Allison, depuis 2011 vous avez été une des pionnières à pousser le concept des communautés de pratique dans l’agenda de santé mondiale, notamment par votre rôle dans le développement de la Communauté de Pratique Accès Financier aux Services de Santé (CoP AFSS). Aujourd’hui, vous embrassez un nouveau défi. Qu’en est-il exactement?
C’est justement la parfaite continuité de ce en quoi je m’investis depuis longtemps et donc je suis ravie! J’ai rejoint Results for Development, un jeune institut qui travaille dans les secteurs de la santé et de l’éducation à travers le monde, mais avec une stratégie explicite d’appui aux agents pour le changement local, et de renforcement et de partage des connaissances… Je suis directrice d’un nouveau programme dénommé "African Collaborative for Health Financing Solutions" qui vise à renforcer la dynamique de participation et de partage d’expériences probantes et de connaissances autour de la couverture sanitaire universelle (CSU) en Afrique subsaharienne et, en même temps, la capacité au niveau pays de traduire cet apprentissage en action pour faire avancer la CSU.
Pourriez-vous nous présenter ce nouveau projet?
Ce programme, financé par l’USAID, s’étale sur 5 ans (2017-2022) et se concentre sur l’Afrique subsaharienne. Son objectif global est bien évidemment de faire progresser la CSU au niveau des pays, mais en se concentrant sur le processus de la CSU. Par ceci je veux dire qu’en dépit d’une grande volonté politique, certains pays se heurtent, dans le processus de la CSU, à des obstacles qui entravent le progrès – par exemple un manque d’engagement de certaines parties prenantes, une mauvaise communication, ou encore la difficulté à rendre opérationnels les différents outils et stratégies qui permettent de faire progresser la CSU. Ces obstacles sont propres à chaque pays, et donc notre approche est d'appuyer les pays à tester, adapter et étendre des méthodes d'intervention pertinentes basées sur des preuves scientifiques pour faire progresser la CSU.
Quelle est la particularité de ce projet par rapport à toutes les interventions qui sont actuellement menées autour de la CSU?
C’est vrai qu’il y a beaucoup d’acteurs et d’interventions autour de la CSU et nous en sommes bien conscients… Nous ne voulons surtout pas en rajouter, mais plutôt amplifier l’appropriation et l’impact de ces différents efforts. Nous n’imposons pas d’agenda; notre plus-value est d’appuyer au niveau national un processus collaboratif et participatif d’apprentissage pour la CSU. Nous visons à renforcer les capacités nationales (et sous-régionales) pour faciliter ce processus, à mobiliser les différentes parties prenantes autour d’un agenda commun pour une meilleure redevabilité, et à adapter les outils et expériences existantes au contexte national afin de progresser vers la CSU. Nous allons bien sûr également appuyer les opportunités d’échange et d’apprentissage entre les pays, ce qui a tendance à booster les nouvelles idées comme le montre l’expérience des CoP… Les organisations et réseaux sous-régionaux ont eux aussi un rôle important à jouer dans cette approche apprenante qui est sous-exploitée aujourd’hui. Nous comptons les encourager de façon proactive dans ce programme.
Concrètement, qu’est-ce qui a déjà été fait et quelles sont les prochaines étapes?
Avez-vous des échéances ?
Nous sommes au tout début du programme! Nous avons mis en place une belle équipe d’experts africains et internationaux qui travaille en ce moment sur l’élaboration d’une méthodologie pour une phase de consultation. La consultation vise à recueillir le point de vue des pays, mais aussi des organisations et initiatives régionales, ainsi que d’autres partenaires. Cette phase, prévue entre mai et octobre, sera déterminante: notre programme se construira à partir de vraies priorités et défis des pays en ce qui concerne la mise en œuvre des politiques de CSU. Nous n’avons pas d’interventions préformatées! Nous serons avant tout à l’écoute. Un atelier régional de lancement est prévu en automne en Afrique pour partager les résultats de la phase de consultation et pour tracer notre programme d’intervention en conséquence, de façon participative et collaborative. Les pays seront bien évidemment les premiers concernés!
Quel intérêt auraient des pays à adhérer à ce projet, ou alors avez-vous déjà des pays d’interventions?
Ce projet s’adresse aux pays qui veulent renforcer leurs capacités nationales de mener leur propre processus CSU, de mieux se servir des expériences probantes et des outils disponibles pour faire avancer la CSU au niveau pays. Nous n’avons pas encore identifié des pays d’intervention. Justement, il est crucial que ceci se fasse de façon collaborative. Que les pays intéressés par cette approche apprenante et itérative de la CSU se manifestent! Nous aussi, en tant qu’initiateurs du programme, nous allons progresser de façon itérative. Lors d’une phase de test, nous commencerons par appuyer un nombre limité de pays afin d’apprendre avant de passer à une échelle plus grande… Mais en parallèle, et selon des besoins exprimés, nous aurons un axe important d’appui aux activités régionales d’échange pour accélérer le progrès sur certaines thématiques prioritaires. Donc, en travaillant au niveau national et au niveau régional simultanément, nous espérons «activer» la participation de tous les pays intéressés…
Bien entendu, la CoP AFSS est triste de voir que vous quittez votre rôle de facilitation.
Voyez-vous des pistes de collaboration entre les CoPs et ce nouveau programme? Si oui lesquelles?
Oui! Les CoP restent uniques par le fait qu’elles rassemblent des milliers d’experts africains. Et donc elles sont forcément un canal d’écoute privilégié! D’ailleurs, l’approche des CoP d’échange, de collaboration et de co-production fait partie intégrale de ce programme – j’irais plus loin en disant que les CoP ont inspiré l’approche même du Collaborative. Au-delà de ces principes partagés, je pense que les CoP peuvent être des partenaires dans nos activités d’échange régional, mais aussi dans notre appui aux processus nationaux, surtout là où existent des Hubs CoP. Nous voyons également les CoP comme des relais pour un apprentissage croisé dans le sens d'une large diffusion des expériences engrangées tout au long du programme et d'un regard critique sur nos activités. Dans la phase de consultation, nous allons bien discuter de ces axes de collaboration avec vous, mais pour moi, c’est évident qu’il y en aura!