Financing Health in Africa - Le blog
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L’équipe du Burkina Faso de la Communauté de Pratique Accès Financier: bien partie pour faire aussi bien que les Etalons à la CAN 2013

7/25/2013

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Bruno Meessen

Dans ce billet, on vous tient au courant des progrès quant aux préparatifs de la conférence « Politiques d’exemption pour les services de santé maternelle en Afrique: évaluation, expériences et partage des connaissances » de Ouagadougou (25-28 novembre 2013).


Les mois de juillet et août sont traditionnellement des mois plus paisibles en santé internationale. Sachez toutefois que certains s’affairent à préparer la prochaine conférence de la Communauté de Pratique Accès Financier aux Services de Santé qui se tiendra à Ouagadougou du 25 au 28 novembre 2013.

Il y a tout d’abord le comité organisateur local. Il a identifié l’hôtel qui accueillera la conférence et est en train d’identifier les hôtels de séjour (on veillera à offrir une gamme de prix rencontrant vos préférences). Au fil de nos conférences de communautés de pratique (Bujumbura, Marrakech), nous avons appris qu’une visite du système de santé local est un moment précieux pour enrichir notre compréhension de la nature concrète des politiques discutées dans la suite de la conférence. Le comité organisateur local a sélectionné le district sanitaire de Kaya situé à environ 100 km au nord de Ouagadougou. Cette visite permettra aux participants de se familiariser avec la politique de subvention des soins obstétricaux et néonataux d’urgence du Burkina Faso, qui est une très bonne illustration de ce qui peut être fait pour améliorer l’accès financier aux soins maternels.

Il y a bien sûr également des préparatifs relatifs au contenu de la conférence. Avec les autres membres du comité scientifique, je me suis ainsi attelé à la lecture des résumés qui nous ont été soumis. Vos contributions constitueront en effet un axe central de cette conférence, plus scientifique que les précédents événements organisés par la CdP.  Nous avons reçu 54 résumés, surtout de l’Afrique de l’Ouest, mais parfois de plus loin (y compris d’Asie !). A noter que ce total n’inclue pas encore la production du consortium de recherche FEMHealth, co-organisateur de la conférence ; celle-ci nous est promise pour la fin septembre et va enrichir substantiellement le programme de la conférence (par des contributions méthodologiques, mais aussi par des travaux empiriques conduits au Bénin, Burkina Faso, Mali et Maroc).

Je suis bien sûr tenu par l’obligation de confidentialité de la tâche, mais je ne cacherai pas qu’au vu de ce que j’ai lu, je me réjouis d’être à Ouagadougou : on peut prédire une conférence de très grande qualité, qui combinera présentations méthodologiques, résultats empiriques, partages d’expérience et délibérations entre différents détenteurs de savoirs (la force de nos communautés de pratique !).

J’ai été particulièrement impressionné par le tir groupé des chercheurs actifs au Burkina Faso. Cela témoigne de la montée en puissance d’un pôle scientifique dans le "pays des hommes intègres". Je suis certain qu’on aura l’occasion de faire d’autres louanges à nos hôtes à la clôture de cette importante conférence régionale, mais je voulais déjà leur tirer un premier coup de chapeau… Du reste, les grands champions – qu’ils soient footballeurs ou scientifiques – aiment la pression !

On continuera à vous tenir au courant dans les mois qui viennent sur cette conférence importante pour dresser le bilan des politiques de gratuité et de subvention en santé maternelle. N’hésitez pas à déjà vous familiariser avec le site internet de la conférence. 


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Politiques d’exemption en santé maternelle en Afrique : partageons nos expériences et résultats de recherches

5/22/2013

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Yamba Kafando

Du 25 au 28 novembre 2013, se tiendra à Ouagadougou (Burkina Faso) un atelier sur les politiques d’exemption pour les services de santé maternelle. Son objectif principal est de faire le bilan de ces politiques à partir des résultats de différentes recherches et des expériences des acteurs-clés.


Depuis plus d’une décennie, de nombreux pays africains mettent en œuvre des politiques nationales d’exemption visant certains services (VIH, paludisme, accouchements, césarienne, etc…) ou certaines catégories spécifiques de la population (enfants de moins de cinq ans, femmes enceintes, personnes âgées, etc…). L’atteinte des OMD mais aussi le souci de réduire les barrières financières à l’accès aux soins des populations sont les objectifs poursuivis par la mise en place de ces politiques nationales.

On peut toutefois avoir un regret : la plupart de ces politiques d’exemption ont été trop rapidement mises en œuvre, directement à l’échelle nationale, sans phase pilote et surtout sans planification d’un volet d’évaluation qui puisse permettre de mesurer leurs effets.



Des connaissances produites, mais trop peu partagées et utilisées 

De tels processus politiques hâtifs et généralisés d’emblée posent des défis méthodologiques à ceux qui veulent les évaluer. Malgré cela, divers programmes de recherche ont été entrepris ; leurs résultats commencent à être disponibles. Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont par ailleurs documenté leurs interventions. Enfin, les gestionnaires de ces politiques ainsi que les acteurs opérationnels détiennent aussi des savoirs tacites qu’il convient de mobiliser.

Un fait caractérisant la période pendant laquelle ces politiques de subvention ont été lancées (2000-2010), est qu’aucun mécanisme de partage des connaissances entre pays n’était en place. Cela a plus que probablement contribué au fait que les connaissances scientifiques et opérationnelles déjà disponibles à l’époque aient été peu utilisées pour l’amélioration de ces politiques, conduisant à la reproduction d’erreurs évitables.

