Soins de maternité respectueux: où en sont les connaissances?
Les Soins de Maternité Respectueux (SMR) peuvent être définis comme la fourniture de soins dignes aux femmes. Ces dernières années, le sujet a occupé une place prépondérante dans la recherche sur la santé maternelle, la santé publique et les droits de la personne. Des revues de littérature en 2010 et 2015 ont décrit ce qui définissait les ‘soins irrespectueux’. Une étude de 2016 s’est penchée sur les causes du manque de respect en Afrique subsaharienne (ASS), et plusieurs études (y compris Abuya 2015 et Sando 2016) ont examiné la prévalence des soins irrespectueux pendant l'accouchement. Bien que la connaissance du problème soit vaste, les perspectives d'une solution restent limitées et leur portée est étroite. À une exception près, nous manquons d’études détaillant des solutions complètes à l'échelle du système.
Au sein de la communauté du financement basé sur la performance (FBP), les SMR ont à peine attiré l'attention. Une étude récente sur la qualité des soins dans les programmes FBP a noté qu'à ce jour, les indicateurs de qualité ont été axés sur l'équipement et l'infrastructure, avec beaucoup moins d'attention portée aux interactions entre le patient et le prestataire ou à la perception des soins par les patients, bien que ce dernier aspect ait été mis en exergue dans la publication de l'OMS «Vision de qualité pour les femmes enceintes et les nouveau-nés» (2015). Nous considérons le défi du SMR comme une opportunité pour le FBP et nous exhortons les membres de la CoP à réfléchir à la façon dont une approche basée sur les résultats pourrait résoudre les dilemmes liés aux soins irrespectueux. La communauté SMR a élaboré un recueil d'indicateurs qui pourraient être utilisés pour mesurer les soins irrespectueux ou abusifs. On trouvera, dans l'encadré ci-contre, une série de questions (et de leurs domaines plus vastes) qui définissent les aspects des soins irrespectueux. Ces questions pourraient être incorporées à des enquêtes auprès des patients et aux observations des patients-prestataires. | BOX 1 - Un échantillon dindicateur’* (et leurs domaines plus larges) qui pourraient être utilisés pour mesurer les soins de maternité respectueux
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Nous encourageons la communauté du FBP à déterminer si des indicateurs comme ceux-ci pourraient être intégrés dans les outils de qualité existants (que ce soit au cours de vérifications communautaires ou d'observations faites au sein des formations sanitaires). Nos équipes de l'Université de Heidelberg et du College of Medicine ont initié cette conversation en interne à la lumière des résultats de lévaluation de deux programmes FBP basés au Malawi, dans différents districts du pays: le programme de Financement basé sur les résultats pour la santé maternelle et néonatale (RBF4MNH) et le Soutien à l'intégration des prestations de service - incitatifs axés sur le rendement (SSDI-PBI). Toutes les évaluations ont révélé des problèmes tant que des opportunités liés à la promotion du respect dans le contexte du FBP.
Bilan de nos deux évaluations
Concernant la documentation au sujet du problème de manque de respect, nos résultats reflètent la littérature SMR existante. Dans les évaluations, les femmes et les leaders communautaires parlent de personnels débordés ainsi que de rapports tendus ou sommaires entre le patient et le prestataire, rapports souvent assortis de remarques dégradantes, discriminatoires ou cassantes de la part des prestataires.
Dans les deux évaluations, les répondants ont déclaré avoir eu l’impression que les prestataires étaient fatigués ou surchargés de travail, et qu'ils avaient peu de considération pour leurs patients. L'évaluation RBF4MNH a mis l'accent sur les soins maternels pendant l'accouchement.
Dans cette étude, les femmes décrivaient le manque de communication ou la mauvaise communication de la part des prestataires sur ce qui se passait pendant le travail et lors de l'accouchement. Des femmes ont également déclaré s'être senties ignorées. Dans les cas extrêmes, des femmes ont raconté avoir dû accoucher seules ou seulement accompagnées de personnes non qualifiées telles qu'un ami, un membre de la famille, une collègue, une femme de ménage ou un gardien de sécurité; dans trois cas, les femmes ont décrit comment leur nouveau-né est tombé sur le sol pendant l’accouchement car personne n'était présent pour l’attraper. De leur côté, des prestataires ont déclaré se sentir surchargés de travail et sous-estimés.
