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Série "25 ans de l'Initiative de Bamako": de la participation communautaire à la 'redevabilité' communautaire (interview avec Sassy Molyneux)

1/22/2013

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Jean-Benoit Falisse


Dans le cadre de notre série sur l’Initiative de Bamako, Jean-Benoît Falisse a interviewé Sassy Molyneux (Oxford University Research Professor et chef d’unité) qui travaille avec le programme KEMRI-WT à Kilifi, au Kenya. Elle possède une vaste expérience de recherche sur la participation et la ‘redevabilité’ communautaire en Afrique de l’Est et a récemment co-écrit une revue de la linéature sur le sujet (community accountability at peripheral health facilities: a review of the empirical literature and development of a conceptual framework).


Jean-Benoît Falisse : Qu'est ce qui a déclenché votre intérêt pour la « redevabilité communautaire » (community accountability) dans la santé? Pourriez-vous m'en dire un peu plus sur les activités de recherche KEMRI-WT sur cette question?

Sassy Molyneux : Je suis intéressée par les interactions entre les communautés et les systèmes de santé depuis des années ; j'ai commencé à travailler sur le sujet lors de ma recherche doctorale menée sur la côte kényane dans les années 1990. La participation communautaire et l'autonomisation ont longtemps été soulignées comme étant des approches importantes pour assurer un prix abordable et adapté localement, de même que des bons services préventifs et curatifs. Cependant, atteindre cet objectif est clairement loin d'être simple. Une approche impliquant les communautés qui a été promue au Kenya comme dans beaucoup d'autres pays a été l'initiative de Bamako. Au Kenya, elle comprenait la création de pharmacies communautaires. Malheureusement ces pharmacies étaient en souffrance au moment de mon travail de terrain de doctorat. Au cours des années, il y a également eu de nombreux efforts pour promouvoir la participation communautaire dans les soins de santé au Kenya, via des comités au niveau des villages et des formations sanitaires. Ces comités ont été l'objet de discussions lors de ma thèse de doctorat. Les gestionnaires de santé les présentaient comme un énorme succès, comme «l'étalon-or», mais il est apparu que lorsque les frais d'utilisation ont été réduits au Kenya dans les années 2000, leur rôle a été affaibli. Ils avaient moins de ressources sur lesquelles ils avaient leur mot à dire. Je pouvais alors voir qu'il y avait un grand potentiel, mais aussi des défis, pour choisir et travailler avec des «représentants» de ces communautés complexes dans des systèmes de santé organisés de manière très hiérarchique.

J'ai de plus en plus commencé à entendre parler de «responsabilisation des communautés», une chose qui a été et est encouragée pour toute une gamme de fins instrumentales et intrinsèques. J'ai été intrigué de ce que «cela» était vraiment, et comment cela différait ou non de la participation communautaire. Je suis intéressée à comprendre davantage la façon d'impliquer les communautés compte tenu de la difficulté de les définir, de la nature technique de nombreux aspects de la prestation des services de santé, et des relations de pouvoir complexes au sein des communautés et des systèmes de santé, et entre les prestataires de santé et les membres de la communauté. En travaillant dans un programme de recherche multidisciplinaire, je me suis également intéressée aux aspects théoriques et pratiques de l'idée de redevabilité envers la communauté au sein du système de santé à l'information et l'implication de la communauté dans les activités de recherche biomédicale.

Aujourd'hui, la plupart des auteurs et des praticiens de la santé publique parlent de «responsabilité» communautaire plutôt que de «participation» communautaire (comme on le faisait au moment de l'Initiative de Bamako). Est-ce vraiment un concept différent?

Ma compréhension est que, dans la participation communautaire, des individus ou leurs représentants influencent des éléments des systèmes de santé en faisant entendre leur voix et opinions auxquels une réponse est ensuite donnée, donc il y a un élément de redevabilité. Cela nécessite une action et des interventions malgré les défis et des systèmes qui supportent ces attitudes. Je pense que la participation communautaire est un terme plus large, qui pourrait bien aussi inclure ce que je viens de décrire [la redevabilité]. Les deux termes [participation et redevabilité] sont utilisés différemment et se chevauchent. Peut-être le plus important, quelle que soit le terme ou à travers les deux termes, est de considérer la profondeur de l'engagement communautaire, soit les niveaux d'un véritable renforcement (empowerment). De nombreux auteurs ont fait valoir que la participation communautaire peut aller de la simple information donnée aux communautés à une extrémité du spectre, à la concertation, à l'influence de la communauté et finalement au contrôle à l'autre extrémité. Ceci est important pour souligner que la mise en place de possibilités d'interaction avec les membres de la communauté ne conduit pas nécessairement à plus d'influence ou de contrôle par la communauté. En outre, il est possible d'avoir des initiatives de participation communautaire «manipulatrices» ou «symboliques» qui apportent un soutien qui n'est que de façade à une idée à la mode. C'était ma reconnaissance à la fois du potentiel mais aussi des défis et même peut-être des effets pervers liés à la responsabilisation des communautés qui m'a amené à être plus curieuse à propos de ce domaine.

Dans une revue de la littérature récente (2012), vous soulignez qu'il n'y a pas beaucoup d'études sur l'impact des mécanismes de redevabilité communautaire. Quelle en est la raison? Savons-nous réellement ce qui fonctionne?

Il y a une mise en garde légère à apporter par rapport à cette conclusion, car nous nous sommes concentrés plus précisément sur les mécanismes de redevabilité communautaire au niveau des services de santé périphériques. Il y aura donc un corpus (probablement plusieurs) de littérature que nous ne considérions pas et qui traite de la responsabilisation des communautés en dehors des mécanismes spécifiques liés aux formations sanitaires. De plus, il est probable que des recherches qui ont été menée à ce sujet aient été rédigées dans des rapports qui ne sont pas (facilement) accessible au public.

Une partie du manque est, je pense, liée aux initiatives de renforcement de la redevabilité qui font souvent partie d'interventions très complexes menées en matière de santé et de systèmes sociaux complexes. Lorsque cela est combiné avec les difficultés à définir et à mesurer de nombreux aspects de la responsabilisation des communautés (par exemple la profondeur de l'implication ou l'engagement, les niveaux d'habilitation et des changements subtils dans les relations de pouvoir), la conception et la réalisation de stratégies d'évaluation pertinentes devient très difficile. Il existe donc un besoin pour des approches méthodologiques plus innovantes; il faut aller au-delà des simples expériences randomisées ou des méthodologies qualitatives standards. C'est un défi qui est reconnu dans les systèmes de santé, on voit par exemple de plus en plus de promotion de recherches-actions (participative) et d'intérêt pour l'intégration des approches réflexives et délibératives dans les évaluations afin de s'assurer que les connaissances implicites des acteurs soient prises en compte.

La majorité de la littérature sur le sujet s'intéresse aux comités de santé qui gèrent des formations sanitaires. Pourquoi en est-il ainsi? Quels sont les autres mécanismes de 'redevabilité communautaire' existant? Lequel vous semble particulièrement prometteurs?

