Financing Health in Africa - Le blog
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La Couverture Sanitaire Universelle : ce sera l’œuvre d’urbanistes, pas d’architectes

9/27/2014

8 Commentaires

 
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Bruno Meessen

Dans un récent blog, Allison Kelley partageait les résultats d’une recherche collaborative menée sur la couverture sanitaire universelle (CSU). Le principal résultat était la confirmation que le financement de la santé, en Afrique Francophone, est grandement fragmenté. Pour Bruno Meessen (Institut de Médecine Tropicale, Anvers), ce résultat invite les experts mobilisés par la CSU à réévaluer et étoffer leurs capacités techniques. Il va falloir ‘faire du financement de la santé’ autrement. 


En Afrique Francophone, comme ailleurs, de nombreux pays se sont lancés dans l’ambitieux programme de la couverture sanitaire universelle. L’étude conduite par Allison Kelley et son équipe multinationale confirme que le financement de la santé dans les pays d’Afrique Francophone est aujourd’hui fragmenté et varié. Le remplissage du cube de la couverture universelle va consister en un agencement de petites boîtes, de nature très diverse, les unes sur les autres. Le grand défi sera d’y apporter de la cohérence.

Urbanistes wanted !

La CSU ne va donc pas se construire sur un terrain vierge : il y a déjà du bâti, des routes, des places et des gens qui vivent dans la nouvelle ville à construire. Si vous me permettez une métaphore, il va s’agir bien plus d’urbanisme que d’architecture.

Dans la communauté des experts actifs sur le financement de santé, nous avons fait beaucoup d’architecture ces 20 dernières années. Nous avons été fort occupés avec la conception de régimes de financement (scheme design) et leur mise en œuvre. Quelques-uns d’entre nous (les plus ‘anciens’) ont mis en place le recouvrement des coûts ; plus tard, certains se sont appliqués à lancer des mutuelles ; quelques années plus tard, d’autres se sont retrouvés à mettre en œuvre des politiques de gratuité, quelques-uns se sont consacrés aux mécanismes d’assistance aux plus pauvres et groupes vulnérables (fond d’équité, vouchers…) ; beaucoup d’entre nous sommes aujourd’hui occupés à monter des programmes de financement basé sur la performance. Une des originalités de l’étude multi-pays est aussi de montrer que beaucoup de choses ont été mises en place loin du regard des spécialistes du financement de la santé – je pense en particulier à tous les programmes verticaux, qui ont imposé leur propres règles de gratuité, leur stocks de médicaments distincts, etc.

Comme le montre l’étude multi-pays, tous ces efforts ont désormais marqué le paysage du financement de la santé de nombreux pays. Au Cameroun par exemple, vous avez aujourd’hui, un peu de tous ces régimes. A certains égards, c’est intéressant, plusieurs de ces mécanismes sont potentiellement complémentaires. Mais comme le montre le rapport de l’étude, le résultat peut aussi être marqué par des incohérences, des absences, un manque d’harmonie, des synergies non saisies et beaucoup de lourdeur administrative.


Architectes et urbanistes : deux métiers différents

Le programme de la CSU va demander à remettre de l’ordre dans tout cela. C’est quelque chose de nouveau. Tant pour les experts que pour les organisations (1), il va falloir acquérir de nouvelles capacités.

L’architecte écoute son commanditaire (ses envies, ses besoins actuels…), dessine la maison sur une feuille blanche et puis supervise l’entrepreneur afin qu’il respecte bien les plans. Aujourd’hui, il est même possible d’acheter une maison standard.  

L’urbaniste fait face à des défis bien différents. Premièrement, le territoire à aménager est rarement celui d’un seul propriétaire : il doit prendre en compte les droits des occupants. Ces derniers peuvent d’ailleurs défendre leurs intérêts de multiples façons, formelles ou informelles.

Bien plus que l’architecte, l’urbaniste doit intégrer les intérêts de la collectivité. Il doit pouvoir faire des choix : parfois il doit prôner la sauvegarde de la structure d’un quartier ou même d’un simple bâtiment pour leur apport à la ville. Mais parfois, il doit aussi recommander de raser des bâtiments pour créer un nouvel espace. Le Paris que nous aimons tous, nous le devons au Préfet Hausmann qui décida de raser le Paris médiéval au profit de larges avenues et de bâtiments élevés.

