La Dr Hamidou Oum Ramatou Ganda, Directrice de l’Organisation des Soins au Ministère de la Santé Publique du Niger a répondu aux questions de Bruno Meessen.
BM : En 2006, le Niger a mis en place une politique ambitieuse de gratuité des césariennes et des soins pour les enfants de moins de cinq ans. Durant l’atelier, vous avez partagé avec nous les difficultés rencontrées par cette politique. Vous nous avez parlé d’une conférence nationale organisée en mars autour de la politique de gratuité au Niger (la déclaration finale intitulée « La gratuité des soins au Niger est gravement malade, sauvons-la » est accessible ici). Quelles étaient les motivations de cette conférence?
HR : Nous nous sommes rendus compte que le système de la gratuité au Niger engendrait beaucoup de dettes de l’Etat, qui est le tiers-payant. Il n’arrive pas à rembourser ; du reste il n’y aucun système de contrôle de cette gratuité. Il fallait identifier ce que nous avons appelé les goulots d’étranglement et essayer de trouver les solutions pour pérenniser la stratégie de gratuité.
Un premier goulot d’étranglement est le financement. En dehors de la ligne budgétaire qui ne couvrait pas tous les coûts, il n’y aucune autre source de financement. Un des buts de l’atelier était donc de faire un plaidoyer pour trouver les moyens financiers pour continuer la gratuité. On a aussi mis le doigt sur les problèmes de gestion, que ce soit la surfacturation ou le mode de remboursement des formations sanitaires. Enfin, nous avons aussi discuté le problème de l’approvisionnement en médicaments et consommables. En effet, ce n’est qu’après avoir été remboursées que les formations sanitaires peuvent commander et acheter leurs médicaments. Par manque de remboursement, elles sont au bord de l’asphyxie en matière de trésorerie. Cela génère des ruptures de stocks ou des dettes envers les centrales d’achat privées. Cela affecte l’exécution par les formations sanitaires de leurs paquets d’activités.
Une des particularités de cette conférence était d’être multisectorielle…
En effet, nous avons essayé de réunir toutes les parties prenantes, depuis les bénéficiaires de soins jusqu’aux cadres de la santé, en passant par les élus locaux, la société civile, les ONG, les partenaires techniques et financiers, tous les autres ministères qui participent de loin ou de près à la « gratuité » : les ministères éducation, de la fonction publique… Nous étions 178 participants, réunis ensemble pour mettre le doigt sur les problèmes et ébaucher les solutions.
Quels ont été les développements depuis la conférence ?
Nous sommes en train d’étudier le dossier le plus urgent : celui du remboursement des arriérés que l’Etat a auprès des structures de santé.
Par ailleurs, toutes les recommandations sorties de la conférence sont en train d’être converties en une feuille de route avec des échéances et des niveaux de responsabilité identifiés. Elle est suivie de près par un comité qui a été établi par un arrêté ministériel. Ce comité doit s’assurer que toutes les recommandations soient mises en œuvre. Ce comité est dirigé par le secrétaire général adjoint du Ministère de la Santé Publique, qui doit rendre compte au moins une fois par mois au Ministre, qui doit aussi rendre compte au Premier Ministre. Nous avons un engagement politique assez fort.
Après cet atelier à Bujumbura, auriez-vous des recommandations à formuler en plus que celles déjà émises lors de la Conférence Nationale ?
Je pense que l’on peut déjà essayer d’appliquer le système de vérification et de validation des factures, tel qu’il existe dans le système du FBP, à notre système de gratuité. Cela se peut se faire sans attendre que le FBP se mette en place à l’échelle du pays. Pour le FBP, nous sommes en effet encore en phase d’étude. On peut déjà appliquer ce système de vérification, pour améliorer la gratuité, ne payer que les coûts réels et assainir le système. A mes yeux, c’est la principale leçon.