Comme je l'ai mentionné ci-dessus, nous nous concentrions très précisément sur les mécanismes de redevabilité liés aux structures de santé périphériques, ce qui pourrait en partie expliquer ce phénomène. Bien sûr, il existe de nombreuses autres formes de groupes communautaires qui militent pour l'amélioration de la santé, qui ne sont pas spécifiquement liés aux formations sanitaires, y compris ceux qui ont été plus spontanément initié et mis en place par les membres de la communauté eux-mêmes. Dans les formations sanitaires, il y a d'autres interventions telles que : les chartes des droits des patients (pour promouvoir la sensibilisation aux droits et intérêts en exigeant le changement), le partage de l'information, les boîtes à idées/suggestions (pour réduire les asymétries d'information et d'encourager les idées et les opinions soient exprimées) et d'autres mécanismes qui peuvent être vaguement qualifiés de surveillance communautaire. Ceux-ci impliquent souvent des membres de la communauté et les prestataires de santé qui décident ensemble des domaines d'action prioritaires / changement, de la mise en œuvre du changement, du suivi communautaire du progrès, et du partage des informations avec le public sur les progrès des formations sanitaires par rapport à des indicateurs sélectionnés. Ces initiatives sont potentiellement très intéressantes. Le défi devient alors de partager les enseignements dans différents contextes et niveaux du système de santé, et d'encourager la propagation et l'adaptation des initiatives réussies dans d'autres lieux.

À propos de la validité externe. Que pouvons-nous apprendre d'expériences nécessairement locales de responsabilisation de la communauté? Quelle est l'importance des facteurs contextuels et culturels pour expliquer le succès des mécanismes redevabilité envers la communauté?

Je pense que nous avons vu de notre examen que si même si, bien sûr, les initiatives de responsabilisation communautaire doivent être adaptées au contexte local et réactives, il y a des idées maîtresses qui émergent de façon transversale et qui sont pertinentes dans tous les sites. Une forme de généralisation théorique est donc utile pour des initiatives dans d'autres contextes. Ainsi, dans notre travail nous avons par exemple vu l'importance de la clarté du rôle des membres des comités et de leurs responsabilités, de la disponibilité de ces personnes et de l'accès à l'information. Il est également important de souligner la nécessité d'examiner attentivement la rémunération et les autres formes d'incitations pour les représentants de la communauté, les défis de l'asymétrie entre le personnel de santé et les représentants de la communauté en matière de ressources et d'énergie et l'importance de construire une relation de confiance. Bon nombre de ces aspects sont à leurs tours liées à l'intérêt réel et à la valeur que le système de santé accorde à la participation communautaire.

Vous plaidez en faveur de méthodes de recherche mixtes pour explorer les mécanismes de redevabilité communautaires. Pourriez-vous nous expliquer comment les approches qualitatives et quantitatives se complètent les unes les autres lors de l'exploration des questions de redevabilité communautaire? Est-ce que l'utilisation d'une seule méthode serait nécessairement plus incomplète ou plus faible?

Je pense que de bonnes approches qualitatives peuvent être appropriées pour explorer les complexités que j'ai décrites ci-dessus. Un défi est de donner aux auteurs assez d'espace dans l'écriture, en particulier dans les revues scientifiques, pour convaincre les lecteurs de la profondeur méthodologique et analytique de leurs études. Certaines études qualitatives semblent être des discussions de groupe relativement superficielles et des entretiens individuels à travers lesquels il est très difficile de rendre justice à notre sujet. Compléter ces approches avec des méthodes quantitatives - lorsque cela est possible et pertinent par rapport à une question spécifique - peut aider à donner une meilleure vue d'ensemble de la taille des enjeux / impacts. Cela peut être également utile dans la diffusion de la recherche; dans l'élaboration d'initiatives destinées à des auditoires particuliers. Comme indiqué plus haut, en incorporant plus de "nouvelles" approches dans les évaluations qualitatives ou mixte -par exemple des approches participatives, des activités délibératives et des réflexions avec les d'acteurs clés- les travaux de recherche pourraient être renforcés. Ici, je pense qu'il est nécessaire de continuer à partager des idées sur la façon de renforcer la fiabilité et la transférabilité des données recueillies grâce à ces approches méthodologiques, et de convaincre les autres de cette qualité dans le but d'éclairer les politiques et les pratiques. Il existe de nombreuses initiatives communautaires de responsabilisation mise en œuvre tout le temps - soit initiées et soutenues par les collectivités ou les représentants eux-mêmes, ou par les gouvernements et d'autres acteurs. Trouver de nouvelles façons de documenter et d'évaluer leurs activités de façon convaincante pour les rapporter  à des publics clés serait utile. Il faudrait pour cela une analyse non seulement des réussites, mais aussi des défis et des échecs, et des raisons de ces résultats.

Il semble qu'il y ait un renouvellement récent de la recherche sur la participation/redevabilité communautaire. Êtes-vous d'accord? Quels sont, pensez-vous, les principaux domaines restants de la recherche sur la 'redevabilité' envers la collectivité (dans le domaine de la santé)?


Je pense que la participation communautaire / la redevabilité apparaît comme un domaine d'intérêt et d'attention au niveau politique et pratique, et donc aussi dans la recherche. Ceci est peut-être aidé par la nouvelle terminologie! Mon domaine d'intérêt aujourd'hui, en m'appuyant sur des recherches antérieures, est de savoir comment les formes de redevabilité externe ou communautaires tels que les comités de santé interagissent avec et sont affectés par la culture organisationnelle et les systèmes internes de redevabilité, à savoir la redevabilité des prestataires de soins et des gestionnaires envers leurs supérieurs hiérarchiques, le système bureaucratique et à d'autres bailleurs de fonds. Je suis intéressé par l'utilisation de des méthodes de recherche traditionnelles et moins traditionnelles, comme je l'ai mentionné ci-dessus, pour explorer ces questions. Certaines de ces réflexions et idées sont reprises dans un travail sur la gouvernance co-dirigé avec le professeur Lucy Gilson et financée par DFiD dans le cadre d'un consortium de recherche (RESYST).

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Série "25 ans de l'Initiative de Bamako": l'expérience des ASACO au Mali

12/4/2012

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Jean-Benoît Falisse 

Nous continuons notre réflexion sur la participation communautaire après 25 ans d’Initiative de Bamako. C’est justement au Mali que Jean-Benoît Falisse nous emmène avec cet échange avec Yaya Zan Konaré, président de la FENASCOM du Mali. La FENASCOM est la fédération des associations communautaires (ASACO) qui, depuis de nombreuses années, gèrent les centres de santé communautaires au Mali. L’expérience est souvent vue comme l’exemple le plus poussé de participation communautaire : au Mali, les communautés sont les véritables propriétaires de leurs centres de santé.

JBF: Le Mali est souvent cité en exemple pour ses ASACO, est-ce que vous pouvez nous expliquer quand et comment tout cela a commencé? Comme le mouvement s'inscrit-il dans le cadre de l'Initiative de Bamako. L’initiative de santé communautaire est née de  la demande grandissante des populations en matière de santé et de la capacité limitée de l’Etat à y répondre. Cela s’est fait sous l’impulsion d’une société civile engagée concomitamment à l’avènement de la politique sectorielle de santé et de population en 1990.

YZK: La place de choix accordée aux initiatives communautaires dans la nouvelle politique de santé a favorisé l’émergence des associations de santé communautaire (ASACO). De même, elle a permis la délégation par l’Etat de l’échelon de santé primaire aux communautés utilisatrices à travers une convention d’assistance mutuelle qui définit les engagements de chaque partie. Le secteur de la santé communautaire est aujourd’hui balisé par un ensemble de dispositifs législatifs réglementaires qui lui consacre son statut de service d’utilité publique.

Le principe de création et fonctionnement des centres de santé communautaires (CSCOM) repose sur le recouvrement des coûts et la participation communautaire au financement et à la gestion de leur santé. L’expérience existe depuis 1989. Plusieurs mécanismes de financement soutiennent le système de santé communautaire : l’appui budgétaire sectoriel, le transfert de compétences et de ressources entre l’Etat et les collectivités territoriales dans le domaine de la santé, le recouvrement de coûts des prestations de services et l’agence nationale des investissements des collectivités territoriales. 

