Début septembre, les facilitateurs des CoP se sont réunis à l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers pour réfléchir sur le chemin parcouru avec les CoPs HHA et baliser le développement futur.** Dans ce billet de blog, les facilitateurs des 3 CoPs ‘Financement’ reviennent sur le rôle que les communautés de pratique peuvent jouer en faveur de l’agenda de la couverture universelle. Ils font aussi appel à vos contributions.
La couverture universelle (CU) – entendue comme l’ambition d’assurer à tout un chacun l’accès aux services de santé dont il a besoin sans qu’il ait à souffrir de conséquences économiques lourdes lors de l’utilisation – est montée avec force à l’agenda international ces dernières années. Bon, la CU, c’est un peu coller une nouvelle étiquette sur une vieille bouteille, mais si ça aide à mobiliser les troupes, pourquoi pas ?
A l’heure actuelle, la communauté internationale est encore dans de grandes tractations sur le contenu exact des priorités qui seront retenues pour l’agenda post-OMD. Comme en témoigne différentes actions, rapports et discours produits pour la dernière Assemblée Générale des Nations Unies, on peut avoir l’espoir que la CU fera partie des priorités. Quelles que soient les décisions prises au niveau mondial, de nombreux gouvernements du Sud se sont réveillés et ont remis l’accès à des soins de qualité sur leur propre agenda. En avant donc pour la « CU », en Afrique également.
Plus d’attention pour la CU de la part des CoPs
Au niveau des communautés de pratique « HHA », la CU nous occupe depuis le départ, mais il nous apparaît opportun de mieux mettre en valeur notre contribution dans le futur. Les CoPs ont été voulues par HHA pour remplir au moins une fonction : consolider, pour le bénéfice des pays, au niveau des experts nationaux et internationaux, les répertoires de pratiques et connaissances relatifs aux système de santé en Afrique. Cette consolidation, nous l’entendons comme un accroissement du nombre et des profils d’experts maîtrisant ces répertoires, donc un effort tant en termes de volume (inclusion de nouveaux experts et davantage de partage entre des profils variés) que d’expansion individuelle des savoirs. La théorie de changement des communautés de pratique prévoit que cette consolidation passe par l’échange, la coproduction, la systématisation et dissémination des savoirs relatifs à ces répertoires techniques. La forte croissance de plusieurs CoPs en termes de membres (la CoP FBP par exemple compte aujourd’hui plus de 1.000 membres) confirme le besoin que ressentent les experts à se mettre en réseau pour mieux dominer les problématiques liées au financement de la santé.
Contribution possible des CoPs : la force du modèle collaboratif
Notre implication personnelle dans la facilitation nous a définitivement convaincus que par leur mode de fonctionnement ouvert, collaboratif et facilité, les CoPs ont une contribution propre à apporter à l’agenda de la CU.
Cette contribution peut prendre au moins deux formes.
D’une part, les CoPs permettent la dissémination des connaissances générées par les nombreux acteurs contribuant, en dehors des CoPs, à l’agenda global de la CU. Ce partage se fait via nos plateformes en ligne, mais aussi et peut-être surtout, lors des événements en face à face que nous organisons. Un excellent exemple est la conférence que la CoP Accès Financier aux Services de Santé (AFSS) organisera fin novembre à Ouagadougou : en partenariat avec les chercheurs du Nord et d’Afrique, c’est une conférence de grande qualité qui se prépare. Nous constatons aussi qu’un nombre croissant d’acteurs nous invitent à leurs propres événements ou réunions de travail, pour qu’on y partage nos observations et savoirs, mais aussi pour travailler avec eux sur la bonne dissémination des résultats de leurs propres activités (par exemple, la CoP Accès Financier est désormais membre consultatif du comité technique régional d’appui aux stratégies d’extension de la Couverture Médicale Universelle dans les pays de l’UEMOA).
