Financing Health in Africa - Le blog
  • Home
  • Bloggers
  • Collaborative projects
  • Join our COPs
  • Resources
  • About Us
  • Contact Us

Controverse sur le Financement Basé sur la Performance: une lecture différenciée des résultats

2/14/2018

3 Commentaires

 
Eric Bigirimana


Il y a quelques semaines, Paul et al ont publié un article très critique sur le FBP et les acteurs impliqués dans sa mise en œuvre. J’ai lu leur article à mon retour d’une mission que je venais d’effectuer au Togo. Comme beaucoup de pays africains, le Togo voit dans le FBP une approche susceptible de résoudre certains défis rencontrés par le système de santé national. J’aimerais essayer d’expliquer la différence d’enthousiasme vis-à-vis du FBP.

Photo
Eric Bigirimana
Les affirmations avancées par Elisabeth Paul et al. m’ont interpellé à plusieurs égards, notamment dans mon identité professionnelle. Je suis médecin, je suis le fondateur et directeur de BREGMANS Consulting & Research, un bureau indépendant burundais spécialisé dans la consultance et la recherche en santé publique et en santé communautaire. J’ai une expérience de 17 ans dans la gestion des systèmes de santé. J’ai commencé au Burundi, avant d’aller travailler au Canada, au Cameroun, au Liberia. J’ai eu à travailler comme assistant technique sur la mise en œuvre du Financement Basé sur la Performance (FBP) au Burundi, Cameroun et Liberia et comme consultant en Tanzanie, en RDC et récemment au Togo.

Mes équipes et moi-même avons eu à organiser des voyages d’étude depuis 2010 sur le FBP pour permettre aux nouveaux pays qui adoptent cette approche de venir voir les enjeux de mise en œuvre dans trois contextes nationaux différents : Burundi, Rwanda et Est de la RDC. Nous avons aussi organisé un voyage d’étude en 2011 pour mettre en valeur le potentiel du FBP comme stratégie complémentaire aux politiques de gratuité des soins. Des experts venant de nombreux pays (Burkina Faso, Bénin, Côte d’Ivoire, RDC, Cameroun, Niger) ont pris part à ce voyage pour apprendre de l’expérience burundaise portant sur le couplage FBP-Gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans.

Si vous avez lu attentivement l’article de Paul et al, vous comprendrez qu’avec ce background professionnel je me suis senti visé par certains de leurs propos. Je reviendrai peut-être sur ces points un peu sensibles dans une contribution ultérieure. Dans ce blog, j’aimerais mettre l’émotion de côté et partager mon point de vue sur le débat en cours.


Positivisme versus constructivisme ?

En lisant l’article de Paul et al. j’ai senti une sorte de révolte d’un groupe d’experts qui vivent mal l’attention grandissante sur le FBP alors qu’ils constatent certaines insuffisances dans différents programmes. Je comprends dès lors qu’ils trouvent nécessaire de tirer la sonnette d’alarme. Mais il est aussi utile de comprendre certaines postures dans ce débat qui suscite tant de passions mais aussi des divergences de vue.

Il me semble que deux visions se confrontent dans cette discussion.

Je me risquerais à cataloguer la démarche de Paul et al de «positiviste». Elle se base sur des rapports d’évaluation ou des études transversales qui utilisent dans la plupart des cas des méthodes quantitatives. Ces méthodes ont leur force pour objectiver un effet, mais elles captent mal les influences multifactorielles que subissent des programmes FBP tout au long de la mise en œuvre. Parmi ces influences multifactorielles, on peut notamment citer des décisions politiques qui peuvent être favorables ou défavorables aux préceptes du FBP, les lenteurs d’assimilation des nouveaux modes de fonctionnement, les résistances au changement par les individus mais aussi par les organes du système de santé, la lenteur dans la révision des outils de travail et dans la redéfinition des rôles et responsabilités nouvelles des acteurs du système, etc. Toute personne impliquée dans le FBP est familière avec de tels phénomènes.

Leur démarche me semble ‘positiviste’ dans le sens où Paul et al considèrent que c’est la loi du « tout ou rien » en ce qui concerne le succès des programmes FBP. Or la littérature scientifique n’est pas univoque : s’il y a effectivement des programmes FBP aux résultats insatisfaisants, il y en a qui réussissent. Mais comme déjà relevé par Olivier Basenya et Serge Mayaka, Paul et al ont été sélectifs dans l’interprétation de la littérature scientifique disponible : ils ont privilégié les résultats qui convenaient à leur thèse. Le corollaire de cette combinaison de positivisme et de sélectivité aboutit à une analyse tronquée et partiale. Pour eux, l’échec d’un programme FBP dans un pays signifie automatiquement une approche inefficace, même s’il y a d’autres programmes qui ont réussi ailleurs. Leur démarche ‘positiviste sélective’ les conduit à tirer des conclusions générales, sans s’imposer l’analyse des contextes et processus qui ont conduit à cet état des choses dans les quelques pays concernés.