Cela a suscité une prise de conscience qu’il fallait créer une plateforme de partage et a, de fil en aiguille, conduit à la mise en place de la Communauté de Pratique Accès Financier aux Services de Santé.

Un atelier avec une orientation plus scientifique 

C’est avec fierté que la Communauté de Pratique AFSS vous annonce la tenue prochaine d’un atelier à Ouagadougou consacré à l’évaluation des politiques de gratuité en santé maternelle. Certains d’entre vous se souviendront certainement de celui qui avait été organisé à Bamako en Novembre 2011. Avec ce second et probablement dernier atelier sur cette thématique, nous pensons pouvoir boucler cet important programme de connaissances. En effet, l’atelier de Ouagadougou aura une nature plus scientifique : il nous permettra de prendre connaissances de différentes études menées sur ces politiques ces trois dernières années, notamment celles qui ont été conduites par différents consortia scientifiques gravitant autour du projet FEMHealth, de l’Université de Montréal et de l’Université de Heidelberg.

Concrètement, l'événement ambitionne de regrouper les experts mettant en œuvre des politiques d'exemption pour les services de santé maternelle ainsi que les équipes scientifiques qui se sont penchées sur ces expériences en Afrique. Le but de la conférence ne sera pas de juger les choix faits par les pays en matière de politiques d’exemption en santé maternelle, mais plutôt d'aider à les rendre plus efficaces et efficientes afin d'améliorer la santé des populations. 
En vue de favoriser le partage d’un plus grand nombre d’expériences sur ces questions, un appel à communications couvrant 10 thématiques a été lancé à l’endroit des chercheurs, des intervenants mais aussi des gestionnaires et des acteurs opérationnels.

Nous vous invitons donc à partager votre expérience en la matière sur ce blog mais aussi à proposer une communication pour la conférence de Ouagadougou. Au nom de l’Institut de Recherches en Sciences de la Santé, nous nous réjouissons déjà de vous accueillir au Burkina Faso.

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La gratuité des soins, une étape vers la couverture universelle en Afrique?  Peut-être, si on tire les leçons du passé récent !

3/12/2013

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Bruno Meessen


Dans ce blog post, Bruno Meessen (IMT, Anvers) revient sur les lacunes observées dans les processus de mise en place des initiatives de gratuité dans de nombreux pays africains. Il distingue des leçons utiles pour l’agenda de la couverture universelle à destination des gouvernements africains, de la communauté internationale et des chercheurs.


 En 2009, à la demande de l’UNICEF, j’ai eu le plaisir de coordonner une étude sur les politiques de gratuité des soins dans 6 pays africains. Les résultats furent publiés dans un supplément de la revue Health Policy & Planning, avec d’autres articles traitant du même sujet. Notre étude multi-pays était relativement modeste dans ses ambitions : il ne s’agissait pas de documenter l’éventuel impact de ces politiques, mais plus commodément, d’apprécier dans quelle mesure la formulation et la mise en œuvre de ces politiques avaient respecté une série de bonnes pratiques de politique publique. Dans l’ensemble, notre évaluation n’était pas très positive. Si l’analyse confirmait la motivation des leaders des pays étudiés à prendre des actions fortes pour réduire les barrières financières, elle mettait en lumière le caractère précipité de leurs mesures et les moyens insuffisants (notamment en termes de temps, financement, mesures d’accompagnement et expertise d’appui) accordés aux techniciens nationaux pour assurer que ces politiques soient bien conçues et bien mises en œuvre. Nous nous inquiétions des possibles conséquences de ces manquements sur l’efficacité et la pérennité de ces mesures politiques.

Cette étude a certainement eu au moins un effet tangible : elle nous a fait prendre conscience du gros travail qu’il restait en termes de partage des savoirs sur les questions de mise en œuvre des politiques de financement. C’est à la réunion de restitution à New-York que fut proposée l’idée de lancer une communauté de pratique consacrée aux politiques de gratuité. De fil en aiguille, la CoP Accès Financier  fut créée. Vous connaissez ses travaux si vous suivez, notamment, ce blog.

Mise en oeuvre des gratuités des soins: état des savoirs en 2013

La problématique de la formulation et de la mise en œuvre des politiques de gratuité est restée un domaine d’investigation relativement intense ces dernières années. Cela est vrai pour la CoP comme un groupe (cf. l’atelier de Bamako en 2011 et une conférence scientifique à Ouagadougou prévue pour novembre 2013), mais aussi pour plusieurs équipes de chercheurs.  A ce niveau, je me permettrais de mettre en exergue les études récentes de Valéry Ridde (Université de Montréal) et de Sophie Witter (Université d’Aberdeen), deux auteurs prolifiques dont les travaux avaient d’ailleurs déjà nourri l'étude multi-pays.

Début 2013, a été publié un numéro d’Afrique Contemporaine présentant les résultats d’un projet de recherche à méthodes mixtes mené par Jean-Pierre Olivier de Sardan et Valéry Ridde. Le numéro rapporte différentes observations faites par les équipes de recherche, notamment du LASDEL, sur les politiques d’exemption au Burkina Faso, Mali et Niger. Différents articles sont à signaler dont un sur la perception des acteurs au Mali, une "cartographie" des politiques de gratuité en Afrique de l’Ouest (qui montre que tous les pays en font) et une étude montrant les problèmes de décapitalisation des centres de santé au Niger.

