Il y a dix ans démarrait la première expérience de financement basé sur la performance (FBP) dans le secteur de la santé en Afrique. Plusieurs facteurs ont influencé la décision du Rwanda, mais le fait que ce petit pays est pauvre en ressources naturelles a joué : dos au mur, le Rwanda a pris conscience que sa principale ressource est et restera sa propre population ; ce constat marque fortement la politique générale de développement adoptée par le pays.
Cet engouement a aussi plusieurs causes ; comme Africains, nous sommes nombreux à pressentir combien cette stratégie peut être transformationnelle pour nos sociétés. Contacté pour donner son point de vue sur l’avancement du FBP au Nigeria, un des acteurs de terrain me disait : « Ici ce n’est que le FBP qu’il faut pour redresser la situation, pas autre chose ».
La dépendance extérieure : Les fonds du FBP dépendent bien trop des bailleurs.
Alors que le monde occidental fait face à une crise économique sans précédent, le continent africain continue à afficher une croissance soutenue. Celle-ci est liée notamment à la découverte et l’exploitation de nouveaux gisements pétroliers, à l’instar du Niger qui a sorti son premier baril de brut ce 28/11/2011 ou encore de l’Ouganda qui s’apprête à exploiter le liquide miracle.
Cependant lorsqu’on se réfère à l’expérience des pays du continent qui exploitent déjà leurs ressources pétrolière, on peut constater que les hommes politiques investissent (au mieux) le produit de la manne pétrolière dans les choses visibles comme les infrastructures de santé. Ce n’est pas mal, mais idéalement, ils devaient penser aussi au ‘software’ FBP qui peut permettre au ‘hardware’ de fonctionner. Ce n’est malheureusement pas encore le cas, et c’est inquiétant. Si la crise persiste, les subsides émanant de l’Occident vont tarir. L’annulation du Round 11 du Fond Global est un signal clair à cet égard. Il est à craindre que le FBP, comme d’autres stratégies ambitieuses, en souffre. Il est temps d’y penser et d’orienter le plaidoyer dans ce sens auprès de nos décideurs. Dans de nombreux pays, la croissance économique crée de nouvelles opportunités.
Mettre en exergue la dimension transformationnelle du FBP
Certains acteurs ont présenté le FBP comme avant tout une stratégie de distribution de primes aux agents de santé. Cette vision est bien peu fidèle au projet réformateur du FBP. Bien plus, cette façon de voir les choses fait que les gouvernements prennent le FBP avec beaucoup de précautions. Leur crainte est que les autres secteurs publics contre-attaquent et demandent aussi leurs parts du gâteau. Il faut aussi reconnaître qu’en terme électoral, le FBP a une visibilité limitée. Par son caractère technique, il est peu visible de la population, comme le sont par exemple les mutuelles de santé, la gratuité des soins ou encore les constructions des hôpitaux et centres de santé. Il nous faudra développer notre plaidoyer technique. A cet égard, il faudrait mieux mettre en exergue les impacts indirects et transformationnels du FBP. Par exemple, au Rwanda, nous avons vu combien le Ministère de l’Economie et des Finances avait été sensible au fait que l’argent investi dans le FBP allait être directement lié à des résultats pour les populations. De telles forces devraient pouvoir séduire les hommes politiques africains. La qualité des soins et la redevabilité aux citoyens – qui restent bien trop faibles dans nos pays – serait d’autres pistes à explorer.
Conclusion
Concrètement, des choses peuvent être déjà faites. Ma recommandation serait déjà d’inclure une ligne budgétaire intitulée « Financement basé sur la Performance » dans les cadres des dépenses a moyen terme (MTEF) des budgets de santé de nos pays. Ceci permettrait non seulement d’éviter d’être surpris quand les fonds des bailleurs viendront à être stoppés pour cause de crise, mais aussi d’assurer la pérennisation du financement de nos structures de santé de base.
Les membres de la communauté des pratiques qui nous lisent peuvent apporter leurs observations quand a la faisabilité de cet exercice de planification préventive.