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Progresser vers la CSU à l'ère de la COVID-19 en Afrique francophone : quels enjeux majeurs ?

10/8/2021

12 Commentaires

 
Kéfilath Bello, Fadhi Dkhimi, Y-Ling Chi, Jean-Paul Dossou, Hélène Barroy

Le 20 mai 2021, l’OMS, P4H, le Center for Global Development, la Global Financing Facility (GFF) et Collectivity ont organisé un webinaire intitulé « COVID-19 : quel impact sur l’agenda de la Couverture Sanitaire Universelle (CSU) au niveau des pays africains »? En s’inspirant des discussions qui ont impliqué plus de 200 participants, notre équipe approfondit certains des enjeux et invite les experts d’Afrique francophone à une réflexion collective.
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Au cours de la dernière décennie, plusieurs pays à faible et moyen revenus (y compris de nombreux en Afrique francophone) ont fait des progrès considérables vers la couverture santé universelle (CSU). Ces pays ont montré qu’une volonté politique forte est un préalable essentiel pour atteindre cet objectif. Cette volonté politique doit aussi se traduire en une série de réformes coordonnées visant à la fois une meilleure mobilisation des finances publiques pour la santé, une plus grande mise en commun de ces ressources, et des modalités d’achat de services permettant d’améliorer la qualité et l’efficience des services de santé et d’assurer une plus grande équité dans leur distribution.
 
La pandémie de la COVID-19, en accentuant les faiblesses des systèmes de santé, a rappelé la nécessité de renforcer cet agenda. La question de l’accès aux soins pour tous a ainsi gagné en visibilité dans l’agenda politique. Mais si la crise a mis en avant la nécessité d’accélérer les progrès vers la CSU, elle pourrait aussi perturber les chances de mettre en œuvre un projet aussi ambitieux.  
                                   
Plus de défis à l’ère de la COVID-19 pour atteindre la couverture santé universelle

Si elle a rappelé l’urgence et la pertinence d’assurer la CSU, la crise liée à la COVID-19 risque paradoxalement de rendre plus difficile la progression vers cet objectif.
 
Une baisse de la disponibilité des ressources publiques

La COVID-19 est aussi une crise économique qui a, et continuera à avoir, des répercussions importantes sur le financement public du secteur de la santé en Afrique sub-saharienne, comme dans d’autres régions du monde. Les projections du Fonds Monétaire International (FMI) font craindre une baisse significative de 6,2% du PIB en Afrique subsaharienne en 2022 par rapport à 2020, soit une chute deux fois plus importante que la moyenne mondiale (3.7%).

Cette contraction de l’économie a des conséquences importantes d’un point de vue fiscal, se traduisant notamment par une baisse conséquente des ressources budgétaires des Etats à court et moyen termes. Les projections indiquent que les recettes publiques domestiques pourraient chuter à un niveau en deçà de celui de la crise de 2009 (à 15,6% du PIB en moyenne dans la région selon les projections actuelles contre 18,4% en 2009). Ceci est dû non seulement à une diminution des rentrées fiscales, mais également à une forte baisse de la capacité d’emprunt des Etats d’Afrique sub-saharienne causée par la détérioration de leur crédibilité sur les marchés financiers – 23 pays sont soit en détresse de dette soit à haut risque de détresse de dette, selon les estimations de Juin 2021 du FMI, contre 15 en avril 2019 comme l’indiquait le rapport annuel de l’UNECA.
 
Il n’y a à ce jour aucune certitude que la diminution de recettes publiques sera compensée – du moins en partie – par l’aide publique extérieure. Certes, cette dernière  a connu une augmentation globale sans précédent en 2020, mais les pays donateurs, qui ont emprunté massivement pour faire face à la crise sanitaire causée par la COVID 19 et à ses retombées économiques, vont devoir rembourser – ou alors continuer à emprunter si la crise se poursuit – et donc réduire leurs dépenses publiques pour cela. Souvent, l’aide extérieure est une des enveloppes budgétaires les plus rapidement affectées en cas de crise car les décideurs politiques – mais aussi les contribuables – la jugent moins prioritaire que les autres postes budgétaires. Il n’est donc pas impossible que les pays donateurs revoient rapidement leurs engagements à la baisse, comme c’est déjà le cas pour la Grande Bretagne par exemple. Si l’aide extérieure chute, cela diminuerait également les fonds disponibles sous forme d’emprunts subventionnés, un des mécanismes d’aide les plus utilisés, réduisant d’autant plus la capacité d’emprunt des pays d’Afrique Sub-Saharienne.
 
