et Noemi Schramm Ndao (consultante financement de la santé, UNICEF)
Durant toute une époque, la République Démocratique du Congo (RDC) a été défaillante dans son financement domestique des vaccins. Les autorités nationales se sont ressaisies. Christian Diomi et Noemi Schramm Ndao identifient quelques leçons.
En 2018, la situation du programme de vaccination en RDC était déplorable: 2,5 millions d'enfants de moins d'un an n'avaient pas reçu tous les vaccins (soit 2/3 des enfants). Pareillement, le pourcentage d'enfants ayant reçu les vaccins Penta (un vaccin qui offre une protection contre cinq maladies potentiellement mortelles que sont la diphtérie, la coqueluche, le tétanos, l’hépatite B et Hib) avait diminué au cours des quatre années précédentes, tout comme la part des enfants complètement immunisés. Cette dernière était de 35 % des enfants dans l'enquête 2018 sur les indicateurs à grappes multiples, contre 45 % dans l'enquête démographique sur la santé de 2014. Sans surprise, cette faible couverture a entraîné des épidémies (mortelles et coûteuses), notamment de poliomyélite et de rougeole. L'une des principales raisons de cette faible couverture était le manque de vaccins. Alors que Gavi avait financé jusqu'à 94 % des coûts de six vaccins dans le cadre d'un accord de cofinancement avec le gouvernement, trois vaccins (dits traditionnels) étaient censés être entièrement financés par le gouvernement. Malheureusement, l’État était défaillant. Le non-respect de l'accord de cofinancement avec Gavi signifiait la perte potentielle de millions de dollars. La situation était structurellement critique: au cours des 11 années précédant 2019, la RDC a été le pays qui a accusé le plus de retards dans le paiement de sa part de cofinancement au niveau mondial - au cours de 8 des 11 années, le pays a payé après le délai requis. Les choses devaient changer.
Le réengagement politique induit un réengagement financier
Les préparatifs du premier forum sur la vaccination en juillet 2019 se sont concentrés sur la sollicitation de l'appropriation et du financement du plan de Mashako avec a) une appropriation de haut niveau et b) des interventions hautement prioritaires et réalisables. Le plan Mashako — du nom d'un ancien ministre de la santé — s’est focalisé sur les neuf provinces comptant la moitié des enfants n'ayant reçu aucune dose (1). Un délai de 18 mois a été établi pour augmenter la couverture vaccinale de 15 points de pourcentage en augmentant la disponibilité des vaccins et le nombre de séances de vaccination. Ce délai devait permettre de s'assurer que les résultats soient rapidement visibles et que les acteurs restent motivés pour continuer, ainsi que de mettre en œuvre les enseignements tirés. Le plan de Mashako a maintenant été étendu à toutes les provinces.
La déclaration signée par le président lors du forum de juillet 2019 comprenait un engagement à payer les vaccins traditionnels et à remplir les obligations de cofinancement. Une belle nouveauté : les provinces se sont engagées à inclure une ligne budgétaire annuelle à hauteur de 1 dollar US par enfant à vacciner pour couvrir les coûts opérationnels. En signe d'engagement, le ministère des finances a versé 3 millions de dollar pour les vaccins dans la semaine qui a suivi. Le soutien a duré : depuis lors, le gouvernement a investi 78 millions de dollar dans l'achat de vaccins, soit la totalité du montant nécessaire pour les quatre dernières années.
Les partenaires ont inclus l'engagement dans leurs accords de financement respectifs avec le gouvernement, le plus important étant le Fonds monétaire international (FMI) qui a inclus un objectif de dépenses pour les vaccins dans sa facilité de crédit élargie qui s'étend de la mi-2021 à la mi-2024. Le responsable national de Gavi a réuni la Banque mondiale, le FMI et d'autres grands bailleurs de fonds au sein d'un groupe de coordination des partenaires, et a soutenu la coordination des objectifs et des cadres de responsabilité. Au niveau du ministère des finances, un vrai interface avec les secteurs sociaux a été mis en place. Le nouveau conseiller pour les secteurs sociaux a été chargé, entre autres, du suivi des paiements des vaccins. L’attribution d’une responsabilité institutionnelle (par le biais des objectifs de dépenses du FMI) et d’une responsabilité individuelle (en chargeant le conseiller du secteur social au sein du Ministère des Finances du suivi des paiements) a complètement changé la situation de financement des vaccins et a également permis d’inscrire un budget suffisant pour l’achat de vaccins en 2021, 2022 et 2023. Ces performances n'auraient pas été étrangères à l’accession de Son Excellence Monsieur Nicolas Kazadi au poste de Ministre des Finances.