Qu’avons-nous en face? À la lecture des blogs de Olivier Basenya et Serge Mayaka, on voit que les acteurs de la mise en œuvre du FBP sont dans une autre logique, que l’on pourrait appeler 'constructiviste' voire réaliste. Selon cette démarche, les processus et les interactions complexes qui conduisent vers des résultats positifs ou négatifs doivent être compris et gérés pour en tirer le meilleur des effets. Le blog de Olivier Basenya montre comment son équipe observe, suit de près les effets opérationnels du FBP, identifie ce qui a marché et ce qui n’a pas marché. Un bon acteur de mise en œuvre analyse les processus empruntés, l’application des principes et bonnes pratiques pour mieux comprendre pourquoi certaines avancées opérationnelles ne sont pas réalisées, notamment lorsqu’il y a résistance au changement ou rejet des préceptes FBP. Il tire les leçons aussi bien des succès que des échecs pour adapter les stratégies.

Je ne peux garantir que tous les programmes FBP sont conduits de la sorte, mais ce principe d’humilité face à une stratégie me semble une règle d’or. S’il n’est pas suffisamment en place dans certains programmes FBP, cela doit être renforcé. S’il y a trop de dogmatisme dans le FBP, il faut une plus grande remise en question.

Mon hypothèse est que dans beaucoup de pays, les décideurs au plus haut niveau ont une vision assez réaliste et sophistiquée de leur contexte. Ce qui me frappe, c’est comment ils sont méfiants au début, mais comment ils deviennent preneurs après avoir vu les effets positifs du FBP. Les progrès qu’ils valorisent ne sont pas nécessairement ceux démontrés ou non par les études d’impact. Ce sont des progrès opérationnels comme : l’amélioration de la disponibilité des médicaments dans les structures sanitaires, l’amélioration du paquet de services offerts, la réhabilitation des infrastructures et équipements, la réduction de l’absentéisme et la plus grande motivation du personnel, l’attraction du personnel qualifié dans les milieux ruraux qui auparavant étaient moins desservis, la prise de responsabilité par les prestataires pour gérer activement leurs structures sanitaires, l’amélioration de redevabilité interne aux structures mais aussi entre ces structures et les responsables hiérarchiques, une plus grande autonomie des formations sanitaires qui permet plus d’actions proactives en faveur du bon fonctionnement des structures sanitaires, une amélioration de la relation soignant-patient, etc.

Les échecs partiels que voient les chercheurs ne sont pas vus comme tels par beaucoup de décideurs des pays ; ils voient à la place plutôt des avancées remarquables dans la façon de fonctionner des structures sanitaires, ce qui est souvent sans précédent dans de nombreux pays africains. Les échecs deviennent des sources d’inspiration pour apporter des corrections dans les processus empruntés auparavant.

Pistes futures pour la recherche et l’action

Peut-être que certains acteurs ont présenté le FBP comme une solution toujours efficace. Pour moi, il est clair que c’est une intervention systémique complexe.

Sans contester la nécessité de mener des études d’impact, il est peut-être temps de passer à d’autres méthodes, en tout cas dans les pays qui ont fait un choix politique ferme pour le FBP : les études doivent s’inscrire dans leur préoccupation d’apprendre pour améliorer. Dans un débat semblable en 2012 relatif à la Cochrane review de Frentheim A. et al sur le FBP, j’avais déjà plaidé pour la conduite d’évaluations réalistes (lire ici et ici) pour mieux appréhender comment le FBP agit, avec quelles personnes il marche et dans quelles circonstances. C’est la multiplication des cas de succès avec une application correcte des principes et bonnes pratiques qui permettront de théoriser sur les conditions optimales pour son succès.

Le FBP n’est pas une baguette magique qui est censée réussir à tous les coups et dans tous les contextes. Il ne s’agit pas d’une expérimentation à la manière des sciences exactes. Le FBP doit être confronté aux réalités des systèmes de santé existants. Il fait face aux facteurs facilitateurs comme aux barrières tout au long du processus d’implantation et de mise en œuvre. Le résultat final (succès ou échec) sera la résultante des interactions entre ses principes et bonnes pratiques d’un côté et les facteurs contextuels spécifiques présents dans chaque pays de l’autre.

Du côté des équipes d’experts chargées du pilotage des programmes FBP, une démarche encore plus réflexive doit être adoptée. Elles doivent rester attentives et réceptives aux interactions suscitées par l’implantation et la mise en œuvre du FBP. Cette démarche devra viser à résoudre tout problème émergent, en essayant de comprendre la complexité de la situation, en s’interrogeant sur sa propre pratique et en imaginant de nouvelles façons d’améliorer sa propre performance face à cette situation.