L’article de synthèse s’intitule « L'exemption de paiement des soins au Burkina Faso, Mali et Niger : Les contradictions des politiques publiques ». Le titre reflète assez bien le ton général du numéro. Voici un extrait :

Les exemptions de paiement ont été des décisions nationales, revendiquées comme souveraines, et mises en place par les techniciens nationaux sans aide particulière de l’extérieur, ce qui est plutôt rare dans l’histoire des politiques de santé. Mais ces mesures ont été décidées dans une grande précipitation. La décision a été politique avant d’être technique, annoncée soudainement et de façon publique, prenant de court et par surprise, non seulement les agents sur le terrain, mais aussi les techniciens des ministères.
                                                                                                                                                                  (Olivier de Sardan & Ridde 2012)

Quelques mois plus tôt, Valéry Ridde, Ludovic Queuille et Yamba Kafando avaient par ailleurs bouclé le rapport final du projet collectif intitulé «Capitalisations de politiques publiques d’exemption du paiement des soins en Afrique de l’Ouest». Ce projet est à signaler à au moins deux titres : outre la connaissance qu’il a générée, il a le grand mérite d’avoir reposé sur une démarche impliquant les experts-pays (des cadres des ministères de la santé, des experts d’ONG impliquées dans les expériences de gratuité et des chercheurs). L’étude transversale a porté sur 7 pays (Bénin, Burkina Faso, Ghana, Mali, Niger, Sénégal et Togo). Elle aussi se concentrait sur les enjeux de mise en œuvre.

Le ton général du livre est plus positif que l’ouvrage précédent. Le chapitre de synthèse, également disponible en anglais, identifie, pour six des pays d’étude, les difficultés majeures rencontrées dans les processus de mise en œuvre mais aussi les innovations. Un extrait :

« Si les principes sur lesquels se fondent ces politiques semblent bien appréciés, le personnel de santé ne cache pas son insatisfaction à l’égard de leur mise en oeuvre. Au Burkina Faso, il se plaint du manque de matériel médico-technique tandis qu’au Sénégal et au Niger, les plaintes portent sur les retards importants dans le remboursement des actes effectués gratuitement pour les patients. Ailleurs, les agents se plaignent de la rupture des stocks de certains intrants, comme pour les ACT au Mali. Enfin, dans la majorité des cas, les agents réclament des primes financières pour justifier la hausse de leurs activités cliniques ou administratives à la suite des politiques d’exemption du paiement. Notons que ces aspects financiers des primes pour le personnel de santé n’ont été pris en compte dans aucune politique. »
                                                                                                                                                                       (Ridde et al. 2012)

De son côté, Sophie Witter a, en 2012, publié une étude, portant sur la politique de gratuité des césariennes et des soins pour les enfants de moins de 5 ans au Soudan, un pays relativement peu documenté en santé internationale. Son étude met en exergue, à nouveau, de grosses faiblesses au niveau de la mise en œuvre.

La politique de soins gratuits pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans qui a été lancée en 2008, a clairement souffert d'un certain nombre de contraintes qui ont conduites à une mise en oeuvre inégale et  mal exécutée. Parmi ces contraintes, se distinguent en particulier le financement inadéquat et le manque de spécification claire de comment la politique devait être mise en oeuvre. 
                                                                                                                                                                              (Witter et al 2012, notre traduction)

Quatre remarques, avant d’aller à ma lecture personnelle. Un, on peut noter que le ton général des travaux scientifiques sur les politiques de gratuité reste relativement positif. Ni pour les auteurs eux-mêmes, ni pour ce qui me concerne, il ne s’agit de discréditer ces politiques nationales. Deux, ces études confirment qu’il y a bien sûr une certaine hétérogénéité dans les expériences nationales : certains gouvernements s’y sont pris mieux que d’autres et ils ont pu en récolter les fruits. Trois, quand on identifie les faiblesses dans une formulation ou une mise en œuvre, il faut se garder de tout fatalisme. On sait aujourd’hui que certaines expériences qui avaient assez mal démarré ont, ultérieurement, été revues profondément pour encore mieux consolider l’accès pour les groupes vulnérables. Le cas du Burundi – qui a fusionné sa gratuité sélective et son financement basé sur la performance – est le cas le plus connu. Quatre, il semble que certains pays s’étant lancé plus tard dans la gratuité ont pu bénéficier des diverses recommandations en faveur d’une plus grande préparation des politiques. C’est certainement le cas de la Sierra Leone, même si de nombreux défis demeurent.

Ces quatre remarques faites, nous voici quand même avec un échantillon de 11 expériences-pays documentées qui nous racontent la même histoire : les initiatives de gratuité en Afrique ces 10 dernières années ont été des politiques publiques voulues par les présidents, menées sur ressources nationales, mais conçues dans la hâte et mises en œuvre en tenant trop peu compte des considérations techniques et opérationnelles de rigueur. Certaines de ces politiques sous-financées sont désormais en danger. 

 Ce qui a changé au niveau des pays 

Nous devons apprécier à leur juste valeur le fait que ces politiques nationales aient marqué une reprise de l’initiative par les présidents et les gouvernements africains dans le domaine de la santé. Dans de nombreux pays, hormis le poste des salaires, l’Etat s’était désengagé de son secteur de la santé pendant plus de deux décennies ; le recouvrement des coûts, la privatisation des soins et l’aide internationale avaient laissé l’illusion que le financement de la santé pouvait se passer d’un financement collectif national. Plus prosaïquement, les caisses des Etats étaient vides.