Une baisse des allocations en santé ?

Si les ressources publiques baissent, il est légitime de se demander si cela impactera les allocations budgétaires au secteur de la santé. Les besoins du secteur ont augmenté, mais qu’en est-il des allocations budgétaires ? On pourrait s’attendre à une augmentation légitime au vu des besoins du secteur pour répondre aux suites de l’épidémie, tout en continuant à fournir les soins essentiels de routine. Or, les données analysées montrent que l’année 2020 n’a pas été marquée par une augmentation forte des allocations budgétaires de santé dans les pays africains, en comparaison aux augmentations notables dans les pays à haut revenu par exemple. Les données existantes montrent que les allocations budgétaires ont augmenté en moyenne de 10% dans la région en 2020. Cette situation peut s’expliquer par la faible prévalence de la COVID-19 rapportée dans la région en 2020.
 
Quid de 2021 ? Il est difficile de prédire ce qui va se passer. Les documents budgétaires disponibles semblent augurer d’une augmentation modérée des allocations budgétaires pour la santé, surtout dans les pays à revenus faibles. Si la dépense publique de santé était de 8.3$ par tête avant la COVID-19 (baseline GHED 2018) dans les pays africains à revenus faibles, les allocations budgétaires passeraient à 12.8 $ en 2021. Dans les pays africains à revenus intermédiaires, ces allocations passeraient de 92.5$ à 94.8$.  L’année 2022 et celles qui suivront seront cruciales, pour renseigner sur la durabilité des augmentations budgétaires du secteur.

Les pays touchés par la crise Ebola en 2015 offrent une perspective intéressante sur ce point. Dans un pays comme la Sierra Leone, l’Ebola a entrainé une hausse subite de la part des dépenses domestiques en santé dans le budget de l’Etat, et même si ce niveau ne s’est pas maintenu, cette part reste plus importante aujourd’hui qu’avant crise.
 
Des défis structurels persistants et un contexte socio-politique et sécuritaire de plus en plus difficile

Plusieurs observations indiquent que la pandémie a exacerbé les défis structurels des systèmes de santé en Afrique francophone. Une étude de l’OMS (fin 2020) et d’autres estimations montrent par exemple que la pandémie a fortement compromis la qualité des soins et la disponibilité des services de santé et du personnel. La protection financière des ménages pourrait aussi se détériorer considérablement, étant donné que la conjoncture économique actuelle pourrait faire basculer plus de 150 millions personnes dans l’extrême pauvreté d’ici fin 2021. De surcroit, dans de nombreux pays (où les données sont disponibles, notamment en Inde), il semblerait que la prise en charge de la COVID-19 soit associée à d’importantes dépenses pour les ménages.

En dehors de ces défis structurels, l’Afrique francophone est aussi confrontée à de nouveaux défis comme le terrorisme, les crises socio-politiques ou encore le changement climatique, avec des conséquences comme les déplacements de populations ou l’affaiblissement des capacités des institutions étatiques. La pandémie a aussi fait ressurgir (voire exacerbé) la crise de confiance chronique entre les populations et les dirigeants politiques, avec une faible confiance dans le discours officiel national et international. Ceci s’est notamment manifesté par un scepticisme quant à la réalité de l’épidémie ou encore la défiance à l’égard du vaccin COVID-19. Ces difficultés contextuelles pourraient être des freins additionnels car ils laissent peu de marges de manœuvre pour lancer les investissements nécessaires à la CSU.
 