 A ces mécanismes de financement, l’action des mutuelles de santé contribue à améliorer l’accessibilité financière des pauvres aux soins de santé. Les ASACO ont recruté du personnel et le ministère de la santé a placé le personnel complémentaire (surtout dans les CSCOM des aires «non viables»). A l’amélioration de la couverture géographique s’oppose l’irrégularité de l’offre d’un paquet de services de santé essentiels et intégrés de qualité. Une des causes de ce problème majeur est liée aux insuffisances en effectifs, en qualification et en motivation du personnel des CSCOM dans les zones  de pauvreté 1 et 2 (les zones les plus pauvres).

Est-ce qu'il y avait déjà des initiatives communautaires dans la santé avant les ASACO? Est-ce qu'il y a une tradition de participation démocratique au niveau des villages au Mali?

Au Mali, la seule initiative communautaire existante avant la santé communautaire était les Soins de Santé Primaires, qui étaient basés sur les accoucheuses traditionnelles et les matrones, payées sur le fonds  « Taxes de Développement Régional et Local ».  Cette expérience n’a pas été concluante par le fait que les taxes sur lesquelles les salaires des acteurs reposaient n’étaient pas  payées. Les acteurs ne percevant pas leur salaire régulièrement abandonnaient le poste ou se faisait payer directement, au détriment de l’existence même du centre de santé.  

Quelle a été l'adhésion de la population au système ASACO? D'où est venue la motivation?

Pour améliorer l'état de santé de la population en général et de celui de la mère et de l'enfant en particulier, notre stratégie vise avant tout à élargir l'accès aux services de santé. Nous utilisons un processus de planification, d'organisation et de gestion décentralisée selon une approche dite populationnelle (étude du milieu, réhabilitation, etc.). Cette approche vise la mise en place d’un réseau de formations sanitaires locales. Cette dernière repose sur la capacité des Cercles (1) et des communautés à s’organiser comme partenaires du niveau central. Pour bénéficier du financement de l'Etat et des appuis extérieurs, les localités doivent remplir un certain nombre de conditions dont : la constitution d’une équipe de santé et d’un centre de santé suivant les normes ; un plan de développement ; l’engagement des communautés à contribuer financièrement et/ou physiquement pour 50% du coût ; l’engagement du Comité Local de Développement du Cercle à consacrer à la santé au moins 7% des recettes produites par la taxe locale de développement ; l’appui de la Direction Régionale de la Santé Publique et des Affaires Sociales aux Cercles pour les aider à satisfaire aux conditions d'éligibilité ; et enfin la conduite d’une campagne d'information et de sensibilisation des populations en vue d'obtenir leur participation sur la base d'engagements contractuels entre les pouvoirs publics et les communautés organisées.

Il s’agit bien sûr également d’assurer la qualité via la mise en place d’un plateau technique et de viabiliser le système de santé de Cercle par l'utilisation rationnelle et efficiente des ressources (personnel, médicaments, finances, patrimoine). La FENASCOM représente aujourd’hui un réseau de plus de 30 000 bénévoles qui animent le mouvement de santé communautaire au Mali. Le bénévolat fait partie des mœurs et coutumes au Mali.

Tous les centres de santé au Mali sont-ils gérés de la même manière? Quelle est la force des centres de santé ASACO ?

Toutes les formations sanitaires ne sont pas gérées de la même manière. La pyramide sanitaire du Mali prévoit 3 niveaux :

1.       Le centre de santé communautaire (CSCOM) est un centre de santé de 1er échelon ou 1er contact des populations. Il appartient  aux communautés organisées  en  Association de santé communautaire (ASACO). De ce fait, il est créé et géré par l’ASACO qui rend compte aux populations de sa gestion. La gestion administrative du CSCOM est assurée par un comité de gestion désigné au sein d’un  conseil d’administration qui est  élu en assemblée générale par les populations, notamment les adhérents à l’ASACO. La direction technique  est assurée par le Directeur Technique du CSCOM.

2.       Le Centre de Santé de Référence  (CSREF)  est un centre de santé de 2ème échelon. Créé par l’Etat, il est basé sur un système de co-gestion (Etat, collectivité et Communauté). L’Etat assure la construction du bâtiment et met en place l’équipement nécessaire et le personnel cadre supérieur. Il a pour mission essentiellement d’appuyer les CSCOM dans le cadre du système de référence/évacuation bien organisé. La collectivité recrute le personnel cadre moyen et veille  à la bonne gestion et à la prise de décisions et d’orientation. La communauté contribue dans le fonctionnement à travers, notamment  la mise en œuvre du  système de référence-évacuation, la participation à la gestion et à la prise de décision et d’orientation. Le centre contribue sur fonds propre au recrutement du personnel de soutien et aux frais de fonctionnement.  Il est géré par des organes de gestion mis en place dont un conseil de gestion placé sous la responsabilité de la collectivité territoriale et un comité de gestion, élu au sein du  conseil de gestion. La direction technique et administrative est assurée par le médecin-chef qui est également membre du comité de gestion. 

3.       Les Hôpitaux  constituent le dernier recours des patients, surtout sur des actions spécialisées. Ils sont gérés comme une société, avec un conseil d’administration et une direction générale.

Les principales forces des ASACO sont leur origine – elles  sont l’émanation des populations – et leur autonomie vis-à-vis des pouvoirs publics  centralisés et décentralisés. Elles sont les représentants légitimes des populations dans la mise en œuvre de la politique de santé du gouvernement. 

Quelles ont été les principales évolutions du système ASACO durant ces dernières années?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Au nombre de 44  en 1994, date de la création de la FENASCOM, les ASACO sont au nombre de 1.060 en 2012, avec autant de CSCOM existants et fonctionnels. La couverture sanitaire a passé de 29% en 1992 à plus de 80% en 2012. Les ASACO contribuent aussi à la contribution à la réduction du chômage des jeunes diplômés : La FENASCOM est le 2ème plus gros employeur après l’Etat dans le domaine de la santé avec 52 % de personnel en charge. 

Enfin, il y a des choses peut-être moins quantifiables : les CSCOM sont proches de la population et il y a une maîtrise du coût des soins de santé, puisque les tarifs des prestations sont décidés par les communautés elles-mêmes en fonction de leur revenu.

Quels sont les défis principaux à l'heure actuelle? Comment les relever?

Pour assurer un accompagnement effectif et efficace de l’Etat dans la mise en œuvre de sa politique de santé, la FENASCOM se doit de relever certains défis dont entre autres: la médicalisation de tous les CSCOM ;la lutte contre la vente illicite des médicaments ; la réduction de la mortalité maternelle et infantile par l’extension de la stratégie des soins essentiels dans la communauté ; la bonne gouvernance au sein de la famille de la santé communautaire ; la participation  active et responsable des femmes et des jeunes dans le processus de prise de décisions se rapportant en particulier à la santé des populations ; apporter  des réponses efficientes et viables à la problématique de la gestion du personnel qualifié au niveau des CSCOM ; contribuer  à l’extension de la couverture universelle en santé, dont l’assurance maladie obligatoire et le programme de volontariat des jeunes.

Vous êtes à la tête de la FENASCOM, qui fédère les associations communautaires dans la santé. Est-ce que vous pouvez nous expliquer la raison d'être et le fonctionnement de votre fédération?

La FENASCOM a été créée en 1994 par les ASACO pour assurer les conditions nécessaires à leur évolution durable et la réalisation des engagements pris auprès des populations et auprès du Gouvernement.  Elle a été reconnue d’utilité publique en 2002 et reçoit à ce titre l’aide de l’Etat et des partenaires techniques et financiers. Elle regroupe 1.060  ASACO membres et 5 mutuelles de santé. La FENASCOM collabore avec d’autres organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la santé à travers un cadre de concertation mis à cet effet au niveau national.