Nous en sommes revenus : la tarification des soins aux usagers – qui va encore jouer un rôle important, malgré les critiques – a montré ses limites ; la privatisation des soins est, en de nombreux pays, non-maîtrisée par l’Etat et la crise des finances publiques dans les pays riches ne laisse guère d’espoirs du côté de l’aide internationale. Plus fondamentalement, la croissance économique créée de nouvelles marges de manœuvre budgétaire sur l’ensemble du continent. 

Nous devons toutefois nous assurer que ce réengagement des autorités nationales se fasse selon les meilleurs termes, avec budgétisation à la hauteur des déclarations, rigueur et vision à long terme. Il est ainsi certainement possible de construire sur les engagements pris, conjointement par les Ministres de la Santé et les Ministres des Finances à Tunis en juillet 2012. On peut également exploiter la dynamique mondiale en faveur de la couverture universelle. Mais pour construire le futur, nous devons aussi tirer les leçons des expériences récentes.

Deux réflexions pour l’agenda politique de la couverture universelle

Une première leçon est destinée aux décideurs politiques (s’ils nous lisent !): sachez que la hâte est une ressource à utiliser avec prudence en matière de financement des soins. Du leadership et des coups d’accélérateur au niveau national sont les bienvenus, mais ils ne doivent pas compromettre l’initiative elle-même ou tout ce qui a été fait précédemment pour renforcer les systèmes de santé. La couverture universelle ne se construira pas à coup d’effets d’annonce – c’est la persévérance qui compte.

Le manque de dialogue qui caractérise l’empressement politique peut du reste créer des antagonismes qui n’ont pas lieu d’être. Il serait regrettable que des acteurs qui se consacrent quotidiennement, de façon créative et pragmatique, à renforcer les systèmes de santé - qu’ils soient en première ligne, dans la mise en œuvre au niveau intermédiaire, national ou en appui – deviennent une force d’opposition à la couverture universelle. Le vif débat qui a animé la communauté de pratique FBP après l’annonce du vote de la récente résolution sur la couverture universelle à l’Assemblée Générale de l’ONU le 12 décembre 2012 a été informatif à cet égard. 

Nous voyons aussi une leçon à destination des acteurs internationaux qui promeuvent la couverture universelle. Vous devez peut-être revoir votre dosage d’efforts en termes de mise à l’agenda et d’accompagnement technique. Nous avons l’impression que le déséquilibre en faveur de la mise à l’agenda persiste : alors que ça 'buzze' sur Twitter, que ça se mobilise à Beijing et qu’on promeut la couverture universelle à l'ONU, la communauté de l’aide offre de facto peu d’appui sur le terrain. Ne soyons alors par surpris que les présidents s’enthousiasment, que la machine politique s’emballe et qu’ils « mettent la charrue avant les bœufs ».

L’option de concentrer vos efforts sur la mise à l’agenda sont peut-être adaptés à la situation des pays à revenu intermédiaire – ces derniers ont sans doute les marges budgétaires et les capacités techniques à la hauteur de leurs ambitions. Mais ce déséquilibre d’effort est problématique dans les pays pauvres. Or il est difficile de compartimenter le monde en matière de mise à l’agenda : les messages forts circulent vite et portent loin.

Vous m’avez compris : nous plaidons pour une bien plus grande prise en compte des défis spécifiques aux pays africains, en particulier ceux dont la gouvernance est encore en construction. Attention, nous ne plaidons pas pour une super-agence ; ce modèle est caduque. Nous sommes convaincus que l’effort doit reposer sur un modèle plus collaboratif exploitant l’expertise présente sur le continent – comme celui promus par HHA et mis en œuvre, notamment, au travers des communautés de pratique. Nous serions heureux de voir un soutien plus franc et plus large à ces efforts, notamment du côté des porte-drapeaux institutionnels de la Couverture Universelle.

Des pistes pour les chercheurs

Notre troisième réflexion est à destination de nos pairs scientifiques. Grâce à vos travaux, nous connaissons beaucoup mieux l’actif et le passif de dix ans de politiques de gratuité en Afrique. Bien sûr,  de nombreuses questions demeurent, mais il est probable qu’en ce qui concerne l’étude rétrospective des processus de la formulation et des mises en oeuvre des expériences nationales nous approchons du 'point de saturation des données'.

Pour certains observateurs, ces politiques de gratuité sont à lire comme une étape vers la couverture universelle. Cela ne nous indique-t-il pas alors un prochain axe de recherche: en quoi ces politiques ont-elle évolué et continuent-elles à évoluer en faveur des objectifs de l'agenda de la couverture universelle; mettent-elles effectivement les pays sur la bonne voie ? 

Je vois au moins deux directions possibles à cet égard.

Il serait intéressant de rassembler de la connaissance en matière de processus, notamment quant au dialogue entre le niveau politique et le niveau technique. Réussissent-ils désormais à transcender leur manque de dialogue initial ? Les présidents ont-ils tiré les leçons ? Ou au contraire, les erreurs se répètent-elles? Si les erreurs se répètent : quels sont les déterminants de ces politiques hâtives? Quelles sont les options pour les acteurs désireux de contribuer à de meilleurs processus ? Quelles leçons pour les prochaines étapes pour la couverture universelle ?

