
En 2014, les experts des communautés de pratique ont documenté la fragmentation du financement dans 12 pays. Alex Hakuzimana a appliqué la méthodologie développée pour l’étude Muskoka à la situation dans son pays, le Rwanda. La comparaison avec les résultats dans les 12 autres pays est particulièrement stimulante.
Le Rwanda sera l’un des rares pays pauvres à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement relatifs à la Santé. Il est aussi un pays souvent cité en exemple pour ses rapides progrès vers la Couverture Sanitaire Universelle. Cette performance est le fruit de différentes réformes et innovations que la politique gouvernementale du pays a su insuffler à divers secteurs de développement et particulièrement à son système de santé. Les réformes majeures dans ce secteur de la santé ont surtout porté sur le financement ; figurent en bonne place le financement basé sur la performance et la mise en place des mutuelles de santé. Si ces deux expériences sont désormais connues bien au-delà du pays, personne n’avait jamais vraiment essayé d’établir la carte de l’ensemble des régimes de financement de la santé (RFS) en place au Rwanda. Quand j’ai entendu parler de l’étude ‘Muskoka’, j’ai contacté l’équipe de coordination pour accéder à la méthodologie. J’avais mon sujet de mémoire !
Mise en carte des régimes de financement de la santé au Rwanda
Avec l’étude Muskoka, j’ai compris que je pourrai dresser un inventaire, mais aussi faire un premier pas vers l’analyse des interactions, complémentarités et synergies entre RFS. L’avantage d’une telle démarche me paraissait double : (i) permettre au Rwanda de mieux capitaliser sur ses succès afin de davantage favoriser sa progression vers la couverture sanitaire universelle ; (ii) servir d’opportunité de comparaison avec les 12 pays d’Afrique Francophone initialement inclus dans le projet de recherche. La bonne performance du Rwanda sur les indicateurs de résultats de la CSU (couverture, accès, dépense catastrophique…) est connue. Qu’allais-je trouver au niveau des RFS ?
Comme mes collègues des 12 pays d’Afrique francophones, mon travail a surtout consisté en une revue des documents nationaux relatifs au financement. J’ai bien sûr également construit sur ma connaissance du système de santé de mon pays.
Quels messages essentiels retenir ?
Comme dans les 12 pays d’Afrique francophones, la fragmentation est une réalité au Rwanda, mais elle est bien moindre : j’ai dénombré 11 régimes de financement de la santé (contre une moyenne de 23 dans les douze pays de l’étude). Comme dans les autres pays, cette fragmentation est la traduction d’une dépendance au financement extérieur. Cependant, le rôle actif du gouvernement rwandais dans la collaboration intersectorielle, la décentralisation et l’approche sectorielle (SWAp) a favorisé l’alignement des initiatives diverses sur les priorités du pays. Selon moi, plutôt que de pratiquer un laisser-aller propice à la multiplication des RFS, le gouvernement a géré et imposé les convergences.
L’autre explication plausible à ce moindre nombre est la mise en place précoce d’un socle fort pour protéger la population contre le risque-maladie. Ce socle est constitué des mutuelles (obligatoires pour les populations du secteur informel, avec un mécanisme de soutien aux plus pauvres opérationnel dans tout le pays) et une autre assurance obligatoire pour le secteur formel.
Mais comme c’est le cas dans la plupart des pays à ressources limitées, notre étude a aussi révélé que les groupes les plus aisés (fonctionnaires et salariés) bénéficiaient de facto d’une meilleure couverture. Il est par ailleurs important de noter que la couverture des services de santé restait partielle dans tous les pays, y compris au Rwanda, même si l’étendue des trous n’était pas la même.
Encadré : Régimes de financement de santé au Rwanda
Notre étude a révélé une fragmentation du financement du système sanitaire moindre au Rwanda que dans les autres pays. La dépendance au financement extérieur, en particulier les initiatives globales comme le Fond Mondial et PEPFAR, y est par contre encore plus massive. Selon moi, un dialogue innovant devrait être engagé entre les différents acteurs (gouvernements et bailleurs de fonds en l’occurrence) du financement des systèmes de santé pour encore plus d’efficience; cette dernière sera le gage de la consolidation de nos progrès vers la couverture sanitaire universelle.
Alex a effectué cette analyse dans le cadre d’un mémoire pour l’obtention du diplôme de Master en Santé Publique à l’Institut de Médecine Tropicale (IMT) d’Anvers au cours de l’année académique 2013/2014. Vous pouvez accéder au mémoire d’Alex (en anglais) en cliquant ici.