La FENASCOM participe activement aux différentes instances du système de santé au Mali et aux diverses rencontres ayant trait à la santé communautaire. L’objectif de la FENASCOM est l’accès des ménages à des services de santé de qualité correspondants à leurs besoins et conforme aux normes établies avec la participation des ASACO compétentes, dynamiques et capables d’apporter des réponses locales aux problèmes de santé des populations de l’aire de santé.

La FENASCOM est ouverte à toutes les associations de santé communautaire et mutuelles de santé, officiellement reconnues par les autorités compétentes. La FENASCOM est organisée en 59 fédérations locales, 9 fédérations régionales et une fédération nationale. Un congrès national se réunit tous les 5 ans et un conseil de coordination tous les deux ans. La gestion quotidienne est assurée par des bureaux exécutifs aux différents niveaux. Le Bureau Exécutif National dispose également d’un secrétariat permanent chargé d’assurer la gestion quotidienne de la FENASCOM.

Le Mali ne fait, malheureusement, pas pour l’instant la une de l'actualité pour ses ASACO mais plutôt pour la guerre qui ravage le pays au nord. Est-ce que vous savez ce qu'il est advenu des ASACO situés dans la zone nord du pays? Quelle est la dimension politique des ASACO ?

Au lendemain du déclenchement de la récente rébellion (17 Janvier 2012), la FENASCOM a immédiatement organisé autour d’elle un consortium pour  faire l’état de la situation de la santé communautaire dans la bande occupée par la rébellion. Cette initiative a été renforcée avec les évènements du coup d’état du 22 Mars 2012. Le but est de collecter de l’information et de proposer des actions. Un plan d’intervention d’urgence a été élaboré dans ce sens, dont en voici un extrait :  

Des informations, à approfondir, font état du saccage, voire de la destruction des infrastructures socio-sanitaires, à des degrés divers, des trois (3) régions du Nord. […] La situation sanitaire est préoccupante face à l’arrêt de l’offre de services dans plusieurs CSCOM, CSREF et hôpitaux dans les régions nord. Cet arrêt est exacerbé par le départ de plus de la majorité du personnel socio-sanitaire affecté par cette crise.

De façon intéressante, il a été signalé la création à Gao d’une «commission de suivi de la situation» composée  de chefs religieux, d’imams, de chefs coutumiers, de chefs de quartiers et de leaders communautaires. Elle est chargée de l’évaluation de la crise et de la négociation chaque fois que de besoin avec les rebelles armés lors de la constatation d’abus divers dont sexuels.  


Note: 
(1)    Le Cercle est une unité administrative décentralisée au Mali. 


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Série "25 ans de l'Initiative de Bamako": interview de Susan Rifkin 

11/9/2012

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Jean-Benoît Falisse

Nous commençons notre série d'interviews par la professeur Susan Rifkin (London School of Economics et London School of Hygiene & Tropical Medicine). Susan Rifkin a commencé à étudier la problématique de la participation communautaire il y a plus de quarante ans. Elle a une longue expérience de terrain en Asie et en Afrique. Elle nous parle de la recherche passée et future sur la participation communautaire et du futur de la participation communautaire en général. La participation de la communauté, nous dit-elle, ne peut se limiter à une intervention et le prochain grand défi de la recherche sera de comprendre les processus qui lient participation communautaire et santé de la population.

Jean-Benoît Falisse: Vous avez travaillé sur la participation communautaire dans la santé depuis beaucoup années maintenant. Qu'est ce qui a déclenché votre intérêt pour le sujet? Comment avez-vous commencé?

Susan Rifkin: Quand j'ai fini ma maîtrise en études chinoises à l'Université de Columbia à New-York, je suis allé à Washington DC pour travailler à la National Academy of Sciences (Académie Nationale des Sciences) comme secrétaire d'un comité dont l'objectif était d'ouvrir la communication avec la République Populaire de Chine. A l'époque (1968), les Chinois ne parlaient à personne, c'était la Révolution Culturelle. Cependant, les Américains étaient «impressionnés» par le travail des Chinois en santé publique. Ce n'était pas un sujet à controverse, alors j'ai rassemblé des informations et j'ai créé un bulletin d'information à propos de qui se passait au niveau de la santé publique en Chine. La principale chose qui a attiré mon intérêt a été l'implication des communautés locales. J'étais très intéressée par la façon dont les gens au niveau local, en particulier dans les zones rurales, étaient en mesure de s'impliquer et de prendre des décisions qui affectaient leur vie quotidienne. C'est donc l'expérience chinoise, et surtout les « médecins aux pieds nus », qui a suscité mon intérêt.

L'Initiative de Bamako vient en 1987. Est-ce que la date est importante? Quel est le contexte de la santé publique et des politiques de santé à ce moment? En dehors de la diffusion des idées de la participation communautaire à l'ensemble du continent africain, est-ce que l'Initiative de Bamako a apporté quelque chose de nouveau ou de différent par rapport aux précédents projets et politiques?

Je ne suis pas sûr que la date était si critique. Dans mon esprit, ce qui était critique à propos de l'Initiative de Bamako a été la direction que les soins de santé primaires ont pris. Comme vous le savez, l'UNICEF et l'OMS avaient organisé une conférence d'Alma-Ata et soutenu les soins de santé primaires depuis 1978. Pourtant, les soins de santé primaires ont surtout été pilotés par l'OMS dans les premières années et l'OMS ne pouvait travailler qu'avec les ministères de la santé à l'échelon local, ce qui signifie que les soins de santé primaires sont devenus un service de santé très médicalisé. Avec Bamako et l'UNICEF, les soins de santé primaires ont été déplacés vers les mouvements de développement communautaire, parce que l'UNICEF pouvait travailler avec d'autres ministères et partenaires, et l'a fait (avec le développement communautaire, l'eau et l'assainissement, l'éducation, etc.). Avec Bamako, la participation est devenue plus large et a commencé à se concentrer sur ce que les gens locaux pouvaient faire en termes non seulement de recevoir des soins médicaux, mais aussi d'activités génératrices de revenu plus diversifiées. Je pense que l'importance de Bamako, c'est l'approfondissement de ce qui était l'inspiration, la vision des soins de santé primaires pas uniquement comme des soins de santé, mais bien comme une vision plus large des déterminants sociaux de la santé. Un monde plus vaste s'est ouvert pour les communautés qui, pour la plupart, n'avaient jamais été concentrées sur la santé à moins d'être malades.

Quelle est votre opinion sur l'évolution des stratégies de participation communautaire en matière de santé au cours des 25 dernières années? Qu'est-ce qui a changé? Est-ce que les nouveaux concepts / stratégies de «redevabilité» ou de «gouvernance» communautaires sont vraiment différents des anciennes idées de la «participation» communautaire?

Je pense que ce qui a changé, c'est la reconnaissance du fait que la participation des communautés dans la santé c'est plus que les agents de santé communautaire. Les idées et les concepts de redevabilité et de gouvernance sont essentiels et doivent beaucoup à tout le mouvement de la « santé et des Droits de l'Homme ». Ce qui est sorti de tout cela est une grande implication de la société civile, notamment à travers des organisations telles que le mouvement populaire pour la santé auquel j'ai participé en tant que premier coordonnateur de l'Asian Community Health Action Network, le précurseur du mouvement populaire pour la santé. Je pense que mettre la santé et les Droits de l'Homme à l'ordre du jour a élargi la perspective de ce que la participation communautaire est et de quels sont ses défis. Cela a attiré l'attention des gens sur ce que sont les implications plus larges de la participation communautaire au-delà du cadre des services de santé.