Pour faire ces choix aux conséquences profondes et avec des effets à long terme, l’urbaniste doit anticiper. Il doit prendre en compte les besoins futurs (démographie, nouveaux moyens de transport…) et les fonctionnalités qu’il faudra assurer dans la ville. Pour développer cette vision, il doit notamment pouvoir faire appel à des disciplines diverses : architecture, ingénierie, démographie, sociologie, sciences politiques, économie, psychologie, santé publique…


Un changement de cap pour beaucoup d’entre nous

Pour réussir la CSU, nous devons travailler à notre propre mise à jour. Nous allons devoir penser autrement le financement de la santé. Les mots-clés vont devenir convergence, harmonisation, dialogue et anticipation. Nos sujets de recherche doivent changer. Comme mentionné dans un blog antérieur, les économistes de la santé doivent urgemment développé un intérêt pour l’économie politique, le grand parent pauvre de notre discipline.

Tous, nous devons comprendre comment mobiliser les nombreuses parties prenantes. Les décideurs vont devoir aussi apprendre à faire des choix. Certains régimes de financement de la santé sont contradictoires. Je pense par exemple qu’à moins d’une conversion significative de leur nature par les pouvoirs politiques, les petites mutuelles volontaires vont sans doute vivre le destin des maisons médiévales de Paris. En effet, avec la volonté de progresser vers la CSU, les questions de l’échelle et des droits pour tous deviennent bien plus importantes.

Les experts travaillant dans les agences de l’aide vont devoir aussi intégrer dans leur action les nécessités posées par la volonté des pays à progresser vers la CSU. Comme le montre bien l’étude multi-pays, les priorités des agences ont fortement marqué le paysage du financement de la santé en Afrique Francophone. Il y a un grand décalage entre tout le bruit fait autour de la CSU et la pratique de beaucoup d’agences, dans leur coin, des financements et allocations de ressources ciblés et verticalisés.

Les CoPs doivent aussi réfléchir à leur propre mise à jour. Sans vouloir préjuger du futur des CoPs (nous l’espérons de longue durée, mais cela dépend aussi du soutien de partenaires), nous sommes convaincus que nous pouvons aider les experts dans cette transition vers une expertise plus vaste et englobante. Cet objectif va certainement inspirer nos activités à venir.



Note:
(1) Nous reviendrons sur les défis pour les Ministères de la Santé, comme structures organisationnelles, dans un prochain blog
.

8 Commentaires
gashubije Longin link
9/28/2014 06:11:33 am

Excellent récit , je crois que ce qui n'est pas dit est le plus important. Nous avons un plan d'ubanisation , le fameux cube mais son contenu est parfois mystérieux (difficile de l'ouvrirs = manque de données dans la plupart des pays où l'étude a été mené).

Est-ce par mauvaise foi ou manque de technicité ou c'est un problème de culture de l'opacité dans la gestion des fonds?

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MARJANI
9/28/2014 08:54:41 am

Une réflexion fort intéressante mais pas suffisante, urbaniste et architecte ingénierie est obligatoire pour construire le cube.L’idéal est d'avoir une équipe pluridisciplinaire avec une vraie appropriation par tous les intervenants et une très bonne coordination par un ''innovateur''

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Jean Patrick ALFRED
9/28/2014 09:49:58 am

très bon article et je dirais que le système de sante globalement a besoin d'urbaniste car on ne pourra pas asseoir la couverture sanitaire universelle sans une redéfinition des systèmes de sante ou l’intégration des services ;intersectorialite , une approche communautaire en prenant en compte les différentes logiques (technocratique,politique, marchande, professionnelle)

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Ndèye Maguette GUEYE NDIAYE
9/28/2014 10:44:46 am

Article très intéressant qui a mis le doigt sur un élément essentiel qu'est la FORMATION des acteurs. Le problème est que les acteurs qui interviennent dans la CMU sont multiples et se croient tous "experts" alors qu'il leurs reste un long chemin à parcourir. Les décideurs eux mêmes doivent être formés.
C'est de ce renforcement des connaissances que les réaménagements (réformes et restructurations des systèmes existants) à opérer par les urbanistes seront acceptés par les décideurs et les acteurs de la CMU.
L'autre élément reste l'acceptation de la multidisciplinarité. La mise en oeuvre de la CMU nécessite l'intégration de plusieurs acteurs de profils différents mais COMPLÉMENTAIRES.
Dans les réflexions engagées, le renforcement de l'offre de soins est le parent pauvre. Le focus est plus mis sur le renforcement de la demande. Enfin, ce qui m'inquiète le plus c'est les mécanismes de régulation. Quel avenir est réservé à la régulation de nos systèmes de CMU?