Nous pouvons également identifier des enjeux en matière de design. Les chercheurs doivent notamment nous aider à réfléchir à comment ces initiatives de gratuité – qui sont souvent multiples dans un même pays – s’articulent sur les autres régimes et dispositifs financiers pour former un tout qui est appelé à offrir, comme ensemble, une couverture de soins à tous les citoyens. Dans de nombreux pays, nous avons désormais tout un écheveau de régimes : du financement public (traditionnel ou de type FBP), des assurances pour les fonctionnaires, des mutuelles locales et de multiples gratuités organisées par groupe de population, tranches d’âges, problèmes de santé et même thérapie. Pour des motifs d’efficience, d’équité et par endroit d'enveloppe disponible, il va falloir sans doute remettre de l’ordre dans cela. La situation actuelle doit être documentée dans chaque pays et des pistes de propositions identifiées.  Pouvez-vous aider les pays à ce niveau? Ce sera certainement une priorité pour les CoPs en 2013.

 
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La gratuité pour les usagers… Tiens, qu’en est-il dans les musées publics?

6/13/2012

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Les lecteurs de ce blog connaissent assez bien les défis liés à la gratuité dans le secteur de la santé. Mais qu’en est-il dans les autres secteurs ? En Belgique, un directeur de musée mène la fronde contre sa ministre de tutelle. Les sources de frustration sont diverses, mais la goutte qui a fait débordé le vase semble être la décision de la Ministre d’imposer aux musées subventionnés la gratuité de visite un dimanche par mois (sans budget compensatoire). Dans ce blog, Bruno Meessen s’amuse à dresser les parallèles avec le secteur de la santé.


La Belgique est un petit pays compliqué. Hormis quelques musées situés à Bruxelles qui relèvent du gouvernement fédéral, les musées sont sous la responsabilité du niveau décentralisé. La Belgique a donc plusieurs ministres de la culture, avec des compétences bien distinctes.

Il y a quelques semaines, le directeur du musée de la photographie à Charleroi – un des musées de la photographie les plus anciens et réputés en Europe - a poussé un ‘coup de gueule’ contre sa Ministre de tutelle.

 Dans beaucoup de pays européens, le monde de la culture vit une relation ambiguë avec le pouvoir politique : d’une part, la culture est largement subventionnée par l’Etat, ce qui impose de maintenir des relations de ‘proximité’ avec le niveau politique (qui décide des subventions et du contenu des contrats-cadres) ; d’autre part, les professionnels du secteur de la culture et de l’art sont sans doute les personnes les plus jalouses de leur autonomie et de leur indépendance. Quand le conflit éclate, ça fuse.

Mr Canonne, le directeur du Musée de la Photographie, a donc exprimé son désaccord avec la décision de Madame la Ministre. D’une part, il s’inquiète que la gratuité, sous cette forme et dans le contexte actuel, mette en péril l'équilibre budgétaire des musées. D’autre part, il regrette que l’on ne dispose pas  d'études prouvant que c'est cette forme de gratuité qui est la plus efficace pour atteindre les buts poursuivis. Sa lettre est assez ‘directe’ ; la Ministre a demandé au conseil d’administration du musée d’envisager la révocation du directeur.

Pour mieux comprendre les enjeux (et en tirer des leçons pour le secteur de la santé en Afrique), j’ai contacté deux musées. Sophie Laurent travaille au Musée Félicien Rops de Namur (1). Christelle Rousseau est conservatrice au Musée de la Photographie à Charleroi.

Mon interview par email a en fait été faite en janvier 2012, lors d’une première campagne de Mr Canonne contre la décision de sa ministre. L’écriture de ce blog a traîné. Je l’ai terminé, vu le retour du débat dans l’actualité récente.

Pratiquez-vous la politique de gratuité un dimanche par mois ? Quel public vient ce jour-là au musée ? Est-ce une clientèle défavorisée ou est-ce votre public traditionnel de personnes cultivées, plutôt issues des milieux sociaux aisés ?

CR : A l'origine cette mesure de gratuité en Communauté française faisait suite à une résolution de 2004 du Parlement de la Communauté française visant à faciliter l'accès aux musées aux publics fragilisés ou défavorisés. En mai 2006, la Ministre de la Culture a lancé cette mesure de gratuité des 1ers dimanches et du public scolaire dans une seule catégorie de musées. Après un démarrage difficile pendant 2 à 3 ans, les dimanches gratuits ont commencé à attirer un peu plus de monde qu'un dimanche normal mais sans que ça soit non plus la foule...

Il n'y a pas eu d'étude menée sur l'impact réel de la gratuité et sur les publics qui en profitent, malgré la demande faite à la Ministre par le Conseil des Musées en 2010. Nous ne pouvons nous baser que sur notre seul ressenti. Il est clair que la grande majorité des personnes visitant le musée le 1er dimanche du mois sont celles qui profitent de l'effet d'aubaine et qui seraient venues un autre dimanche en l'absence de cette mesure de gratuité. Il y a sans doute une petite partie des visiteurs qui ne seraient pas venus si ce n'était pas gratuit, mais c'est une part très minoritaire du public.

SL : Au Musée Rops, on pratique bien la politique du « 1° dimanche du mois gratuit ». On combine à cela souvent à une visite guidée gratuite (souvent complète, on doit refuser du monde). Le public qui y vient est soit un public d'habitués, soit des visiteurs qui n’étaient pas au courant de la gratuité. Dans les deux cas, on demeure dans notre public-type : des personnes avec des habitudes culturelles déjà bien ancrées.