Pensez-vous que le débat sur la participation de la communauté comme un « moyen » versus la participation comme une «fin» en soi soit toujours d'actualité?

Non, je pense que ce n'est plus pertinent aujourd'hui. Nous avons quitté ces points de vue  mutuellement exclusifs de la participation communautaire. Le "UK Medical Research Council" parle maintenant d'« interventions complexes »» et, comme la plupart des organisations actives sur la santé communautaire, reconnaît qu'il n'y a pas une façon unique de voir la participation. Toute la question des moyens et des fins a été dépassée par des expériences et par plus de recherche et de conceptualisation.

Quel est l'avenir de la participation communautaire dans la santé? Pouvez-vous vous parler d'expériences passées ou actuelles que vous jugez très prometteuses?

Je pense qu'il y a une reconnaissance croissante par les décideurs politique que la participation communautaire est essentielle et nécessaire mais non suffisante pour l'amélioration de la santé des populations. L'expérience des médecins chinois a montré que nous pouvions réduire radicalement les maladies transmissibles. Cela a été confirmé par mon travail à l'Académie Nationale de Sciences. Aujourd'hui, nous voyons un exemple d'implication communautaire axée sur la prévention dans le Obamacare aux États-Unis. Pour la première fois aux Etats-Unis, le gouvernement finance des groupes de santé communautaire avec l'espoir de promouvoir la prévention et d'impliquer les communautés dans leur propre santé. Lorsque les communautés prennent conscience de leurs droits et de leurs obligations, elles sont dans une bien meilleure position pour négocier des politiques et la prestation de services avec les décideurs politiques. Je pense aussi que, observant la hausse des coûts des soins de santé, les décideurs politiques voient que la participation des personnes qui prennent soin de leur propre santé en tant que communautés et en tant qu'individus réduit le fardeau sur les services de santé. Par exemple, la réduction de l'obésité et des maladies cardio-vasculaires exige un engagement personnel. Je pense donc que la participation communautaire et le soutien communautaire sont devenus cruciaux.

Je reviens d'Australie, où j'ai passé deux semaines dans diverses institutions et conférences ; l'une avec le Réseau International Rural  (International Rural Network) était particulièrement intéressante. J'y ai entendu parler de l'expérience des conseils communautaires aborigènes. Il y a maintenant plusieurs conseils communautaires aborigènes qui offrent des soins de santé pour leur propre communauté, sans même une supervision du gouvernement. S'appuyer sur les expériences de ces communautés non seulement pour augmenter l'appropriation des services de santé par la population mais aussi pour transmettre des messages de santé pertinents dans leur contexte est important. Un autre exemple est bien sûr l'Inde et la mission santé en milieu rural (rural health mission), qui s'est engagé à impliquer les communautés locales dans leur programme « d'Activiste de Santé Sociale Accrédité » (ASHA - Accredited Social Health Activitist), qui est leur programme pour les travailleurs de santé communautaire. Le comité villageois d'hygiène et assainissement supervise l'ASHA et la santé en général et prend ses responsabilités concernant les services de santé et leur évolution. Je pense que tout cela constitue des progrès au niveau de la santé communautaire et de la participation communautaire.

Vous avez travaillé sur l'évaluation de la participation communautaire pendant une partie importante de votre carrière. Dans un article récent (2010), vous présentez une révision de votre cadre d'analyse séminal de 1988 et de son graphe en toile d’araignée à 5 dimensions (le « spidergramme »). Quels sont les principaux changements et ce qui a changé dans l'évaluation de la participation communautaire depuis 1988?

Lorsque nous avons commencé avec le spidergramme, nous avons conceptualisé un continuum de ces cinq facteurs qui présentait une participation large à une extrémité et étroite à l'autre. Les cinq facteurs étaient liés dans la visualisation de l'organisation d'un programme de participation. Ce que nous avons appris depuis 1988 est que «étroit» et «large» sont des termes très vagues. Beaucoup de travail a été fait et dans l'article 2010, nous avons examiné la façon dont les communautés sont impliquées, en particulier le long des lignes de l'autonomisation. Nous parlons de participation habilitante (empowerment) pour parler de la possibilité pour des personnes sans pouvoir d'acquérir des compétences, des connaissances et de la confiance pour prendre des décisions concernant leur propre vie.
Ceci est crucial pour le dialogue sur la participation de la communauté en matière de santé. Selon cette définition, la participation habilitante (empowerment) ne peut jamais être donnée: elle est toujours prise. De nombreux programmes, dans la santé en particulier, considèrent comme l'un de leur objectif de «responsabiliser» les communautés et je pense que c'est une mauvaise compréhension du concept. En révisant le « spidergramme » pour regarder la mobilisation d'un côté et de l'autonomisation de l'autre, nous avons un outil qui nous permet de dire si la participation est contrôlée par ceux qui sont les décideurs politiques et les gestionnaires et qui ont décidé de ce que les gens doivent faire ou bien si les communautés font des choix pour elles-mêmes. C'est l'exemple du conseil de santé communautaire des australiens aborigènes, où les gens décident ce qu'ils veulent et de s'approprient le programme. Il s'agit de la nouvelle vision qui est encapsulée dans notre article de 2010.

Récemment, des approches plus quantitatives ont été utilisées pour évaluer l'impact de la participation de la communauté (par exemple, Björkman et Svensson 2009). Que pensez-vous d'eux? Sont-elles compatibles avec les méthodes qualitatives / mixtes habituellement utilisées dans la recherche sur la participation communautaire?

Je pense que le papier de Björkman et Svensson est important. Dans un sens, je suis heureuse avec cet article parce qu'ils se penchent sur la notion de processus. En ce moment, la plupart de la recherche voit la participation communautaire comme une intervention et donc utilise un paradigme scientifique inspiré des sciences naturelles pour regarder linéairement un effet causal. Cette approche inductive est très étroite; des causes directes ont des effets. C'est le cadre de l'article de Björkman et Svensson. Je suis en train de procéder à un examen systématique de la littérature sur la participation communautaire dans la santé et la plupart des articles que je trouve continuent à considérer la participation communautaire comme une intervention. Ils sont à la recherche du Saint Graal, qui est le lien entre la participation et l'amélioration de l'état de santé. Ce que nous constatons, c'est que la plupart des recherches essayent de reproduire le paradigme dominant dans le domaine médical, les essais avec cas-témoins aléatoires (randomised control trial RCT). Elles prennent ce paradigme comme l'étalon-or mais le lien entre la participation et une meilleure santé reste jusqu'ici à prouver. Cette approche ne donne pas une attention suffisante au processus, le reléguant souvent à une "variable confondante" dans le cadre d’un essai randomisé contrôlé.

Ce que nous devons examiner de plus près est le processus. Björkman et Svensson le font mais leur enquête sur le processus est, de leur propre aveu, insuffisante. Ce qu'ils disent est que le monitoring communautaire conduit à de meilleurs résultats sanitaires. Ils disent que la raison est que la communauté tient le fournisseur de services de santé responsable, mais on ne sait pas comment ils font. Pourquoi le prestataire de services de santé répond-il à la communauté? Est-ce que ces personnes le paient? Quelle est la motivation? Ce n'est sûrement pas de l'altruisme (je connais un peu le contexte, j'ai travaillé en Ouganda et ai vécu et travaillé au Kenya). Il reste encore de nombreuses boîtes noires qui empêchent de voir les choses clairement.