Continuer à avancer malgré (et avec) la COVID-19

En dépit de la COVID-19, plusieurs pays de l’Afrique francophone semblent vouloir maintenir le cap vers la CSU (ou tout au moins continuer les efforts déjà engagés). Le Bénin par exemple est en train d’étendre son programme d’assurance maladie pour les plus pauvres. De même, le Togo a maintenu le cap vers la cocréation d’un plan intégré pour la CSU et le lancement d’un programme de prise en charge gratuite des femmes enceintes. Des exemples similaires ont été rapportés par les participants  au webinaire organisé par l’OMS et ses partenaires en mai 2021. De plus, au-delà de ses conséquences négatives, la COVID-19 a ouvert de nouvelles perspectives. L’impact de la pandémie sur plusieurs secteurs d’activités a très tôt amené certains gouvernements à engager des actions multisectorielles et coordonnées au plus haut niveau, une approche longtemps prônée avec peu de succès pour les soins de santé primaires et la CSU.  Certains pays ont également saisi ces opportunités pour s’engager encore plus pour la CSU.
 
Cependant, les défis décrits ci-dessus risquent de conduire à une situation dans laquelle les besoins croissent, mais les ressources pour y faire face diminuent. Malgré ces défis, les pays ne devraient pas se laisser tenter par des solutions qui semblent attractives (l’augmentation des copaiements par exemple), mais qui ont été prouvées peu efficaces et parfois injustes. Au contraire, les Etats de l’Afrique francophone devront faire des choix judicieux, guidés par les principes de solidarité qu’invoque la CSU. Ces choix permettraient d’investir au mieux les ressources disponibles, de gagner la confiance des populations et de renforcer durablement nos systèmes de santé.
 
Mais comment les Etats de l’Afrique francophone pourraient réussir une telle prouesse ?
 
Même s’il n’est pas possible de prescrire une recette pour tous les pays, plusieurs leçons ont été apprises des expériences antérieures. Une piste d’action serait l’adoption d’une approche pragmatique pour identifier les services clés à forte valeur ajoutée sur lesquels se focaliser dans un premier temps. Par exemple, la réforme "AUGE" au Chili vise l’accès à un paquet de services défini pour toute la population. Ce paquet s’est limité au début aux services prioritaires, mais il est revu tous les deux ans sur la base d’études de coût, des priorités de santé dans le pays et de l’espace budgétaire. Une approche graduelle d’expansion des services peut être difficile à mettre en œuvre, mais elle semble la moins risquée dans le court et moyen terme.
 
D’autres pistes d’action et principes sont discutées aujourd’hui par nombre d’experts du financement de la santé, notamment dans un rapport publié en 2019 par l’OMS et dans un article publié en Août 2021. Certaines de ces pistes sont :  
  • Pour mobiliser les ressources, privilégier les sources de financement obligatoires ou pouvant être automatiquement prélevées (les taxes par exemple) plutôt que des contributions volontaires; 
  • Pour la mise en commun des ressources, réduire la fragmentation des fonds pour améliorer la capacité de redistribution des ressources et améliorer l’efficience;
  • Investir dans des interventions axées sur la population et qui sont d’utilité générale pour la santé, comme l’eau et l’assainissement, les taxes favorables à la santé ou encore un système d’information et de surveillance épidémiologique performant ;
  • Augmenter la prévisibilité pluriannuelle du financement public disponible et rendre le flux des fonds publics plus stable;
  • Mettre en œuvre de politiques ciblées visant à augmenter l’efficience des dépenses de santé (par exemple, l’achat des médicaments qui représentent un poste de budget important dans tous les pays);
  • Placer l'équité au cœur de l’action pour la CSU en adoptant des stratégies qui garantissent l'accès des services et la protection aux personnes vulnérables, par exemple le ciblage de certaines populations et certains services;
  • Établir des processus formels (et ancrés dans la législation) pour adopter et réviser régulièrement le paquet de bénéfices. Tout ajout doit être fait sur la base, au minimum, d’une analyse du rapport coût-efficacité et de l’impact budgétaire;
  • Expliquer le paquet de bénéfice à la population en termes faciles à comprendre et à travers des moyens de communication adaptés;
  • S'orienter progressivement vers un achat plus stratégique des services de santé en augmentant au fil du temps la mesure dans laquelle le paiement des prestataires est déterminée par des informations sur leurs performances et sur les besoins de santé de la population qu'ils servent;
  • Renforcer l’action multisectorielle, notamment la collaboration entre les autorités sanitaires; celles des finances et celles des secteurs pouvant impacter la santé.
Quelles que soient les options choisies par les pays, les décisions prises devront être encadrées par un dialogue politique de qualité qui inclura les détenteurs d’enjeux clés et assurera la prise en compte réelle des besoins et la redevabilité, avec transparence. Face à la grande incertitude entourant ces décisions, les pays devront aussi adopter une attitude apprenante par laquelle ils testeront, évalueront et adapteront les stratégies choisies.
 
