C’était pour moi une grande chance de rejoindre le Canada pour participer au quatrième symposium mondial sur la recherche en systèmes de santé. J’ai notamment eu à faire une présentation orale sur le FBR, participé en tant que membre du jury à la notation des posters en compétition et contribuer à l’animation du stand de la CoP PBF. L’expérience a été exaltante en termes d’apprentissage et d’échanges d’expériences. Environ 2000 participants prenaient part à cet important rendez-vous mondial.
Une chose m’a frappé : le FBR (ou FBP) était très présent dans la conférence. Le Professeur Bruno Meessen, qui avait participé aux deux dernières éditions, m’a confirmé qu’une telle ampleur était inédite. Ce n’était pas seulement la quantité qui était impressionnante, mais aussi la qualité des interventions et des échanges durant les sessions.
Personnellement, j’ai essayé de suivre un maximum de sessions sur ce thème. J’ai tout d’abord assisté à une session satellite animée par l’équipe de la Banque Mondiale – on y a parlé de FBR communautaire et du défi de la mesure de la qualité dans les programmes FBR. J’ai aussi été à des sessions de présentation orales sur les résultats de recherches, d’évaluations d’impact (quantitative et qualitative), d’analyse réflexives. J’ai pu entendre des présentations relatives aux expériences du Cameroun, du Burkina Faso, de la République Démocratique du Congo, du Malawi, du Mozambique, de l’Ouganda, du Rwanda et de la Zambie. Presque le tour de notre cher continent ! Le programme était très dense et parfois les sessions rentraient en conflit.
Ainsi, je n’ai pas pu assister aux présentations sur le passage à l’échelle du FBR où les expériences de la Tanzanie et du Cameroun à cet égard étaient rapportées, mais j’ai participé aux échanges à ce sujet (j’ai par ailleurs entendu que la CoP PBF allait organiser une série de webinaires sur ce programme de recherche multi-pays – je me rattraperai par une participation pleine en ligne !).
Matières à réflexion
Des suggestions pour améliorer l’élaboration, la mise en œuvre et la durabilité du FBR ont été présentées et discutées dans ces sessions. Voici quelques messages importants que j’aimerais partager avec vous:
- S’il est bien conçu et bien mis en œuvre (ex. suffisamment d’autonomie pour les formations sanitaires, une vérification rigoureuse et inspirant confiance aux financeurs), le FBR est une stratégie intéressante pour améliorer l’utilisation et la qualité des services. J’ai bien aimé une analyse du Prof. Wim Van Damme de l'Institut de Médecine Tropicale d’Anvers lors de la session satellite : la plus grande force de cette stratégie est peut-être sa capacité à injecter des ressources en première ligne. Si cela est couplé avec suffisamment d’autonomie au niveau des formations sanitaires, on crée ainsi un environnement favorable à l’efficacité de toutes les interventions d’appui plus classiques.
- Il s’agit bien d’une stratégie de renforcement des systèmes de santé car sa mise en œuvre touche pratiquement tous les 6 piliers du système de santé. Avec certains aménagements, le FBR peut s’attaquer aux problèmes d’iniquité au niveau de l’utilisation des services de santé par les plus pauvres (indigents).
- Pour faciliter la mise en œuvre, les outils de pilotage (business plan, outil d’indices, canevas de contrats etc..) doivent être simples, développés pour les utilisateurs et non pas pour satisfaire aux exigences du régulateur. C'est particulièrement vrai pour le FBP communautaire.
- Il est important de donner plus de voix aux utilisateurs des services de santé. Cela renforce la redevabilité des agents de santé envers la population, améliore la gestion et la qualité des services et influence positivement sur le comportement des agents de santé envers la population.
- Le passage à l’échelle du FBR et son intégration dans le système n’est pas un « long fleuve tranquille ». L’histoire de la Tanzanie était particulièrement intéressante à cet égard. Il y a clairement un enjeu en termes de leadership national. Pour une meilleure intégration du FBR dans le système de santé, il est préférable de passer rapidement des agences de contractualisation et de vérification internationales vers des agences nationales. Le cas du Cameroun est informatif à cet égard.
- Pour une meilleure mise en œuvre des réformes, il est important que le design institutionnel place la cellule technique nationale à un niveau élevé de la hiérarchie du système.
- A Vancouver, nous avons aussi beaucoup parlé des dynamiques d’apprentissage et de collaboration entre différents acteurs. Afin de favoriser l’expérimentation, la capitalisation et la généralisation des expériences, il est conseillé de créer des laboratoires FBR qui serviront de modèles, de sites de stages, d’apprentissage et aussi d’innovation.
- L’implication de tous les acteurs (décideurs, chercheurs, acteurs de mise en œuvre) dans tout le processus est cruciale pour favoriser l’appropriation de la stratégie et l’utilisation des résultats de recherche par les décideurs. Il ne faudra pas aussi oublier les médias, la société civile, les autres secteurs autre que la santé qui peuvent être les avocats du FBR.
- Les experts du FBR devront régulièrement se remettre en cause, poser toujours de bonnes questions aux bonnes personnes, « est-ce que nous sommes sur la bonne voie et qu’est-ce qu’on ferait différemment si on devait recommencer ?».
- La mise en place d’une stratégie de courtage de connaissances devrait permettre de produire les connaissances et de les utiliser pour réussir la mise en œuvre du FBR. C’est dans ce sens que les pays sont encouragés à créer des Hub pays et aussi à participer à l’animation de la CoP FBP. A Vancouver plusieurs participants ont pris l’engagement de s’inscrire dans la CoP FBP. La famille va donc s’agrandir les jours à venir.
- Le FBP doit être perçu comme un pilier important de la couverture sanitaire universelle (CSU) car il peut agir sur la qualité des soins, condition sine qua non pour la progression vers la CSU.
De grands défis demeurent
Mais nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers. Le FBR, dans son état actuel, a aussi des limites qu’il faut humblement reconnaitre.
- Le défi de la mesure de la qualité des soins est connu. Lors de la session satellite, nous avons pu découvrir différentes expérimentations sur des nouvelles méthodes de mesure telles que l’utilisation des vignettes, l’observation, les faux patients et l’utilisation des modèles anatomiques. Voilà des innovations allant au-delà de la revue documentaire actuellement utilisée !
- Bruno a appelé à une réflexion de fond sur comment le FBP abordait la problématique de la qualité des soins. La CoP FBP va lancer une initiative à ce niveau, en partenariat avec un nombre maximum d'acteurs.
- Il ressort aussi des différents travaux que le FBP classique gagnerait à être complété par un FBR du côté de la demande (ex : système de coupons, vouchers, pour encourager certains groupes-cibles à se rendre au centre de santé).
- Il est clair aussi que certains défis majeurs, comme celui de la pérennité et le financement de la stratégie par le budget de l’état, demeurent.
- J’ai aussi entendu que le paiement des subsides se faisait avec retard dans plusieurs pays. Cela peut être démotivant pour le personnel et limiter les effets positifs du FBR.
Pour conclure ce billet, je proposerais le message fort envoyé par Joe Kutzin de l’OMS dans la session sur le passage à l’échelle : le FBP n’est pas une fin en soi. Il est important de regarder tous ensemble au-delà et de voir comment il consolide l’agenda de la CSU, en se fondant dans une stratégie nationale de financement cohérente. Voilà certainement un enjeu qui occupera beaucoup d’entre nous les années qui viennent... et qui méritait d'être relevé en ce jour de célébration internationale de la CSU.