L'autre question à propos de la recherche dans ce domaine est de savoir comment aborder les questions de pouvoir et de contrôle, clé de la prise en charge communautaire des programmes de santé. Björkman et Svensson, par exemple, ne tiennent pas compte de l'autonomisation. Où doit venir l'autonomisation et la contribution de la communauté venir dans l'équation globale de la recherche? Trickett (2011) qui est un psychologue social aux États-Unis et se penche sur l'évaluation participation de la communauté, dit que l'examen de la participation communautaire à l'aide de ce cadre d'intervention [la RCT] relègue les connaissances locales au rang de l'influence d'une science mis au point par d'autres. Je travaille avec un groupe de personnes sur un cadre alternatif pour mieux comprendre ce phénomène et englober l'idée de processus. Le vrai défi est de savoir comment en faire un cadre valable et acceptée analytiquement pour comprendre le potentiel et les défis de la participation de la communauté dans l'amélioration des résultats de santé.

Peut-on vraiment comparer les expériences de participation communautaire en matière de santé? Que pouvons-nous apprendre de différents cas?

Je pense que nous avons juste besoin de sortir de ce cadre qui est linéaire et causal. Ce que nous pouvons faire est de généraliser des domaines qui sont importants pour la participation. Si je regarde les études de cas et des revues systématiques, je peux identifier au moins trois domaines généralisables qui façonnent la relation entre la participation communautaire et la santé. Ceux-ci sont le leadership, la gestion et l'allocation des ressources et la mobilisation. Il en existe d'autres, et nous cherchons à les identifier dans la revue de littérature systématique que nous essayons de faire. Si vous avez des domaines généraux, vous pouvez voir comment, à l'intérieur de ces domaines, observer des résultats dans des situations spécifiques. Avec un tel cadre d'analyse vous pouvez avoir une meilleure vue sur le processus de développement communautaire et une meilleure idée de quoi attendre.


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Série sur les 25 ans de l'Initiative de Bamako. La participation communautaire dans la santé mise en contexte.

10/28/2012

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Jean-Benoît Falisse

Dans le cadre de notre anniversaire des 25 ans de l’Initiative de Bamako et de la Déclaration de Hararé, nous avons confié à l’historien et économiste Jean-Benoît Falisse la conduite d’une série d’interviews autour de la participation communautaire. Dans ce premier texte, il introduit la thématique.

Il y a vingt-cinq ans, les Ministres de la Santé africains réunis à Bamako au Mali par l'UNICEF et l'OMS déclaraient leur volonté d'améliorer l'accès aux médicaments essentiels et aux services de santé. Au centre de l’Initiative de Bamako (IB) se trouve la conviction que la participation des usagers à la gestion (et parfois à la prestation) des services de santé peut accélérer la réalisation des soins de santé primaires formalisés douze ans avant à la conférence d'Alma-Ata (1978). Le contexte de Bamako n'est pas sans rappeler celui qui prévaut aujourd'hui en Europe du Sud : des états accusant un sérieux contrecoup économique (à l'époque la crise pétrolière et la crise de la dette) et l’imposition de mesures de rigueur budgétaire par des institutions internationales comme le Fond Monétaire International et la Banque Mondiale.

Vingt-cinq ans après Bamako, la « santé pour tous » demeure malheureusement au mieux une ambition à long-terme. Malgré des succès locaux, la participation communautaire dans la santé n'a pas été le remède espéré par certains. S’en suit une série de questions. Dans quelles mesures les initiatives de participation dans la santé ont-elles tout de même amené des changements? Est-ce que les attentes étaient trop élevées ou bien est-ce que, comme un fonctionnaire international me le disait récemment, « on n’a simplement pas vraiment donné sa chance » à la participation communautaire?

Dans les prochains mois, je vais partager avec vous différentes contributions sur le sujet (1). Il s’agira d'essayer de comprendre l'héritage de l’IB et les stratégies passées, présentes et futures de participation communautaire dans la santé. Comme préambule aux interviews à venir, j’aimerais revenir brièvement sur l’IB, sur son contexte historique et sur quelques récents développements dans le domaine. J’identifie cinq grandes questions.

Question 1 : Quelle participation communautaire?

Au cœur de l’IB figure un triple principe: celui (1) de mise en place de mécanismes d'autofinancement au niveau périphérique et des ménages, (2) de l'encouragement de la mobilisation des communautés pour la santé (la « participation communautaire ») et (3) de l'amélioration de l'approvisionnement en médicaments. Le financement, additionnel par les communautés _ il n'est officiellement pas alors question pour les états de se désengager _ va de pair avec une participation communautaire accrue ; celle-ci va se traduire par la mise en place de comités communautaires de (co-)gestion des centres de santé dans de très nombreux pays africains. L'idée est aussi, comme des expériences antérieures à Bamako l'avait déjà avancé, de fournir une meilleure interface entre soignants et soignés. Sur le terrain, le rôle de (co-)gestionnaire accordé à la communauté et à son comité de santé se confond néanmoins avec une autre participation communautaire moins habilitante, celles des agents de santé communautaires et autres héritiers des « docteurs aux pieds nus » de la Chine maoïste. Souvent mis en place par des programmes verticaux, ils sont un instrument pour toucher la communauté en son cœur, la plupart du temps sur des questions de sensibilisation aux maladies. Dans bien des expériences nationales, la distinction entre cette participation qui est une forme de prestation de services déléguée à des membres de la communauté et la participation à la co-gestion promue par l'IB restera peu claire ; cette confusion reflétant en partie le débat des deux dernières décennies sur la participation soit comme une fin en soi, soit comme un moyen. Le bon contenu de la participation communautaire sera une des questions que nous explorerons dans la série d’interviews à venir. Ecrivant  ce texte depuis Bukavu en République Démocratique du Congo, où les membres de comités de développement sanitaires  sont à la fois des relais communautaires  et des co-gestionnaires, je crois en effet que la question a une pertinence bien au-delà des sphères académiques ou d’un clivage idéologique.

Question 2 : Quelle intégration dans le contexte politique ?

Avant l’IB, ce furent plutôt les pays non-alignés et sympathisants socialistes qui furent les pionniers de la participation communautaire (Tanzanie, Kenya, Inde, etc.). L’IB s’inscrivait du reste dans la continuité de la Déclaration d’Alma Ata, qui reste une surprenante adhésion des pays du monde en entier à une philosophie politique marquée par l’expérience du socialisme décentralisé « à la chinoise » (responsabilisation des communautés locales villageoises à gérer leur santé) (2).  

Mais l’IB est aussi l’enfant du Consensus de Washington, de la « nouvelle gestion publique », de la « bonne gouvernance » et du respect des mécanismes de marché. Le concept semble avoir profité d’un espace relativement large sur le spectre politique des praticiens du développement international : depuis les héritiers de Mai 68 jusqu'aux tenants du retour libéral Reagan/Thatcher des années 1980, depuis les ONG communautaires locales jusqu'à la Banque Mondiale.

Dans les années qui suivirent, le débat mentionné plus haut sur la nature de la participation communautaire (habilitante ou instrumentale) a certes eu lieu dans certains cercles (académiques), mais on peut surtout observer qu’à la suite de l’IB, c'est un même type de “comités de santé” qui est mis en place un peu partout en Afrique. De façon surprenante, la dimension (nécessairement?) politique de la participation citoyenne à la gestion de services sociaux de base que sont les soins de santé, a souvent été peu abordée.

Depuis 1987, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts : la décentralisation mais aussi la démocratie ont largement progressé en Afrique. Dans nos interviews à venir, il nous faudra certainement étudier comment la participation communautaire - comme proposition parfois technocratique - s’inscrit dans un contexte de mobilisation sociale, politique et économique au niveau local. Quelle partie de la population est inclue dans ce genre de stratégies ? Quelles sont les articulations avec les scènes politiques locales et nationales ?

