Notre série de blogs relatifs à notre recherche collaborative « Muskoka » continue. Dans ce billet de blog, nous vous présentons l’angle d’attaque que nous avons retenu pour la phase 2. Notre proposition part d’une hypothèse principale: tout gouvernement qui veut avancer rapidement vers la Couverture Sanitaire Universelle (CSU) doit s’assurer que son système de santé a le profil d’une organisation apprenante. Nous invitons les acteurs nationaux en charge de la CSU en Afrique Francophone à nous rejoindre pour un grand exercice d’auto-évaluation. Première étape : un atelier de développement méthodologique qui se tiendra à l'Ecole Nationale de Santé Publique de Rabat (Maroc) les 15-17 décembre 2014.
En Afrique Francophone, comme ailleurs, de nombreux pays se sont lancés dans le programme de la couverture sanitaire universelle. Les experts des Communautés de Pratique ‘Accès Financier aux Services de Santé’ et ‘Financement Basé sur la Performance’ ont la ferme intention d’aider au mieux les gouvernements dans cet ambitieux programme.
La phase 1 de notre étude a fait ressortir un constat commun : les pays font face à des situations complexes caractérisées par un enchevêtrement de régimes de financement de la santé. La progression vers la CSU va nécessiter une remise à plat de ces écheveaux. Cela ne sera possible que si les gouvernements, et les entités en charge de la couverture sanitaire universelle en particulier, sont à même de collecter l’information utile, de l’interpréter et de prendre des décisions en concordance – soit, les 3 grandes caractéristiques d’une organisation apprenante.
L’organisation apprenante c’est quoi ?
Le concept de l’organisation apprenante (OA) provient du monde de l’entreprise. Il part du constat que dans notre ère contemporaine d’interdépendance, de changements rapides et permanents, la capacité à apprendre est une aptitude-clé pour la performance organisationnelle ; dans le secteur privé, elle est même condition de survie.
Evaluer si une organisation répond aux critères de l’OA c’est donc apprécier sa capacité à traiter l’information jusqu’au point du changement de comportements, y compris dans l’infrastructure organisationnelle et les routines. Ce concept a inspiré de nombreux experts des organisations. Notre intuition est que ce concept se prête également à la compréhension des enjeux relatifs à la CSU, tant celle-ci soulève des défis politiques, techniques et organisationnels (notamment quand on part de situations existantes confuses, comme celles documentées dans la phase 1 du projet Muskoka !).
En quoi va consister la phase 2 de l’étude « Muskoka » ?
Pour notre phase 2, la proposition est de partir du concept de l’OA et de l’appliquer au système de santé (nous parlerons donc plutôt de Système Apprenant - SA). Nous nous proposons d’élaborer une grille permettant d’apprécier dans quelle mesure les systèmes de santé, et en particulier les entités-clés pour la progression vers la CSU, répondent à ces caractéristiques de système apprenant.
Cet objectif est ambitieux par sa nouveauté. Compte tenu des ressources limitées de notre projet, notre première ambition sera donc d’ouvrir un chantier de recherche. Il s’agira surtout de prouver la pertinence du concept de SA pour aider les pays à progresser vers la CSU. En défrichant les questions conceptuelles et méthodologiques, nous espérons susciter un intérêt d’autres partenaires pour ces questions.
Cette recherche va être effectuée sur plusieurs pays. Dans chaque pays, un facilitateur-chercheur sera identifié. Il travaillera en tandem avec 1-2 experts nationaux en charge de la CSU (en fonction du nombre de ministères impliqués). Ensemble, ils conduiront une évaluation participative des capacités apprenantes dont le gouvernement dispose pour progresser vers la CSU. Cette auto-évaluation reposera sur une grille commune élaborée par une équipe internationale et les chercheurs participants. L’interprétation des résultats reposera sur la comparaison entre pays (technique du benchmarking). Nous envisageons notamment de produire une enquête en ligne à laquelle dans chaque pays, un échantillon de personnes devra répondre.
