux avec près de $10,000 par centre de santé. Une bonne partie allait pour l’achat de panneaux solaires, convertisseurs et batteries pour assurer l’alimentation en électricité, toujours absente dans les zones rurales.

Enfin, un grand défi est la gestion et la fonctionnalité de ces infrastructures. Sans approvisionnement en médicaments, sans personnel qualifié et supervisé, un centre de santé ne peut pas fournir un service de qualité. Tuungane s’assure dès lors de faire le lien avec les services techniques et les autres bailleurs pour assurer la pérennité de ces structures de soin.

JBF : IRC a aussi choisi de renforcer les comités de développement sanitaire (CODESA), pourquoi avoir choisi une telle approche? Est-ce que des CODESA peuvent vraiment fonctionner dans un contexte d'urgence humanitaire qui est celui d'une partie de l'est de la RDC?


VQ & FD : Le comité de la santé (CODESA) est véritablement le point d’entrée du programme pour comprendre les réels défis du personnel de santé au niveau local. Généralement, les défis ne se limitent pas au manque d’infrastructure. Généralement, les problèmes touchent tout autant la gestion financière et logistique de ces infrastructures.
Mais le plus souvent, le CODESA n’arrive pas à jouer ce rôle de relais communautaire. Par manque de connaissance de ses responsabilités ou par manque de moyens pour les réaliser.  Plutôt que l’urgence, c’est le faible niveau d’instruction, de supervision et de moyens de ces organes qui limite leur performance.  Même au Haut Katanga, dans le Sud du pays, qui n’est pas dans un contexte d’urgence à proprement parler, les CODESA ne sont pas suffisamment fonctionnels.

En principe, le CODESA est censé cogérer les ressources du centre de santé, participer à l’élaboration du plan de développement de l’aire de santé, faire le suivi et l’évaluation des interventions sanitaires, programmer des assemblées générales avec la population pour prendre les décisions majeures et leur rendre compte sur les décisions des services techniques. Selon son mandat, il doit aussi mobiliser des ressources locales, élaborer des microprojets d’aménagement d’ouvrages, s’assurer de l’assainissement du milieu, et informer, éduquer et communiquer avec la population sur les principes clés de la santé.  Lorsque la communauté choisit de travailler dans le secteur de la santé, Tuungane renforce ces CODESA.
Systématiquement, quelques membres du CODESA sont inclus dans le comité de développement du village (CDV) pour qu’ils puissent apporter leur avis technique, bénéficier des formations dispensées par le programme et faire le lien entre le CDV élu dans le cadre du programme et le personnel de la santé. Ils participent ainsi pleinement à l’identification, au montage et à la gestion du projet communautaire.

Dans sa seconde phase, le programme accorde une subvention de $24,000 par communauté. Celle-ci est divisée en deux parties. La première, 95%, sert à réhabiliter l’infrastructure sanitaire existante. La seconde partie de la subvention, 5%, est consacrée à l’amélioration du service proprement dit c’est-à-dire la résolution des problèmes liés à la gouvernance et la gestion de l’infrastructure.

JBF : IRC a aussi mis en place des cartes communautaires (community score cards) dans la santé. C'est une stratégie de participation déjà relativement ancienne, que tirez-vous de cette expérience? Quelle a été la spécificité de vos cartes?

VQ & FD : Pour insuffler une relation de redevabilité et de reddition de comptes entre prestataires de service et bénéficiaires, le programme se focalise d’abord sur la diffusion d’informations concernant les normes étatiques en vigueur. Ensuite, on introduit un outil d’évaluation et de suivi communautaire : le Bulletin Communautaire de Performance. A travers ce bulletin, la communauté peut évaluer régulièrement la performance du service fourni dans son école ou son centre de santé. Après cette évaluation, un plan d’amélioration du service est élaboré conjointement entre prestataires et bénéficiaires du service. Ceci est la méthodologie dite du community scorecard telle qu’élaborée par la Banque Mondiale.

Nos premières expériences avec cet instrument d’évaluation communautaire nous ont montré que la population et même le personnel de la santé avaient du mal à évaluer les aspects non infrastructure de la santé. C'est-à-dire qu’ils se focalisaient avant tout sur le piètre état des bâtiments et sur le manque d’'équipement. Or, il y a bien plus d’éléments qui entrent en ligne de compte pour obtenir de bons soins de santé. Ainsi, le programme a choisi 4 indicateurs type que les communautés doivent considérer, tels que : (i) l’accès aux soins, (ii) le traitement équitable des malades, (iii) la participation du comité de développement de la santé (CODESA) dans la gestion financière de l’infrastructure, et enfin (iv) leur impression générale sur la qualité des soins.

Suite à l’introduction de cet outil, les premiers résultats montrent un meilleur accès à l’information et une plus grande connaissance des rôles et responsabilités de chacun. La communauté et le CODESA, à travers les discussions, comprennent qu’ils ont des droits mais aussi des devoirs. Ils ont par exemple le droit d’accéder à des soins de santé primaire de qualité mais aussi le devoir d’adopter un comportement responsable pour la prévention des épidémies. Le CODESA comprend désormais qu’il a le droit de vérifier le budget de l’infrastructure sanitaire, mais aussi, qu’il a le devoir de rendre compte à la population sur les grandes décisions prises par l’aire de santé.

Aussi, le CODESA et des représentants de la population se rendent compte qu’ils sont potentiellement alliés parce qu’ils ont certains intérêts en communs. En effet, s’il n’y a pas un partenaire extérieur pour intervenir, les infrastructures et son personnel sont livrés à eux-mêmes et doivent s’organiser pour subvenir à l’essentiel.
En cela, le programme s’efforce de mobiliser les services techniques (Médecin Chef de Zone, Superviseurs en Eau, Hygiène et Assainissement) pour venir rencontrer directement les communautés et échanger avec elles en vue (i) d’autoriser la réalisation du projet dans ce secteur, (ii) de prendre conscience des problèmes et défis réels qui affectent les communautés, et (iii) de trouver des solutions conjointes en vue d’améliorer le service offert au niveau du village.
Ainsi, depuis 2007 le programme a fait des grands progrès en termes d’engagement avec les autorités et services techniques congolais et il s’efforce de créer des espaces de dialogue constructif entre ces représentants du gouvernement local et les populations en vue d’améliorer la qualité des services fournis au niveau du village.


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