Question 3 : Nouvelles politiques de santé, nouvelles formes de participation?

Si la participation communautaire n'a pas exactement satisfait toutes les attentes des participants de la conférence de Bamako, confrontée à de nouvelles politiques de santé, elle a aussi évolué. Certaines sont, comme l'a été l’IB en son temps, porteuses de grands espoirs pour l'amélioration des services de santé et l'accès aux soins.

Les initiatives de financement basé sur la performance questionnent ainsi la place des acteurs communautaires. Peuvent-ils être contractualisés pour une série de tâches de vérification des résultats ou de prestation? Ou la « communauté » devrait-elle, au contraire, être renforcée dans son rôle de co-gestionnaire proposé par l’IB,  par exemple pour constituer un garde-fou assurant que les performances et résultats correspondent aux besoins de la population? Comment s'assurer que la voix de la population continue à être transmise et entendue quand les incitants financiers tirent le système?

La gratuité des soins de santé à large échelle pose également de nouveaux défis. Si l’IB n'était pas limitée au recouvrement des coûts, elle a souvent été lue de la sorte. La prise en charge par les ménages d'une petite partie des coûts devait en effet permettre de développer les services et de favoriser l'accès (parfois via un système d’exemption pour certains bénéficiaires) à des traitements essentiels, notamment pour des groupes vulnérables identifiés par les comités de santé. Avec la gratuité, l’intérêt financier des membres des comités de santé dans la gestion du centre de santé disparait. Leur motivation pour participer ne risque-t-elle pas d’en être affectée?

La gratuité et le financement base sur la performance étant deux des politiques de santé en fort développement en Afrique, la série d'interviews tentera d’en apprécier les implications pour la participation communautaire dans la santé.

Question 4 : La redevabilité, un changement de paradigme?

Les 25 ans qui se sont écoulés correspondent aussi à des changements dans le langage en santé internationale (on dit même santé « mondiale » ou « globale » aujourd’hui). La rhétorique des acteurs a mis un peu de côté la « participation communautaire » pour lui préférer des termes tels que  la « redevabilité » et  la « transparence ». Ces concepts se marient volontiers avec “communautaire” ou “social” ; la question qui se pose est dès lors de comprendre comment l'esprit de la participation communautaire de l’IB se retrouve, ou non, dans la « nouvelle » notion de «  redevabilité vers le bas ». Plus concrètement, toute une nouvelle génération de politiques et de stratégies visant plus de « redevabilité sociale » dans la santé mais aussi au niveau d'autres services sociaux de base est en train d'apparaître (« balanced score cards », audit social, etc.). Ces stratégies impliquent-elles le même type de participation communautaire que celle prônée par l’IB? S'agit-il d'une version renforcée de la “participation communautaire” ou au contraire de son ersatz édulcoré?

Question 5 : Quid des développements du côté de la recherche ?

Parallèlement à tous ces développements en matière d’orientation, contextes, politiques de santé et stratégies, en 25 ans la recherche en matière de système de santé a évolué. Un nouveau champ de recherche semble s'ouvrir, avec des méthodes mixtes, qualitatives et quantitatives, qui tranchent par rapport aux approches ethnographiques et sociologiques qui avaient été appliquées à l'étude de la participation communautaire pré- et post-Bamako. « Que peuvent nous apprendre ces nouvelles méthodes de recherche? » et « quel est l'état de la recherche sur les mécanismes de participation communautaire? » constitueront le dernier angle d'approche de notre série.

C’est avec donc toutes ces cinq questions en tête, que nous donnerons la parole à des chercheurs et des praticiens de la participation communautaire. Avec propres réactions et commentaires, nous espérons ainsi mieux comprendre l'héritage de l’IB et le futur de la participation communautaire dans la santé. A bientôt.

Notes :
(1) C’est le sujet de la thèse de doctorat que je mène à l’Université d’ Oxford et c’est le thème central de différentes interventions menées dans l’Afrique des Grands Lacs, dont j’espère documenter l’impact prochainement.
(2) A posteriori, on peut deviner que les pays riches ne se contraignaient guère en signant un texte où les pays pauvres s’engageaient à confier aux communautés locales la gestion et le financement de leurs soins de santé.



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Il y a 25 ans, la Déclaration de Harare et l’Initiative de Bamako

8/8/2012

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                                                                    Bruno Meessen

Il y a 25 ans, les 3-7 août 1987, l'OMS organisait une réunion interrégionale à Harare. La réunion, qui s’inscrivait dans le fil de la conférence d’Alma Ata (1978) en faveur des soins de santé primaire, se clôtura par une déclaration aujourd'hui connue ( ou oubliée!) comme la Déclaration de Harare. Cet événement a marqué les systèmes de santé de nombreux pays pauvres en établissant le modèle du district sanitaire comme stratégie de référence pour organiser et développer les services de santé. Cette stratégie a été particulièrement structurante pour l’Afrique rurale.

Quelques semaines plus tard, l'UNICEF organisait une autre réunion à Bamako. Elle est passée dans l'histoire comme l'Initiative de Bamako. Son contenu est plus connu: elle marqua l’introduction (ou la formalisation) de la tarification des soins, celui de la participation communautaire dans la gestion des ressources, notamment les médicaments essentiels désormais vendus aux usagers.

Comme la très grande majorité des politiques, ces propositions reposaient sur des expériences pilotes ou des approches analogues déjà en place dans certains pays (par exemple, les « magasins-santé » du Mali pour ce qu’il en est du recouvrement des coûts ou sur l’expérience des zones de santé au Zaïre pour ce qui est de la stratégie du district sanitaire).

Vingt-cinq ans ont passé. La mondialisation et les nouvelles technologies de l’information ont profondément changé notre environnement à tous. L’Afrique des ajustements structurels des années 80 a laissé place à un continent en forte croissance économique. Certains pays réussissent à exploiter ce nouveau contexte pour apporter des changements majeurs à leur système de santé et à son financement. Le Rwanda a ainsi montré que l’objectif d’une couverture universelle n’était pas insensé. Mais le continent est loin d’être homogène. L’épidémie du VIH/SIDA ravage l’Afrique Australe. Pour la Corne de l’Afrique, l’Afrique Centrale et une fraction de l’Afrique de l’Ouest, ces vingt-cinq dernières années ont été affligées par les affrontements armés. Ces crises, ajoutées aux effets de la crise économique mondiale des années 80, ont été particulièrement nocives aux systèmes de santé. Beaucoup diront que les potions qui ont été administrées aux malades (programmes d’ajustement structurel, privatisation, introduction de la tarification des soins…) n’ont pas aidé ou ont eu, en tout cas, également des conséquences à long terme sur les systèmes de santé.

Dans les mois qui viennent, plusieurs communautés de pratique de « Harmonization for Health in Africa » (en 25 ans, les agences ont également pris conscience de la nécessité de mieux se coordonner!) vont collaborer pour mettre en place une réflexion collective sur la Déclaration de Harare et l’Initiative de Bamako. Plusieurs organisations ont déjà signifié leur volonté d’être partenaires dans cette entreprise (si vous travaillez pour une agence ou une organisation internationale et souhaitez nous aider, n’hésitez pas à nous contacter !). Comme nous, elles sont convaincues que les enjeux identifiés à Harare et Bamako il y a 25 ans restent d’actualité, même si une certaine mise à jour est à faire.