Votre point de vue sur les solutions possibles

Bien entendu, les pistes d’actions suggérées par les experts ou la littérature doivent être explorées au cas par cas. Certaines options ne seront certainement pas faisables ou avantageuses dans certains pays. Et surtout, c’est l’ensemble de la communauté des acteurs de la CSU qui doit répondre aux questions soulevées par la crise actuelle. Nous vous invitons donc à donner votre avis sur les pistes d’actions exposées ci-dessus.
  • Ces pistes d’actions sont-elles réalisables dans votre contexte ?
  • Quels sont les facteurs qui pourraient favoriser ou entraver le choix de l’une ou l’autre des pistes d’actions ?
  • Certaines pistes d’actions ont-elles déjà été mises en œuvre dans vos pays ? Si oui quelles leçons peut-on déjà en tirer ?
12 Commentaires
Elisabeth Paul link
10/12/2021 07:57:16 pm

Merci et bravo pour cette importante réflexion. La récente évaluation de l’Accélérateur ACT-A montre un manque de redevabilité de cette facilité. Y a-t-il des indications (actuelles ou à travers des évaluations planifiées) de l’efficience des dépenses supplémentaires Covid et de leur impact éventuel pour le renforcement des systèmes de santé ? N’y a-t-il pas un risque que ces financements aient des effets pervers comme le détournement, à moyen terme, des maigres ressources (humaines, chaînes de froid, etc.) des pays africains vers le Covid, aux dépens d’autres priorités de santé essentielles pour la CSU (comme ça a déjà été le cas avec d’autres interventions favorites par les bailleurs) ? Je serais très intéressée par vos avis et expériences sur la question. Merci !

Répondre
Bello Kéfilath
11/14/2021 11:06:36 pm

Chère Elisabeth,
Merci beaucoup pour votre commentaire qui rappelle encore une fois à la communauté internationale, qu'en dépit de la menace de la COVID-19, il ne faut pas oublier les autres priorités de santé. Tout en essayant de contenir la pandémie, il est vital de continuer à améliorer la disponibilité et la qualité des soins de santé primaires par exemple. Et comme vous l'avez si bien souligné, il faut, au minimum, éviter que la course contre la COVID-19 ne creuse d'avantage de 'trous" dans d'autres domaines.

Répondre
Bruno Meessen
10/14/2021 02:07:36 pm

Chers amis,

Merci pour ce blog qui identifie avec franchise les défis pointant à l’horizon sans sombrer dans le défaitisme.

J’aimerais contribuer à la réflexion en utilisant l’outil didactique du cube de la CSU. Concrètement, progresser vers la CSU revient à faire grandir le cube, en jouant sur ses trois axes : enrichir le contenu du paquet de services financés par les ressources collectives, donner accès à ce dernier à une plus grande fraction de la population, tout en s’interdisant à augmenter la part contributive des ménages ou même en réduisant cette dernière. Ce que vous abordez dans ce blog c’est le pénible scenario que dans un certain nombre de pays, le cube (ou la combinaison des cubes comme nous l’avions expliqué dans un blog jadis - http://www.healthfinancingafrica.org/home/la-couverture-sanitaire-universelle-ce-sera-loeuvre-durbanistes-pas-darchitectes) risque de se rétrécir dans les temps prochains. Ce rétrécissement sera dû à la contraction des ressources disponibles, que vous décrivez avec soin.

