La vérification est une fonction essentielle de tout programme de Financement Basé sur les Résultats (FBR). A l’heure où la question de la pérennité institutionnelle et financière du FBR se pose dans de nombreux pays, Matthieu Antony (AEDES) nous présente le principe de Pareto qui pourrait nous aider à trouver un équilibre entre « impératif de contrôle » et « objectif d’efficience ».
La vérification comme pierre angulaire du FBR
De manière générale, la vérification vise à s’assurer que les services de santé pour lesquels une demande de paiement est faite ont été fournis et sont de qualité. Les raisons expliquant la mise en place d’un tel système sont multiples :
- La vérification permet de garantir un certain niveau de transparence dans le paiement des crédits FBR
- La vérification permet de limiter le comportement opportuniste des prestataires de soins en faisant peser sur ces derniers la menace de sanction en cas de manquement à ses obligations contractuelles.
- Enfin, une vérification rigoureuse peut contribuer à améliorer la qualité du système d'information de routine en incitant le prestataire à porter une plus grande attention sur la tenue de ses registres.
La vérification des résultats est donc primordiale pour garantir la crédibilité du FBR auprès de toutes les parties prenantes. Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’un programme FBR démarre et que les acteurs ne sont pas familiarisés avec les nouveaux arrangements institutionnels en place.
Alors pourquoi revoir les procédures de vérification ?
Tout simplement parce que les procédures de vérification, telles qu’elles sont appliquées actuellement (dans la majorité des programmes sur lesquels j’ai eu la chance de travailler) sont coûteuses et peu efficientes. Pour illustrer mon propos je me concentrerai sur la vérification quantitative, encore appelé vérification administrative ou de cohérence.
La vérification dite « quantitative » est souvent extrêmement coûteuse en ressources humaines et en temps. Cela s’explique par l’obligation faite aux agents vérificateurs de procéder au contrôle de toutes les prestations de soins réalisées par toutes les structures de santé au cours d’une période donnée (souvent le trimestre). Pour peu que l’on ait une vingtaine de services de santé (indicateurs quantitatifs) et une centaine de structures de santé ciblées par le FBR (et cela seulement dans le cadre d’un projet pilote), il est facile de comprendre que la tâche s’annoncera longue.
De manière générale, les agences chargées de la vérification sont confrontées au problème suivant : mettre en place un contrôle rigoureux de l’ensemble des prestations de soins tout en respectant les délais imposés pour assurer un paiement des crédits FBR dans les délais aux prestataires de santé.
De mon point de vue, on a tendance à sous-estimer le temps nécessaire pour la vérification, ce qui peut avoir deux conséquences :
- Les vérificateurs effectuent une vérification rapide qui risque d’être de mauvaises qualités ;
- Les vérificateurs qui peuvent avoir d’autres fonctions n’accomplissent plus ces dernières.
Précisons en effet que dans certains cas, le personnel chargé de la vérification est également responsable d’autres appuis techniques que ce soit au niveau central ou périphérique. Dans ce cas, la vérification des prestations médicales peut se faire au dépend d’autres activités toutes aussi importantes, voir plus constructives (notamment lorsque les vérificateurs ont des compétences cliniques) telles que le coaching des structures de santé.
Principe de Pareto ou « règle des 80/20 »
Pareto est un économiste sociologue italien du 19ème Siècle qui découvrit dans plusieurs pays d’Europe, que 20% de la population finançaient 80% des recettes d’impôts. Il en déduisit alors que 20% de la population détenaient 80% des richesses du pays. Ce constat a par la suite été transposé en principe que l’on peut résumer de la façon suivante : 80% des effets sont le fruit de 20% des causes (règle des 80/20).
Il s’est avéré que ce principe, qui est purement empirique et n’a pas de fondements théoriques, est observé dans de nombreux domaines : commerce, management, industrie. Ce faisant, il s’est érigé en un outil d’analyse puissant permettant de séparer les choses en deux catégories : prioritaire et secondaire. De mon expérience, je pense que ce principe peut s’appliquer également à la vérification dans le cadre du FBR.
Comme nous l’avons vu plus haut, l’un des principaux objectifs de la vérification quantitative est de limiter le risque de « sur-paiement » en vérifiant que les activités déclarées qui entraîneront un paiement aux prestataires sont bien réelles. Dans cette optique, toutes les activités et donc tous les indicateurs ciblés par le FBR n’ont pas la même importance. En fonction du volume d’activité réalisé et des prix unitaires fixés, l’incidence financière de chaque indicateur sera différente.
Selon un exercice réalisé dans un pays d’Afrique Subsaharienne mettant le FBR en place depuis plus de 4 ans, il ressort qu’un tiers des indicateurs vérifiés au niveau des centres de santé (32%) contribuent à 80% du montant total épargné (donc non dépensé) grâce à la vérification. Ces résultats montrent qu’il serait possible d’identifier des indicateurs « à risque élevé » et donc prioritaires en terme de vérification et des indicateurs secondaires car présentant « un risque financier modéré voir faible ».
Quelle leçon tirer du principe de Pareto?
La principale leçon à tirer du principe de Pareto est que la « maximisation » de la vérification ne garantit pas « l’optimisation » des résultats obtenus. Dans tout processus de vérification, un équilibre doit être trouvé entre l’efficacité du système et les coûts qu’il génère. Ceci est particulièrement vrai lors de l’extension d’un programme FBR. C’est pourquoi, dans un but d’efficience et de pérennité du système de vérification, des alternatives à un contrôle exhaustif et systématique des prestations de soins doivent être explorées.
Sur ce dernier point, la mise en place d’un système de vérification basé sur les risques est une piste à approfondir. Ce système s’appuierait sur (i) un échantillonnage des indicateurs de performance et des structures de santé en fonction de leur niveau de risque financier et (ii) l’adoption de mesures de contrôle renforcées lorsque le risque est élevé et de mesures simplifiées lorsque le risque est faible. A l’évidence, les modalités d’échantillonnage et les mesures de vérification devront être définies par l’acheteur de service afin d’éviter toute collusion entre le personnel de santé et les vérificateurs.
Conclusion
En guise de conclusion je reviendrai sur l’idée qu’une vérification intensive peut être nécessaire en début de programme, mais qu’il faut ensuite aller vers plus d’efficience. Il s’agira alors d’être réaliste et d’admettre que le processus de vérification dans le cadre du FBR ne doit pas apporter une certitude absolue sur toutes les prestations fournies par les structures de santé, mais un certain degré de certitude que l’acheteur de service estimera acceptable compte tenu des circonstances.
Quelles sont vos opinions ou expériences à cet égard ?