Pourrait-on réaliser un meilleur ciblage. Faudrait-il, par exemple, programmer le jour gratuit un autre jour de la semaine? Un mercredi par exemple, pour s’ouvrir aux familles ?

SL : Pour ce qui concerne le musée Rops, déplacer le jour gratuit sur un mercredi ne changerait rien: le musée Rops n'est pas LE musée familial par excellence, comme peut l'être par exemple le Musée des Sciences Naturelles de Bruxelles : entre les fossiles d’iguanodons de Bernissart et la réputation sulfureuse  de Rops, les grands-parents n'hésitent pas longtemps! Dommage car son œuvre permet d’aborder bien des aspects de la vie et la société du 19e siècle.

CR : Oui, le déplacement le mercredi permettrait à des grands-parents qui sont "de corvée gardiennage" de venir avec leurs petits-enfants, mais surtout cela permettrait à des associations œuvrant dans le domaine social d'organiser des visites au musée qui allieront coût minimum et accompagnement intellectuel.

SL : De fait, le prix d'accès n'est qu'une des barrières qui "empêchent" certaines personnes de venir au musée: il y a bien d'autres freins : psychologiques, culturels, intellectuels, ... qui font que même avec la gratuité, certaines personnes ne viendront jamais au musée. Il ne faut pas réduire la question de l’accessibilité à la seule gratuité. C'est pour cela que depuis 5 ans, nous nous sommes lancés dans un programme de médiation appelé "Osez le musée Rops!", qui offre des modules de 2 heures entièrement gratuits (visite adaptée et atelier créatif) aux associations sociales travaillant avec les populations vulnérables.  Et depuis 4 ans, nous sommes complets! C'est un public qu'il faut vraiment prendre par la main, soutenir, encourager, certains ont une estime d'eux-mêmes tellement faible! En ce qui concerne les visites guidées, c'est très enrichissant mais parfois éprouvant: il faut mettre beaucoup d'énergie et de conviction, peser chaque mot, s'adapter un maximum : certains thèmes abordés par Félicien Rops – érotisme, nudité, prostitution, alcoolisme – sont des sujets délicats !

Quels parallèles j’en tire avec le secteur de la santé en Afrique ?

1.      Cette politique de gratuité dans les musées n’a pas été évaluée. Il n’y a pas de données chiffrées pour apprécier qui en bénéficie. A cet égard, on fait parfois mieux en Afrique – mais pas toujours. Connaître le profil des bénéficiaires des politiques de gratuité est pourtant un élément crucial pour apprécier leur pertinence.

2.
      Pour des raisons multiples, les consommateurs des ‘musées publics’ semblent avant tout issus des classes aisées. Introduire la gratuité génère un effet d’aubaine pour ces derniers. Le musée ne conquiert pas de nouveaux usagers et subit une perte en termes de recettes. Cela ne fait fait-il pas écho avec certaines gratuités au niveau des hôpitaux nationaux en Afrique?

3.      Les directeurs et le personnel des musées sont conscients que leurs usagers viennent des classes aisées. Insatisfaits avec cette réalité, ils s’organisent pour s’ouvrir à des couches de population moins favorisées. L’expérience leur a appris que pour les groupes sociaux défavorisés, la stratégie doit être holistique et s’attaquer aux différentes barrières – il faut prendre ces usagers non-spontanés par la main, par exemple en leur offrant une visite guidée adaptée à leur profil. Ceci me rappelle la stratégie des fonds d’équité qui insiste sur l’importance d’avoir des assistants-sociaux dans les hôpitaux, de payer les frais de transport pour rejoindre l’hôpital, de fournir des appuis sur mesure !

4.      Les politiques de gratuité sont trop souvent dictées par le niveau politique sans consultation des prestataires de services concernés. Ceci conduit à une non-prise en compte de leurs contraintes, mais aussi de leurs idées. Comme le dit l’association « Musées et Société en Wallonie » dans sa lettre à la Ministre : « Un service public supplémentaire appelle des moyens publics complémentaires. Il serait d’ailleurs dommage que votre mesure linéaire s’applique au détriment d’autres pratiques d’accessibilité généreuses, parfois bien plus pertinentes. Pour de nombreux acteurs du secteur muséal, le concept d’accessibilité dépasse largement la simple question du prix du billet d’entrée et nous vous invitons à y réfléchir avec nous. »

5.      Ce débat ouvert et franc sur les défauts de cette mesure politique – nous le devons à la liberté de parole, à l’autonomie légale des musées et à la presse indépendante prévalant en Belgique. La séparation des fonctions, concept chère à la communauté de pratique du Financement Basé sur la Performance est une clé importante pour améliorer nos sociétés... bien au-delà du seul système de santé.

Réflexion finale

A l’heure de conclure ce texte, il semble donc que l’idée d’organiser un ciblage des populations défavorisées sur une base temporelle n’est pas une option pertinente dans le secteur de la culture. Je me suis demandé si le modèle pourrait marcher dans la santé (ex : gratuit certaines heures de la journée ou un jour de la semaine), je dois avouer que je n’ai pas trouvé de situations où cela ferait sens, même pour les actes programmables.

Mais peut-être certains de nos lecteurs ont des expériences à partager ?