Quels bénéfices pour les ministères de la santé et partenaires participants ?
Grâce à notre étude multi-pays, chaque pays participant pourra se comparer par rapport aux autres pays participants. Il pourra identifier ce qu’il fait mieux que d’autres, mais aussi ce que d’autres font mieux que lui, au niveau des différentes fonctionnalités indispensables pour être un SA orienté vers la CSU. Cela permettra ultérieurement de programmer des visites d’étude ou des échanges entre pairs. L’auto-évaluation permettra par exemple à un ministère de la santé d’identifier ses besoins en renforcement de capacités et les soutiens à solliciter auprès de ses partenaires techniques et financiers. Les pistes d’action seront d’ailleurs le focus de la phase 3 de notre programme.
Selon nous, cette auto-évaluation multi-pays pourrait combler un vide : actuellement, la communauté internationale manque de guide clair pour accompagner les pays voulant progresser vers la CSU. Notre hypothèse est que le concept de SA pourrait offrir une structure puissante pour organiser cette progression. On notera d’ailleurs que satisfaire aux caractéristiques de SA n’est pas seulement utile à la progression vers la CSU : c’est en effet un atout pour toutes les opérations du ministère de la santé. La proposition est du reste pertinente pour tout type d’organisation et de ministères. On peut considérer qu’avec ce projet, le ministère de la santé participant aura une expérience utile à partager avec les autres ministères nationaux.
Comment la recherche sera mise en œuvre ?
Le projet sera coordonné par les trois signataires de ce texte. Le Prof Meessen assurera la guidance scientifique du projet. Au nom des communautés de pratique, Mme Kelley facilitera le processus inter-pays. Mr Akhnif partagera son expertise sur l’OA et son application à la CSU. Une des grandes leçons de la phase 1 de notre recherche « Muskoka » a été qu’on ne peut faire l’impasse sur un atelier de lancement. Cet atelier sera organisé au Maroc, en partenariat avec l'Ecole Nationale de Santé Publique. Chaque pays participant devra envoyer une délégation de maximum 3 personnes : le facilitateur principal (si possible, un chercheur indépendant du Ministère de la Santé), un cadre technique du Ministère de la Santé en charge de la CSU et un cadre technique de tout autre ministère impliqué dans la CSU.
Les objectifs de l’atelier seront :
1. Familiariser les délégations avec le concept du SA.
2. Présenter une grille d’évaluation (draft) développée par l’équipe de l’IMT et finaliser la grille et la méthodologie définitives tous ensemble.
3. S’accorder sur le bon processus pour l’administration de cette grille au niveau du pays.
4. S’accorder sur un planning et un échéancier pour les différents livrables.
Votre ministère de la santé est intéressé ? Contactez-nous !
Nous avons décidé d’ouvrir ce projet à tout pays d’Afrique Francophone, même ceux n’ayant pas participé à la phase 1 du projet ‘Muskoka’. Nous espérons pouvoir notamment sécuriser la participation de pays avec des états d’avancement différents en matière de CSU. Nous ne voulons pas que l’atelier de lancement soit une barrière à la participation : grâce à un partenariat avec le réseau P4H, nous devrions pouvoir prendre en charge votre délégation nationale. Le travail à faire ensuite au niveau du pays aura un coût limité (il s’agira essentiellement d’organiser des réunions de travail et de rémunérer le chercheur-facilitateur). Nous pensons que beaucoup d’entre vous trouverez un partenaire technique ou financier pour l’appui nécessaire.
Le caractère introspectif de ce projet fait que la motivation des ministères de la santé à conduire l’auto-évaluation sera cruciale. Nous avons donc décidé de poser comme condition de participation une lettre de soutien signée par le Ministre (ou le secrétaire général) en charge de la politique de la CSU dans votre pays. Ce billet de blog est donc un appel aux entités en charge de la CSU et à leurs partenaires techniques et financiers. Si vous êtes intéressés par ce projet, contactez-nous. Nous aimerions notamment discuter avec vous de la composition possible de votre équipe nationale.