Je vois deux pistes (non-exclusives) pour ‘penser’ et gérer ce rétrécissement. Une serait d’opter pour une approche ‘technico-normative’, en partant du principe que certains rétrécissements seraient moralement préférables à d’autres. Il existe un document OMS intitulé « Making fair choices on the path to universal health coverage » (https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/112671/9789241507158_eng.pdf) qui pose des balises pour la progression vers la CSU en ces termes de justice (fairness). Nous devons acter que désormais, pour un temps que l’on espère le plus court possible, la question pourrait se poser dans l’autre sens : comment faire des choix de rationnement qui seraient les moins injustes ? Il serait intéressant de voir si les principes de priorisation du document OMS marchent aussi en sens inverse.

Une autre optique serait une grille consciente des enjeux de ‘path dependency’, c’est-à-dire du fait que les options futures sont souvent déterminées par les choix antérieurs. Certains « rétrécissements » du cube pourraient être, à long terme, plus préjudiciables que d’autres. En guise d’illustration : au début des années 80, la crise économique mondiale a aussi abouti à la nécessité de faire des choix douloureux. Il a été décidé dans de nombreux pays pauvres de réduire les dépenses publiques de santé, de ne plus recruter des fonctionnaires et d’introduire (ou formaliser) la tarification des soins dans les structures publiques de santé. Sur le moment même, pour diverses raisons, il n’y avait peut-être pas beaucoup d’autres options techniques ouvertes aux pays, mais ce que l’histoire a montré c’est ce que ce choix a permis et même légitimé le désengagement de l’Etat du financement de la santé, cela a eu des conséquences néfastes à moyen et long terme. Il me semble que cette seconde optique prenant en compte la réalité des dynamiques politiques et de la difficile réversibilité qu’elles peuvent entrainer mérite aussi notre attention.

Quelle que soit l’optique prise, ma recommandation (personnelle) serait de ne plus retomber dans le piège des années 80 où les décisions sur le rationnement avaient été entre les seules mains des technocrates (qu’ils soient nationaux ou internationaux) et des politiques (qui peuvent aussi amener du rationnement par leur non-décision). A cet égard, il serait intéressant d’explorer les nouvelles pistes à même d’amener une plus grande redevabilité – comme le recommande d’ailleurs le document OMS référencé plus haut. Serait-il possible par exemple d’impliquer des plateformes citoyennes ? Il n’est pas certain que les acteurs de la société civile se bousculeront pour participer à des décisions de rationnement, mais c’est une piste qui mériterait peut-être considération… aussi pour l’acquis politique qu’elle pourrait constituer à plus long terme.
(fin du commentaire ci-dessous)

Répondre
Bruno Meessen
10/14/2021 02:08:45 pm

Pour conclure le commentaire ci-dessus... Quand on parle de rationnement, je crois que plus que jamais, la communauté « financement de la santé » doit faire attention au caractère réversible ou non de ses recommandations politiques. Nous pouvons avoir une lecture « défensive » de cette réalité (= contrer les mesures de rationnement négatives qui laissent des traces longues) mais aussi avoir une lecture « offensive » : identifier les mesures qui une fois en place seront difficiles à défaire et contribueront à consolider l’agenda de la CSU à plus long terme.

Mais peut-être cette question doit être l’objet d’un autre blog…

Répondre
Bello Kéfilath
11/14/2021 11:36:51 pm

Cher Bruno,
Merci vraiment pour ces commentaires et toutes ces informations qui montrent que, même si des choix difficiles doivent être faits, il est possible de veiller à réduire voire anticiper les conséquences négatives que certaines options peuvent entrainer. Je suis particulièrement d'accord avec la nécessité de travailler pour une plus grande redevabilité et pour une meilleure participation citoyenne. C'est vrai que c'est plus facile à dire qu'à faire mais, comme tu l'as bien souligné, l'histoire a prouvé les décisions laissées uniquement aux mains des technocrates et des politiques peuvent échouer à avoir une vision à long terme ou pire à prendre réellement en compte les besoins des populations. Ce que j'aimerais ajouter (et qui va de pair avec la redevabilité) c'est la nécessité d'adopter une attitude apprenante pour rapidement identifier ce qui ne marche pas et ajuster le tir au besoin. Mais l'apprentissage semble être un autre domaine dans lequel nous n'excellons malheureusement pas encore.