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Lemaire
9/28/2014 01:18:12 pm

Améliorer la couverture santé est un défit à relever, nous en sommes tous convaincus. Harmoniser ? Le mot fait peur. Travailler à un modèle de référence, oui. Après, à chaque pays de s'en inspirer selon ses ressources, ses priorités, sa culture... On voit en Europe que des recettes qui marchent bien dans les pays scandinaves sont inadaptées aux mentalités latines. Et réciproquement. Enfin, il faut éviter le "tout gratuit", y compris pour les "pauvres", mais à l'exception de ceux qui n'ont vraiment rien au point de vivre dans la rue. En France, le tout gratuit conduit à des abus, autant dans les comportement de certains patients à l'égard des personnels soignants que pour ce qui concerne le recours aux soins multiples, sans justification réelle. Dans une clinique d'entreprise, en Afrique, une participation des patients aux soins de dispensaire (médecine générale, labo et radios standards) par le versement d'un forfait de 1,50 €, soit 1.000 FCFA, s'est traduite par l'absence d'abus. Les mêmes services proposés dans une clinique équivalente avec la gratuité complète ont immédiatement conduit à des abus. Dans le premier cas, le système a été maintenu en l'état ; dans le second, l'entreprise a cessé de financer les soins de ses employés.

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Barbereau Serge
9/28/2014 02:55:44 pm

Je reprendrai la mention " l'architecte" écoute son commanditaire. Il me semble en effet qu'un des gros problème se trouve à ce niveau.
Les commanditaires partenaires de la santé sont beaucoup trop accès sur l'urgence et c'est cela qui abouti à la fragmentation. C'est particulièrement vrai pour le médicament ou la substitution prends le dessus au détriment des objectifs généraux de santé publique.

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TCHOUATIEU
9/30/2014 07:00:48 am

Intéressant la comparaison avec les notions d'architecte et d'urbaniste qui réflète complètement la situation aujourd'hui où certains systèmes sont complètement à construire et d'autres plutot a restructuré.
La formation est une part importante de la question qui n'est pas abordée ici mais il est clair que si nous continuons à laisser la strucutration de nos systèmes de santé aux autres, nous n'arriverons jamais à LA solution.
L'anticipation fait également défaut dans les décisions d'amélioration de l'accès aux soins. nous avons vu dans plusieurs pays des décision de gratuité pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans, parfois promesses de campagnes électorales qui ses sont soldées par une dégringolade de la qualité des soins dans les infrastructures publiques, renvoyant finalement les gens vers des structures privées et finalement à payer beaucoup plus cher qu'avant les décisions de gratuité.

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MARC REVEILLON
10/1/2014 07:27:57 am

Merci Bruno. J’aime bien l’analogie avec « urbanisme/architecte ». C’est même presque une allégorie. Beaucoup de choses ont été faites, c’est vrai, mais on n’a jamais vraiment osé affronter les dogmes, on continue de tourner autour : (1) quasi-monopole de l’état dans le secteur santé (je ne prêche pas pour de la bête privatisation, je demande qu’on regarde ce qui se passe dans le secteur de l’économie sociale et solidaire pour voir ce qu’on pourrait importer pour le secteur santé) ; (2) l’approche district (autre dogme) ultra-normative et qui ne repose sur rien (les quels projets pilotes des années 70 et 80 sur lesquels est fondé le dogme étaient tellement artificiels qu’ils ne pouvaient pas ne pas réussir) ; le chaos généralisé du médicament où on va presque vers une verticalisation par molécule. Tout cela fait que même les approches RBF, et même au Burundi, gardent quelque chose d’artificiel (et j’en suis le premier attristé): elles viennent de surcroît, mais n’ébranlent pas les socles qu’on dit intouchables. Et les universités, au lieu de remettre en question les dogmes, ce qui devrait être leur core business, se contentent de les enseigner. On a besoin d’urbanistes, oui, mais de ceux qui savent que la croissance perpétuelle est un fantasme et qui s’intéressent, par exemple, à l’habitat collectif ; et d’architectes qui savent ce qu’est une maison basse-énergie. Il reste à trouver les analogies/équivalences pour le secteur santé

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