En termes de solutions, nos évaluations ont également révélé des raisons d’être optimiste. Après trois ans de mise en œuvre du FBP, les répondants des deux évaluations ont décrit les formations sanitaires comme ayant plus d'équipement et une meilleure infrastructure (y compris, dans le cas de RBF4MNH, amélioration de la confidentialité visuelle via des panneaux-écrans), étant plus propres et ayant un flux d'approvisionnement plus cohérent. Les femmes ayant reçu des soins dans les formations sanitaires du groupe d'intervention RBF4MNH ont rapporté un plus haux taux de satisfaction quant au niveau de confidentialité et de respect de la vie privée lors du travail et de l’accouchement que dans les formations sanitaires du groupe de contrôle. Enfin, dans les deux programmes FBP, les répondants affirmaient que le fait d’inclure le feedback des patients dans le programme augmentait la responsabilisation des prestataires. Dans le programme RBF4MNH, cela se faisait sous forme d'entrevues de sortie lors desquelles les patients étaient invités à répondre à une série de questions concernant leur rencontre avec les prestataires. Dans le programme SSDI-PBI, cela se faisait sous forme de réunions lors desquelles les membres de la communauté et les prestataires pouvaient faire part de leurs griefs et discuter de solutions. Que ce soit lors d'entrevues de sortie ou de discussions collectives, le processus de partage d'idées et de solutions a contraint le personnel des établissements de santé à reconnaître l’importance du vécu des patients lors des soins. Comme l'a dit un prestataire, « Lorsque vous savez que vous serez évalué en partie en fonction de ce que dit une femme, vous êtes obligé d’être aimable».
Le FBP peut-il contribuer à des soins plus respectueux?
Nous nous sommes demandé, au sein de notre équipe de recherche, s’il serait possible possible de faire état plus systématiquement des mauvais traitements dans le cadre des futurs programmes FBP, en établissant des indicateurs qui mettraient l'accent sur des soins respectueux dans les listes de contrôle quantitatives et qualitatives. Nous avons également posé la question suivante aux prestataires: «Un programme incitatif qui récompense les prestations respectueuses pourrait-il entraîner des changements durables dans les comportements et les attitudes des prestataires?». Ce à quoi ils ont répondu avec prudence. Plusieurs prestataires ont noté que, dans chaquee structure de santé, il y a souvent une «brebis galeuse» qui ternit l'image des prestataires et semble obstinée dans son approche irrespectueuse. D'autres prestataires ont affirmé qu’un changement dans les incitants pouvait conduire à des solutions de contournement qui n'éliminent pas forcément le manque de respect, mais conduiront à le rôle de celui qui manifeste des comportement irrespectueux. Par exemple, le personnel des formations sanitaires surchargées pourrait solliciter des personnes - beaux-parents, sœurs, mères… - qui accompagneraient les femmes dans les établissements et reproduiraient ces comportements verbalement ou physiquement abusifs envers une femme «non coopérative» en phase de travail. Nous imaginons qu'il existe bien d'autres conséquences imprévues susceptibles de mettre à mal la confiance, même dans le cadre d'un programme FBP orienté vers les soins, la bienveillance et le respect.
Malgré ces défis, nous sommes optimistes. Nous reconnaissons que le manque actuel d'interventions respectueuses est probablement lié au fait que ce problème est multidimensionnel, émotionnellement chargé, politiquement sensible, et transcende plusieurs niveaux du système de santé tout en exigeant une collaboration intersectorielle à long terme. Cela rend la promotion du respect décourageante, mais ces défis ne sont pas nouveaux pour ceux qui travaillent dans le FBP.
En fait, nous voyons plusieurs similitudes entre les ingrédients essentiels d'un programme basé sur les SMR et les expériences historiques des programmes FBP. Les programmes FBP et SMR n’exigent-ils pas, tous deux, un changement fondamental dans la manière dont un système de santé fonctionne et se regarde? Oui ! Les efforts de PBF et de SMR n’exigent-ils pas que les intervenants de tous les ministères et de tous les secteurs travaillent ensemble de manière inédite? Oui ! Le FBP et les programmes de soins respectueux peuvent-ils être perçus comme lourds ou problématiques par les prestataires? Oui ! La communauté PBF est-elle habituée à des questions et des critiques concernant la durabilité et le coût - peut-être davantage que toute autre intervention sanitaire de mémoire récente? Oui, c’est le cas, et la communauté des SMR devra s’y habituer elle aussi. Enfin, les programmeurs FBP et SMR devraient-ils envisager d’apporter des changements qui se propagent à travers plusieurs publics cibles, y compris: des clients individuels, des ménages, les communautés, les installations, les équipes cadres de district et divers ministères? Oui ! Compte tenu de ces parallèles, la communauté FBP pourrait-elle mettre à profit ses connaissances tacites et explicites pour proposer de nouvelles façons de remédier aux mauvais traitements infligés aux femmes? Nous pensons que oui.
*Ces chercheurs participent à des évaluations des programmes RBF4MNH et SSDI-PBI au Malawi. Ces évaluations ont été parrainées par des bailleurs, dont: les gouvernements des États-Unis et de Norvège par l'intermédiaire de l'USAID | Projet TRAction à l’ URC, l'Ambassade royale de Norvège au Malawi et l'Agence norvégienne pour la coopération au développement (Norad).