Répondre
Léonard Ntakarutimana
10/15/2021 01:15:21 pm

Je commence à féliciter les auteurs de ce blog qui soulève cette très importante question de comment progresser vers la CSU à l’aire de la COVID-19 en Afrique francophone.
Mon impression est que le choix et la mise en œuvre efficace et efficiente de l’une ou de plusieurs stratégies qui permettraient de progresser vers la CSU devraient prendre en compte d’autres facteurs qui me semblent importants :
1. La pandémie à Covid-19 a dès le départ pris des enjeux politiques et économiques qui vont bien au-delà du seul secteur de la santé. Même si cela a été le cas pour d’autres pandémies qu’a connues l’humanité, notamment le VIH/SIDA dès les années 80, elles n’auront pas suscité autant de polémiques quant à au danger que représente la maladie à Covid-19 et ses méthodes de lutte, et ce y compris au sein-même de la communauté scientifique.
Une des conséquences à cette situation est que certaines décisions en rapport avec la lutte contre la maladie à Covid-19 risquent parfois de se fonder sur des considérations autres que sanitaires et/ou être prises à des niveaux situés au-delà du secteur de la santé. Certaines décisions pourraient même parfois être instrumentalisées par des politiques ou des lobbies en connexion avec le monde financier ou du secteur pharmaceutique.

2. L’accès à l’information en rapport avec la pandémie à Covid-19 me semble encore très faible en Afrique francophone et même au-delà. En effet, l’information de qualité est diffusée à travers des revues scientifiques, des congrès et conférences internationaux et nationaux, des symposiums, etc. Or ce type d’information n’est accessible que pour très peu de personnes ; la majorité préférant se ressourcer auprès des réseaux sociaux (Facebook, whatsap, etc.) qui sont très facilement accessibles sur les téléphones portables, smartphones, tablettes, etc. mais qui sont malheureusement de qualité douteuse (diffusion de fake news). Il est à noter que des personnes relativement bien formées et/ou situées dans des instances de prise de décision font également parfois confiance à de telles sources.
Une des conséquences à cette situation est que certaines décisions prises dans la lutte contre cette pandémie ne seront que très peu basées sur l’évidence scientifique. Cela pourrait en partie expliquer la réticence importante des populations à adhérer aux vaccins et autres méthodes de prévention de la maladie à Covid-19.
3. Vous l’avez très bien souligné, les taux de prévalence, d’incidence et même de létalité de la maladie à Covid-19, tels que diffusés pour les pays africains, restent inférieurs à ceux d’autres régions du monde. Même si l’accès aux méthodes diagnostiques reste encore limité dans ces pays (et donc ces taux théoriquement sous-estimés), cette maladie n’est pas plus prioritaire que d’autres pathologies et autres problèmes de santé tels que le paludisme, les maladies chroniques non transmissibles, la tuberculose ou la malnutrition.
4. Le contexte de fragilité (conflits armés, instabilité politique, terrorisme, effets des catastrophes naturelles) dans lequel se retrouvent certains pays d’Afrique francophone, les problèmes de gouvernance, l’instabilité politique, la faim, la pauvreté, les changements climatiques, sont autant de défis qui compliquent la mobilisation des financements suffisants pour la lutte contre la maladie à Covid-19, l’efficacité et l’efficience de cette dernière. Tous ces éléments et bien d’autres pourraient détourner l’attention des principaux acteurs (y compris les populations) de la lutte contre cette pandémie.
5. Enfin, des facteurs socioculturels tels que le niveau d’éducation et de formation, les croyances religieuses, les pratiques en rapport avec l’organisation des fêtes, les paradigmes institutionnels et le mode de vie des populations/communautés pourraient également influer sur la lutte contre la maladie à Covid-19.
Quelques soient les pistes d’actions envisagées, l’accélération vers la CSU sera plus o

Répondre
Léonard Ntakarutimana
10/15/2021 06:19:19 pm

ou moins rapide en fonction de la situation propre de chaque pays par rapport à la combinaison de ces facteurs et bien d’autres.
Tout comme les auteurs de ce blog, je suis curieux d’apprendre d’autres experts les choix optimaux envisagés ou mis en œuvre dans leurs contextes.