(1) : Félicien Rops est un des grands artistes symbolistes du 19° siècle. Son œuvre est diverse ; il est notamment connu pour ses gravures érotiques (désolé, j’ai cherché des liens internet, mais je n’ai rien trouvé). Le musée Rops s’est spécialisé sur l’art du 19° siècle, c’est une étape culturelle sympa si vous passez à Namur.

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La politique de gratuité des soins au Niger est en péril: les acteurs se mobilisent

5/14/2012

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Du 16 au 20 avril 2012, les Comités de Pratique “Financement basé sur la Performance” et « Accès Financier » se sont retrouvées à Bujumbura autour de la question « Amélioration de l’accès financier aux soins de santé : quels peuvent êtres les apports du financement basé sur la performance ? ». L’atelier étant en grande partie construit autour de l’expérience du Burundi – premier pays à avoir fusionné sa politique de gratuité sélective (enfants de moins de 5 ans et femmes enceintes) et sa politique de financement basé sur la performance (FBP). L’examen de cette expérience originale a permis aux participants d’identifier des pistes d’amélioration des politiques de gratuité déjà en place dans leur propre pays.

La Dr Hamidou Oum Ramatou Ganda, Directrice de l’Organisation des Soins au Ministère de la Santé Publique du Niger a répondu aux questions de Bruno Meessen.

BM : En 2006, le Niger a mis en place une politique ambitieuse de gratuité des césariennes et des soins pour les enfants de moins de cinq ans. Durant l’atelier, vous avez partagé avec nous les difficultés rencontrées par cette politique. Vous nous avez parlé d’une conférence nationale organisée en mars autour de la politique de gratuité au Niger (la déclaration finale intitulée « La gratuité des soins au Niger est gravement malade, sauvons-la » est accessible ici). Quelles étaient les motivations de cette conférence?

HR : Nous nous sommes rendus compte que le système de la gratuité au Niger engendrait beaucoup de dettes de l’Etat, qui est le tiers-payant. Il n’arrive pas à rembourser ; du reste il n’y aucun système de contrôle de cette gratuité. Il fallait identifier ce que nous avons appelé les goulots d’étranglement et essayer de trouver les solutions pour pérenniser la stratégie de gratuité.

Un premier goulot d’étranglement est le financement. En dehors de la ligne budgétaire qui ne couvrait pas tous les coûts, il n’y  aucune autre source de financement. Un des buts de l’atelier était donc de faire un plaidoyer pour trouver les moyens financiers pour continuer la gratuité. On a aussi mis le doigt sur les problèmes de gestion, que ce soit la surfacturation ou le mode de remboursement des formations sanitaires. Enfin, nous avons aussi discuté le problème de l’approvisionnement en médicaments et consommables. En effet, ce n’est qu’après avoir été remboursées que les formations sanitaires peuvent commander et acheter leurs médicaments. Par manque de remboursement, elles sont au bord de l’asphyxie en matière de trésorerie. Cela génère des ruptures de stocks ou des dettes envers les centrales d’achat privées. Cela affecte l’exécution par les formations sanitaires de leurs paquets d’activités.

Une des particularités de cette conférence était d’être multisectorielle…

En effet, nous avons essayé de réunir toutes les parties prenantes, depuis les bénéficiaires de soins jusqu’aux cadres de la santé, en passant par les élus locaux, la société civile, les ONG, les partenaires techniques et financiers, tous les autres ministères qui participent de loin ou de près à la « gratuité » : les ministères éducation, de la fonction publique… Nous étions 178 participants, réunis ensemble pour mettre le doigt sur les problèmes et ébaucher les solutions.

Quels ont été les développements depuis la conférence ?

Nous sommes en train d’étudier le dossier le plus urgent : celui du remboursement des arriérés que l’Etat a auprès des structures de santé.

Par ailleurs, toutes les recommandations sorties de la conférence sont en train d’être converties en une feuille de route avec des échéances et des niveaux de responsabilité identifiés. Elle est suivie de près par un comité qui a été établi par un arrêté ministériel. Ce comité doit s’assurer que toutes les recommandations soient mises en œuvre. Ce comité est dirigé par le secrétaire général adjoint du Ministère de la Santé Publique, qui doit rendre compte au moins une fois par mois au Ministre, qui doit aussi rendre compte au Premier Ministre. Nous avons un engagement politique assez fort.

Après cet atelier à Bujumbura, auriez-vous des recommandations à formuler en plus que celles déjà émises lors de la Conférence Nationale ? 

Je pense que l’on peut déjà essayer d’appliquer le système de vérification et de validation des factures, tel qu’il existe dans le système du FBP, à notre système de gratuité. Cela se peut se faire sans attendre que le FBP se mette en place à l’échelle du pays. Pour le FBP, nous sommes en effet encore en phase d’étude. On peut déjà appliquer ce système de vérification, pour améliorer la gratuité, ne payer que les coûts réels et assainir le système. A mes yeux, c’est la principale leçon.
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Interview du Dr Ali Alaoui Belghiti

11/17/2011

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« Un ministre ne peut connaître tous les tenants et les aboutissants de ses décisions : les cadres techniques ayant un accès au ministre ont une responsabilité centrale »
 

Interview du Dr Ali Alaoui Belghiti, directeur des hôpitaux et des soins ambulatoires et Président de la commission nationale de réduction de la mortalité maternelle et infantile du Ministère de la Santé du Maroc

Bruno Meessen: Un des défis des politiques de gratuité est de trouver la bonne articulation entre la capacité d’impulsion des décideurs politiques et le souci des techniciens de mettre en œuvre des politiques bien conçues. Au Maroc, un de vos rôles est de servir d’interface entre ces deux groupes. Quelles leçons tirez-vous de cette expérience?