Vive les systèmes de santé apprenants et auto-correcteurs!


3 Commentaires
BIKANDO
2/20/2018 02:35:33 pm

merci paul pour lesorientations

il ya encore de la matière et du chemein à suivre.

Répondre
Célestin BUKANGA
2/22/2018 10:01:20 am

Je crois qu'il faut contextualiser les choses. Chaque pays à ses réalités. Si le PBF a reçu dans un pays et non dans un autre ne signifie pas que l'approche n'est pas efficace mais peut être mal appliquée. Je reste convaincu que le PBF reste chemin pour que la population des pays à revenu faible accède aux soins de qualité

Répondre
Laura Hobson
12/28/2022 11:59:11 am

I was really stressed by Acid reflux issues with my newborn and had consulted Chief Dr Lucky. He gave us a thorough consultation and the medicines were equally effective. In a couple of weeks there was big improvement in my son and we are very pleased with the progress. We cannot thank Chief Dr Lucky enough. Highly recommended.

Email chiefdrlucky@gmail.com

WhatsApp +2348132777335

Répondre



Laisser un réponse.


    Our websites

    Photo
    Photo
    Photo

    We like them...

    SINA-Health
    International Health Policies
    CGD

    Archives

    Septembre 2019
    Juin 2019
    Avril 2019
    Mars 2019
    Mai 2018
    Avril 2018
    Mars 2018
    Février 2018
    Janvier 2018
    Décembre 2017
    Octobre 2017
    Septembre 2017
    Août 2017
    Juillet 2017
    Juin 2017
    Mai 2017
    Avril 2017
    Mars 2017
    Février 2017
    Janvier 2017
    Décembre 2016
    Novembre 2016
    Octobre 2016
    Septembre 2016
    Août 2016
    Juillet 2016
    Avril 2016
    Mars 2016
    Février 2016
    Janvier 2016
    Décembre 2015
    Novembre 2015
    Octobre 2015
    Septembre 2015
    Août 2015
    Juillet 2015
    Juin 2015
    Mai 2015
    Avril 2015
    Mars 2015
    Février 2015
    Janvier 2015
    Décembre 2014
    Octobre 2014
    Septembre 2014
    Juillet 2014
    Juin 2014
    Mai 2014
    Avril 2014
    Mars 2014
    Février 2014
    Janvier 2014
    Décembre 2013
    Novembre 2013
    Octobre 2013
    Septembre 2013
    Août 2013
    Juillet 2013
    Juin 2013
    Mai 2013
    Avril 2013
    Mars 2013
    Février 2013
    Janvier 2013
    Décembre 2012
    Novembre 2012
    Octobre 2012
    Septembre 2012
    Août 2012
    Juillet 2012
    Juin 2012
    Mai 2012
    Avril 2012
    Mars 2012
    Février 2012
    Janvier 2012
    Décembre 2011
    Novembre 2011
    Octobre 2011

    Tags

    Tout
    2012
    Accountability
    Aid
    Alex Ergo
    Assurance Maladie
    Bad
    Bamako Initiative
    Bénin
    Bruno Meessen
    Burkina Faso
    Burundi
    Civil Society
    Communauteacute-de-pratique
    Communauté De Pratique
    Community Of Practice
    Community Participation
    Conference
    Cop
    Course
    Couverture Universelle
    CSU
    Déclaration De Harare
    Divine Ikenwilo
    Dr Congo
    économie Politique
    élections
    équité
    Equity
    Fbp
    Financement Basé Sur Les Résultats
    Financement Public
    Fragilité
    Fragility
    Free Health Care
    Global Fund
    Global Health Governance
    Gratuité
    Gratuité
    Health Equity Fund
    Health Insurance
    ICT
    Identification Des Pauvres
    Isidore Sieleunou
    Jb Falisse
    Jurrien Toonen
    Kenya
    Knowledge-management
    Kouamé
    Leadership
    Mali
    Management
    Maroc
    Maternal And Child Health
    Médicaments
    Mise En Oeuvre
    Mutuelle
    National Health Accounts
    Ngo
    Niger
    Omd
    OMS
    Parlement
    Participation Communautaire
    Pba
    Pbf
    Plaidoyer
    Policy Process
    Politique
    Politique De Gratuité
    Politique De Gratuité
    Post Conflit
    Post-conflit
    Private Sector
    Processus Politique
    Qualité Des Soins
    Qualité Des Soins
    Quality Of Care
    Recherche
    Redevabilité
    Reform
    Réforme
    Research
    Results Based Financing
    Rwanda
    Santé Maternelle
    Secteur Privé
    Sénégal
    Société Civile
    Uganda
    Universal Health Coverage
    User Fee Removal
    Voeux 2012
    Voucher
    WHO

Powered by Create your own unique website with customizable templates.