Nous espérons que ce processus pourra aboutir à un événement régional en 2013. D’ici là, notre intention est d’animer au mieux la réflexion via les différentes plateformes technologiques dont nous disposons, en particulier ce blog et nos groupes de discussion en ligne.

Ce texte est plus qu’une annonce de choses que nous allons produire. C’est avant tout un appel à vos propres contributions. Des plus modestes, comme la large diffusion des produits de nos débats et réflexions ou la participation à nos échanges, aux plus ambitieuses, comme la rédaction d’un article, d’un blog ou la conduite d’un interview.

En espérant pouvoir compter sur votre enthousiasme, bonne participation à tous !


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La population au Burkina Faso est de plus en plus exigeante : la relation soignant-soigné est l’enjeu central

1/23/2012

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Interview de Robert Kargougou, médecin de santé publique, Directeur Régional de la Santé du  Centre-Ouest au Burkina Faso par Bruno Meessen

Le 31 août 2011, une femme est morte en couche dans une maternité à Bobo-Dioulasso. Le lendemain, après son enterrement, la population exprimait son courroux face à la négligence de la sage-femme en brulant le centre de santé. Il n’est bien sûr pas de notre ressort de rendre un avis sur cet incident ou sur la façon dont il a été géré par le gouvernement burkinabé. Par contre, il m’a semblé intéressant de consulter un de mes anciens étudiants, aujourd’hui directeur d’une autre région sanitaire du Burkina Faso, pour comprendre les causes sous-jacentes de cette exaspération des usagers (voir notamment les commentaires des lecteurs en ligne du portail « Le Faso.net », qui est repris en hyperliens plus haut). Cet interview a eu lieu à Limbe, Cameroun, dans le cadre d’un atelier sur le Financement Basé sur la Performance.

BM : Robert, quelles sont, selon toi, les causes derrière cette exaspération de la population ?

RK : Je ne veux pas me prononcer sur le cas spécifique de Bobo, dont  je ne maîtrise pas les tenants et les aboutissants, mais il est vrai qu’au Burkina Faso, nous avons eu ces derniers temps, de façon éparse, des réactions violentes des populations à l’endroit des services de santé.

Une hypothèse serait que les populations sont de plus en plus exigeantes vis-à-vis des prestations qui leurs sont offertes et qu’il y a un problème de réactivité des services de santé à leur endroit. Mon expérience personnelle me laisse penser que les populations sont désormais très sensibles à la qualité humaine des soins et en particulier dans leur aspect de la relation entre prestataire et usager. Nous, agents de santé, nous n’avons pas été préparés à cela. Nos formations étaient centrées sur la biomédecine, la communication entre soignant et soigné ne recevait pas l’attention qu’elle mérite. Il y a un décalage entre les services que le personnel peut offrir, au vu de sa formation, et la demande des populations portée vers plus de dignité, de respect pour leurs besoins et souffrance.

BM : Ceci semble indiquer un besoin de revoir certains aspects dans le curriculum de formation du personnel soignant. Mais dans l’immédiat, y a-t-il des pistes d’actions ? Du côté de la population, du personnel ? Qu’avez-vous fait dans votre région ?

RK : Je voudrais tout d’abord dire que la violence n’est certainement pas la réponse à ce genre de situation. Au Burkina Faso, nous sommes dans un système démocratique. Il est possible d’interpeler pacifiquement les services publics. La violence n’est pas la façon la plus efficace pour obtenir plus de réactivité de la part des prestataires de soins.

Dans notre région, nous essayons de travailler du côté de la demande et de l’offre.

Du côté de la demande, nous allons travailler sur des mécanismes favorisant des interpellations plus citoyennes. Nous avons notamment convoqué une réunion, sous l’égide du gouverneur de la région, réunissant les différentes personnes-ressources au niveau régional. Du côté de l’administration étaient présents le gouverneur, les hauts-commissaires de province, certains maires. Au niveau de la communauté, nous avions convié tous les chefs-coutumiers de notre ville – ils ont encore un poids important dans notre société. Nous avons aussi associé la société civile, notamment les jeunes, les associations de femmes, bien sûr les représentants provinciaux du syndicat des travailleurs de la santé – qui est un syndicat très représentatif dans le secteur de la santé – la section provinciale du mouvement des droits de l’homme et des peuples et les autorités religieuses. Les ordres professionnels, qui ont un rôle important dans la régulation des prestations, ont aussi été associés ; il s’est agi de l’Ordre des Médecins, l’Ordre des Infirmiers et l’association régionale des sages-femmes. Lors de la réunion, nous avons passé le message suivant : un agent de santé qui n’est pas dans de bonnes dispositions psychologiques pour travailler ne peut pas donner toute la mesure de sa science ; il faut éduquer d’avantage les populations ; elles peuvent faire des interpellations, mais il faut respecter les droits, l’intégrité et la sécurité des agents de santé.

Mais nous avons aussi reconnu que du côté de l’offre, la qualité des soins est à revoir. Ceci rejoint un combat personnel. Depuis mon retour de l’Institut de Médecine Tropicale, je me bats pour mettre en place ce que l’on appelle l’approche centrée sur le patient. Nous avons organisé une formation pour les équipes-cadres. Il faudrait passer à l’échelle auprès du personnel de santé.

Mais il nous faut aussi travailler sur les structures d’interface entre les populations et les formations sanitaires – je pense en particulier aux comités de gestion. Grâce à la dynamique actuelle de décentralisation, nous pouvons travailler sur cet axe également. Un nouveau texte porte sur la mise en place des comités de gestion ; il prévoit au niveau de ces derniers une place pour les conseils municipaux. Le gouverneur de notre région a décidé de renouveler très rapidement les comités de gestion, beaucoup de mandats sont en effet dépassés ; il n’y avait plus d’interface efficace au niveau des centres de santé. Le gouvernement a aussi pris un arrêté conjoint à plusieurs ministères. Ce dernier met en place un comité de gestion au niveau de l’hôpital de district. Avant, il n’y avait pas d’interface à ce niveau. Le gouverneur de région a décidé qu’il fallait rapidement mettre cela en place dans les districts de la région. Ces interfaces devraient améliorer la qualité du dialogue. 

Le gouverneur a aussi insisté à ce que les assemblées générales soient tenues. Normalement, elles devraient se tenir deux fois par année. Ça devrait être un moment fort où les usagers se font faire le bilan physique, financier et de fonctionnement du centre de santé. Ces assemblées générales ne sont pas toutes tenues ; si elles se tiennent, la qualité de la représentation des populations n’est pas satisfaisante. Les associations de femmes et jeunes, les chefs coutumiers doivent être associés.

Après la réunion, le gouverneur avec l’ensemble des participants, a été dans un centre de santé pour encourager le personnel de santé et les rassurer. Ce sont là les pistes de solution adoptées au niveau régional.

BM : Je sais que ta région est une des régions pilotes pour le financement basé sur la performance (FBP) au Burkina Faso. Le FBP a-t-il un rôle à jouer dans la résolution de ce type de problème ?

RK : Oui, le FBP pourrait aussi aider, car il est centré sur la qualité des prestations. Il va aussi permettre aux prestataires d’être dans de bonnes conditions de travail et être plus réactifs : 30% des revenus du FBP seront réservés au centre de santé, le reste pourra motiver les agents de santé. Par ailleurs, au Burkina Faso, le montage prévoit d’impliquer les collectivités  territoriales. Cela devrait aussi contribuer à améliorer la qualité des relations entre les usagers et les services de santé. Le FBP va libérer le personnel et leur permettre d’offrir des services de qualité. Les agents mettront certainement en œuvre des stratégies pour attirer la population et la satisfaire. Le FBP est dès lors une des réponses au problème actuel.

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