Dr Belghiti: Mon hypothèse est que les personnes en interface entre le décideur politique et le dispositif technique sont des acteurs-clés. Généralement, on limite leur rôle à des « constateurs », à des élaborateurs de documents techniques. Or, le processus de décision politique est interactif : si c’est au ministre que revient d’interagir avec l’environnement extérieur, c’est aux cadres en position d’interface à assumer l’interaction en interne ; c’est même à ce niveau que réside leur marge de manoeuvre. Nous nous sommes inscrits dès le départ dans cette logique : nous avons profité de l’impulsion donnée par la ministre pour faire un maximum en matière de réduction de la mortalité maternelle ; c’est la mission que nous nous sommes donnée.

Dans le processus pour définir le plan d’action, nous avons veillé à être assez large dans les acteurs à impliquer ; aux membres de la commission, nous avons envoyé le signal que nous étions à la recherche d’idées. Les propositions faites ont été appréciées sur base de leur faisabilité financière mais aussi de l’évidence scientifique, y compris internationale. Durant tout ce processus, vu qu’il fallait s’intégrer dans une programmation sectorielle plus globale, nous disposions d’une fenêtre de 6 mois. Il n’était pas possible d’aller loin dans une étude préalable de faisabilité, par contre grâce à la consultation des acteurs au sein de la commission (sociétés savantes, associations professionnelles, agences onusiennes…), nous avons pu exploiter la connaissance existante et assurer la mise en contexte.

A fréquence régulière, nous revenions chez la ministre pour tester le degré d’acceptabilité des idées de la commission nationale. Quand nous sommes revenus avec le montage financier, qui était conséquent, elle a pris sa seconde décision : le plan d’action ne serait pas sujet à l’arbitrage. Il a aussi fallu veiller dans la rédaction de ses décisions, à ce que l’engagement politique soit clair et visible, pas une vague formule en jargon de planificateur. La gratuité de l’accouchement, mobiliser 500 sages-femmes pendant 4 ans, ce sont des engagements clairs pour une ministre. Mais sa consultation de façon régulière faisait qu’elle savait à quoi s’engager.  

Comme interface, il faut se donner ce rôle d’acteur actif. Un ministre ne peut connaître tous les tenants et les aboutissants de ses décisions : le ou les cadres techniques ayant un accès au ministère ont une responsabilité centrale dans la formulation de la politique – formulation, politique, deux mots qui rappellent que la décision doit être pensée intensivement. Ceci dit, nous avons aussi eu de la chance : la Ministre a fixé un objectif – réduire la mortalité maternelle – elle a laissé la main aux techniciens sur les stratégies. Je comprends que ce n’est pas le cas dans tous les pays.

Dans votre récent éditorial pour la Newsletter de la Communauté de ²Pratique « Accès Financier », cet aspect de réflexion globale est clair. Les résultats sont également impressionnants. En date d’aujourd’hui, quels sont les défis qui demeurent?

Le Maroc veut aller de l’avant sur la Couverture Universelle, il n’y a donc pas de remise en question de la gratuité. Par contre, il y a une volonté de recadrer la politique. En décembre 2011, nous allons lancer un Régime d’Assistance Médicale (RAMED). Il est destiné à 8 millions de personnes pauvres ou vulnérables, soit 1/3 de la population. Pour financer la couverture de ces personnes, nous allons récupérer la part de la gratuité qui bénéficie aujourd’hui aux personnes aisées ou couvertes par un autre régime d’assurance. Nous avons une vision dynamique de nos politiques. Pour la santé maternelle, nous avons prêché par excès plutôt que par défaut. On va d’ailleurs garder cette philosophie par exemple en rappelant aux hôpitaux qu’il ne faut pas créer de barrière administrative : dans le doute sur le régime de couverture d’une usagère, ce sera sa santé qui compte. Au Maroc, nous avons la chance que le problème n’est pas budgétaire.

Nos lecteurs suivent l’actualité. Nous sommes curieux. Ce qu’on appelle le « printemps arabe » va-t-il avoir un impact sur cette politique ?

Le « printemps arabe » au Maroc est différent du processus des pays de la région. Notre roi a anticipé. Dans la nouvelle constitution, l’accès aux soins est désormais un droit. La couverture universelle est également mentionnée. Ceci nous renvoie à note rôle d’interface. Jusqu’à présent, nous construisions notre plaidoyer sur nos résultats. Nous étions dans un cercle vertueux et grâce à nos succès, nous avions acquis le soutien du ministère de l’économie et des finances. Désormais, nous allons également pouvoir exploiter la constitution pour assurer le plaidoyer.

Le secteur de la santé – le faible accès aux soins en particulier – était une des doléances des gens qui sont sortis dans la rue. Le prochain gouvernement n’aura pas le choix : il devra mettre la santé comme priorité. Ce sera désormais dans un cadre de droit, d’obligations ; cela donnera à la société civile des arguments constitutionnels.

Nous devons jouer notre rôle comme technicien dans l’interaction avec le nouveau ministre - si il ou elle fait une bonne lecture de la constitution, cela ne pourra que renforcer ce programme.

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