D’autre part, et de façon plus originale, la dynamique collaborative propre aux CoPs permet de solliciter les centaines de cerveaux ‘connectés’ à nos plateformes. Ce qui dans le langage des technologies de l’information et de la communication est aujourd’hui appelé le modèle 2.0 ou de façon plus spécifique le ‘crowdsourcing’. Par l’échange et le débat, les membres des CoP peuvent contribuer à l’identification des bonnes pratiques (en termes de design et mise en œuvre des régimes financiers notamment). Cela requiert toutefois une bonne dialectique, que ce soit lors des discussions en ligne ou d’un atelier. À cet égard, nous sommes conscients qu’une certaine responsabilité réside au niveau des facilitateurs : il s’agit en effet de faire le tri entre les opinions et les faits, de distinguer ce qui est de l’ordre de l’hypothèse et ce qui a été démontré. Nous sommes convaincus que par ce processus, un savoir original émerge.
Nos nombreux experts, par leur implication sur le ‘terrain’ (dans les ministères, les formations sanitaires, les unités d’appui…) peuvent aussi éclairer la communauté internationales d’une part sur les enjeux relatifs à la faisabilité, mais aussi sur les résultats observés dans leur pays. Par leur ancrage dans les opérations, nos membres peuvent ainsi maintenir un certain ‘reality check’ pour les grandes déclarations internationales ou nationale. Fin 2012, la CoP FBP avait accueilli une discussion en ligne assez vive à cet égard. Au-delà des discours rassembleurs, il faut en effet des résultats. En Afrique, les questions de mise en œuvre resteront centrales.
Une recherche multi-pays à venir
Mais nos CoPs ne doivent pas être réduites à leurs forums virtuels ou réunions en face-à-face. Certaines CoP vont aussi se lancer dans des projets plus ambitieux. Les CoPs AFSS et FBP se sont ainsi associées pour mener une recherche exploratoire descriptive dans 12 pays africains francophones. Ce projet est rendu possible grâce à un financement que nous avons obtenu de la France (Fond Muskoka), avec un appui complémentaire de l’ONG Cordaid. Il s’agira plus particulièrement de documenter les régimes financement de la santé déjà en place dans ces pays, de comprendre leur complémentarité, mais aussi trouver des pistes d’action pour dénouer ce qui est parfois devenu un véritable écheveau, tant les régimes s’empilent les uns sur les autres. La CU, c’est aussi mettre de l’ordre et de la cohérence dans tout ce qui se fait déjà en matière de couverture des risques et des besoins. Ce projet de recherche multi-pays, original par son modèle collaboratif, vous sera très prochainement présenté sur Health Financing in Africa.
Votre participation
Les CoP ont prouvé qu’elles trouvaient leur place à côté des acteurs traditionnels comme les ministères de la santé, les agences internationales et bilatérales, les ONG ou les institutions académiques. Nous sommes convaincus qu’elles peuvent contribuer de façon très positive à l’agenda de la CU, si elles reçoivent le soutien multilatéral qu’elles méritent : de la part des sponsors, des différents acteurs, mais aussi de leurs propres membres.
Nous profitons de l’occasion de ce billet pour vous rappeler que Health Financing in Africa est le blog de tous les membres des communautés de pratique financement de HHA. Si vous voulez nous soumettre une proposition, n’hésitez pas. En 2013 et 2014, nous serons particulièrement intéressés par des informations sur les progrès de la couverture universelle dans votre pays, les défis rencontrés, les processus en cours de mise en place.
Notes:
*CoP Accès Financier aux Services de Santé : Yamba Kafando, Allison Gamble Kelley, Isidore Sieleunou ; CoP Financement basé sur la Performance : Nicolas de Borman, Serge Mayaka, Bruno Meessen, Emmanuel Ngabire ;CoP Evidence Based Planning and Budgeting : Nadège Ade, Jérôme Pfaffmann
** Plus d’information sur cette réunion sera partagée ultérieurement.