Sur le calendrier 2023, la RDC a été le premier pays de la région à payer sa part de cofinancement, et le deuxième pays africain. L’époque où la RDC connaissait des retards notoires dans le paiement des vaccins semble révolue.
D'autres facteurs d'accompagnement ont contribué à transformer les engagements de haut niveau en actions. D’une part, le pays a souscrit avec succès à l'Initiative pour l'indépendance vaccinale. Cette dernière permet aux pays d'accéder au préfinancement de l'UNICEF pour les vaccins et leur donne le temps de rembourser après la livraison des vaccins. Cela permet non seulement de gérer les pénuries de liquidités et d'éviter les ruptures de stock de vaccins, mais aussi de respecter les règles de gestion des finances publiques en matière d'achats. Cela signifie que du côté du Trésor, les vaccins peuvent être payés après avoir été livrés — un principe clé des règles et règlements de la gestion des finances publiques en RDC. D’autre part, le Réseau des parlementaires congolais pour l'Appui à la Vaccination (REPACAV) a été réactivé et impliqué dans le suivi et la surveillance des engagements de haut niveau (y compris le suivi et l'approbation de la ligne budgétaire inscrite pour les vaccins dans le budget national).
Quelques leçons
Selon nous, voici les leçons émergeant de la réussite de la RDC:
- Élaborer un plan prioritaire et réalisable dont les résultats seront disponibles dans un délai de moins de deux ans. Il faut toujours tenir compte de la règle SMART pour fixer les objectifs: spécifiques, mesurables, réalisables, axés sur les résultats et limités dans le temps. Dans le cas de la RDC, il s'agissait «d'augmenter de 15 points de pourcentage la couverture vaccinale dans neuf provinces dans un délai de 18 mois» et, pour le financement, de «payer intégralement les vaccins traditionnels et le cofinancement des vaccins chaque année et inscrire 1 dollar par enfant à vacciner dans les budgets provinciaux».
- Aligner les accords et le travail des partenaires sur l'engagement du gouvernement. Ainsi, le gouvernement a adhéré à l'initiative pour l'indépendance vaccinale et le FMI a introduit des objectifs de dépenses spécifiques pour les vaccins dans sa facilité de crédit élargie.
- Trouver et désigner la bonne personne de contact pour le suivi au sein du gouvernement. Dans le cas de la RDC, le conseiller des secteurs sociaux du ministère des Finances, a été chargé de veiller à ce que les vaccins soient payés à temps et dans leur intégralité.
- Mettre en place une large coalition pour suivre les réalisations et en parler. Le réseau des parlementaires pour la vaccination a été utile pour sensibiliser leurs circonscriptions à l'engagement du gouvernement et a également soutenu le suivi de la ligne budgétaire nationale et de l'exécution du budget pour les vaccins. Plusieurs partenaires ont publié des communiqués de presse sur le plan de Mashako, ce qui a également permis de sensibiliser la communauté internationale à la stratégie ambitieuse du gouvernement de la RDC.
- Au bout de deux ans, faites le point sur les résultats obtenus et redéfinissez la stratégie. Célébrer les succès aussi haut et fort que possible et s'attaquer aux défis restants. Le forum national sur la vaccination et l'éradication de la polio se tient tous les deux ans à Kinshasa, et le président a présidé chacun d'entre eux. Les partenaires ont commencé à collaborer avec le gouvernement et le FMI pour institutionnaliser les réalisations en matière de financement des vaccins.
(1) Le champ d'application a depuis été élargi pour inclure les 26 provinces.