Répondre
Bello Kéfilath
11/15/2021 12:06:46 am

Cher Leonard,
Merci beaucoup pour votre analyse. Elle souligne très bien les facteurs qui influencent la prise de décision et comment cette dernière peut être instrumentalisée ou égarée par des informations erronées. Ce que je retiens aussi c'est que maintenir le cap vers la CSU est vital pour régler plusieurs problème sanitaires, y compris la COVID-19.

Répondre
Mohamed Ali Ag Ahmed
10/21/2021 04:29:02 pm

Bonjour,
Fecilitations pour ce blog qui propose des solutions pertinentes. Nous percevons une meilleure resilience des systèmes de santé ayant mieux impliqué les communautés qui se sont souvent organisées en cas de chocs pour qu'elles assurent une offre des services. Nous avons vu plusieurs initiatives de collecte de fonds par des citoyens pour faire face à la situation dans nos pays tandis que l'aide tardait à arriver dans le cadre de la riposte contre la Covid-19. Nous avons vu dans les pays en conflit lorsque les fonctionnaires se sont retirés vers les capitales regionales ou nationale, que ces populations qui sont restées ont continué à se battre pour s'organiser, négocier avec les belligérants pour que les humanitaires aient accès au terrain pour prendre le relais afin d'offrir des services de santé. Pour dire que pour la CSU, il faut des systèmes de santë resilients qui passent par l'implication des communautés dans la gouvernance des systèmes de santé. Ce sont des aspects qui me semblent assez negligés, tous les efforts étant mis sur les professionnels de la santé....Mohamed

Répondre
Bello Kéfilath
11/15/2021 12:12:12 am

Cher Mohamed,
Merci de rappeler le rôle crucial des communauté. Tout comme Bruno, tu soulignes comment c'est une erreur (trop souvent commise) de ne pas bien les impliquer. Effectivement, avoir un partenariat solide avec les communautés me semble être une piste de solution prometteuse.

Répondre
Ouattara Oumar
10/26/2021 01:02:11 pm

Félicitations aux auteurs
Je voudrais rappeler que la crise sécuritaire avait déjà fortement entamée les budgets de la santé dans les pays du sahel. En plus de la baisse des budgets d'état, le non paiement des factures des gratuités a fini par plombé la situation financière des formations sanitaires. Les dépôts/pharmacies des formations sanitaires se retrouvent dégarni.
Oui il faut maintenir / renforcer le Cap vers la CSU malgré tout, j'appuierai particulièrement les pistes suivantes:
1. Renforcer la gouvernance financière: il existe encore hélas beaucoup de déperdition voire des dépenses de prestige;
2. Oui il faut un paquet de service adapté au contexte epidémiologique et par niveau;
3. Il faut tendre le plus possible vers des prélèvements obligatoires de type régime obligatoire quand c'est possible, prélèvements de taxe, prélèvement de cotisations sur les cultures de rentes...;
4. Réduire de façon drastique la fragmentation, en tant que techniciens nous avons une responsabilité particulière à ce niveau. Il faut sortir des dogmes et être pragmatique.
Dr Oumar Ouattara

Répondre
Bello Kéfilath
11/15/2021 12:16:50 am

Cher Dr Ouattara,
Merci vraiment pour votre commentaire qui montre les réalités de terrain et vos suggestions pragmatiques. En effet, aussi étrange que cela puisse paraître, on voit encore des dépenses de prestige dans des contextes où les ressources sont limitées. Quant à la fragmentation elle reste encore criarde avec une belle part de responsabilité de la part des techniciens (comme vous le soulignez) et des bailleurs. Merci encore pour le partage d'expérience.

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